Chapitre 5 Infections génitales hautes
– les salpingites aiguës sont des infections fréquentes, de transmission sexuelle le plus souvent, touchant fréquemment la femme jeune en âge de procréer. Elles sont la cause la plus fréquente d’obstruction tubaire mettant ultérieurement en péril le pouvoir fécondant des patientes atteintes ;
– la primo-infection salpingienne est due à des germes de type maladies sexuellement transmissibles dont Chlamydia trachomatis est toujours le plus fréquent. Les diagnostics clinique, biologique et échographique restent difficiles ;
– seule la cœlioscopie permet de réaliser avec certitude le diagnostic positif, de faire des prélèvements bactériologiques in situ et de réaliser, si nécessaire, le traitement chirurgical adéquat ;
– le traitement antibiotique doit être précoce, efficace et prolongé. Le seul critère de guérison est la survenue d’une grossesse intra-utérine ultérieure ;
– la cœlioscopie de contrôle permet dans certains cas de rétablir la perméabilité tubaire à distance de l’épisode aigu ou d’orienter la patiente vers une unité d’assistance à la procréation médicale quand les lésions sont trop sévères.
Les salpingites correspondent à une infection tubaire secondaire, à l’ascension de germes du vagin à travers le col vers l’endomètre puis les trompes et souvent vers les structures voisines. Une enquête nationale réalisée en 1995 auprès des gynécologues, sous l’égide du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), estimait à 130 000 cas environ, le nombre annuel de salpingites [12]. Ce chiffre important ne concernerait que les formes symptomatiques. Depuis, il n’a pas été fait de nouvelles évaluations de la fréquence, mais tout laisse penser qu’après une période de baisse continue, celle-ci augmente fortement depuis 2010. La particularité des tableaux cliniques actuels de salpingite est le caractère pauci symptomatique, car les signes cliniques sont le plus souvent peu intenses voire trompeurs, ce qui rend le diagnostic difficile. Beaucoup de formes sont silencieuses ou décapitées, de telle sorte que l’évolution se fera progressivement vers des séquelles tubaires sources de stérilité [11]. Chaque année, 10 000 cas de stérilité tubaire sont diagnostiqués en France, et la plupart des patientes atteintes de salpingite ont moins de 25 ans. Cela justifie une attention particulière pour un diagnostic précis qui débouche sur une prise en charge médico-cœlio-chirurgicale.
Étiologie
Les principaux germes sont répartis en deux catégories
Ceux qui sont responsables des maladies sexuellement transmissibles (MST) :
Les germes pathogènes opportunistes : streptocoques, staphylocoques, entérocoques, entérobactéries (E. coli, Kliebsiella, anaérobies, Bacterioïdes fragilis).
L’infection par les germes du type MST induit des modifications locales importantes et l’abaissement des défenses locales, permettant ainsi une infection secondaire par les germes aérobies saprophytes d’origine intestinale ou urinaire (streptocoques, colibaciles, Proteus) qui accentuent les perturbations physico-chimiques locales. La diminution du pH et l’hypoxie permettent ensuite l’implantation de germes anaérobies comme Bacterioïdes fragilis [22]. Cette succession de germes différents explique l’intérêt des polyantibiothérapies.
Diagnostic
Il est en général facile, dans la forme typique, surtout si nous retrouvons à l’interrogatoire un facteur déclenchant (nouveau partenaire « non protégé » ou geste endo-utérin récent) ou un facteur favorisant (antécédent de salpingites, DIU) [2, 5, 15, 17, 20, 21]. Dans beaucoup de cas, le diagnostic est plus difficile, une symptomatologie fruste peut masquer des lésions pelviennes importantes, il n’existe peu ou pas de relations anatomo-cliniques [8]. L’échographie doit être systématique devant toute douleur pelvienne. Il n’existe pas de signes spécifiques de salpingite même lorsqu’elle est couplée au Doppler, mais nous recherchons une éventuelle collection abcédée. Les images caractéristiques retenues comme critères par le CDC (épaississement pariétal tubaire et présence de liquide dans la trompe) sont inconstantes ou d’interprétation difficile. C’est la cœlioscopie qui fera le diagnostic positif et l’évaluation précise des lésions [18].
La douleur est le signe le plus constant (80 à 90 %).
Une fièvre > 38 °C, inconstante (50 à 6 %).
