Chapitre 7 Choc du brûlé
ABSI Abbreviated Burn Severity Index (Tobiasen)
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien
CuO2 contenu artériel en oxygène
CvO2 contenu veineux en oxygène
ETO échographie trans-œsophagienne
PAPO pression artérielle pulmonaire occlusive
PVC pression veineuse centrale
RVS résistance vasculaire systémique
SDMV syndrome de défaillance multiviscérale
SDRA syndrome de détresse respiratoire aigu
La correction de l’hypovolémie initiale impose un remplissage agressif très précoce.
Le choix du soluté mais surtout l’utilisation de l’albumine restent affaire d’école.
L’adrénaline reste l’amine de choix à ce stade de dépression myocardique associée.
Introduction [1]
La brûlure est la destruction plus ou moins étendue et profonde de « l’organe peau » sous l’action d’un agent mécanique, thermique, électrique, chimique ou radioactif. La peau, hypoderme compris, est l’organe le plus lourd du corps (environ 10 kg). C’est une masse importante de cellules, aux fonctions multiples, et de vaisseaux capillaires qui occupent un rôle central dans le genèse du choc du brûlé. L’architecture de la lésion est concentrique dans les deux plans. Le noyau de nécrose est entouré, en surface et en profondeur, d’une zone d’ischémie elle-même bordée par une zone inflammatoire d’hyperhémie. Cette zone ischémique, à capillaires altérés mais non détruits, participe à la réaction inflammatoire. La zone de nécrose constitue à la fois un réservoir de « toxines », un milieu propice au développement bactérien et enfin un point d’appel pour les cellules de défense immunitaire non spécifiques, tels que les macrophages, programmant l’activation des polynucléaires, clé de la réaction inflammatoire. Lorsque la masse tissulaire lésée atteint un seuil critique, le choc du brûlé peut survenir. Ce choc, d’intensité et de durée variable, classiquement moins de 48 heures, est le mode d’entrée dans la « maladie du brûlée ». Cette dernière s’inscrit dans un syndrome inflammatoire systémique ou SIRS. Le développement de défaillances d’organes en demeure la complication classique. Le choc du brûlé, avec ses conséquences viscérales, est la cause principale du décès des patients pendant la première semaine d’hospitalisation [2]. Nous envisagerons les mécanismes et les principales conséquences viscérales du choc avant de développer les grandes lignes thérapeutiques.
Définitions
Le choc est un défaut de fourniture et/ou d’utilisation d’énergie au niveau cellulaire secondaire à une défaillance circulatoire.
Le choc du brûlé [3] est la faillite du fonctionnement cellulaire par inefficacité circulatoire secondaire à une brûlure sévère, le plus souvent étendue à plus de 20 % de la surface corporelle totale. Ce type de brûlure entraîne au début un collapsus par hypovolémie, une dépression myocardique, une modification des circulations régionales, puis une augmentation des besoins énergétiques cellulaires dans le cadre d’une réaction inflammatoire explosive. La durée de ce choc varie de quelques heures à plusieurs jours, classiquement moins de 48 heures. L’installation de ce choc reste possible malgré le traitement du collapsus. Les facteurs adjuvants du déclenchement et de l’entretien sont multiples. Ce dysfonctionnement est d’abord strictement fonctionnel, puis apparaissent des altérations de structures et des morts cellulaires, médiées par différents messagers, entraînant des perturbations prolongées de l’activité d’un ou plusieurs organes dont le myocarde. Les signes d’hypoperfusion sont d’ordre clinique (tachycardie, polypnée, marbrures, oligurie, obnubilation, augmentation du temps de recoloration). Ces signes sont, chez le brûlé, soit difficiles à rechercher, soit non spécifiques. Les signes de dysfonctionnement métabolique sont essentiellement d’ordre biochimique (fonctionnement anaérobie avec développement d’une acidose lactique).
