5: IRM cardiaque: principes et protocoles d’acquisition

Chapitre 5 IRM cardiaque


principes et protocoles d’acquisition




Généralités


Le phénomène de résonance magnétique décrit initialement en 1946 est une propriété fondamentale de certains éléments qui contiennent un nombre impair de nucléons (protons et neutrons dans le noyau). Ces atomes ont des propriétés magnétiques représentées par un moment magnétique, lui-même proportionnel à une grandeur caractéristique de la particule en rotation sur elle-même et que l’on appelle « spin ». Ces atomes absorbent les ondes radio à une fréquence de résonance qui est liée de façon linéaire au champ magnétique ambiant (équation de Larmor).


La plupart des imageries par résonance magnétique (IRM) sont réalisées à la fréquence de résonance de l’hydrogène (63 MHz) à 1,5 T, compte tenu de son abondance dans le corps humain (l’IRM spectroscopique explore d’autres noyaux comme le phosphore 31, le carbone 13, le sodium 23, le potassium 39 ou le fluor 19). Des antennes sont utilisées pour la transmission et la réception des ondes radio, la réception se faisant après un intervalle de temps appelé « écho ».


L’application d’ondes radio à la fréquence de Larmor entraîne une bascule des moments magnétiques des noyaux d’hydrogène (« excitation »). Pendant le temps d’écho, les noyaux d’hydrogène initialement excités reviennent progressivement à leur position d’équilibre, phénomène appelé « relaxation ». Cette relaxation exprimée sous forme vectorielle (vecteur d’aimantation M = somme des moments microscopiques, décomposée en une composante longitudinale et une composante transversale) peut être définie par deux paramètres appelés T1 et T2. Le temps de relaxation T1 ou spin-réseau (échanges avec le milieu environnant liés à des microchamps magnétiques locaux fluctuants autour du système) correspond au temps de repousse longitudinale. Le temps de relaxation T2 ou spin-spin (échanges à l’intérieur du système, plus rapides, liés à la dispersion des fréquences par les microchamps magnétiques locaux des spins voisins) correspond au temps de décroissance transversale.


Ces paramètres peuvent être adaptés pour obtenir différents contrastes permettant une caractérisation tissulaire : séquence dite pondérée en T1 dans laquelle la graisse est en hypersignal (temps de relaxation T1 court), séquence dite pondérée en T2 dans laquelle l’eau est en hypersignal (temps de relaxation T2 long). Bien d’autres paramètres ont une influence sur le signal, comme la température, la concentration en oxygène ou le flux sanguin, et ceux-ci peuvent également être mesurés en IRM.


La localisation spatiale du signal fait appel à trois gradients : un gradient d’excitation sélective de la coupe (appliqué pendant l’impulsion), un gradient de codage par la fréquence (appliqué pendant l’acquisition ou lecture, correspondant aux colonnes de la matrice) et un gradient de codage par la phase (appliqué entre l’impulsion et l’acquisition, correspondant aux lignes de la matrice). La conversion des différents signaux recueillis en image nécessite une transformation de Fourier (toute fonction périodique peut être reconstruite en une somme de fréquences multiples de la fréquence fondamentale). La répartition des fréquences est appelée plan de Fourier ou espace K, le centre codant pour les basses fréquences (contraste de l’image) et la périphérie pour les hautes fréquences (détails de l’image).


Dans la séquence classique en spin-écho, la bascule initiale de 90° est suivie d’une impulsion de 180° pour rephaser les spins (déphasage lié aux hétérogénéités de champ magnétique). L’écho ainsi obtenu engendre une décroissance moins rapide du signal après la première bascule de 90°, ce qui permet de réaliser le codage par la phase. Les lignes de l’image sont lues les unes après les autres, ce qui explique que ces séquences sont longues.


Dans les séquences en spin-écho rapide (fast spin-écho), plusieurs impulsions successives de 180° codent chacune pour une ligne, ce qui diminue d’autant le temps d’acquisition. Dans les séquences en single-shot fast spin-écho, tout le plan de Fourier (ou sa moitié avec interpolation de l’autre moitié) peut ainsi être lu avec une seule excitation.


Dans les séquences en écho de gradient, l’acquisition est plus rapide car l’angle de bascule est inférieur à 90° (angle optimum d’Ernst). Un deuxième gradient de codage par la phase et de polarité inverse annule le déphasage des spins induit par le premier gradient.



Spécificités de l’IRM cardiaque




Synchronisation électrocardiographique


La majorité de ces séquences est synchronisée à l’électrocardiogramme (ECG), ce qui permet de « geler » les mouvements cardiaques. On utilise le module ECG commercialisé avec l’IRM ou un module externe blindé. Les électrodes (au nombre de trois ou quatre) sont installées selon les consignes du constructeur après avoir rasé localement le patient si nécessaire, et l’avoir nettoyé avec une compresse alcoolisée pour éliminer le film cutané graisseux, puis séché avec une compresse propre. La position thoracique antérieure est préférée à une position postérieure, plus compliquée et moins confortable pour un patient en décubitus dorsal (patient couché sur les électrodes).


