18 Chirurgie du nez
Introduction
Le nez, promontoire exposé aux radiations ultraviolettes, est une localisation anatomique très fréquente des carcinomes cutanés. Son anatomie complexe marquée par des reliefs, des sillons et bordée par des orifices, constitue le challenge chirurgical majeur au niveau de la face. Les pertes de substance générées y sont réparées soit en unité par une autoplastie prise sur le nez lui-même, soit à partir de zones donneuses contiguës en dehors de l’unité que sont la joue et la glabelle. Le front permet également de lever des lambeaux à distance à pédicule transitoire que nous excluons de notre propos.
Lecture anatomique
Le nez est constitué d’un squelette osseux avec le processus montant du maxillaire et les os propres du nez et d’un squelette cartilagineux avec le septum nasal, les cartilages triangulaires et alaires (Figure 18.1). Les cartilages alaires réunis forment le dôme alaire qui arme la pointe du nez. La couverture de ce squelette est assurée par les muscles peauciers superficiels et le SMAS nasal qui est un élément fibreux mobile sur le plan ostéocartilagineux enveloppant les muscles peauciers et adhérant en bas au périchondre des cartilages alaires [1].
La vascularisation artérielle est classiquement assurée par les branches de l’artère faciale qui remonte jusqu’au canthus où elle devient l’artère angulaire. Elle donne sur son trajet des collatérales importantes telles l’artère sus-alaire et l’artère dorsale paramédiane (Figure 18.2). Elle s’anastomose à plein canal avec l’artère nasale, branche terminale de l’artère ophtalmique. Il existe cependant une variante anatomique où l’artère faciale se termine par l’artère de l’aile du nez et constitue, avec l’opposée, l’arcade de l’aile du nez [2]. Une riche collatéralité artérielle assure la vitalité des nombreux lambeaux utilisés. La vascularisation veineuse se fait par les branches de la veine faciale, satellite de l’artère.
Lecture chirurgicale
L’opérateur doit en premier lieu analyser la morphologie globale du nez dont il existe différents types : nez court et trapu, long et effilé, retroussé ou à pointe tombante (Figure 18.3). Cette analyse morphologique est essentielle car une reconstruction peut être indiquée pour certaines anatomies mais pas pour telle autre. La notion de sous-unités esthétiques du nez a été décrite par Burget [3, 4]. En effet il décrit au niveau du nez des zones de réflexion de la lumière, entourées de zones d’ombre, où peuvent avantageusement être placées les cicatrices pour une moindre visibilité. Le nez peut être ainsi subdivisé en cinq sous-unités : le dorsum, l’auvent nasal, la pointe, l’aile narinaire et la columelle (Figure 18.4).
Le massif nasal s’étend entre les yeux et les narines, orifices avec des bords libres déformables. En effet en haut les tarses palpébraux inférieurs et en bas les bords libres narinaires peuvent subir des déformations préjudiciables en cas de tensions dans un axe inadéquat, pouvant entraîner des complications majeures comme un ectropion ou une déformation narinaire. La pointe étant la zone la plus mobile, il faudra veiller à ne pas y exercer de traction oblique qui se solderait par une ouverture narinaire unilatérale asymétrique inesthétique et une déformation narinaire irréversible (Figure 18.5). Il est donc impératif de respecter deux axes de tensions dans les reconstructions nasales : un axe horizontal pour absorber les tensions jugales sans retentir sur les orifices oculaire et narinaire [5] et un axe vertical symétrique (Figure 18.5). En cas de pointe tombante, une traction verticale symétrique permet de remonter légèrement la pointe avec un effet bénéfique de rajeunissement.
Enfin au niveau de l’aile narinaire il existe un point de moindre résistance à la jonction entre la partie haute de l’aile, armée par le cartilage alaire, et la partie basse de l’aile constituée par du tissu fibroconjonctif. Ce triangle mou décrit par Converse est un point faible qui peut marquer une encoche en cas de lambeau trop court (Figure 18.6) ou favoriser une déformation invaginante (Figure 18.7). Un phénomène de compression à ce niveau, notamment par l’appui d’un lambeau étiré, entraîne une gêne respiratoire fonctionnelle par effet valve.
