3: Le « carré stratégique » de la psychothérapie de soutien

Chapitre 3 Le « carré stratégique » de la psychothérapie de soutien



L. Schmitt


Le terme de « carré stratégique » représente les piliers indispensables ; il concerne quatre aspects obligatoires à cerner dans tout travail de psychothérapie de soutien. L’un de ces quatre aspects est la difficulté, pour toute personne, de se livrer et de réfléchir à ses difficultés ; cela représente le pilier de l’alliance thérapeutique. La souffrance de l’individu révèle des blessures et des failles, leur relation est circulaire : on souffre parce qu’il existe des faiblesses, et les faiblesses sont révélées par la souffrance ; un deuxième pilier du carré apparaît là. Le psychothérapeute de soutien vit une situation analogue à celle du tailleur de diamants confronté à une pierre brute ; il doit comprendre la structure du sujet, ses axes de force et de faiblesse pour en tirer le meilleur parti. Dans une comparaison, Freud (1913) décrivait la psychothérapie comme une sculpture ; chaque interprétation devenait un coup de burin transformant progressivement un bloc de marbre en une statue d’un sujet ; c’est le troisième pilier du carré. Enfin, se fixer des objectifs de soins réalistes dont l’essentiel vise à renforcer ou soutenir le patient, et non à des changements importants mais parfois hypothétiques, tel est le dernier pilier du carré.


Ces quatre éléments appartiennent-ils au cadre ou au processus ? Dans la stricte logique psychothérapeutique, ils se réalisent progressivement, au fil des consultations, et l’on devrait les ranger du côté du processus. Mais cette approche revêt une importance stratégique et est analogue à la disposition des pièces sur un échiquier pour contribuer à l’instauration du processus de soins. On peut donc la considérer comme une sorte de cadre secondaire, un « méta-cadre » qui dirigerait des éléments clés du soutien.




Il faut créer une alliance


Il est difficile de réfléchir et de parler de soi ; il est des sujets bavards, prolixes, qui parlent abondamment sans manifester ces silences et ces respirations qui traduisent une réflexion sur son propos. D’autres, figés par les émotions ou la tristesse, semblent en grande difficulté pour tenir un dialogue, une conversation. D’autres ne distinguent pas le contexte de la discussion avec une amie ou un proche de celui d’une psychothérapie ; ils réalisent une conversation entre copains ou copines. Enfin, certains ont du mal à accorder leur confiance, ils cachent ou omettent plusieurs points, ils taisent des secrets douloureux. Or, selon Andreoli (2001), les fondamentaux d’une psychothérapie contiennent, toutes méthodes confondues, les qualités de la relation que l’on peut instaurer dans l’art de la rencontre avec autrui. Cela nécessite de suspendre par éclipse l’interrogation automatique sur les symptômes, leur causalité et les antécédents, pour simplement nouer une relation respectueuse, réfléchie et humaine envers son patient. Une façon d’être empathique revient à se poser la question : « N’est-il pas trop difficile pour ce patient de me parler, d’évoquer certains sujets ? Ne suis-je pas trop inquiétant ou trop loin de lui ? » Il est évident que, pour créer une alliance, un temps de consultation supérieur à une vingtaine de minutes est nécessaire. Il faut savoir que bien des éléments essentiels surgissent dans les quelques minutes proches de la séparation. Le syndrome de la poignée de porte désigne ces quelques phrases commençant par : « Ah ! J’allais oublier de vous dire… Ce n’est peut-être pas important mais je souhaitais ajouter… », livrées au moment de la séparation.







On a pu graduer l’alliance (Gunderson et Gabbard, 2001) en trois étapes



1. L’alliance contractuelle réunit un patient et un thérapeute. Elle implique l’idée de plusieurs entretiens pour faire évoluer une situation, et comporte l’acceptation d’un soin sous la forme de plusieurs rencontres. Ce contrat nécessite que l’on indique la nécessité de plusieurs rencontres, que l’on discute des séances manquées et des honoraires.


2. L’alliance relationnelle comporte le respect mutuel, l’engagement du thérapeute et l’implication émotionnelle. Le patient s’interroge sur la réalité de la relation : est-ce juste une attitude technique, purement professionnelle, ou bien a-t-on un vrai souci de moi ? Dans cette dimension relationnelle figurent des aspects de sympathie et de compassion. La sympathie comporte des phénomènes d’identification liés à des situations partagées en commun par le patient et le thérapeute ; le thérapeute comprend d’autant plus la gêne ou le bouleversement éprouvé par le patient. La compassion englobe de la consolation et le désir fort d’apporter une aide et de faire évoluer quelqu’un vers la guérison. Mais la compassion doit être maintenue dans des limites car elle n’apporte pas une grande aide dans le processus psychothérapeutique. L’alliance relationnelle demande au thérapeute de réfléchir à ces vécus d’empathie, de sympathie ou de compassion. Ce sont des dimensions du transfert. Elles induiront une adaptation dans la distance relationnelle.


3. L’alliance de travail définit le degré d’accord entre un patient et son thérapeute sur des objectifs, des buts et des thèmes travaillés en commun. Dans une bonne alliance de travail, une négociation sur ces objectifs et ces thèmes intervient. L’amélioration de cette alliance doit amener le thérapeute à interroger de temps en temps son patient sur des éléments qu’il souhaiterait améliorer, des points de désaccord, voire des éléments négatifs intervenant dans la relation.




Ainsi, dans une bonne alliance de travail, il faut encourager et rechercher des sentiments négatifs ou d’hostilité du patient vis-à-vis du thérapeute.

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Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 3: Le « carré stratégique » de la psychothérapie de soutien

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