Mécanismes successifs du choc [4]
DO2 < MVO2 autrement exprimé :
Le contenu artériel et l’utilisation de l’O2 par la cellule sont représentés par CaO2 et par (CaO2 – CvO2). Le DC est cependant le facteur majeur du transport et de la consommation d’oxygène. Il s’exprime autrement : DC = VES × FC. Le VES est dépendant de la contractilité myocardique, de la précharge et de la postcharge. Tous ces éléments sont perturbés dans le choc du brûlé, en faisant un choc initialement hypovolémique puis distributif à RVS basses. L’inadéquation du rapport DO2/ MVO2 aboutit à un métabolisme anaérobie avec production de lactates [5, 6].
Clé de l’hypovolémie initiale : hyperperméabilité capillaire
Généralités [7]
L’atteinte de la paroi capillaire et de la structure interstitielle sont les éléments centraux de la baisse de la volémie efficace. L’hypovolémie est le phénomène physiopathologique majeur intervenant dans les premières minutes post-traumatiques [8]. Ces variations de volémie sont liées à des modifications de pressions de différente nature, régissant les échanges à travers la paroi capillaire. Ces pressions sont exprimées par les termes de l’équation de Starling augmentée de différents travaux (fig. 7-1) [9].
Jv = Cf [(Pc – Pint) – σ (∏ p – ∏ int)] où :
L’origine et les conséquences du choc du brûlé se jouent au niveau d’une unité d’échange avec la cellule qui intègre le réseau vasculaire capillaire à basse pression et le tissu interstitiel. La clairance de l’eau et des molécules interstitielles dépend aussi du réseau lymphatique. Dans la zone brûlée, la résultante des forces qui favorisent l’extravasation augmente et provoque une plasmorragie par exsudation en surface et un œdème périlésionnel. Lorsqu’un SIRS sévère se développe, le fonctionnement capillaire se modifie dans le même sens à distance de la brûlure et génère un œdème généralisé aggravant l’hypovolémie.
Paroi vasculaire et réseau capillaire
Augmentation du Cf
Il rend compte de la conductibilité à l’eau de la paroi capillaire. Il serait multiplié par 2 à 3. Il est soumis à deux effets opposés de la brûlure sur la paroi capillaire qui, d’une part, en augmente la perméabilité et, d’autre part, en diminue la surface par la nécrose [10].
Diminution de la ∏ p
Elle se produit si la brûlure est étendue. Elle est liée au passage des protéines à travers la paroi capillaire, éventuellement au remplissage vasculaire et plus tard à la réabsorption du liquide interstitiel par le capillaire. Dans les tissus non brûlés le passage serait minime après la huitième heure, justifiant ainsi, pour certains auteurs, l’apport semi-précoce d’albumine [11].
Interstitium [12]
De façon concomitante le collagène de l’interstitium est dénaturé par l’agression et la réaction inflammatoire. Son affinité pour le sodium est augmentée. L’eau suit le sodium et pérennise l’œdème. Le sodium pénètre également dans les cellules et entraîne leur souffrance. Il s’agit ici d’un « effet buvard ». Les déterminants de cet effet sont les suivants.
Diminution de la Pint
Elle devient fortement négative (– 30 mmHg) traduisant une augmentation de la compliance du secteur interstitiel. La réhydratation précoce permet de réduire l’amplitude de ce phénomène. Cette dépression est beaucoup plus marquée au niveau des zones brûlées. Au niveau des zones non brûlées, la normalisation surviendrait à la quatrième heure de réanimation.
Augmentation de la ∏ int
Elle est augmentée au niveau et à distance de la brûlure. Elle serait un facteur majeur de constitution, mais surtout de persistance de l’œdème interstitiel. La participation osmotique est liée au développement d’une forte affinité du collagène altéré pour le sodium [14]. Le marqueur de ce dysfonctionnement de la perméabilité capillaire reste à découvrir.
Rôle du glycocalix
L’hypothèse de Starling occulte également la présence d’un élément majeur : le glycocalyx. Dans cette hypothèse vérifiée seulement au niveau du capillaire non fenêtré, le glycocalix génère une force onco-colloïdale intrinsèque à la paroi capillaire. La nature du colloïde serait primordiale dans l’exercice et la restauration de cette force. L’albumine serait alors un élément de la restauration de la perméabilité capillaire en « colmatant » cette zone. Donner un rôle prépondérant à cette dernière hypothèse revient à supprimer la composante de pression colloïdoosmotique (en particulier sur le versant interstitiel) [13, 14].