Chapitre 7 Bases de l’échographie mammaire
Techniques, le lexique BI-RADS pour l’échographie et les principales indications
Depuis l’indication initiale de l’échographie mammaire dans la différenciation liquide et solide, les progrès techniques développés depuis plus d’une trentaine d’années ont élargi le champ d’application initiale de cette technique d’imagerie. Nous envisagerons successivement la classification des lésions mammaires à partir de leur sémiologie, leurs indications ainsi que les nouvelles techniques d’imagerie mammaire.
Appareillage et méthodes d’examen
L’échographie mammaire a largement bénéficié des progrès techniques représentés par les sondes électroniques de haute fréquence à focale variable permettant une résolution spatiale optimale avec une pénétration en profondeur satisfaisante ainsi qu’une résolution en contraste suffisante.
Aspects normaux
La graisse périmammaire est faiblement échogène en opposition avec le tissu fibroglandulaire très échogène. En décubitus dorsal, l’épaisseur de l’espace rétroglandulaire et celle du muscle pectoral sont réduites contrairement à l’aspect mammographique. En arrière, les plans musculaires réalisent des structures lamellaires échogènes et les côtes sont responsables d’une importante atténuation du faisceau ultrasonore.
Le parenchyme glandulaire présente une échogénicité variant avec l’âge et la composition individuelle. Chez la femme jeune et pendant la grossesse et la lactation, l’aspect est le plus souvent hypoéchogène et homogène ; en période d’activité génitale, le tissu glandulaire présente un aspect hyperéchogène et homogène d’épaisseur variable selon l’âge et les patientes. Avec l’âge, le parenchyme devient inhomogène du fait de l’involution graisseuse créant des structures lobulaires hypoéchogènes pseudo-nodulaires dont le diagnostic avec une lésion organique peut être aisément effectué par le raccordement aux structures graisseuses environnantes, l’absence de vascularisation en doppler couleur et par l’élasticité sous la pression de la sonde. Avec l’involution lipomateuse l’échostructure est hypoéchogène entrecoupée de structures hyperéchogènes en rapport avec les fibres conjonctives et le parenchyme résiduel. Lorsque le mode d’involution fibreux prédomine, l’échostructure est hyperéchogène et hétérogène. La classification BI-RADS de l’ACR décrit quatre types d’échostructures de base :
• graisseuse homogène présentant des lobules graisseux et des bandes échogènes des ligaments de Cooper sans aucune zone échogène dans la zone analysée ;
• fibroglandulaire homogène uniformément écho- gène ;
• hétérogène focale ou diffuse affectant à des degrés variables la sensibilité de la mammographie.
Analyse sémiologique des lésions mammaires
L’analyse séméiologique prend en compte plusieurs aspects, certains sont spécifiques à l’échographie, telles l’échostructure ou l’orientation, d’autres sont communs avec la mammographie et l’IRM, tels la forme ou le contour des masses. Sont ainsi décrits dans le lexique de l’ACR :
• la forme : elle peut être ronde, ovale ou irrégulière lorsqu’elle n’est ni ronde, ni ovale (fig. 7.1 et 7.2) ;
• l’orientation parallèle ou non au revêtement cutané. L’orientation horizontale (plus large que haute) caractérise certaines masses bénignes notamment les fibroadénomes, cependant de nombreux cancers ont une telle orientation ; à l’inverse, les fibroadénomes ne présentent pratiquement jamais un développement sagittal ;
• les contours : circonscrits (nets au moins sur 75 % des bords), plus souvent le fait des formes rondes ou ovales, ou non circonscrits (Fig. 7.1 à 7.4). Ces derniers sont décrits comme : indistincts lorsque la limite avec le tissu environnant n’est pas définie, anguleux formant des angles le plus souvent aigus, microlobulés lorsque les lobulations sont très petites (1–2 mm) et nombreuses (> 3), spiculés. Le terme irrégulier concerne uniquement la forme ;
