23 Chirurgie du cuir chevelu
Lecture anatomique
Différents plans du cuir chevelu
Le cuir chevelu est remarquable par l’existence des cheveux qui recouvrent toute sa surface, de 500 à 700 cm2, qui s’étend sur l’ensemble de la convexité crânienne, limitée en avant par le front, latéralement par les pavillons auriculaires et en arrière par la nuque. Il est caractérisé par son épaisseur et sa rigidité. Les bulbes pileux prennent naissance à la jonction dermohypodermique, zone qu’il faut éviter de traumatiser lors de l’hémostase et de la réalisation des sutures car à l’origine d’alopécies transitoires et parfois définitives (Figure 23.1).
Galéa
Prolongement du plan musculoaponévrotique occipitofrontal, elle est constituée de plusieurs feuillets : la lame suprapériostique, la lame sous-épicrânienne, l’aponévrose épicrânienne et la lame sus-épicrânienne. C’est sur cette dernière que s’insèrent les muscles occipitofrontaux, auriculaires supérieurs et antérieurs constituant ainsi la continuité avec le système musculoaponévrotique superficiel du visage [1]. Sa rigidité particulière limite les techniques usuelles d’exérèses sutures à de petites pertes de substance.
Espace de merckel
Il se trouve sous la galéa, constituant un espace de glissement avasculaire, alvéolaire, fondamental car facilement clivable et qui va permettre le décollement du cuir chevelu et la réalisation des lambeaux (Figures 23.1 et 23.2).
Vascularisation
La vascularisation artérioveineuse est richement anastomotique, de type périphérique et située dans des feuillets sus-aponévrotiques. Trois grands axes vasculaires, frontal, temporal, occipital convergent vers le vertex, avec de fortes anastomoses entre eux (Figure 23.3). Ces axes vasculaires proviennent du système artérioveineux temporal superficiel pour les branches frontale et temporale et du système occipital pour les branches postérieures. Les gros vaisseaux cheminent au-dessus de la galéa (lame porte-vaisseaux), et alimentent un deuxième réseau anastomotique : le plexus vasculaire dermique superficiel dense qui nourrit les bulbes pileux. La connaissance de ces deux niveaux vasculaires est importante pour la gestion de l’hémostase et l’orientation des pédicules des lambeaux. La richesse anastomotique de ce réseau vasculaire est telle qu’il est classiquement dit qu’une seule artère et notamment l’artère temporale superficielle suffit à vasculariser l’ensemble du cuir chevelu.
Innervation
L’innervation du cuir chevelu, exclusivement sensitive, suit les mêmes orientations ascendantes et convergentes que le réseau vasculaire. Les différents nerfs proviennent du trijumeau et du plexus cervical superficiel. Les plus intéressants à connaître pour la réalisation d’anesthésies locorégionales sont : en avant les deux branches frontales internes et externes, latéralement le nerf zygomatico-temporal et le nerf auriculotemporal, et en arrière le rameau méningé du nerf ophtalmique issu de C2 qui devient sous-cutané un peu en dehors de la protubérance occipitale externe, ainsi que les rameaux des 3e nerfs cervicaux qui sortent plus en dedans (Figure 23.4).
Particularités tumorales
Certaines tumeurs sont spécifiques ou très fréquentes au niveau du cuir chevelu comme les tumeurs bénignes épithéliales (Figure 23.5).
Fig. 23.5 Particularités tumorales.
A. B. Loupe et kyste trichilemmal proliférant. C. Nævus sébacé. D. Métastase.
La pathologie carcinologique, essentiellement rencontrée en zone alopécique, est dominée par les kératoses actiniques et les carcinomes épidermoïdes parfois très agressifs. La décision chirurgicale d’ablation d’une kératose actinique en voie de transformation se fera devant une résistance aux traitements locaux, et les critères IDRBEU [2–4] : induration/inflammation, diamètre > 1 cm, rapide augmentation de taille, bleeding (saignement), érythème, ulcération. Le caractère peu mobilisable d’un carcinome épidermoïde par rapport au plan profond et une taille>2 cm imposent une exploration radiologique pour documenter une atteinte profonde de la corticale osseuse par scanner ou IRM.
Les tumeurs sous-aponévrotiques sont rares, les lipomes [5] se trouvant essentiellement en périphérie du cuir chevelu au niveau du front ou de la nuque. Il faut penser à une méningocèle au niveau du vertex chez un sujet jeune.
Il ne faut pas oublier les métastases à distance de carcinomes viscéraux s’exprimant sous la forme de nodules multiples douloureux du cuir chevelu (Figure 23.5C), et l’hémangioendothéliome malin du sujet âgé formant au début une plaque rouge violacée rapidement extensive.
Lecture chirurgicale
Avant l’intervention
Évaluation de l’élasticité du cuir chevelu
L’examen clinique permet d’évaluer l’élasticité du cuir chevelu et donc d’orienter le choix des réparations (Figure 23.6). La mobilité est plus importante dans la région pariétale sus-auriculaire pour des raisons anatomiques de glissement sur l’aponévrose temporale [6], mais aussi dans la région nucale par l’absence de la galéa. Le caractère fibreux de la galéa et ses adhérences avec le périoste expliquent en partie les grandes variations d’élasticité du cuir chevelu ; elle est le principal frein à l’étirement tissulaire. D’autre part les variations de la forme du crâne humain et son caractère convexe nécessitent un surdimensionnement de la taille des lambeaux [7].