Chapitre 8. Traumatismes du rachis dorso-lombaire
Généralités
TraumatismesTraumatismesrachis dorso-lombaireOn peut évaluer à environ 10 000 cas par an les fractures du rachis thoraco-lombaire traitées en France. Le risque est la paraplégie d’autant plus importante que le niveau lésionnel est haut.
Le rachis dorsal (RD) est stable et peu mobile car fortement enchâssé dans la cage thoracique, il faut donc un traumatisme à haute énergie pour rompre cette solide colonne. Les lésions se font principalement en compression et flexion, la rotation étant limitée par la cage thoracique. À cet étage, la taille du cordon médullaireRachis dorso-lombairerachis dorso-lombairecordon médullaire est relativement grande comparativement à la petite taille de section du canal vertébral osseux. En effet, elle occupe au moins 50 % de la surface de section canalaire, expliquant en partie sa plus grande vulnérabilité. De fait, les lésions traumatiques du RD obéissent à la loi du «tout ou rien» : soit la lésion est stable et bénigne sans signe neurologique soit s’il existe une paraplégie initiale, celle-ci est souvent irréversible, secondaire à un traumatisme violent et en rapport avec d’importantes lésions osseuses. Dans près d’un cas sur six, il existe d’autres lésions vertébrales non contiguës associées. On rappelle que la tête costale s’articule avec la vertèbre porteuse par une articulation située à la partie postéro-supérieure de cette dernière, juste contre le disque intervertébral sus-jacent.
La charnière dorso-lombaire est un segment plus fragile car c’est une zone charnière entre le rachis dorsal fixe et le rachis lombaire «mobile». Ce pivot absorbe ainsi la plupart des forces vulnérantes avec une fréquence accrue de lésions traumatiques.
Rappelons que dans les fractures de la charnière dorso-lombaire et du rachis lombaire, il existe souvent un Intestiniléus intestinal Intestiniléus réflexeréflexe en rapport avec l’hématome rétropéritonéal périfracturaire pouvant simuler ou masquer une lésion intra-abdominale. La TDM permettra de pallier à ce doute clinique en faisant le bilan des lésions rachidiennes et intra-abdominales dans le même temps.
Comme pour le rachis cervical, les fractures du rachis thoraco-lombaire répondent aux mêmes types de mécanismes lésionnels et, comme pour le rachis cervical, la reconnaissance de ces mécanismes lésionnels est fondamentale pour aider au bilan anatomopathologique. Il existe de nombreuses classificationsclassifications, celle qui semble la plus utilisée dans la littérature est celle de MagerlclassificationsMagerl (datant de 1994) qui utilise un codage numérique à trois composants (trois types divisés en trois groupes, sous-divisés en trois sous-groupes). À chaque type correspond un mécanisme lésionnel principal et à chaque groupe et sous-groupe correspond une lésion anatomique et morphologique avec un degré de gravité croissant. Cette classification qui permet donc de prévoir le pronostic en matière de risque neurologique et de potentiel de guérison, oriente le choix thérapeutique le mieux adapté à la lésion (tableau 8-1). Elle souffre cependant de sa complexité et de sa faible reproductibilité. En 2005, un groupe de chirurgiens, avec Vaccaro, a publié une proposition de nouvelle classificationclassification intitulée classificationThoraco Lumbar Injury Classification and Severity ScoreThoraco Lumbar Injury Classification and Severity Score (TLISS et TLICS) qui est un algorithme décisionnel en fonction de l’examen neurologique, de l’aspect radiographique et de l’IRM pour rechercher une atteinte du complexe ligamentaire postérieur. En fonction des points attribués, le traitement est orthopédique ou chirurgical. L’accessibilité à l’IRM reste une des principales limites à cette classification.
Type A | Type B | Type C |
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Compression | Distraction antérieure ou postérieure | Composante rotatoire |
Atteinte purement osseuse corporéale | Atteinte osseuse et ligamentaire (type Chance) | Atteinte osseuse et ligamentaire |
A1 : fracture tassement. A2 : fracture séparation (fracture en diaboloRachis dorso-lombaireRachis dorso-lombairefracture en diabolo). A3 : fracture comminutive (burstRachis dorso-lombaireRachis dorso-lombaireburst). | B1 : flexion-distraction postérieure à prédominance osseuse. B2 : flexion-distraction postérieure à prédominance ligamentaire. B3 : distraction antérieure (hyperextension) avec cisaillement à travers le disque. | C1 : type A avec composante rotatoire. C2 : type B avec composante rotatoire. C3 : trait oblique et cisaillement rotatoire. |
Bien entendu, ces classifications ne sauraient remplacer le descriptif précis des pièces osseuses fracturées et nous invitons le lecteur à travailler en collaboration avec son équipe soignante afin d’établir un compte rendu pertinent et complet. En effet, comme nous l’avons déjà spécifié concernant le rachis cervical, ces classifications présentent un intérêt surtout scientifique et en pratique, il importe plus de comprendre le mécanisme lésionnel afin de décrire au mieux les lésions et d’évaluer leur fonction de stabilité plutôt que de vouloir faire rentrer la fracture dans telle ou telle classification.
