Chapitre 6 Principes des cartes topographiques d’élévation
Contrairement à la topographie spéculaire, qui fournit des informations sur sa courbure, la topographie d’élévation permet de recueillir des informations directement relatives à la morphologie cornéenne, c’est-à-dire au relief spatial de la surface cornéenne.
La topographie d’élévation est un important outil diagnostique, complémentaire à la topographie spéculaire de courbure. Elle permet d’accéder à l’étude de la face postérieure de la cornée et fournit des informations sur l’épaisseur cornéenne (pachymétrie optique), qui est déduite de la distance entre les surfaces antérieures et postérieures. Sa généralisation relativement récente a été favorisée par l’essor de la chirurgie réfractive, où elle est particulièrement utile pour la planification de la chirurgie photoablative cornéenne, ainsi que le dépistage des contre-indications au Lasik (kératocône infraclinique) [1].
Définition de l’élévation
L’élévation en topographie cornéenne fait simplement référence à la distance au-dessus ou en dessous de laquelle se situent les points de la surface cornéenne, vis-à-vis d’une surface de référence calculée.
Les données traitées en topographie d’élévation sont directement les coordonnées spatiales de la surface analysée, et non celles de sa courbure locale. La cornée y est assimilée à un maillage dont les points possèdent une abscisse X, une ordonnée Y et une coordonnée d’élévation (Z) (Fig. 6.1). La coordonnée Z dépend de la surface de référence choisie (celle-ci fournit le « niveau zéro » de l’élévation).
Les données d’élévation cornéenne peuvent théoriquement être calculées à partir des données de courbure (technologie de réflexion spéculaire) [2], ou acquises de manière plus directe en utilisant les images numérisées du balayage d’une fente lumineuse, d’une caméra rotative Scheimpflug (Fig. 6.2) ou encore par une technique de stéréographie par trame.
Les images des données brutes recueillies par le système de détection (camera Scheimpflug, détection de « fentes balayantes ») sont traitées par un procédé mathématique dédié (ex : triangulation) en vue de la reconstruction tridimensionnelle de la géométrie des surfaces de la cornée. Ces surfaces encadrent le volume cornéen, ce qui permet d’établir un relevé pachymétrique « point par point » (Fig. 6.3).
Compte tenu de la divergence entre le diamètre total de la cornée (échelle millimétrique) et la variation de l’élévation qu’il faut décrire (échelle micronique), la représentation des variations fines de l’élévation ne peut pas être faite par rapport à une surface de référence (SR) horizontale arbitraire comme le plan limbique, ou le plan passant par le vertex de la cornée.
Calcul de la sphère de référence
Une fois accomplie l’acquisition des données d’élévation, le logiciel du topographe doit calculer une sphère de référence en utilisant un algorithme approprié. Schématiquement, plusieurs sphères (de rayon et position variables – mode dit « flottant ») sont « testées » et pour chacune, le logiciel du topographe calcule la somme des distances élevées au carré entre chacun des points de la surface cornéenne mesurée et la sphère pressentie. La sphère retenue est celle pour laquelle la somme du carré des distances avec la surface cornéenne mesurée est la plus faible (Fig. 6.4). Élever au carré la distance mesurée permet à la fois d’annuler l’influence de la position (supérieure ou inférieure) du point mesuré par rapport à la sphère testée, et de donner un certain poids aux points les plus distants de la courbe testée.
La valeur du rayon de la sphère de référence n’a pas de signification optique particulière, et ne correspond pas directement à la valeur de la kératométrie moyenne de la surface étudiée, même s’il est en général d’autant plus grand que la kératométrie moyenne est basse. L’asphéricité et le degré de toricité ou d’irrégularité de la surface cornéenne représentée influent également sur le rayon de la sphère de référence. Quand la surface cornéenne analysée est dominée par la toricité, le rayon de la sphère de référence tend à adopter une valeur intermédiaire entre les valeurs respectives de courbure du méridien le plus plat et du méridien le plus cambré. De ce fait, les points situés le long des méridiens les plus plats seront plutôt situés au-dessus de la sphère, alors que ceux situés le long des méridiens les plus cambrés seront situés au-dessous. Un motif d’élévation en « croix » est alors obtenu (Fig. 6.5).
Compte tenu de la ressemblance grossière de la surface cornéenne avec une calotte sphérique, une sphère dite de référence (BFS : Best Fit Sphere) peut être calculée à partir des données brutes de l’élévation. Ce calcul est réalisé en choisissant un rayon et la localisation de la sphère permettant de minimiser le carré de la distance entre chacun des points de la cornée sur un diamètre considéré et la BFS.
La Best Fit Sphere est donc la sphère qui « épouse » au mieux l’ensemble de la surface cornéenne. La carte d’élévation montre son écart résiduel avec la surface cornéenne (Fig. 6.6).
Rendu des cartes d’élévation
Après calcul de la sphère de référence sur un diamètre d’analyse donné, les données d’élévation sont rendues en utilisant une échelle de couleurs appropriée. Avec la plupart des topographes et par analogie avec les cartes terrestres d’élévation, les points au-dessus de la sphère (élévation positive) sont représentés en couleurs chaudes, allant du jaune au rouge foncé, tandis que les points situés au-dessous de la sphère (élévation négative) sont représentés en couleurs froides (du bleu ciel au violet). Les points situés au niveau de la sphère sont représentés en vert (« niveau zéro ») (Fig. 6.7a).