Chapitre 6 La mélodie d’un entretien
Le terme de mélodie est choisi à dessein. Comme dans toute pièce musicale, il existe un rythme dans les entretiens : celui dicté par le patient et celui insufflé par le thérapeute. Mais il doit aussi exister une petite musique qui se fait entendre. Cette dernière apporte une aide, un soutien, un réconfort. Sans insister, en effleurant, et parfois en mettant un point sur le i, le thérapeute doit veiller à ce que le message de soutien existe et soit bien perçu.
Qu’il s’agisse d’un entretien isolé ou d’une séquence de plusieurs entretiens, le patient doit pouvoir ressentir qu’il a été entendu, qu’il a pu partager ou déposer son fardeau de soucis. Plus simplement, il doit se sentir plus solide et mieux armé pour continuer à cheminer dans l’existence. Ces éléments très généraux sont pondérés par les capacités de la personne : facilité d’expression, failles et traumatismes, structure de la personnalité. Déceler ces éléments appartient au « carré stratégique » déjà abordé dans un chapitre précedent. Les entretiens visent à apporter un environnement soutenant. À la différence d’un entretien initial dont le but est de dégager des plaintes et des symptômes pour les regrouper en une entité diagnostique, un entretien de psychothérapie de soutien s’inscrit dans un cadre plus souple, dont l’un des objectifs est de permettre à des soucis, des préoccupations ou des ruminations mentales d’accéder à une formulation et à un échange avec le thérapeute.
Quand une thématique s’impose
Quelles sont les émotions suscitées ?
De la même façon que l’on nomme un problème, il est toujours utile de mettre un nom sur des émotions ou des sentiments. Leur gamme peut aller de la honte à la déception, de l’humiliation à la détresse, de la colère à la rage. Nommer spécifiquement des émotions revient à effectuer une transition entre des états physiologiques ou des pensées et une mise en forme proche d’un emballage. Cet emballage représente une voie de canalisation des émotions : les reconnaître et les nommer, c’est déjà les apprivoiser.
Que révèle ou que dévoile cette situation ?
Il s’agit d’un travail qui réunit fréquemment mise en perspective et interprétation. Faire un pont entre une déception sentimentale, un sentiment de solitude et une interrogation sur sa personnalité représente un aménagement de la souffrance. Chaque étape de ce travail de lien définirait une digue, une écluse et un bras de rivière annexe construits pour transformer un fleuve impétueux en une voie d’eau navigable. Ce travail de canalisation obéit à des règles subtiles permettant à l’énergie émotionnelle de se réduire pour insuffler l’idée que d’autres aspects doivent aussi être abordés. Ainsi, le thérapeute cherche à ne pas laisser tout le temps de l’entretien occupé par une seule thématique, aussi importante soit-elle. On gardera une durée de l’ordre d’un tiers ou d’un quart de l’entretien disponible pour d’autres aspects ou pour une ouverture plus vaste à partir des soucis exprimés. En effet, selon toute vraisemblance, le patient a déjà exprimé à d’autres interlocuteurs, ses amis ou sa famille, les aspects essentiels de ses soucis. Le laisser dans cette seule énonciation ne distinguerait pas le processus d’écoute du thérapeute de celui d’un individu profane. C’est à partir de la mise en perspective ou de l’utilisation de l’exemple donné comme un modèle d’autres situations que la valeur ajoutée de la psychothérapie de soutien se réalise.
La continuité en tant que soutien
Les symptômes peuvent être la première pierre d’un travail de continuité d’un entretien sur l’autre. Il est utile de comprendre comment une tristesse, une anxiété ou une détresse ont évolué. Lorsque les symptômes n’ont pas diminué et restent aussi intenses, le patient peut expliquer ou dévoiler une raison ou des mécanismes participant à leur permanence. Il arrive que cette persistance symptomatique devienne un indice important, de par son intensité ou sa durée, d’un diagnostic. Plusieurs troubles pathologiques possèdent, comme critère majeur, une durée supérieure à quinze jours ou trois semaines. De nouveaux symptômes peuvent apparaître, d’autres ont pu diminuer ou s’interrompre. Au travers de l’évaluation symptomatique, le message qui transparaît indique un réel souci pour la personne malade.