5: Le syndrome des nerfs cutanés dorsaux du pied

Le syndrome des nerfs cutanés dorsaux du pied


Nerf fibulaire superficiel


N. fibularis superficialis


Nerf sural


N. suralis



Généralités




Rappel anatomique et physiopathologique


Le nerf fibulaire superficiel est la branche de bifurcation latérale du nerf fibulaire commun. Il prend naissance au niveau de la tête ou du col de la fibula, au-dessous du muscle long fibulaire, dans la loge latérale de la jambe.


Il descend légèrement vers l’avant pour s’étendre sur la face latérale de la fibula entre les insertions du muscle long fibulaire. Habituellement, il chemine ensuite entre les muscles fibulaires et le septum intermusculaire crural antérieur, qui le sépare du muscle long extenseur des orteils. Il innerve au passage les muscles long et court fibulaires. Plus bas, il traverse le fascia crural de la jambe en avant du muscle court fibulaire pour devenir subcutané, dans le tiers distal de la jambe.


Il reste en superficie des rétinaculums supérieur et inférieur des muscles extenseurs et finalement ses branches terminales innervent la partie inférieure et antéro-latérale de la jambe et presque la totalité de la face dorsale du pied.


Il se termine sur le dos du pied par deux branches : une branche médiale, le nerf cutané dorsal médial, qui innerve la peau de la région dorsale et médiale du pied, les deux premiers orteils et le bord médial du troisième et une branche latérale, le nerf cutané dorsal intermédiaire, qui innerve la peau de la région dorsale et latérale du pied, le bord latéral du troisième orteil et le bord médial du quatrième orteil.


Des entorses récidivantes de la cheville et du pied peuvent provoquer des étirements chroniques du nerf fibulaire superficiel au niveau de ses points de fixation ou de son passage au travers des fascias. Elles sont souvent responsables de douleurs le long de la face latérale de la jambe et au niveau de la face dorsale du cou-de-pied et du pied. Ces symptômes peuvent s’accompagner d’engourdissement et de paresthésies exacerbés en fonction des activités du sujet.


Le nerf cutané sural médial naît du nerf tibial à l’extrémité inférieure de la fosse poplitée et descend dans le sillon formé par les deux chefs du muscle gastrocnémien. À la jonction du tiers moyen et du tiers inférieur de la jambe, il traverse le fascia crural de la jambe. Il fusionne alors avec le rameau communicant ou anastomosique sural pour devenir le nerf sural et innerver la peau de la partie postéro-latérale de la jambe.


Le nerf sural chemine dans les plans subcutanés sur la plaque tendineuse achilléenne. Il descend vers la malléole latérale accompagné de la petite veine saphène en croisant et en suivant le bord latéral du tendon calcanéen. Il se situe latéralement par rapport à la petite veine saphène et en arrière des tendons et de la gaine tendineuse commune des muscles long et court fibulaires.


Il passe derrière la malléole latérale, par-dessus le rétinaculum supérieur des muscles fibulaires et leur tendon pour se terminer par plusieurs branches sur la face latérale du calcanéus et du pied.


Le rameau calcanéen latéral, très superficiel se situe sur la face latérale du calcanéus, il innerve avec plusieurs branches la peau de la face latérale et plantaire du talon.


Le nerf cutané dorsal latéral du pied se termine en nerf digital dorsal latéral du cinquième orteil et innerve la peau du bord latéral du pied et du cinquième orteil.


Le nerf sural est dans l’ensemble de son trajet, au niveau de la jambe et du pied, superficiel et vulnérable à la compression. Tout comme le nerf fibulaire superficiel et ses branches terminales, le nerf sural subit des mises en tension au cours des mouvements de supination et d’adduction du pied comme cela se produit lors d’une entorse de la cheville en supination pure au cours de laquelle le sujet pivote sur le bord latéral du pied.


Le syndrome des nerfs cutanés dorsaux du pied représente l’ensemble des signes et des symptômes en relation avec une dysfonction des branches terminales des nerfs fibulaire superficiel et sural; le nerf cutané dorsal médial, le nerf cutané dorsal intermédiaire, le nerf cutané dorsal latéral et le rameau calcanéen latéral.




Étiologie – liste d’exemples non exhaustive


Nerf fibulaire superficiel et ses branches terminales


Un traumatisme local direct : football, rugby, etc.


Une entorse de la cheville et/ou du pied : flexion plantaire forcée de la cheville et inversion du pied provoquant une traction sur le nerf et ses branches cutanées.


La pratique intensive d’exercices musculaires, longues marches, athlétisme, etc.


La compression par une bande aponévrotique, une hernie musculaire, le port de chaussures trop étroites.


