9 Le segment ST
Le segment ST se situe entre la fin de l’onde S et le début de l’onde T. Normalement, le segment ST est isoélectrique, ce qui signifie qu’il est au même niveau que la ligne de base de l’ECG, ligne horizontale allant de la fin de l’onde T au début de l’onde P (figure 9.1).
Le segment ST est-il surélevé ?
La surélévation du segment ST ne doit jamais être ignorée car elle est fréquemment le témoin d’un sérieux problème, justifiant que l’on y prête immédiatement attention. S’il existe un sus-décalage de ST en une quelconque dérivation, envisagez les diagnostics suivants :
Syndrome coronaire aigu avec sus décalage du segment ST
Les patients qui présentent un syndrome d’ischémie coronaire aigu sont traditionnellement divisés en deux sous groupes : ceux atteints d’infarctus du myocarde et ceux qui souffrent d’angor instable. Le problème qui en résulte est que le diagnostic d’infarctus du myocarde requiert la détection d’une lésion myocardique, habituellement mise en évidence par une élévation dans la circulation sanguine des taux de marqueurs de nécrose myocardique (exemple troponine T ou I, créatine-kinase) et ceci prend du temps. Il peut se passer 12 heures avant que ne soit notée une élévation significative des marqueurs cardiaques. Cependant, des décisions thérapeutiques importantes doivent être prises au plus vite. Un moyen plus utile de répertorier les syndromes coronaires aigus est basé sur les modifications ECG observées, en particulier la présence ou non d’un sus-décalage du segment ST. De cette manière, les patients qui présentent un syndrome coronaire aigu peuvent être divisés en deux groupes :
Ce chapitre est avant tout consacré aux syndromes coronaires aigus avec sus décalage de ST. On peut trouver des informations complémentaires sur les syndromes coronaires aigus sans sus décalage de ST au chapitre 10.
Lors des syndromes coronaires aigus avec sus-décalage de ST, les modifications de l’ECG évoluent de manière progressive selon la séquence montrée à la figure 9.2. Le signe le plus précoce est l’élévation du segment ST accompagnée ou même précédée d’une onde T « acuminée ». Au bout de quelques heures ou jours, les ondes Q apparaissent, le segment ST revient à la normale et les ondes T s’inversent. Il est habituel que certaines anomalies de l’ECG persistent dans les suites d’un syndrome coronaire aigu avec sus-décalage de ST – c’est en particulier le cas des ondes Q « pathologiques », encore que les ondes T puissent également rester inversées en permanence.
Il ne faut pas oublier que, sur l’ECG, l’infarctus aigu du myocarde peut aussi s’accompagner d’un bloc de branche gauche de survenue récente (chapitre 8). Il faut également se rappeler qu’un ECG normal n’exclut pas l’infarctus.
La douleur est plus sévère et de durée plus longue que celle de l’angine de poitrine. Recherchez toujours des antécédents d’angine de poitrine ou d’infarctus du myocarde, et faites le bilan des facteurs de risque cardio-vasculaire (tableau 9.1). Recherchez de possibles contre-indications à l’aspirine ou à la thrombolyse. Un examen minutieux est impératif.
Modifiables : |
Non modifiables : |
La troponine est un marqueur relativement sensible et spécifique de la nécrose myocardique. L’iso-enzyme CKMB est un marqueur myocardique plus spécifique que la CK, l’ASAT ou la LDH.
Les taux enzymatiques atteignent leur pic à des temps différents après le début de l’infarctus (figure 9.3).
On peut voir sur la figure 9.3 qu’une élévation significative des enzymes cardiaques peut ne pas être apparente durant plusieurs heures après la survenue de l’infarctus. Les enzymes cardiaques n’ont par conséquent qu’un rôle modeste à jouer dans le diagnostic initial d’un infarctus du myocarde, et il n’est pas du tout inhabituel que des taux enzymatiques soient normaux au moment de l’admission hospitalière du patient. Le diagnostic des syndromes coronariens aigus avec sus-décalage du segment ST est par conséquent basé sur l’histoire clinique et l’aspect ECG ; la confirmation de la survenue d’un infarctus du myocarde viendra plus tard, lorsque le résultat des dosages enzymatiques (marqueurs de l’infarctus) sera disponible.
L’ECG permet aussi d’identifier le territoire myocardique concerné par le syndrome coronarien aigu, dans la mesure où les dérivations « regardant » ce territoire seront celles où seront vues les anomalies (tableau 9.2). Des exemples de sus-décalage du segment ST dans différents territoires myocardiques sont présentés sur les figures 9.4 à 9.6.
Dérivations avec ST surélevé | Siège des lésions |
---|---|
V1-V4 | antérieur |
DI, aVL, V5-V6 | latéral |
DI, aVL, V1-V6 | antéro-latéral |
V1-V3 | antéro-septal |
DII, DIII, aVF | inférieur |
DI, aVL, V5-V6, DII, DIII, aVF | inféro-latéral |
Pour en faire le diagnostic, il faut enregistrer un autre ECG, en utilisant cette fois-ci les dérivations de l’hémithorax droit (figure 9.7). Recherchez un sus-décalage du segment ST en V4R (figure 9.8). Si celle-ci est présente, il existe une forte probabilité pour une atteinte du ventricule droit.
Pourquoi la présence d’un infarctus du ventricule droit est-elle importante ?
Les patients atteints d’un infarctus du ventricule droit peuvent présenter des signes d’insuffisance cardiaque droite (pression veineuse jugulaire élevée et œdèmes périphériques). Le ventricule gauche peut fonctionner de manière entièrement normale, et de ce fait les poumons sont « clairs ». Si ces patients présentent de l’hypotension, c’est habituellement parce que les pressions de remplissage des cavités gauches sont trop basses (car l’apport de sang en provenance du ventricule droit lésé est insuffisant). Les substances vasodilatatrices doivent être évitées et les perfusions intraveineuses sont nécessaires pour maintenir le débit ventriculaire droit, garantissant par conséquent l’apport d’une quantité suffisante de sang au ventricule gauche. Il peut sembler paradoxal d’administrer des liquides intraveineux à des patients qui sont déjà en insuffisance cardiaque droite, bien que les raisons d’une telle attitude soient connues. En cas de défaillance hémodynamique, ces patients nécessitent une surveillance de l’équilibre liquidien par un cathéter de Swan-Ganz (permettant la mesure à la fois des pressions de remplissage droites et – indirectement – gauches). Le risque de complications sévères est élevé chez de tels patients.