Des leucorrhées jaunâtres et/ou fétides les jours précédents (50 %), des métrorragies (4 %).
Des signes d’irritation vésicale (2 %).
La douleur associée dans l’hypocondre droit (5 %) ne doit pas être négligée.
La palpation retrouve une douleur hypogastrique. Une défense est souvent associée (30 %).
Leucorrhées pathologiques, cervicite, glaire cervicale trouble.
Une douleur à la mobilisation utérine et à la palpation des annexes. Le toucher rectal douloureux indique une irritation péritonéale. La présence d’une masse fait craindre une collection abcédée.
Examens sanguins, hyperleucocytose, vitesse de sédimentation, protéines C réactives sont fréquemment élevées, mais aucun de ces examens n’est spécifique.
Des sérologies, VIH 1 et 2, hépatites B et C et VDRL-TPHA sont indispensables.
La sérologie à Chlamydia (IgG) est considérée comme positive à partir d’un taux > 1/64 (40 à 70 %). Une élévation de 4 × du titre à deux prélèvement successifs (6 semaines) permet d’affirmer le caractère évolutif de l’infection [20]. Les nouvelles techniques de mise en évidence par amplification génique (PCR, LCR et TMA) présentent un indéniable progrès en raison de leurs très grande spécificité et sensibilité [26].
Des hémocultures sont réalisées si la température est > 38,5 °C et/ou en présence de frissons.
Des prélèvements bactériologiques seront réalisés systématiquement au niveau du vagin, de l’endocol et de l’orifice des glandes de Skène et du méat urinaire. Un ECBU et des HCG sont systématiques.
Un prélèvement urétral, un ECBU et les sérologies seront également réalisés chez le partenaire.
Cœlioscopie
La cœlioscopie est l’examen essentiel à pratiquer au moindre doute diagnostique, car il est le seul capable de confirmer le diagnostic d’infection génitale haute [15, 21]. Cet avantage est contrebalancé par le fait qu’il s’agit d’une exploration invasive, source éventuelle de complications chirurgicales. Mais, des études ont montré que la cœlioscopie permettait d’éliminer 30 à 40 % de faux positifs cliniques et à l’inverse, diagnostiquait plus de la moitié des cas d’infections passées cliniquement inaperçues (40 à 66 % faux négatifs). La cœlioscopie est très largement indiquée lorsque la patiente est jeune et désire des grossesses ultérieures. Elle doit être réalisée en urgence, avant tout traitement antibiotique.
Le matériel et l’instrumentation endoscopiques sont classiques à la voie d’abord laparoscopique et sont décrits dans le chapitre 1. La canulation utérine doit être prudente et doit s’effectuer sous contrôle de la vue pour éviter une perforation accidentelle, facteur de saignement et de dissémination de l’infection. Le matériel d’aspiration-lavage est d’utilisation fréquente lors de l’adhésiolyse, temps essentiel du diagnostic, qui peut être hémorragique. L’emploi de pinces atraumatiques et de palpateur mousse est conseillé pour la même raison.æ
La cœlioscopie présente plusieurs intérêts ( vidéo 5.1) :
elle élimine les diagnostics différentiels : appendicite ( vidéo 5.2), GEU, nécrobiose de fibrome, rupture ou torsion de kyste ovarien ;
• elle fait le diagnostic positif et évalue la sévérité des lésions : le premier temps comprend de façon systématique l’inspection de la région pelvienne, de la région cœco-appendiculaire, pour ne pas méconnaître une appendicite ( vidéo 5.2)
et de la région sus-hépatique à la recherche des adhérences hépato-pariétales du syndrome de Fitz-Hugh-Curtis ; (fig. 5.1)
• la cœlioscopie permet de réaliser des prélèvements intrapéritonéaux : le premier geste cœlioscopique consiste à prélever du liquide au niveau du cul-de-sac de Douglas pour la recherche bactériologique (fig. 5.2). Les échantillons sont immédiatement adressés au laboratoire pour examen direct, culture aéro-anaérobie avec antibiogramme. Chlamydia trachomatis est systématiquement recherchée par immunofluorescence directe et par culture sur les différents sites, trompes, pavillon, péritoine, adhérences [23] ;
• la cœlioscopie a un rôle thérapeutique : certains gestes chirurgicaux doivent ou peuvent être réalisés en phase aiguë.