CHAPITRE 52 TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE RÉNALE
GÉNÉRALITÉS
Définition
– un syndrome de rétention de déchets azotés, associant une augmentation de la créatininémie et de l’azotémie (urée plasmatique) ;
– des troubles liés à un déséquilibre du bilan hydro-électrolytique (hyperkaliémie, acidose métabolique).
Épidémiologie
L’IRA est potentiellement réversible soit spontanément, soit à la suite d’un traitement de la cause. La rapidité de récupération est fonction de l’origine physiopathologique de l’IRA.
Cette origine permet de distinguer trois types d’IRA :
– 1. les IRA prérénales ou fonctionnelles ;
– 2. les IRA postrénales ou par obstruction ;
– 3. les IRA organiques, par lésion du parenchyme rénal. Cependant, il existe parfois des passages d’un type à l’autre.
Certaines causes, comme les IRA consécutives à un avortement, sont devenues exceptionnelles tandis que celles ayant une origine iatrogène sont en forte augmentation. Ces causes iatrogènes (tableau 52.1) peuvent être responsables d’IRA fonctionnelle comme les diurétiques et les IEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion).
Toxicité rénale des médicaments
Les reins sont particulièrement exposés aux substances toxiques en raison :
– de l’importance du débit sanguin (20 % du débit cardiaque) qui les perfuse ;
– de son activité métabolique élevée ;
– de l’importance de la surface de son endothélium qui explique une sensibilité accrue (risque toxique et immunologique) ;
– du mécanisme de contre-courant dans la médulla qui peut augmenter les concentrations intraparenchymateuses ;
– de sa capacité à rompre les liaisons des médicaments aux protéines plasmatiques et d’augmenter la fraction libre active.
– avoir une toxicité directe sur le rein (cytotoxiques, aminosides) et provoquer une insuffisance rénale (IR) ou aggraver une IR pré-existante ;
– s’accumuler par suite d’une insuffisance d’élimination en raison d’une IR déjà établie et atteindre des concentrations qui peuvent être toxiques pour de nombreux organes et/ou modifier les caractéristiques pharmacocinétiques et les effets pharmacodynamiques ;
– diminuer la perfusion sanguine rénale (produits de contraste iodés, AINS par inhibition des prostaglandines vasodilatatrices rénales) et induire une IR ;
– interférer au niveau de la balance hydroélectrolytique : hypokaliémie, hyponatrémie, hypovolémie (diurétiques chez des patients déshydratés : fièvre, diarrhée …) ;
– provoquer une réaction d’hypersensibilité (pénicilline) ;
– obstruer la lumière tubulaire par des dépôts (indinavir, métabolite du méthotrexate [7-OH méthotrexate]).
PHYSIOPATHOLOGIE
Les fréquences respectives des trois principaux types d’IRA sont :
– l’IRA prérénale ou fonctionnelle (40 à 80 % des cas) ;
– l’IRA post-rénale par obstruction des voies excrétrices (moins de 10 % des cas) ;
– l’IRA organique par lésions du parenchyme rénal (10 à 15 %).
Insuffisance rénale aiguë prérénale ou fonctionnelle
Les causes de diminution de la filtration glomérulaire (FG) peuvent être de deux types.
Baisse du flux sanguin rénal
Elle peut être consécutive à une :
– vasodilatation périphérique (choc hémodynamique notamment septique, antihypertenseurs) ;
– vasoconstriction de l’artériole afférente (infection, cirrhose hépatique avec ascite [syndrome hépato-rénal], AINS, immunodépresseurs [ciclosporine, tacrolimus]).
Baisse de la pression de filtration intraglomérulaire (FG)
Elle peut être consécutive à :
– un trouble hémodynamique intrarénal résultant de la rupture d’équilibre entre facteurs vasoconstricteurs et vasodilatateurs des artères rénales afférentes et efférentes ;
– une action pharmacologique par :
Insuffisance rénale aiguë post-rénale ou par obstruction
Lorsque l’écoulement de l’urine est empêché par la présence d’un obstacle bilatéral sur les deux tractus urinaires ou sur la voie excrétrice du seul rein fonctionnel, l’IRA est dite postrénale par obstruction des voies excrétrices.
La réversibilité de l’IRA est rapidement obtenue après la libération de la voie excrétrice.
