Chapitre 6 Épistaxis
prise en charge radiologique et traitement endovasculaire
Une épistaxis correspond à l’extériorisation par voie antérieure (par les fosses nasales) ou postérieure (par les orifices choanaux) de sang provenant des cavités nasales. Ce symptôme est très fréquent, touchant, tôt ou tard, près de 60 % de la population générale, et survient surtout avant l’âge de 30 ans, avec une grande prédilection chez l’enfant entre 5 et 10 ans. Les épistaxis antérieures sont les plus fréquentes (90 %) ; elles sont le plus souvent de faible abondance et bien contrôlées par la compression manuelle, voire le méchage antérieur. En revanche, les épistaxis postérieures, plus rares (10 %), sont de traitement plus délicat et peuvent même être réfractaires au méchage postérieur, nécessitant alors un traitement plus agressif. L’abondance et la rapidité d’installation d’une épistaxis définissent sa gravité. On distingue :
Les moyens utilisés pour tarir l’hémorragie sont tout d’abord des mesures simples comme la compression bidigitale des ailes du nez ou le tamponnement vestibulaire. Puis, lorsque ces mesures sont insuffisantes, une cautérisation de la tache vasculaire peut être proposée. En cas d’épistaxis résistant à ces traitements, un tamponnement (ou méchage) antérieur et/ou post é rieur sont réalisés (mèches de Surgicel, sous couverture antibiotique, moins de 48 h). En cas de persistance de l’épistaxis, on parle d’épis taxis intarissable. Dans ce cas de figure, le traite ment par voie endovasculaire est discuté, en fonction de la gravité de l’hémorragie, du taux d’hémoglobine, des antécédents et du terrain général. Le traitement endovasculaire des épistaxis réfractaires a été décrit pour la première fois par Sokoloff et al. en 1974 [1]. De par les progrès croissants du matériel et des techniques endovasculaires, et du fait d’un taux de complications moindre [2–4], il a peu à peu remplacé, en première intention, le traitement chirurgical, qui consiste en une ligature du segment distal des artères maxillaires internes et des artères ethmoïdales [5, 6].
Rappels anatomiques
Les fosses nasales ont une topographie paramédiane dans le massif facial. Aussi, les apports vasculaires proviennent-ils des côtés droit et gauche. Ceci impose donc, lors de toute exploration d’épistaxis, l’examen bilatéral des axes carotidiens, même si l’épistaxis est unilatérale.
Le principal apport vasculaire des fosses nasales provient de l’artère sphénopalatine, branche de terminaison de l’artère maxillaire interne, ellemême branche de terminaison de l’artère carotide externe (fig. 6-1). L’artère sphénopalatine se divise en artères nasales postérolatérales (vascularisation des cornets, et d’une partie des sinus maxillaires, du sinus sphénoïdal et des cellules ethmoïdales) et postéromédiale (vascularisation du septum nasal). Le second contingent artériel des fosses nasales provient de l’artère ophtalmique. Celle-ci donne naissance aux artères ethmoïdales antérieure et postérieure qui assurent la vascularisation de la partie haute de la cloison nasale. Enfin, un contingent plus modeste provient de l’artère faciale via les artères alaires, et l’artère septale antérieure, branche de l’artère labiale supérieure [7]. Rarement, en cas de lésion vasculaire, ou suite à une ligature artérielle proximale, l’artère méningée accessoire ou l’artère pharyngienne ascendante peuvent participer à la vascularisation des fosses nasales.
Bilan angiographique
L’angiographie numérisée soustraite, couplée à une embolisation, sera proposée devant une épistaxis non contrôlée par le méchage et en dehors de contexte précis connu. Cette embolisation ne sera réalisée qu’après un bilan TDM (traumatisme) ou IRM (tumeur), sauf en cas d’épistaxis cataclysmique menaçant le pronostic vital. Le bilan angiographique comprend l’exploration bilatérale des artères carotides externes (ACE) et internes (ACI), puis l’exploration par cathétérisme hypersélectif des artères maxillaires internes et des artères faciales [8]. Ce bilan recherchera une naissance de l’artère ophtalmique directement de l’artère méningée moyenne (3–4 % des cas [9, 10]), cet élément contre-indiquant une embolisation sélective de l’artère maxillaire interne.
Épistaxis d’origine indéterminée (idiopathique)
Les épistaxis sans contexte pathologique connu et pour lesquelles aucune cause n’est retrouvée sur le bilan d’imagerie (TDM/IRM et/ou angiographie) sont les plus fréquentes [11]. Lorsqu’elles sont réfractaires au méchage antérieur et/ou postérieur, elles bénéficient d’un bilan angiographique complet (artères carotides externes droite et gauche ; artères maxillaires internes et artères faciales) uniquement si un traitement endovasculaire est envisagé.
Ces épistaxis idiopathiques peuvent survenir chez les patients hypertendus, sous anticoagulants, les gros fumeurs ou les patients alcooliques chroniques. Mais, le plus souvent, elles surviennent chez les patients sains.
L’efficacité de cette technique endovasculaire est très bonne, avec une disparition de l’épistaxis dans plus de 80 % des cas [4, 12]. Les principales complications décrites suite à un traitement endovasculaire d’épistaxis sont : des douleurs, une paralysie faciale, un accident ischémique cérébral ou une nécrose cutanée [13]. Ces complications sont rares ; elles surviennent dans moins de 5 % des cas [14].
Pathologies traumatique/ iatrogène
Épistaxis iatrogène
Les gestes endoscopiques endonasaux et certaines interventions neurochirurgicales comme le traitement par voie trans-sphénoïdale des adénomes hypophysaires peuvent se compliquer d’épistaxis, parfois de très grande abondance (fig. 6-2). En effet, la proximité de l’artère carotide interne intracaverneuse avec le sinus sphénoïdal (qui peut aller jusqu’à une procidence, voire une déhiscence) rend vulnérable la carotide interne.