La compression par un cordon musculaire dans le cadre d’un SMD du muscle long fibulaire.


Une tumeur : lipome ou schwannome.


Une cicatrice dans la partie distale et antéro-latérale de la jambe ou au niveau dorso-latéral et dorsal du pied, suite à une arthroscopie ou à une intervention chirurgicale sur fracture malléolaire.


Une tension anormalement élevée des fascias au niveau du passage du nerf fibulaire superficiel.


Nerf sural et ses branches terminales


Un traumatisme direct sur la face latérale du calcanéus ou du bord latéral du pied avec formation de tissu fibreux posttraumatique.


Une entorse du pied en supination, des mouvements de flexion dorsale ou de supination exagérés et/ou répétés.


Une compression par le fascia crural, qui peut devenir un point de fixation du nerf sural, par une cicatrice au niveau de la face latérale du tendon calcanéen ou autour de la malléole latérale.


Une compression externe : chaussures serrées par exemple pour faire de l’escalade, bottines militaires, bottes de ski, souliers à tiges hautes.


Une compression interne : hématome dans le muscle gastrocnémien latéral ou œdème rétromalléollaire latéral, tendinopathie du tendon calcanéen, tendinite ou tenosynovite des muscles fibulaires, ganglion de la gaine des tendons des muscles fibulaires, ganglion de l’articulation calcanéo-cuboïdienne, callus après une fracture, adhérences postopératoires tendon calcanéen.


Des anomalies dynamiques : marche ou course à pied avec le talon en varus et le pied en supination. Instabilité de la cheville et du pied avec varus du talon et supination du pied.




Tableau clinique


Nerf fibulaire superficiel et ses branches terminales


Douleur locale, parfois agaçante au niveau de la face antéro-latérale et inférieure de la jambe et de la cheville.


Douleur brûlante superficielle à la face antéro-latérale de la jambe et de la cheville, paresthésies, engourdissement du cou-de-pied, exagérés ou déclenchés par la flexion plantaire de la cheville et/ou l’inversion forcée du pied.


Troubles, essentiellement sensitifs se manifestant sous forme d’hypoesthésie, rarement d’hyperesthésie ou d’anesthésie dans le territoire du nerf fibulaire superficiel et de ses rameaux cutanés, une perte de force des muscles fibulaires est rarement observée.


Parfois douleur irradiante vers la tête de la fibula, voire la cuisse accompagnée d’une sensibilité exacerbée à la palpation du nerf fibulaire commun au niveau de la tête de la fibula.


La pression et/ou le tapotement (Tinel) du nerf fibulaire superficiel à son point d’émergence 10 à 15 cm en amont de la malléole latérale sont souvent très douloureux et provoquent ou augmentent la symptomatologie du sujet de façon lancinante.


Symptomatologie aggravée par la marche ou la course à pied.


En phase aigüe, le praticien observe souvent une boiterie.


Nerf sural et ses branches terminales


Douleur locale au niveau de la face postéro-latérale et inférieure de la jambe, autour de la malléole latérale, irradiante vers la face latérale du talon et le bord latéral du pied et du cinquième orteil.


Douleur brûlante à la face latérale du talon et du pied, paresthésies, engourdissement, exagérés ou déclenchés par la supination du pied.


La symptomatologie ressemble parfois à une tendinopathie achilléenne : douleur locale à la palpation, à l’étirement et à la contraction musculaire, épaississement sous forme de nodule et parfois crépitations aux mouvements.


La compression du nerf sural rétro-malléolaire est souvent douloureuse et provoquent ou augmentent la symptomatologie du sujet de façon lancinante. Le tapotement (Tinel) du rameau calcanéen latéral est très sensible, voire douloureux.


Troubles purement sensitifs se manifestant sous forme d’hypoesthésie, rarement d’hyperesthésie ou d’anesthésie dans le territoire du nerf sural et de ses rameaux cutanés.


Symptomatologie aggravée par la marche, la course à pied, les exercices physiques ou parfois la nuit.


En phase aigüe, souvent le sujet boite en marchant.


Gonflement diffus parfois présent : rétro-malléolaire, face latérale du talon ou bord latéral du pied.








Intérêt clinique


Les neuropathies des nerfs fibulaire superficiel et sural, suite à une compression ou à un enclavement sont peu décrites dans la littérature et le cas échéant sont considérées comme exceptionnelles.


Plusieurs entités diagnostiques sont évoquées en cas de douleur rebelle et inexplicable au niveau du pied : le syndrome du sinus du tarse, la douleur posttraumatique, les séquelles postentorses, la paratendinopathie achilléenne, la talalgie ou calcanéodynie latérale, le syndrome de l’os cuboïde, etc. Le praticien examine malheureusement encore trop peu fréquemment la contribution de la dysfonction neurogène à la symptomatologie du sujet.


