52: TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE RÉNALE

CHAPITRE 52 TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE RÉNALE







GÉNÉRALITÉS




Épidémiologie


L’incidence annuelle, souvent sous-estimée, de l’IRA est évaluée suivant les auteurs entre 100 et 200 cas par million d’habitants. Sa prévalence serait de 2 à 5 % chez les malades hospitalisés et de 5 à 20 % en réanimation.


Les causes sont variables suivant les services. Ainsi, une nécrose tubulaire favorisée par un état de choc peut représenter jusqu’à 45 % des IRA hospitalières mais plus de 90 % en service de réanimation.


Le pronostic de récupération fonctionnelle ou vital de l’IRA est sombre à court et moyen terme (mortalité de 60 %) en raison du contexte de survenue de l’IRA et des complications extrarénales (état de choc, infection, défaillance cardio-vasculaire, problèmes neurologiques, thromboses, etc.).


Le taux de mortalité varie beaucoup suivant le terrain (antécédents néphrologiques, âge, etc.), les pathologies associées (insuffisance cardiaque, respiratoire, hépatique, neurologique ou hématologique) et le contexte d’apparition de l’IRA. Lorsque l’origine de l’IRA est d’ordre médical, le taux de mortalité est de 20 % mais il passe à 80 % si l’IRA est consécutive à un traumatisme ou à une intervention chirurgicale.


Le pronostic à long terme est mal connu. Des séquelles rénales persistent dans la majorité des cas, surtout chez les malades âgés de plus de 70 ans qui sont 5 fois plus sensibles que les sujets plus jeunes en raison d’altérations structurelles et fonctionnelles qui prédisposent à une hypoperfusion rénale.


Les causes d’IRA sont multiples (chirurgicales, traumatiques, obstétricales, médicales) et souvent intriquées chez des malades de plus en plus âgés, hospitalisés en service de soins intensifs, avec des défaillances polyviscérales.


L’IRA est potentiellement réversible soit spontanément, soit à la suite d’un traitement de la cause. La rapidité de récupération est fonction de l’origine physiopathologique de l’IRA.


Cette origine permet de distinguer trois types d’IRA :



Ainsi, une IRA prérénale par hypoperfusion rénale dans le cadre d’un choc hypovolémique peut se transformer en IRA organique par nécrose tubulaire aiguë si l’hypoperfusion est trop prolongée.


Certaines causes, comme les IRA consécutives à un avortement, sont devenues exceptionnelles tandis que celles ayant une origine iatrogène sont en forte augmentation. Ces causes iatrogènes (tableau 52.1) peuvent être responsables d’IRA fonctionnelle comme les diurétiques et les IEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion).



Remarque : l’établissement d’une relation entre l’apparition de malformations chez des enfants nés de mères traitées par IEC au cours de leur grossesse conduit à choisir une autre classe d’antihypertenseurs chez des femmes en âge de procréer.



Toxicité rénale des médicaments


Les reins sont particulièrement exposés aux substances toxiques en raison :



Les médicaments peuvent :




PHYSIOPATHOLOGIE


Les origines d’une IRA pouvant être multiples et souvent intriquées, en particulier chez des malades hospitalisés en réanimation, il est important de pouvoir distinguer les trois types principaux d’IRA car les thérapeutiques sont différentes.


Il est parfois nécessaire de recourir à une biopsie rénale lorsqu’une IRA organique d’origine glomérulaire ou interstitielle est suspectée.


Les fréquences respectives des trois principaux types d’IRA sont :




Insuffisance rénale aiguë prérénale ou fonctionnelle


L’IRA prérénale ou fonctionnelle est secondaire à une déshydratation extracellulaire, à un état d’hypotension et/ou d’hypovolémie efficace ou à des modifications de l’hémodynamique intrarénale qui ne permettent pas de maintenir un débit suffisant de filtration glomérulaire.


L’atteinte se situant au niveau des mécanismes de régulation de la filtration glomérulaire, le rein reste anatomiquement sain.


L’IRA fonctionnelle s’améliore rapidement (en quelques heures) lorsque les facteurs déclenchants (remplissage vasculaire, traitement de l’insuffisance cardiaque, arrêt du médicament responsable) sont traités.


Cependant, dans le cas contraire, la persistance d’une hypoperfusion rénale peut entraîner secondairement des lésions anatomiques et la transformation de l’IRA fonctionnelle en IRA organique.


Les causes de diminution de la filtration glomérulaire (FG) peuvent être de deux types.






Insuffisance rénale aiguë organique par lésion du parenchyme rénal


L’IRA organique dont la cause est proprement rénale résulte de la lésion du parenchyme rénal. Suivant le type principal de lésion, on distingue des IRA d’origine glomérulaire, vasculaire, interstitielle ou tubulaire. Les plus fréquentes ont une origine essentiellement tubulaire (plus de 80 % des IRA organiques résultent de nécroses tubulaires aiguës). Les atteintes interstitielles (10 % sont des néphropathies interstitielles), les glomérulonéphrites aiguës et les atteintes vasculaires ont une incidence moins élevée.



