8: Prévention de la raideur et rééducation des rétractions des muscles intrinsèques

Chapitre 8


Prévention de la raideur et rééducation des rétractions des muscles intrinsèques





Introduction


La rétraction des muscles intrinsèques de la main amène la main en flexion des métacarpo-phalangiennes (MCP), en extension voire hyperextension des interphalangiennes proximales (IPP) et des interphalangiennes distales (IPD), le pouce en adduction, flexion de la MCP et extension de l’IP. Cette posture reproduit la « position intrinsèque plus ». La forme isolée de rétraction des intrinsèques est rare, elle est souvent combinée à des raideurs d’autre d’origine qui peuvent modifier la position intrinsèque plus. Lorsqu’elle est associée à des rétractions musculo-tendineuses des muscles extrinsèques et/ou à des dénervations consécutives à une lésion nerveuse périphérique, la fibrose des intrinsèques au lieu de se faire en position courte peut au contraire se faire en « position intrinsèque moins » sous l’effet de la traction puissante des extrinsèques (figure 8.1).



La rétraction/fibrose des intrinsèques résulte le plus souvent d’une souffrance ischémique provoquée par un syndrome de compression des espaces interosseux.


La loge hypothénarienne est rarement atteinte, de même que les muscles lombricaux [1,2]. Les étiologies sont multiples mais restent dominées par les lésions post-traumatiques entraînant un œdème persistant. Dans les étiologies, il ne faut pas oublier les brûlures pour lesquelles la rétraction des intrinsèques sera masquée par la rétraction de la peau et des autres structures lésées.


Tout type de traumatisme, en plus de la lésion initiale aux différentes structures concernées, elle-même souvent responsable d’une raideur spécifique, peut se compliquer d’une rétraction/fibrose des muscles intrinsèques.


Lorsque le syndrome de compression des loges est évident, une ouverture des espaces intermétacarpiens par incisions de décharges est pratiquée en urgence. Le plus souvent, le syndrome de compression est moins évident et peut venir compliquer une lésion de prime abord bénigne comme une simple fracture de métacarpien.


Toute prise en charge rééducative d’une lésion quelconque de la main doit systématiquement prendre en compte, pour la prévenir, la survenue de cette complication.




Première phase : traitement du problème initial et prévention des raideurs



Rééducation par mobilisation immédiate


La relation entre la douleur, l’œdème, l’immobilisation thérapeutique et l’immobilisme du patient guide le concept de mobilisation immédiate [4]. Elle définit les buts de la rééducation [5].


La rééducation est spécifique à chaque système lésé : osseux, articulaire, tendineux, cutané, etc. Elle n’est pas envisagée dans ce chapitre.


La rééducation débute au lendemain du traumatisme ou de l’intervention chirurgicale. Elle correspond à la fragilité des tissus en voie de cicatrisation. La rééducation mobilise les tissus lésés tout en les protégeant. Elle dure de 30 à 45 jours. Cette phase, qui oriente la cicatrisation, est décisive pour la qualité de la récupération. Idéalement au sortir de cette phase, la consolidation en bonne position doit être acquise et les amplitudes articulaires subtotales maintenues, la raideur évitée ou au minimum diminuée.




La lutte contre l’œdème


L’œdème d’abord exsudat puis transsudat distend les parties molles et collabe la circulation de retour. Il inverse les arches de la main, place les métacarpo-phalangiennes en extension. Il empêche mécaniquement la flexion des doigts. De plus, comme l’écrit Foucher, « […] dès que la pression interstitielle dépasse 40 mmHg, l’ischémie intervient et peut conduire à une nécrose tissulaire qui se traduira par un surcroît de fibrose » [6]. Les muscles interosseux contenus dans les loges aponévrotiques intermétacarpiennes inextensibles courent particulièrement ce risque.


Cette lutte se répartit en deux phases : précoce et tardive.



La phase précoce


Les objectifs de cette phase sont résumés par le moyen mnémotechnique « PRICE » [7] :



• P pour protection ;


• R pour repos.


