Chapitre 6. Les principaux troubles cognitifs
1. Les troubles de la mémoire
L’altération des fonctions mnésiques constitue la plainte la plus fréquente. En effet, les troubles de la mémoire sont souvent les premiers signes et constituent un élément important de la maladie d’Alzheimer.
A. L’amnésie antérograde
Il s’agit de l’incapacité partielle, puis totale, d’acquérir de façon durable des informations nouvelles. Lorsqu’elle est sévère la personne est incapable de restituer, après une ou deux minutes, les informations reçues. Avec le temps le retentissement de cette amnésie s’amplifie et les années qui passent ne sont plus intégrées par la personne.
B. L’amnésie rétrograde
C’est une atteinte de la mémoire du passé. Dans la maladie d’Alzheimer, il s’agit de l’amnésie de souvenirs antérieurs au début de la maladie.
Progressivement, ce qui a été enregistré avant la maladie (la naissance des petits-enfants, l’accident de ski de l’oncle Georges…) va s’altérer.
Les souvenirs avec une forte charge affective et/ou souvent réactualisés restent plus longtemps préservés.
Il s’agit de l’altération du stockage des informations. La loi de Ribot (1881) stipule que les souvenirs les plus anciens et qui ont la charge affective la plus importante présentent la résistance la plus grande à la détérioration rétrograde.
La mémoire est intimement liée aux autres fonctions cognitives.
Ainsi, l’attention et la concentration sont deux fonctions absolument indispensables au fonctionnement normal de la mémoire. Un déficit à ce niveau entraînera une difficulté à saisir l’information dans les conversations courantes ou à passer d’une activité à une autre.
Il faudra être vigilant pour ne pas transformer les échanges avec ces personnes malades en « tests de détérioration ».
Ainsi, quand cela est possible, la réponse aux questions sera suggérée, pour éviter la mise en échec. Devant un album de photos, plutôt que de demander de qui il s’agit, il est préférable (si l’on connaît la réponse) de dire… « Ne serait-ce pas votre mari sur cette photo ? »
Avec la perte de la mémoire récente, on va assister au retour de souvenirs lointains qu’il faudra savoir accueillir. En effet, tardivement, dans la maladie, certains patients n’auront plus le souvenir de leur vie familiale. Mariage et enfants seront des souvenirs effacés et ce souvent au profit de souvenirs bien plus anciens de leur enfance, de leurs parents… Attention, il ne s’agit pas d’un retour à l’enfance, mais d’un adulte gravement malade qui a plus facilement accès à ces très anciens souvenirs.
Ces souvenirs de personnes aimées (la mère…), d’activités à accomplir (retourner à la maison, aller au travail ou à l’école) perdent leur statut de souvenirs. Ils s’actualisent : les morts sont vivants, les enfants aujourd’hui retraités sont de nouveau en culotte courte !
2. Les troubles du langage
Après les troubles de la mémoire, ce sont les troubles du langage qui sont les plus importants. Ainsi, l’aphasie est fréquente et hétérogène.
L’aphasie est un trouble du langage, elle correspond à une perte partielle ou totale de la capacité à communiquer. Elle touche donc les capacités de comprendre le langage et/ou de parler.
Selon la localisation de la lésion et de son intensité, l’aphasie pourra se manifester différemment.
Le « manque du mot » est souvent le premier symptôme.
La capacité à écrire est perturbée précocement. Parfois certains malades sont encore capables d’écrire des mots isolés, sous dictée ou en copie.
Le discours avec les années va devenir de plus en plus incohérent. On peut aussi constater des paraphasies. Il s’agit d’un mot à la place d’un autre, soit dont le son est proche « un mouton » à la place « d’un bouton », mais c’est assez peu fréquent, soit dont le sens est proche (paraphasie sémantique) : « un carnet » pour « un portefeuille »
Une patiente d’une unité cognitivo-comportementale s’approche d’une jeune aide-soignante fraîchement sortie de chez sa coiffeuse. Elle a des mèches claires, sa chevelure est abondante. À petits pas la malade s’avance, le visage enjoué. Elle se saisit délicatement du visage de la jeune et jolie soignante et lui lance : « Hooo… qu’est-ce que t’es moche ! »
Dans ce cas, on peut supposer qu’il s’agit d’un compliment et donc d’une paraphasie sémantique. Il faut alors accueillir cela comme un compliment en prenant la précaution de reformuler (on ne sait jamais). : « C’est vrai, Mme E. vous me trouvez jolie ? »
« Moche pour jolie », mais parfois « chaud pour froid ».
La possibilité de lecture à haute voix est assez longtemps conservée, en revanche on observe une atteinte progressive de la compréhension de ce qui est lu.
A. À quelles difficultés de communication s’attendre en fonction du stade de la maladie ?
a. Au stade léger de la maladie
On observe habituellement des difficultés limitées.
Il s’agit initialement de banals manques du mot, avec des mots retrouvés le plus souvent dans un second temps. Puis progressivement, le mot n’est plus retrouvé, laissant la place à un mot incorrect.