Insuffisance rénale aiguë d’origine tubulaire


Les nécroses tubulaires ont dans plus de 50 % des cas une origine ischémique qui résulte d’une diminution de la perfusion rénale dont l’origine est une cause prérénale. L’augmentation de l’excrétion urinaire de la β2-microglobuline est un bon indice d’atteinte tubulaire.


La régénération de l’épithélium tubulaire lésé par une IRA est possible sous l’influence de différentes molécules dont des facteurs de croissance peptidiques : EGF (epidermal growth factor), HGF (hepatocyte growth factor), IGF-1 (insulin-like growth factor-1). Cette régénération complexe peut aboutir à la récupération partielle ou totale des fonctions tubulaires.


Les principales causes d’altération et de mort des cellules tubulaires sont :



Une IRA peut être provoquée par des obstructions intratubulaires qui ont pour origine :




Insuffisance rénale aiguë d’origine interstitielle


La cause est le plus souvent iatrogène, d’origine toxique (colistine, aminosides) ou immuno-allergique.


Les causes médicamenteuses sont de plus en plus fréquentes (tableau 52.1), (méthicilline, ampicilline, céphalosporines, sulfamides, rifampicine, ciprofloxacine, AINS, IEC, ARA II diurétiques thiazidiques, triamtérène, furosémide, cimétidine, allopurinol, etc.) mais elles peuvent aussi être d’origine auto-immune (lupus), générale (sarcoïdose) ou encore infectieuse (hantavirus, leptospirose, etc.).





Cas particuliers des insuffisances rénales aiguës d’origine iatrogène


Les néphropathies d’origine médicamenteuse sont fréquentes car le rein est particulièrement exposé aux risques d’atteintes toxiques. Il reçoit 20 à 25 % du débit cardiaque dans un réseau capillaire qui représente une surface endothéliale très importante alors qu’il ne représente qu’environ 0,4 % du poids corporel. À partir des 125 mL/min d’ultrafiltrat plasmatique produits par le glomérule, des processus de concentration et de réabsorption tubulaires favorisent une accumulation intra-rénale de substances comme les médicaments.


Une toxicité rénale médicamenteuse est le plus souvent diagnostiquée à la suite d’une altération aiguë de la filtration glomérulaire car cette dernière se traduit par une manifestation clinique franche et relativement fréquente. En revanche, certaines intoxications par les médicaments sont souvent sousestimées car les atteintes rénales sont plus difficiles à diagnostiquer (atteinte tubulaire isolée, syndrome néphrotique, syndrome hémolytique et urémique).


Trois mécanismes d’action du médicament peuvent être en cause :



Pour prévenir le risque d’une intoxication rénale d’origine médicamenteuse, il est nécessaire de repérer les populations à risques (enfants et personnes agées par exemple) et les facteurs favorisants (diabète, déshydratation.) pour adapter la posologie et éviter un surdosage. Ainsi, l’adaption de la posologie nécessite de déterminer avec précision les capacités d’élimination du rein par une estimation du débit de la filtration glomérulaire (formule de Cockcroft et Gault ou la formule de l’étude « MDRD »).


Les médicaments le plus souvent responsables (tableau 52.1) d’IRA sont : les aminosides, les AINS, les IEC, les ARA II, les produits de contraste iodés, les chimiothérapies anticancéreuses, la ciclosporine, et les stimulateurs de l’ovulation.







Produits de contraste en IRM à base de chélates de gadolinium


Certains chélates du gadolinium sont impliqués dans la survenue d’une nouvelle maladie, la fibrose néphrogénique systémique (FNS). Elle se caractérise par une fibrose étendue des tissus qui peuvent conduire à des blocages articulaires (impotence) et/ou des atteintes d’organes (cœur, poumon) pouvant entraîner le décès du patient. Diagnostiquée pour la première fois en 1997 chez des patients dialysés, 400 cas de FNS ont depuis été décrits exclusivement chez des patients insuffisants rénaux. Les manifestations observées pourraient être liées au relargage de gadolinium libre et du chélate dans la peau. La plus forte fréquence de la FNS avec l’Omiscan serait liée à une constante de dissociation plus faible de ce type de gadolinium (chélates linéaires) qu’avec les chélates non linéaires. Aucun cas de FNS n’a été encore rapporté avec l’emploi de gadolinium macrocyclique (Dotarem). Le risque de FNS serait plus élevé chez le patient insuffisant rénal en raison d’une demi-vie très prolongée des chélates de gadolinium, chez ce type de patient. Cela a conduit à des recommandations et des contre-indications du gadodiamide (Omiscan) et de l’acide gadopentétique (Magnevist) chez le patient dont la clairance de la créatinine est inférieure à 30 mL/min. L’utilisation de tous les chélates de gadolinium doit être pesée chez les patients insuffisants rénaux chroniques.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 52: TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE RÉNALE

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