• les limites ou la zone de transition : présence ou non d’une ligne échogène fine (capsule) ou d’un halo échogène épais retrouvé dans certains cancers et abcès (fig. 7.2 et 7.5) ;
• l’échostructure qui doit s’apprécier comparativement à celle de la graisse : elle peut être anéchogène, hypo-, iso- ou hyperéchogène, solide (homogène ou hétérogène), complexe avec une composante liquidienne ou des calcifications (Fig. 7.5 à 7.7) ;
• le faisceau acoustique postérieur qui peut être non modifié, renforcé ou atténué de manière totale ou partielle (calcification d’un fibroadénome). Si le renforcement est associé au kyste, l’atténuation est liée à la fibrose néoplasique ou non (cicatrice, mastopathie fibreuse) ; les deux (renforcement et atténuation) peuvent être associés : évolution fibreuse d’une collection postopératoire (fig. 7.8) ;
• l’existence de calcifications visualisées sous forme de foyers échogènes. Elles sont d’autant mieux visibles et suspectes qu’elles sont contenues dans une masse hypoéchogène. Du fait de leur taille, les microcalcifications peuvent ne pas engendrer d’atténuation du faisceau ultrasonore (voir fig. 7.7 et 7.8) ;
• la vascularisation : l’appréciation de la vascularisation est, lorsqu’elle existe, décrite selon son siège intra- ou périlésionnel ou globalement majorée dans le parenchyme environnant (voir fig. 7.6).
Classification des anomalies échographiques
La classification BI-RADS échographique réduit les variations interobservateurs par l’apprentissage rigoureux de cette séméiologie. Les discordances intéressent moins l’appréciation de l’axe facile à mesurer que l’échostructure, l’échogénicité ou la capsule. Il est important de toujours corréler les anomalies échographiques aux images mammographiques (le plus souvent par un marquage plombé à la peau) et dans aucun cas l’échographie ne doit pallier aux insuffisances techniques de la mammographie. Ainsi, les tumeurs sont classées selon le lexique BI-RADS de l’ACR en quatre catégories décrites ci-dessous.
En catégorie ACR 2 constamment bénins :
• les kystes simples : les bords sont nets, l’échostructure est anéchogène, la forme est ronde ou ovale, il existe un renforcement postérieur. Il peut manquer dans les kystes millimétriques ou profondément situés, il peut présenter des degrés variables et ne pas être visible sous toutes les incidences. De plus, le bord antérieur peut être mal défini du fait d’échos de réverbération. De fines cloisons (< 0,5 mm) sont quelquefois observées dans les kystes simples. Les kystes peuvent communiquer avec un canal galactophorique et la forme peut être lobulée donnant un aspect de faux cloisonnement observé également lorsque les kystes sont contigus ou communiquent entre eux. Ils peuvent être calcifiés sur leur paroi ou dans leur contenu. Néanmoins, dans les formes simples, l’échographie effectue le diagnostic avec une fiabilité de 100 % lorsque tous les critères sont réunis ;
• les ganglions intramammaires dont l’aspect typique est représenté par une masse ovalaire, présentant un centre échogène correspondant au hile et au cortex hypoéchogène fin et régulier ;
• les siliconomes, le plus souvent hyperéchogènes avec une absorption majeure du faisceau acoustique postérieur ;
• les fibroadénomes calcifiés ;
• les hamartomes selon la prédominance du contingent adénofibromateux ou lipomateux, l’échogénicité en est variable soit comparable à celle du fibroadénome soit hyperéchogène.
Toutes ces lésions sont bénignes et ne nécessitent ni surveillance, ni procédure complémentaire.