Insuffisance rénale aiguë organique par lésion du parenchyme rénal
Insuffisance rénale aiguë d’origine tubulaire
Les principales causes d’altération et de mort des cellules tubulaires sont :
– des chocs (hémorragique, infectieux, cardiogénique, traumatique, pancréatique) ;
– des hémolyses, des coagulations intravasculaires ;
– des intoxications par des substances toxiques (sels de métaux lourds) ou des médicaments néphrotoxiques (aminosides, produits de contraste iodés), (tableau 52.1).
Une IRA peut être provoquée par des obstructions intratubulaires qui ont pour origine :
Insuffisance rénale aiguë d’origine interstitielle
Les causes médicamenteuses sont de plus en plus fréquentes (tableau 52.1), (méthicilline, ampicilline, céphalosporines, sulfamides, rifampicine, ciprofloxacine, AINS, IEC, ARA II diurétiques thiazidiques, triamtérène, furosémide, cimétidine, allopurinol, etc.) mais elles peuvent aussi être d’origine auto-immune (lupus), générale (sarcoïdose) ou encore infectieuse (hantavirus, leptospirose, etc.).
Cas particuliers des insuffisances rénales aiguës d’origine iatrogène
Une toxicité rénale médicamenteuse est le plus souvent diagnostiquée à la suite d’une altération aiguë de la filtration glomérulaire car cette dernière se traduit par une manifestation clinique franche et relativement fréquente. En revanche, certaines intoxications par les médicaments sont souvent sousestimées car les atteintes rénales sont plus difficiles à diagnostiquer (atteinte tubulaire isolée, syndrome néphrotique, syndrome hémolytique et urémique).
Trois mécanismes d’action du médicament peuvent être en cause :
1. le médicament peut interférer sur la synthèse ou le catabolisme rénal de nombreux médiateurs hormonaux (rénine, angiotensine, prostaglandine, etc.) et entraîner une perfusion sanguine rénale insuffisante ;
2. le médicament peut exercer une action toxique directe sur le parenchyme rénal (atteinte le plus souvent glomé-rulaire ou tubulaire). La toxicité est le plus souvent dose-dépendante et prévisible ;
3. le médicament peut plus rarement provoquer une réaction d’hypersensibilité qui n’est pas dose-dépendante et est le plus souvent imprévisible.
Les médicaments le plus souvent responsables (tableau 52.1) d’IRA sont : les aminosides, les AINS, les IEC, les ARA II, les produits de contraste iodés, les chimiothérapies anticancéreuses, la ciclosporine, et les stimulateurs de l’ovulation.
Produits de contraste iodés
– hydrater le malade 3 à 12 h avant l’examen et poursuivre 6 à 24 h après l’examen avec des solutions cristalloïdes isotoniques (perfusion de 1 à 1,5 litre d’une solution de chlorure de sodium à 0,9 % ou de préférence de bicarbonate de sodium à un rythme de l’ordre de 1 mL/kg/h) ;
– réduire au minimum la quantité d’iode injectée et utiliser de préférence des produits de contraste iso-osmotiques ou figurant parmi les moins hyperosmotiques.
Produits de contraste en IRM à base de chélates de gadolinium
Certains chélates du gadolinium sont impliqués dans la survenue d’une nouvelle maladie, la fibrose néphrogénique systémique (FNS). Elle se caractérise par une fibrose étendue des tissus qui peuvent conduire à des blocages articulaires (impotence) et/ou des atteintes d’organes (cœur, poumon) pouvant entraîner le décès du patient. Diagnostiquée pour la première fois en 1997 chez des patients dialysés, 400 cas de FNS ont depuis été décrits exclusivement chez des patients insuffisants rénaux. Les manifestations observées pourraient être liées au relargage de gadolinium libre et du chélate dans la peau. La plus forte fréquence de la FNS avec l’Omiscan serait liée à une constante de dissociation plus faible de ce type de gadolinium (chélates linéaires) qu’avec les chélates non linéaires. Aucun cas de FNS n’a été encore rapporté avec l’emploi de gadolinium macrocyclique (Dotarem). Le risque de FNS serait plus élevé chez le patient insuffisant rénal en raison d’une demi-vie très prolongée des chélates de gadolinium, chez ce type de patient. Cela a conduit à des recommandations et des contre-indications du gadodiamide (Omiscan) et de l’acide gadopentétique (Magnevist) chez le patient dont la clairance de la créatinine est inférieure à 30 mL/min. L’utilisation de tous les chélates de gadolinium doit être pesée chez les patients insuffisants rénaux chroniques.