11 Chirurgie cutanée de l’enfant
Particularités de la chirurgie cutanée chez l’enfant et implications techniques
Trophicité cutanée de l’enfant
Le nouveau-né présente une grande élasticité cutanée associée à « un excès de peau » physiologique qui persiste dans les premiers mois de vie. Ceci est particulièrement vrai au niveau des zones de tension habituelle que sont le cuir chevelu, les membres inférieurs, les membres supérieurs. Les premiers mois de vie sont donc une période idéale pour faire l’exérèse de grandes lésions sans utiliser de techniques complexes comme greffe cutanée ou expansion cutanée (Figure 11.1 et 11.2).
Cicatrisation de l’enfant
La peau de l’enfant présente de nombreuses particularités qui vont influencer sa cicatrisation [1]. Tout d’abord, elle est fine et fragile et pour obtenir de bonnes cicatrices, il est souhaitable d’éviter de traumatiser les berges de la plaie par des pinces à mors ou autre instrument agressif. Ensuite, le fascia superficialis est épais et solide, ce qui permet de réaliser un plan profond de bonne qualité. Par ailleurs, il n’y a pas de pilosité ni de phénomènes séborrhéiques jusqu’à la puberté, ce qui minimise considérablement le risque infectieux, même lorsque l’exérèse est très étendue ou lors de greffes cutanées.
La cicatrice va passer par les trois phases habituelles de son évolution :
Cependant, la durée de ces phases est variable en fonction de l’âge de l’enfant :
Implications techniques
On réalisera donc un ou plusieurs surjets intradermiques en boucle, en fonction de la longueur de la cicatrice, au fil monobrin non résorbable. Il faut prendre un grand soin à bien affronter les berges cutanées afin d’éviter des défauts cicatriciels qui, même chez le nourrisson, resteront définitifs (Figures 11.3 et 11.4).
En fonction de l’âge de l’enfant, ce surjet est laissé en place 7 à 10 jours.
Conditions d’exérèse et douleur
Dans la majorité des cas, l’intervention se fera donc sous anesthésie générale au bloc opératoire.
Dans le cuir chevelu, chez le nourrisson, on peut éventuellement utiliser des fils résorbables.
Plus tard, devant la tension des sutures au niveau du scalp, un surjet classique, avec fil de « détricotage » est utilisé (Figure 11.5).
Indications en fonction des lésions
Seuls les hémangiomes congénitaux et les pilomatricomes n’apparaissent que secondairement.
Nævus congénitaux
Indications chirurgicales
Les risques évolutifs sont essentiellement la dégénérescence et la mélanose leptoméningée.
Le risque de dégénérescence des nævus congénitaux reste très discuté mais il semble quand même proportionnel à la taille du nævus, aux alentours de 4 % pour un nævus géant [2].
La mélanose leptoméningée se rencontre généralement chez les enfants porteurs de nævus géant avec nombreux satellites. Elle peut parfois rester quiescente toute la vie sans aucune complication mais elle peut aussi devenir symptomatique avec hydrocéphalie, comitialité, dégénérescence. Le pronostic vital de ces mélanoses leptoméningées symptomatiques est mauvais avec un décès qui survient en quelques mois ou quelques années, malgré les traitements entrepris [3].
Lorsque l’on pense qu’un nævus, même de petite taille, doit être enlevé un jour, il est préférable de pratiquer ce geste le plus précocement possible, idéalement avant l’âge de 6 mois. La laxité cutanée, la qualité des cicatrices à cet âge permettent d’obtenir un meilleur résultat, avec des techniques beaucoup plus simples que dans le cas d’exérèse tardive. Bien sûr, certains nævus de forme allongée peuvent éventuellement échapper à cette indication précoce et peuvent être opérés à n’importe quel âge, parfois même sous anesthésie locale après l’âge de 10 ans (Figure 11.6).
Techniques opératoires
De nombreuses techniques peuvent être utilisées pour pratiquer l’exérèse de ces nævus congénitaux. Idéalement, l’exérèse doit être précoce, complète, avec un bon résultat cosmétique.
Techniques palliatives
Certaines équipes ont proposé des techniques qui ont pour simple but de dépigmenter le nævus, comme curetage néonatal (Figure 11.7) [4].
Les méthodes de dermabrasion, de laser dépigmentant présentent deux inconvénients majeurs, tout d’abord elles laissent en place une grande quantité de cellules næviques ce qui, en particulier dans les nævus géants, ne diminue que peu le risque carcinologique et ensuite, le résultat cosmétique est souvent de qualité médiocre, avec une repigmentation secondaire quasi constante (Figure 11.8).
Techniques radicales
Exérèse simple
C’est la technique la plus utilisée pour les petits nævus et les nævus de taille moyenne enlevés précocement. Dans la majorité des cas, un simple ce fuseau suffit avec ou sans création de lambeau glissement, pour faire une exérèse suture. Pour éviter un effet en bateau, il est souhaitable de conserver la graisse sous-cutanée en regard du nævus pour garder un relief à la partie médiane du fuseau (Figure 11.9).
L’hémostase est faite à la pince bipolaire. Les points sous-cutanés au résorbable seront noués vers la profondeur afin d’éviter les granulomes postopératoires et un surjet intradermique en boucle au fil non résorbable est réalisé (Figure 11.10).
Là encore, il est conseillé de réaliser ces gestes avant l’âge de 6 mois.
Expansion cutanée
Le principe en est simple, un expandeur est inséré en sous-cutané à proximité du nævus, et après gonflage progressif, le gain de peau obtenu permet d’enlever tout ou partie de la lésion [5].
Les lambeaux ainsi créés comportent un pannicule adipeux, une vascularisation et une innervation normales. Le procédé peut être répété mais il faut savoir qu’à chaque nouvelle expansion le gain de peau diminue de 50 % [6].
Le nombre, la taille et la forme des prothèses sont décidés lors de la première consultation.