Les dissections anatomiques montrent que pendant les différents mouvements du pied les nerfs glissent, se déplacent et se tendent ainsi que les fascias qui les entourent et qui à certains endroits représentent les structures d’interfaces principales. La flexion plantaire de la cheville combinée à une inversion du pied influencent les deux branches issues du nerf fibulaire commun, le nerf fibulaire superficiel et le nerf fibulaire profond et leurs rameaux cutanés. La flexion dorsale de la cheville combinée à une supination avec adduction du pied ont elles une action sur le nerf sural et ses rameaux cutanés. Le praticien peut facilement observer ces mouvements lorsqu’il mobilise le pied. Que se passe-t-il pendant l’entorse de la cheville et du pied?


Les nerfs fibulaire superficiel et sural traversent le fascia profond de la jambe. Les bords des trous d’émergence sont parfois saillants, fibrosés et le nerf peut adhérer aux fascias qui l’entourent. Au cours d’une entorse on assiste à des phénomènes concomitants de tension et de compression du nerf due à la fermeture des trous d’émergence. Le saignement traumatique et l’immobilisation ne peuvent que détériorer la situation du nerf, des adhérences se forment et engendrent un manque d’adaptation mécanique au mouvements, l’état d’hypoxie s’aggrave et la mécanosensibilité du nerf augmente.




Bilan diagnostique


Les entorses de la cheville et/ou du pied, aigües ou chroniques présentent souvent des symptômes résiduels dus à une composante neurogène. Les nerfs fibulaire superficiel et sural ainsi que leurs branches cutanées devraient toujours être évalués. En phase aigüe le praticien choisira un test neurodynamique global et à distance comme l’élévation de la jambe tendue (EJT) alors que dans la chronicité, il pourra se permettre d’utiliser des tests neurodynamiques très spécifiques. La reproduction de la douleur et/ou de la symptomatologie du sujet, si elle se laisse influencer par un mouvement réalisé à distance mais impliquant les structures nerveuses impose toujours une hypothèse neurogène.


Les tests neurodynamiques spécifiques sont basés sur la connaissance précise de la neuro-anatomie du pied. Bon nombre de praticiens débutant avec le concept neurodynamique sont agréablement surpris de la facilité avec laquelle il pourraient mettre une dysfonction neurogène en évidence dans les problèmes souvent chroniques et rebelles du pied. Le pied reste la région de choix pour apprendre les principes du concept neurodynamique.


À ce niveau les nerfs sont faciles d’accès. Le praticien peut les examiner à l’aide des techniques de palpation directe : compression, tapotement (Tinel) et déplacement par grattage grâce auxquelles il peut facilement reproduire la douleur et/ou la symptomatologie du sujet.


Les interfaces musculaires qui appartiennent au différentes loges de la jambe sont systématiquement examinées afin de détecter tout syndrome myofascial douloureux accompagné de cordons musculaires susceptibles de comprimer directement une structure nerveuse ou d’engendrer une tension sur une structure fasciale, qui peut à son tour influencer le nerf.


Le praticien recherche toute dysfonction articulaire ou une instabilité du pied et en amont un syndrome de la tête de la fibula et une radiculopathie lombale (voir chapitre 6 – Le syndrome de la tête de la fibula et chapitre 11 – Le syndrome radiculaire lombo-sacré).




Traitement manuel


Les séquelles rebelles postentorse sont souvent diagnostiquées comme «syndrome du sinus du tarse», le manque de mobilité des nerfs fibulaire superficiel ou sural et de leurs branches cutanées en est souvent responsable. Le praticien peut libérer ces structures nerveuses à l’aide de techniques de palper-rouler des plans cutanés et subcutanés et de techniques de neuromassage, elles sont décrites dans ce chapitre (voir figures 3.58 à 3.63). Une grande attention sera apportée aux émergences fasciales des nerfs fibulaire superficiel et sural dans le tiers inférieur de la jambe. Une fois ces interfaces mécaniques libérées, le praticien effectuera des techniques de neuroglissement et de déplacement des nerfs concernés. Le praticien évitera les postures d’étirement musculaire de longue durée pour conserver une circulation sanguine optimale, nécessaire à la bonne santé physique des nerfs périphériques.