Le signal ECG doit être de parfaite qualité, et on choisit la dérivation qui produit une onde R positive la plus ample possible. Il ne faut pas hésiter à déplacer les électrodes jusqu’à obtenir un bon signal, voire essayer un positionnement postérieur. Il faut s’assurer que les fils des électrodes ne bouclent pas afin d’éviter un érythème cutané par courant induit. Il faut savoir qu’une pseudocroissance de l’onde T est artéfactuelle dans l’enceinte de l’IRM, et on se gardera de poser tout diagnostic sur une courbe électrocardiographique obtenue en salle d’IRM. En fonction des constructeurs, des réglages sont possibles pour optimiser la détection de l’onde R et elle seule (filtre, seuil). Ces réglages prennent toute leur importance en cas de volumineuse onde T ou de troubles du rythme (extrasystoles, par exemple). Il faut souligner les efforts faits ces dernières années par les constructeurs pour améliorer et simplifier cette synchronisation ECG (vectorisation à trois électrodes, systèmes sans fil avec Bluetooth™, etc.). De nouvelles séquences « autogatées », c’est-à-dire ne nécessitant aucune synchronisation ECG (le cycle cardiaque est en quelque sorte reconnu dans l’espace de Fourier), sont en développement.



Séquences (fig. 5.1 à 5.3)


Les séquences sont acquises avec synchronisation respiratoire ou, surtout, en apnée pour éviter les artéfacts respiratoires. Plus rarement, on utilise un échonavigateur qui permet l’acquisition à la même position du diaphragme. Schématiquement, l’exploration IRM cardiaque repose sur cinq grands types de séquence d’imagerie.


Séquences morphologiques en spin-écho, avec un contraste spontané faisant apparaître le sang intracavitaire en noir. Dans ces séquences, l’acquisition est multicoupe (plusieurs coupes sur toute la hauteur du cœur, chaque coupe étant acquise à différentes phases du cycle cardiaque). Il est possible de favoriser une partie du cycle à partir de la synchronisation ECG (trigger delay) et on préfère le plus souvent le milieu de la diastole (moins de contraction et remplissage maximal des cavités). Le temps de répétition (TR) est lié à l’intervalle RR. La saturation du sang intracavitaire peut être renforcée par un artifice technique appelé « effet sang noir ou black blood » (fig. 5.1). Celui-ci est obtenu par deux inversions-récupérations (IR), l’une sélective, l’autre non sélective. La première impulsion de 180° non sélective intéresse l’ensemble des protons du champ étudié. La deuxième impulsion de 180° sélective est appliquée dans une épaisseur comprenant le plan de coupe. Les protons stationnaires du plan de coupe (myocarde) sont donc revenus à leur point de départ (deux fois 180°), alors que les protons en dehors du plan de coupe restent basculés à 180°. C’est le cas des protons vasculaires qui ne sont pas dans le plan de coupe lors de la double inversion, mais qui y seront rentrés au moment de l’acquisition. Si on attend un certain temps TI (temps d’inversion) avant de faire la séquence (paramètre réglable), afin que le sang arrivant dans le plan de coupe soit saturé par annulation de sa magnétisation longitudinale, celui-ci ne pourra pas donner de signal, alors que les tissus stationnaires de la coupe donneront un signal normal. En dehors de l’analyse anatomique en pondération T1 (malformations congénitales, tumeurs), ces séquences sont également utilisées pour la caractérisation tissulaire (fig. 5.2a et 5.2b). Une pondération T1 est utilisée pour la recherche de dépôts de graisse, notamment dans la paroi myocardique ventriculaire droite (dysplasie arythmogène, voir le chapitre 15). Une pondération T2 (temps d’écho supérieur à 60 ms) est préconisée pour rechercher un œdème myocardique (infarctus, myocardite). Cette acquisition T2 est réalisée en fast spin-écho ou en single-shot fast spin-écho (HASTE). Une saturation de la graisse par IR (TI à environ 120 ms, de telle sorte que les spins de la graisse passent par le point 0 de leur magnétisation longitudinale) est utile pour confirmer qu’un hypersignal T1 est d’origine lipidique ou pour mieux visualiser un hypersignal T2 pathologique péricardique ou myocardique. Des nouvelles séquences sang blanc en écho de gradient avec préparation T2 sont à l’étude pour améliorer la détection de l’œdème myocardique.

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 5: IRM cardiaque: principes et protocoles d’acquisition

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