Pied creux idiopathique
Définitions et étiologie
Le pied creux se définit par l’accentuation de la concavité plantaire avec rapprochement des appuis plantaires antérieurs et postérieurs. Cette déformation est mesurée sur des clichés radiologiques en charge de profil par l’angle de Djian et Annonier [1]. Le pied est considéré comme creux lorsque cet angle est inférieur à 120° (figure 1). La simplicité de cette définition contraste avec la complexité physiopathologique de cette déformation.
Le pied creux idiopathique est très majoritairement de type antérieur et direct, caractérisé par une déformation exclusivement dans le plan sagittal sans varus de l’arrière-pied [2]. Une déformation à prédominance antéromédiale avec varus calcanéen (pied creux varus ou pied creux antéromédial) est exceptionnellement observée et doit imposer un bilan neurologique approfondi ; elle sera alors prise en charge comme un pied creux neurologique (voir le chapitre « Pied de la maladie de Charcot-Marie-Tooth », page 187).
Cette définition trouve ses limites dans les moyens mis en œuvre pour rechercher une étiologie neurologique, et il est probable que de nombreux pieds creux ont été classés comme idiopathiques à défaut d’un bilan approfondi, comme l’ont démontré de nombreux auteurs [3–6].
Pour ces raisons, il est difficile d’évaluer précisément la part des cas idiopathiques parmi les pieds creux, bien qu’elle soit fréquemment évaluée entre 10 et 30 % dans la littérature [7].
Types anatomocliniques
L’une des caractéristiques du pied creux idiopathique est son caractère principalement direct et antérieur, comportant une déformation exclusive dans le plan sagittal liée à une verticalisation de l’ensemble de la palette métatarsienne sans retentissement sur l’axe frontal de l’arrière-pied, qui conserve un valgus physiologique dans la plupart des cas [8,9]. Le creux antérieur intéresse à parts égales l’arche médiale et l’arche latérale sans troubles de la pronosupination de l’avant-pied (figure 2).
Une forme plus rare est représentée par le pied creux valgus, qui comporte une pronation calcanéenne amenant à une surélévation de l’arche latérale et à une supination de l’avant-pied [10].
L’apex de la déformation se situe fréquemment en regard de l’articulation tarsométatarsienne [11]. Le cavus antéropostérieur peut être accompagné d’une exagération de la concavité transversale de l’arche antérieure, réalisant alors un avant-pied creux constituant le « pied tripode ».
Physiopathologie
Les mécanismes physiopathologiques du pied creux sont variables, discutés et parfois contradictoires, incriminant fréquemment une asynergie des muscles plantaires et dorsaux [12,13].
Schnepp [14] explique la progression du pied creux essentiel par une croissance osseuse plus rapide que celle de la corde plantaire. La voûte osseuse ainsi bridée augmente de courbure vers le haut. L’horizontalisation du talus qui en résulte conduit à une insuffisance du muscle tibial antérieur que tentent de compenser les autres fléchisseurs dorsaux, conduisant à une hyperextension métatarsophalangienne et à un défaut d’appui pulpaire des orteils.
Ces griffes vont majorer l’appui sur les têtes métatarsiennes, accentuant la pente métatarsienne et conduisant ainsi à un cercle vicieux [15]. Initialement, la déformation est réductible et la croissance s’accompagne d’une « cunéiformisation » des os de la voûte qui, conjointement à la brièveté des parties molles plantaires, aboutit souvent à l’irréductibilité du cavus vers l’âge de 16 à 18 ans.
Examen clinique
Chez l’adulte
L’excès d’appui antérieur se traduit par des métatarsalgies d’appui s’accompagnant de durillons, soit médians en cas d’avant-pied rond, soit sous les 1re et 4e ou 5e têtes métatarsiennes en cas d’avant-pied creux (pied tripode) [figure 3]. Des talalgies postérieures peuvent accompagner la découverte d’un durillon talonnier, signant la participation postérieure. On s’attache à rechercher des griffes d’orteils et à tester leur réductibilité ; une hyperkératose sur la face dorsale des articulations interphalangiennes proximales traduit le conflit avec la chaussure. On peut retrouver une bosse au sommet de la déformation dont la saillie peut être responsable de douleurs de nature conflictuelle. L’examen clinique apprécie les mobilités articulaires et la tension de l’aponévrose plantaire en mettant la cheville en position neutre et en exerçant une hyperflexion dorsale des orteils. Enfin, on confirme l’absence de varus calcanéen et l’éventuelle présence d’un valgus de l’arrière-pied dont on appréciera la réductibilité [9]. L’empreinte podoscopique permet d’objectiver une diminution de la largeur de la bande isthmique (type 1), une interruption de cette bande (type 2), voire sa disparition complète (type 3), et confirme le défaut d’appui pulpaire [10].