En phase aigüe d’entorse de la cheville et/ou du pied, le praticien doit effectuer des techniques de drainage fluidique autour des structures nerveuses, suivies par des neuroglissements rythmés à l’aide de parties du membre inférieur légèrement éloignées du site de la lésion initiale. Des traits longitudinaux sur le nerf en dysfonction pendant quelques minutes, comme cela a été proposé par le docteur Joe Jabre en 1994, nous semblent très efficaces au cours de cette phase. Il est important que le sujet effectue la technique à domicile, trois fois par jour pendant quelques semaines, avec une pression qui au départ reproduit la symptomatologie et qu’il répète la manœuvre jusqu’au moment où cette dernière diminue.


Dans tous les cas, le praticien investigue et le cas échéant traite les points trigger myofasciaux dans les muscles long fibulaire et long extenseur des orteils, ils sont souvent coresponsables de la neurocompression.



Bilan diagnostique



Examen neurodynamique


Le sujet est en décubitus dorsal en position standardisée. Le praticien maintient sa jambe à l’horizontale, sa hanche et son genou en flexion.


Il réalise successivement :



Le mouvement est réalisé dans son amplitude maximale.




Chaque mouvement est réalisé dans son amplitude maximale toutes les composantes s’additionnent.


La symptomatologie du sujet est reproduite au niveau de la face antéro-latérale de la cheville et/ou dorsale du pied.


Remarque : le varus du calcanéus peut sensibiliser le nerf fibulaire superficiel par l’intermédiaire d’une anastomose avec le nerf cutané dorsal latéral du nerf sural.


Le praticien sensibilise successivement avec des composantes à distance :



Cette composante s’additionne aux précédentes.


Si la symptomatologie au niveau de la face antérolatérale de la cheville et/ou dorsale du pied change, l’hypothèse d’une origine neurogène est émise.






Si la symptomatologie au niveau de la face antéro-latérale de la cheville et/ou dorsale du pied change, l’hypothèse d’une origine neurogène est confirmée.




Le praticien maintient les différentes composantes avec lesquelles il a reproduit la symptomatologie du sujet (voir figures 3.1, 3.2 et 3.3).





Il sensibilise ensuite le nerf fibulaire superficiel et ses rameaux cutanés en les comprimant directement sur l’entièreté de leur parcours, de la face dorsale du pied en passant par la face antéro-latérale de la cheville jusqu’à l’émergence du nerf fibulaire superficiel au niveau du tiers distal de la jambe.




Le praticien maintient les différentes composantes avec lesquelles il a reproduit la symptomatologie du sujet (voir figures 3.1, 3.2 et 3.3).


Il sensibilise ensuite le nerf fibulaire superficiel et ses rameaux cutanés en demandant au sujet de réaliser une contraction isométrique en éversion du pied et flexion dorsale de la cheville.


Cette contraction comprime le nerf fibulaire superficiel sous le muscle long fibulaire, dans la loge latérale de la jambe.


Le sujet est en décubitus dorsal en position standardisée. Le praticien maintient sa jambe à l’horizontale, sa hanche et son genou en flexion.


Il réalise successivement:



Le mouvement est réalisé dans son amplitude maximale.




Chaque mouvement est réalisé dans son amplitude maximale, toutes les composantes s’additionnent.


La symptomatologie du sujet est reproduite au niveau de la malléole latérale, de la face latérale du talon et/ou du bord latéral du pied.


Le praticien sensibilise successivement avec des composantes à distance :



Cette composante s’additionne aux précédentes.


Si la symptomatologie au niveau de la malléole latérale, de la face latérale du talon et/ou du bord latéral du pied change, l’hypothèse d’une origine neurogène est émise.






Si la symptomatologie au niveau de la malléole latérale, de la face latérale du talon et/ou du bord latéral du pied change, l’hypothèse d’une origine neurogène est confirmée.




Le praticien maintient les différentes composantes avec lesquelles il a reproduit la symptomatologie du sujet (voir figures 3.7, 3.8 et 3.9).





Il sensibilise ensuite le nerf sural et ses rameaux cutanés en les comprimant directement sur l’entièreté de leur parcours, de la face latérale du pied en passant par la face latérale du talon jusqu’au niveau de la région rétro-malléolaire latérale.


Remarque : le praticien se place du côté opposé à examiner pour faciliter sa palpation.




Le praticien maintient les différentes composantes avec lesquelles il a reproduit la symptomatologie du sujet (voir figures 3.7, 3.8 et 3.9).


Il sensibilise ensuite le nerf sural et ses rameaux cutanés en demandant au sujet de réaliser une contraction isométrique en flexion plantaire de la cheville.


Cette contraction met le fascia crural sous tension et comprime le nerf sural au niveau de la face postérieure de la jambe.


May 6, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 5: Le syndrome des nerfs cutanés dorsaux du pied

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