Réparations en unité
Cicatrisation dirigée
La cicatrisation dirigée est la méthode de réparation la plus simple qui a pour but de favoriser le bourgeonnement du fond de la PDS et d’obtenir une cicatrisation spontanée par réépithélialisation, à partir des berges de la PDS. La cicatrisation dirigée est souvent longue et les soins locaux doivent être adaptés nécessitant un suivi attentif. Si le résultat est parfois aléatoire, elle trouve néanmoins de bonnes indications dans deux localisations préférentielles : le canthus interne et le pied de l’aile narinaire. Cette technique s’adresse à des PDS de petite taille. La rétraction cicatricielle peut être à l’origine de brides ou de déformation d’un bord libre contre-indiquant cette technique à proximité du rebord narinaire.
Exérèse suture simple
Quelques exérèses avec sutures par simple rapprochement sont envisageables au niveau des zones donneuses intranasales, sur le dorsum, la glabelle, la pointe et l’auvent (Figure 18.8). Le fuseau doit être dessiné avant l’infiltration anesthésique et son grand axe est fonction des lignes de moindre tension. Le fuseau est horizontal au niveau de la racine du nez, dans les rides naturelles, vertical et effilé au niveau du dorsum, oblique au niveau de l’auvent (Figure 18.9) et perpendiculaire au bord libre de la narine au niveau de l’aile narinaire. Le fuseau est vertical au niveau de la pointe du nez mais il peut être également horizontal avec des triangles de Burow obliques donnant un procédé d’exérèse suture en aile de mouette (Figure 18.10). Cette technique n’est envisageable que lorsque le lobule est hypertrophique et tombant et le risque d’ascension de la pointe nasale doit être anticipé et maîtrisé.
Réparations par lambeau en unité
Le principe des réparations en unité intranasale est de reporter en périphérie de l’unité esthétique du nez une PDS de forme généralement ronde non suturable directement. Plusieurs mouvements tissulaires peuvent être alors envisagés. Le mouvement de rotation reporte la PDS sous la forme d’une PDS secondaire de forme différente, effilée, en zone de laxité où elle pourra être fermée par simple rapprochement. L’axe de fermeture de la PDS secondaire est parallèle au bord orificiel. L’autre mouvement efficace est l’avancement par un transfert de la PDS au pied du lambeau en zone mobile comme la glabelle, le dorsum ou l’auvent nasal. La combinaison des deux mouvements donne un mouvement de rotation avancement qui constitue la base de la palette des lambeaux utiles sur cette zone [6]. Ces lambeaux sont très proches les uns des autres et se différencient par le positionnement du VY et du back-cut. Enfin le troisième mouvement majeur est la transposition qui permet un transfert cutané d’une unité anatomique à une autre par enjambement, et une maîtrise de l’axe de tension.
Lambeaux nasoglabellaires
Lambeau nasoglabellaire de rotation
C’est un lambeau de rotation qui mobilise l’ensemble de la couverture nasale en remontant jusque dans la glabelle pour réparer les PDS médianes et paramédianes de la pointe [7, 8]. Le pédicule est homo ou controlatéral selon la position de la PDS. Le point pivot de la rotation est canthal interne, avec un vecteur de rotation constant, allant du point pivot au point le plus éloigné de la PDS. Ce vecteur est reporté jusque dans la joue pour tracer le lambeau. Ce lambeau répare une PDS de la pointe en ouvrant deux PDS secondaires en zones donneuses paranasales, une longue et effilée jugonasale et une glabellaire (Figure 18.11). La PDS nasogénienne est refermée par avancement jugal dans un axe horizontal et la PDS glabellaire également par rapprochement horizontal. Au niveau du nez, la dissection est profonde, effectuée dans le plan sous-musculaire au contact périosté et périchondral. La dissection devient plus superficielle au niveau du canthus et de la glabelle mais reste sous-musculaire au niveau du canthus pour préserver l’artère angulaire qui assure une partie du pédicule vasculaire. En réalité, la vascularisation du lambeau est assurée par les collatérales de l’artère faciale sur toute l’étendue de l’héminez allant de la PDS au point pivot. L’importance du décollement nécessite une hémostase rigoureuse et la mise en place d’un pansement compressif associé à un méchage endonarinaire. La fermeture cutanée est effectuée en deux plans. L’oreille de rotation formée lors de la mise en place du lambeau est corrigée dans un plan superficiel, uniquement cutanée.