16. Aspects étiologiques des troubles de la personnalité
Les difficultés occasionnées par les troubles de la personnalité concernent également les maladies somatiques en raison des problèmes d’observance qu’ils déterminent et en particulier toutes les maladies qui réclament des mesures d’hygiène ou des régimes (maladies cardio-vasculaires, diabète, asthme, etc.), d’où l’importance des mesures éducatives qui sont les seules à pouvoir permettre des gains notables dans la prise en charge de ces maladies chroniques. Ceux de la pharmacothérapie sont amoindris par les facteurs d’observance négatifs, parmi lesquels les troubles de la personnalité occupent une place prépondérante, sinon la première.
Problèmes méthodologiques
La classification DSM, par définition, se prête mal à la recherche étiologique car c’est une taxonomie phénotypique. Elle permet l’évaluation et la comparaison des symptômes, favorise les communications scientifiques mais n’intègre pas des données étiologiques susceptibles d’être pertinentes.
De surcroît, la pertinence des catégories diagnostiques est de plus en plus contestée. Les études génétiques ne parviennent pas à mettre en évidence une héritabilité des troubles de la personnalité définis de manière Héritabilitécatégoriellecatégorielle mais seulement une héritabilité des traits de personnalité définis de façon Héritabilitédimensionnelledimensionnelle. L’absence de pertinence des classifications catégorielles limite donc de façon notable l’intérêt des études d’épidémiologie descriptive des troubles de la personnalité.
L’épidémiologie étiologique appliquée aux troubles de la personnalité pose des questions encore plus complexes. Elle a pour but de rechercher les causes des problèmes de santé, le rôle des facteurs susceptibles d’intervenir dans l’apparition des maladies, et procède par comparaison de l’incidence de l’affection étudiée dans des groupes de sujets différemment exposés à ces facteurs.
Les Facteurs de risquefacteurs de risque incriminés dans les troubles de la personnalité sont les traumatismes précoces, notamment les maltraitances sexuelles et psychiques, les séparations et les pertes, l’existence d’une pathologie mentale chez les parents, les interactions parents-enfants perturbées telles qu’une inaffectivité ou une hyperprotection limitant l’autonomisation de l’enfant.
La validité de ces facteurs de risque potentiels est sujette à caution car ils reposent pour la plupart sur des enquêtes rétrospectives. La fiabilité de l’évaluation du rôle des événements de vie par des enquêtes rétrospectives est faible, en raison des biais attentionnels, émotionnels et mnésiques propres à chaque individu.
Les facteurs des risques ne deviennent étiologiques que lorsqu’ils précèdent le développement de la maladie et lui sont associés de façon permanente et spécifique. Or, corrélation ne signifie pas cause.
La probabilité de survenue d’une évolution pathologique est beaucoup plus élevée lorsque plusieurs risques s’associent pour produire une réaction en chaîne d’expériences traumatisantes, et lorsque celles-ci sont prolongées. Toutefois, les facteurs de risque psychologiques et sociaux sont d’autant plus pathogènes qu’ils surviennent sur un terrain fragilisé par une vulnérabilité biologique particulière (hérédité).
Facteurs biologiques et génétiques
L’étiologie biologique des troubles de la personnalité demeure globale et indirecte, aucune étude n’ayant pu saisir de façon claire et spécifique un risque pertinent attaché de façon régulière à l’une ou l’autre de ces entités cliniques. Les études génétiques fondées sur la méthode des jumeaux sont anciennes pour la plupart. Plus récemment, Kendler et coll. (2008), reprenant la population des jumeaux identifiés en Norvège de 1967 à 1979, ont réalisé une enquête efficace et précise. 2 794 jumeaux ont été examinés à l’aide du SIDP-IV. L’héritabilité des différents troubles de la personnalité a ainsi été évaluée. Elle est importante, variant entre 20 % pour la personnalité schizotypique et 40 % pour la personnalité antisociale. Cependant, on observe des corrélations croisées. Les auteurs distinguent ainsi plusieurs facteurs génétiques qui englobent plusieurs diagnostics, lesquels ne correspondent pas aux groupes A, B et C. Le premier facteur concerne les personnalités paranoïaque, histrionique et narcissique. On peut le considérer comme lié à une dérégulation émotionnelle. Le deuxième facteur rassemble les personnalités borderline et antisociale. Il rappelle les études familiales classiques consacrées à ces troubles. Il paraît lié à une impulsivité agressive. Le troisième facteur regroupe les personnalités schizoïde et évitante. Il pourrait s’inclure dans le voisinage du spectre de la schizophrénie. Enfin, un quatrième facteur, d’allure plus hétérogène, rassemble les personnalités schizotypique, obsessionnelle-compulsive et dépendante. Il pourrait être lié à un comportement dyssocial. Les auteurs rapprochent dans leur article ces facteurs de certaines dimensions du NEO-PI-R. Le deuxième facteur serait lié à un bas niveau de conscience et d’agréabilité, le troisième facteur à un bas niveau d’extraversion.