Synostoses congénitales des os du tarse
Introduction
La diversité des tableaux cliniques [1] que peuvent revêtir les CT explique qu’un certain nombre d’entre elles ne se révèlent qu’à l’âge adulte. Le tableau classique du pied valgus contracturé et douloureux est la forme type chez l’enfant et l’adolescent. Il n’échappe que rarement au diagnostic dans la deuxième décennie. Les autres formes incomplètes, non douloureuses, sans ou avec peu de troubles statiques, ne sont bien souvent symptomatiques que chez l’adulte dans la troisième ou quatrième décennie.
Étiologie
Dans une première hypothèse, les synostoses pourraient résulter de l’incorporation d’osselets accessoires tarsiens (ossicule de la petite apophyse du calcaneus, os trigone…) aux os normaux adjacents. La constatation de coalitions chez le fœtus, le caractère souvent héréditaire, une perturbation dans la formation embryologique de la cavité articulaire ont fait abandonner cette théorie [2].
Le rôle d’un défaut dans la segmentation mésenchymateuse des os du tarse est l’hypothèse actuellement retenue. La segmentation normale des os du tarse s’effectue sur une longue période. À la 9e semaine, on retrouve un pont chondral entre les os du tarse postérieur dans 27 % des cas, alors que ce taux n’est que de 5 % à la 21e semaine [3]. Il est probable qu’à la naissance, certains nouveau-nés n’ont pas fini cette segmentation.
Le caractère héréditaire est retrouvé dans plusieurs observations familiales. L’étude de Léonard [4] sur les familles de 31 cas de coalitions symptomatiques a montré que 39 % des 98 proches parents avaient une coalition sans différence significative selon leur sexe. Cela suggère une transmission autosomique dominante proche d’une pénétrance totale. Il ne semble pas y avoir de différence dans l’hérédité des divers types de coalition.
Formes anatomocliniques
Coalitions calcanéonaviculaires
La coalition siège entre le bord latéral du naviculaire et la grande apophyse du calcaneus (figure 1). Les formes complètes présentent un pont osseux continu, les formes incomplètes autorisent une discrète mobilité. On en rapproche le « bec calcanéen trop long » (figure 2) décrit par Pouliquen et al. [5] avec le processus antéromédial de la grande apophyse calcanéenne qui passe entre tête du talus et cuboïde sans fusion osseuse ou cartilagineuse. Lors d’un mouvement d’inversion forcé, il peut entrer en contact avec le naviculaire et reproduit alors les symptômes d’une CCN.
Coalitions talocalcanéennes
Le pont se trouve entre talus et calcaneus, au niveau du bord médial de l’articulation sous-talienne (figure 3). Ce pont plus ou moins étendu peut concerner la facette articulaire portée par la petite apophyse du calcaneus, ou la surface thalamique à sa partie postérieure réalisant une forme clinique particulière en varus [6]. Harris [2] a décrit quatre types selon que le pont est complet, partiel ou qu’il persiste un hiatus cartilagineux ou fibreux, et deux formes rudimentaires dans lesquelles seule la portion talienne ou calcanéenne du pont est présente. Les coalitions de la facette antérieure sont exceptionnelles.
Pathomécanique
La perte des mouvements en éversion-inversion est responsable [8] de l’aplatissement de la voûte plantaire conduisant à un raccourcissement adaptatif des tendons fibulaires (pied plat contracturé) et d’adaptation morphologique au niveau du talus réalisant au maximum le classique talus en dôme (« ball and socket »). La perte des mouvements en flexion-extension retentit sur la talonaviculaire, avec apparition d’un conflit entre le naviculaire et le bord antérosupérieur de la tête du talus. Les forces de traction sont augmentées au niveau de la capsule et des ligaments, conduisant à la déformation en nez de fourmilier ou « talar beaking ».
Clinique
Chez l’enfant
Les crises de contractures ou spasmes des muscles fibulaires peuvent être un mode de révélation réalisant l’aspect du pied plat valgus contracturé [9]. Le pied est déformé en plat valgus avec un avant-pied en abduction. Il existe une contracture élective des fibulaires souvent associée à une contracture de l’extenseur commun des orteils dont les tendons saillent sous la peau. Le complexe articulaire sous-talien est totalement bloqué. Ces crises de contracture émaillent l’évolution des CT : intermittentes, déclenchées par un effort physique ou plus ou moins permanentes. La pathogenèse de ces spasmes est discutée : contraction réflexe lors d’un mouvement d’inversion du pied (entorse latérale) ou raccourcissement musculaire secondaire à la déformation du pied. Les CT représentent la cause la plus fréquente mais non exclusive du pied plat valgus contracturé. Il faut éliminer les autres étiologies plus rares (inflammatoire, infectieuse ou traumatique).