    Un repos strict est observé pendant 24 à 48 heures, c’est-à-dire le laps de temps pendant lequel toute sollicitation des parties lésées risque de redéclencher le saignement. Il est assuré par le gros pansement compressif de main ;


• I pour ICE. Le froid intense appliqué au moins quatre fois par jour pendant 20 minutes, dans un but de vasoconstriction ;


• C pour compression, pour limiter l’exsudat et le transsudat plasmatique. Elle est assurée par le gros pansement de main ;


• E pour élévation, pour faciliter la circulation de retour. La main est gardée surélevée le plus souvent possible de jour comme de nuit. Il est conseillé au patient de lever la main en l’air au moins 100 fois par jour et, dans cette position, de faire 10 mouvements de flexion-extension des doigts.


À la classique écharpe qui maintient le coude fléchi contre le corps et la main en dessous du cœur, aggravant ainsi l’œdème, il faut préférer l’attelle de Chessington décrite par Wynn Parry [8].



La phase secondaire


Elle est poursuivie tant qu’il persiste de l’œdème. Elle peut durer plusieurs mois.


La lutte contre l’œdème est entreprise de trois façons principales :



En dehors des séances de rééducation, le patient porte une compression seule ou en combinaison avec une attelle.




L’évaluation du risque de syndrome des loges


L’évaluation de l’importance de l’œdème, du risque de souffrance ischémique des muscles interosseux, se fait en demandant l’abduction-adduction des articulations MCP, celles-ci étant en extension et les articulations IP fléchies, c’est-à-dire en position longue des interosseux. Les adducteurs du pouce sont évalués par la mise en tension de la première commissure par abduction palmaire et radiale de la première colonne. Les autres muscles thénariens sont évalués par l’abduction et la rétroposition du pouce. Les muscles hypothénariens sont évalués par adduction-abduction de la MP du 5e doigt, tout en maintenant les articulations MP et IP en extension.


Mise à part la mesure des pressions interstitielles, examen complémentaire rarement effectué, la douleur déclenchée par l’étirement passif est le signe le plus indicatif d’un début de syndrome des loges.


Tout signe d’infection « rubor, tumor, dolor, calor » est signalé au chirurgien référent, spécialement dans le cas de fractures à risque septique.



La position d’immobilisation. L’éducation du patient


Le kinésithérapeute profite de l’évaluation initiale pour expliquer au patient son traumatisme, la technique médicale ou chirurgicale dont il a bénéficié, ce que l’équipe chirurgien-rééducateur attend de lui, le rôle capital du contrôle de l’œdème, ce qu’il doit faire pour se protéger et éviter d’éventuelles séquelles, les exercices de mobilisations actives et passives qu’il doit effectuer.


Le patient se présente en position antalgique, poignet en flexion. Cette position vicieuse a une incidence sur l’enraidissement et la fonction de la main.


La flexion du poignet par effet ténodèse entraîne les articulations MCP et IP en extension. Si la MCP est immobilisée en extension, position dans laquelle les ligaments latéraux sont détendus, la raideur va figer celle-ci en extension. Cette position antifonctionnelle interdit la flexion digitale, l’autorééducation et la fonction de la main. La flexion du poignet augmente la pression intracanalaire dans le canal carpien, et donc la souffrance du nerf médian. Il convient d’en informer le patient afin de corriger activement cette position vicieuse et, le cas échéant, de confectionner une orthèse qui maintient le poignet – même lorsqu’il n’est pas concerné par le traumatisme – en extension de 20 à 30° et modèle les arches de la main. Cette orthèse facilite la mobilisation de la main (cf. Lee Lankford : « Le poignet est la pierre d’angle de la mobilisation de la main. » [11]).


Il faut savoir se méfier de la position d’immobilisation dite « intrinsèque plus » qui correspond à la position de rétraction des intrinsèques et facilite l’enraidissement dans cette position pathologique. La position « intrinsèque + » est provoquée par la rétraction des interosseux et par l’action des muscles lombricaux non concernés par la rétraction. Il faut préférer la position de « sécurité » qui place les MCP en flexion subtotale, les interphalangiennes en légère flexion, de façon à éviter l’apparition d’une déformation en hyperextension des IP et le pouce en opposition. Le pouce et l’index doivent former un « 0 » [3,4].


À l’immobilisation en une seule position, il faut préférer une attelle modulaire permettant de modifier la position des MP et des IP plusieurs fois par jour [12] (figures 8.2a et 8.2b).


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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 8: Prévention de la raideur et rééducation des rétractions des muscles intrinsèques

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