18. Antibiotiques
DONNÉES GÉNÉRALES
LA SENSIBILITÉ DES GERMES AUX ANTIBIOTIQUES
• L’antibiogramme permet d’apprécier le spectre d’activité de l’antibiotique en mesurant l’inhibition que produit l’antibiotique sur une souche bactérienne. Deux méthodes sont possibles :
– La méthode turbidimétrique consiste à mesurer l’opacité d’un tube où se trouve un milieu renfermant des germes et l’antibiotique à tester. Plus l’opacité est grande, plus l’activité de l’antibiotique est faible.
– La méthode de diffusion : sur un ensemencement de germes, réalisé dans une boîte de Pétri, on dépose des disques de papier filtre renfermant l’antibiotique à tester. L’apparition d’une auréole claire autour du papier filtre indique la destruction des germes par l’antibiotique. Les résultats s’expriment qualitativement et même quantitativement.
• La CMI ou Concentration minimale inhibitrice est la plus faible concentration d’antibiotique capable d’inhiber la croissance du germe. La CMI 50 est la concentration d’antibiotique qui inhibe 50 % des souches du germe étudié ; la CMI 90 correspond à une inhibition de 90 % du germe. Une souche est dite sensible lorsque la CMI est très inférieure aux taux sanguins d’antibiotiques obtenus avec un traitement à doses usuelles.
• La CMB ou Concentration minimale bactéricide est la plus petite concentration qui non seulement inhibe la croissance du germe mais également tue 99,99 % d’entre eux.
Selon leur spectre d’action, les antibiotiques sont classés en antibiotiques actifs surtout sur les bactéries Gram+ (pénicilline G, bacitracine, vancomycine…) ; ou actifs surtout sur les bactéries Gram−(polymyxine, aminoglycosides) ; ou actifs sur les deux types de bactéries (ampicilline ou encore, tétracyclines, chloramphénicol…).
LA RÉSISTANCE DES GERMES AUX ANTIBIOTIQUES
Cette résistance des germes aux antibiotiques explique l’importance de l’antibiogramme qui permet de choisir l’antibiotique le plus efficace pour un germe déterminé.
L’ASSOCIATION D’ANTIBIOTIQUES
Une association d’antibiotiques permet de renforcer l’action de chaque antibiotique (il y a synergie) et d’obtenir ainsi un effet thérapeutique supérieur ; d’éviter une résistance du germe ; enfin de lutter contre une affection plurimicrobienne.
Une association mal conçue entraîne un résultat inverse de celui recherché, car son effet est inférieur à l’effet de chaque antibiotique pris séparément (il y a antagonisme). Ainsi, il ne faut jamais associer pénicilline et tétracycline car la pénicilline agit sur les germes quand ils sont en période de multiplication alors que l’autre antibiotique ralentit cette multiplication.
LA TOXICITÉ DES ANTIBIOTIQUES
Employés d’une façon intensive et prolongée, les antibiotiques peuvent exercer sur l’organisme des effets néfastes.
• Les manifestations allergiques dépendent de la susceptibilité individuelle et sont assez fréquentes avec la pénicilline, la streptomycine et les céphalosporines.
• L’atteinte du nerf auditif peut s’observer avec la streptomycine et la kanamycine.
• Les accidents hépatiques s’observent lors de traitements intensifs avec l’Auréomycine et la Rifampicine.
• L’atteinte rénale peut s’observer avec la Néomycine.
• L’atteinte digestive peut s’observer avec les tétracyclines et la lincomycine.
Il est préférable de ne pas administrer de tétracyclines à la femme enceinte dans le dernier trimestre de la grossesse.
• Les perturbations de la flore intestinale. La flore intestinale normale est riche et mixte et comprend des germes anaérobies, des levures, des virus. Elle possède quatre fonctions essentielles : la défense antimicrobienne de l’organisme car elle s’oppose à la pullulation d’autres germes ; la synthèse locale de vitamines des groupes B et K qui, non absorbées, servent essentiellement aux germes vitaminodépendants ; la dégradation de l’amidon, de la cellulose et de l’albumine par la flore du côlon ; la transformation de la bilirubine en stercobiline.
Lors d’un traitement antibiotique, cette flore microbienne normale est perturbée ce qui entraîne la prolifération d’une flore nouvelle antibiorésistante qui est à l’origine des diarrhées observées (voir La surveillance du traitement, p. 138).
La prescription de levures pour « régénérer » la flore intestinale a une efficacité discutée.
LES CONTRE-INDICATIONS DES ANTIBIOTIQUES
Il existe des contre-indications formelles des antibiotiques dont l’essentiel est donné dans le tableau 18.1.