• les kystes compliqués : on décrit ainsi les kystes faiblement échogènes pour lesquels tous les autres signes de kyste sont présents. Quand existe un niveau liquide ou des échos internes mobiles liés à la présence de débris la lésion est classée BI-RADS 2, de même lorsque les kystes compliqués sont multiples uni- ou bilatéraux. Pour Berg, parmi 7 473 échographies de dépistage 12 % des 517 kystes compliqués rapportés sont des lésions solides avec 0,42 % de malignité chez deux patientes à risque (cancer controlatéral) (fig. 7.4 et 7.9). De ce fait, de tels kystes sont classés ACR 3 et doivent faire l’objet d’une surveillance rapprochée, toute modification (> 20 % du diamètre en 6 mois) devant conduire à la pratique d’une aspiration et d’un examen cytologique et histologique, en cas de produit sanglant en raison du risque exceptionnel de papillome (avec mise en place d’un clip), d’un examen bactériologique en cas de pus et si la lésion n’est pas liquide, d’une histologie. Lorsque la lésion est palpable, le taux de malignité est identique et ce caractère ne justifie donc pas la réalisation d’un prélèvement ;
• les nodules de métaplasie cylindrique des mastopathies fibrokystiques (fig. 7.10) : ils sont constitués de microkystes groupés anéchogènes de taille individuelle < 3 mm. Ces lésions sont bénignes mais la surveillance est recommandée si elles surviennent en postménopause, sont de petite taille et de siège profond. Si les marges ne sont pas circonscrites, si l’axe est vertical, si la composante solide est prédominante ou si la lésion se majore, ces lésions sont classées BI-RADS 4 et doivent être biopsiées [1,2] ;
• les nodules solides probablement bénins : de forme régulière et d’axe horizontal dont la zone de transition est fine et lisse, et les contours nets ou faiblement lobulés. En l’absence de facteurs de risque, lorsque l’imagerie mammographique est concordante (opacité ACR 3 ou à contours masqués ACR 4 en mammographie) compte tenu de la probabilité faible de cancer, la surveillance à 4 mois puis à 1 an permet le diagnostic des faux négatifs variant entre 0,7 et 0,1 % selon leur caractère unique ou multiple ; les cancers surviennent dans les trois quarts des cas dans la première année et sont de bon pronostic [3].
• les kystes complexes : il s’agit de kystes qui présentent des masses solides internes, des nodules pariétaux, des septa épais ou des parois épaisses irrégulières (≥ 5 mm) faisant suspecter une lésion solide de nature néoplasique présente dans des un tiers des cas. Il s’agit le plus souvent de cancers papillaires non invasifs ou canalaires invasifs de haut grade dont la composante liquidienne est en rapport avec la nécrose ; les cancers médullaires peuvent également présenter un tel aspect. Parmi les lésions bénignes, les lésions kystiques dont les parois sont épaisses avec ou sans cloisonnement correspondent à des lésions fibrokystiques (souvent avec métaplasie apocrine), des kystes inflammatoires ou rompus, des abcès, des nodules de cytostéatonécrose, des hématomes. Les masses intrakystiques correspondent le plus souvent à des lésions papillomateuses. Des microkystes sont rarement présents dans les fibroadénomes plus fréquents dans les adénomes lactants ou les tumeurs phyllodes. Les kystes complexes doivent être biopsiés, la macrobiopsie peut être utile pour un échantillonnage correct lorsque la partie solide est de petite taille et difficile à cibler d’autant que la composante liquidienne risque de disparaître lors de la microbiopsie. Un clip doit être laissé en place si la lésion n’est plus visible après la biopsie ou si elle doit être corrélée à d’autres imageries (fig. 7.6, 7.11 et 7.12) ;
• les nodules solides qui n’ont pas tous les caractères échographiques de bénignité présentant un critère de suspicion : forme et/ou contours irréguliers, axe non parallèle au plan cutané, hétérogénéité de l’échostructure (fig. 7.13) ;
• les distorsions de l’échostructure de diagnostic échographique difficile, identifiées le plus souvent lors d’examen de deuxième intention post-IRM (fig. 7.14).