Ainsi le choix thérapeutique sera porté en fonction de plusieurs paramètres :
• existe-t-il des lésions neurologiques déficitaires?
• mécanisme lésionnel : existe-t-il une composante rotatoire ou en distraction? qui font la gravité de ces traumatismes.
• existe-t-il des lésions associées intrathoraciques et/ou intra-abdominales?
• quel est l’âge du patient?
Nous rappelons également la grande fréquence des défauts de fermeture de l’arc postérieur au niveau de L5 et des pièces sacrées qui ne doivent par faire porter à tort le diagnostic de fracture. Ces défauts de fusion présentent en TDM des bords bien réguliers et corticalisés et sont souvent pluriétagés. Ils ne sont pas douloureux.
Nous avons choisi d’aborder ces fractures par ordre de gravité croissante, afin de faciliter l’approche diagnostique dans le cadre de l’urgence.
Fractures «bénignes»
Mécanisme
Variable, souvent en choc direct.
Image TDM
Font parties des fractures «bénignes», les fractures isolées d’une épineuse, d’un isthme ou d’un processus transverse, à condition d’avoir éliminé toute autre fracture associée. Il faut s’attacher à rechercher attentivement des lésions viscérales concomitantes. C’est ainsi que les fractures des apophyses transverses situées entre T12 et L3 sont souvent associées à des traumatismes rénaux. Les fractures de l’apophyse transverse de L5 peuvent résulter d’un mécanisme de cisaillement sur le bassinTraumatismeTraumatismebassin avec extension d’un trait de fracture sacré homolatéral qu’il faut savoir dépister.
Stabilité
Elles sont stables, par atteinte d’une seule colonne.
Impact thérapeutique
Le traitement de ces fractures est symptomatique (antalgiques) et orthopédique avec immobilisation en corset.
Fracture tassement antérieur
Mécanisme
Rachis dorso-lombaireFracture tassement antérieurFlexion-compression.
Image TDM
Il existe classiquement une atteinte isolée de la colonne antérieure avec respect du mur et de l’arc postérieur. Le diagnostic en TDM repose sur une perte de hauteur de la partie antérieure du corps vertébral donnant à la vertèbre un aspect en général cunéiforme. Le tassement antérieur peut être comminutif (fig. 8-2). Parfois, comme dans les tassements vertébraux ostéoporotiques, le coin postéro-supérieur de la vertèbre peut discrètement reculer dans le canal vertébral. Une infiltration œdémateuse réactionnelle des parties molles périvertébrales est constante.
Fig. 8-2 |
En fonction du pourcentage de hauteur vertébrale tassée (calculé selon la formule : hauteur du mur antérieur x 100/hauteur du mur postérieur de la vertèbre lésée ou de celle adjacente), il peut exister des risques d’instabilité par lésion du LLP.
Stabilité
Elles sont stables dans la majorité des cas. En cas de tassement vertébral supérieur à 50 % de la hauteur vertébrale, une atteinte de la colonne postérieure doit être suspectée et une Imagerie par résonance magnétiqueIRM peut être réalisée à la recherche d’une lésion du LLP (fig. 8-3), grevant le pronostic de stabilité.
Fig. 8-3 |
Pièges diagnostiques
Ils sont représentés par l’aspect cunéiforme des vertèbres de T8 à T12 qui s’observe fréquemment dans la population générale de manière constitutionnelle. Dans ces cas de variantes de la normale, le pourcentage de vertèbre tassée n’est jamais supérieur à 20 % et les plateaux vertébraux sont réguliers.
Rachis dorso-lombaireLa maladie de Rachis dorso-lombaireScheuermann Scheuermann peut aussi donner des faux positifs. En effet, cette affection correspondant à des séquelles d’épiphysite de croissance est caractérisée par un aspect cunéiforme des corps vertébraux du rachis thoraco-lombaire, avec un aspect feuilleté des plateaux vertébraux, des hernies intraspongieuses et des pincements discaux (fig. 8-4). Elle intéresse plusieurs niveaux rachidiens contigus et est en général asymptomatique. À l’inverse, les fractures-tassements post-traumatiques n’intéressent pas plus de deux ou au maximum trois étages adjacents et sont très douloureux.
Fig. 8-4 |
Chez les patients âgés, il existe fréquemment des tassements vertébraux anciens ostéoporotiques, plus volontiers situés dans la convexité cyphotique dorsale. Le caractère «déminéralisé» et/ou fixé (ostéophytes marginaux) plaide en faveur d’une origine ancienne tout comme l’absence d’infiltration des parties molles périvertébrales. En cas de doute, l’Imagerie par résonance magnétiqueIRM permet de «dater» ces tassements (séquences STIR++) et donc d’incriminer ou non le traumatisme récent dans la genèse de ces derniers.
Les rares faux négatifs sont représentés par les tassements de petite taille qui peuvent passer inaperçus. Leur diagnostic repose sur une analyse fine de l’os sous-chondral des plateaux vertébraux qui, en cas de fracture récente, apparaît condensé. La présence d’une infiltration des parties molles périrachidiennes doit également alerter le radiologue quant à la possibilité d’une fracture rachidienne.