Terrain | Antibiotiques contre-indiqués |
---|---|
Femme enceinte | Tétracyclines, kanamycine, streptomycine, gentamycine, chloramphénicol, sulfamides, novobiocine, amphotéricine B |
Nourrisson | Chloramphénicol, tétracyclines, sulfamides |
Enfant de moins de 6 ans | Tétracyclines |
Allergie | Pénicillines, céphalosporines, sulfamides, amphotéricine, vancomycine |
Porphyrie aiguë | Sulfamides |
Déficit en glucose-6-phosphatedéshydrogénase (G6PD) | Sulfamides, chloramphénicol |
Insuffisance rénale | Kanamycine, céphaloridine, amphotéricine B, sulfamides, vancomycine, polymyxine B, colistine |
Insuffisance hépatique sévère | Chloramphénicol, érythromycine, spiromycine, oléandomycine, novobiocine, rifampicine, tétracyclines, sulfamides |
Myasthénie | Chloramphénicol, vancomycine, antibiotiques polypeptidiques et aminosides |
Lors d’une anesthésie générale | Streptomycine, kanamycine, polymyxine B, colistine |
Antécédents épileptiques ou psychiques | Isoniazide, cyclosérine |
LA SURVEILLANCE DU TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE
• Les accidents de type allergique dont le plus grave est le choc anaphylactique à la pénicilline qui nécessite un traitement d’urgence : hémisuccinate d’hydrocortisone et vasopresseur. On peut également observer vers le 10e jour du traitement à la pénicilline un syndrome pseudo-infectieux, de nature allergique, qui cède à l’arrêt du médicament. Il faut s’abstenir d’utiliser la pénicilline si le sujet est connu comme étant « allergique » (asthme, urticaire, rhume des foins, eczéma), ou s’il a déjà fait une réaction même minime lors d’une administration antérieure.
• Les accidents rénaux surtout avec la kanamycine, la colistine et la gentamycine. On surveillera les dosages d’urée sanguine lors de traitements prolongés par les tétracyclines (hyperazotémie).
• Les accidents cochléo-vestibulaires par l’audiogramme (viomycine).
• Les complications digestives secondaires à l’absorption orale d’antibiotiques à large spectre (tétracyclines en particulier) se présentent le plus souvent sous forme d’intolérance digestive (diarrhée dans 30 % des cas) ou, plus rarement, sous forme d’entérocolite cholériforme staphylococcique, rare mais grave. Ces complications sont dues au remplacement dans l’intestin, de la flore normale (qui est détruite par l’antibiotique) par une flore résistante. De plus, un sujet affaibli dont les défenses de l’organisme sont amoindries, offre un terrain favorable à ces complications. Tous les antibiotiques peuvent être à l’origine d’une diarrhée, surtout ceux administrés per os (tétracyclines).
La destruction de la flore intestinale normale peut entraîner une prolifération de Candida albicans, le champignon agent du muguet, traitée par la Mycostatine. La prescription de levures pour « régénérer » la flore intestinale a une efficacité discutée (Lactéol, Bactisubtil). Plus rarement, la destruction de la flore intestinale entraîne une entérocolite cholériforme de pronostic grave, due au développement d’un staphylocoque pathogène dans l’intestin.
• L’inefficacité d’un antibiotique est liée à la difficulté d’accès du médicament jusqu’au foyer infectieux ; à la posologie insuffisante ; à la résistance des germes surtout lors du traitement des infections urinaires et des septicémies.
PÉNICILLINES
Depuis la découverte de la pénicilline par Fleming en 1928, de nombreuses pénicillines sont apparues. Elles sont récapitulées dans le tableau 18.2.
Familles | Nom commun | Spécialités | Voies d’administration | Posologies quotidiennes | Élimination | Toxicité | Spectre d’activité |
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Pénicillines | |||||||
Pénicilline G | Pénicilline G | Pénicilline G | Parentérale | 1 à 50 millions | Rénale 4 à 6 heures | Entre les trois groupes Allergie croisée : cutanée, générale, choc, collapsus Toxicité locale (ne pas faire d’intra-rachidienne) | Cocci G+ Strepto. Staphylo. Pénicillinasepneumoméningocoque Bacilles G+ Rouget Charbon Tréponème Leptospire |
Pénicilline-retard | Péni G + Benzathine | Extencilline | IM (20 jours) | 1 à 4 millions 1 200 000 à 2 400 000 | Rénale 3 semaines | ||
Pénicilline active per os | Pénicilline V Phénoxyyéthyl-pénicilline | Ospen Oracilline | Per os | 500 000U à 1 000 000 | Rénale 24 heures | ||
Pénicilline semi-synthétiques | |||||||
Résistance à la bêta-lactamase | Oxacilline | Bristopen | IM-IV | 4 à 12g | Rénale 24 heures | Accidents rénaux (hématurie) | Staphylo. Pénicillinase+ |
Résistance à l’amidase | Ampicilline Amoxicilline | Totapen Clamoxyl | IM-IV ou per os IM, per os | 2 à 8g 1 à 6g | Rénale 24 heures 24 heures | Bacilles G+ (sauf pyocyanique) Pyocyanique Proteus | |
Céphalosporines | |||||||
Résistance à la bêta-lactamase et à l’amidase | Céfalexine | Kéforal Céporexine | Per os | 25 à 100mg/kg | Rénale | Pas d’allergie croisée avec pénicilline Accidents rénaux et psychiques | Bacilles G− (sauf pyocyanique) |