Chapitre 5 Imagerie des sinus opérés
L’évaluation post-thérapeutique en pathologie nasosinusienne est habituellement clinique et endoscopique. Le recours à l’imagerie dans un contexte postchirurgical n’est pas systématique. Il répond à des situations cliniques particulières qui sont la recherche d’une complication de la chirurgie endoscopique endonasale, la réapparition d’une symptomatologie rhinosinusienne après chirurgie fonctionnelle et la surveillance post-thérapeutique d’une tumeur maligne nasosinusienne.
L’interprétation de ces examens nécessite une bonne connaissance des modifications morphologiques induites par les différentes techniques de chirurgie par voie endoscopique endonasale ou par voie externe. L’analyse du contenu nasosinusien et des régions inaccessibles à la surveillance endoscopique permet ensuite d’identifier les processus lésionnels ou les récidives tumorales.
Techniques chirurgicales
Chirurgie endonasale sous guidage endoscopique
La chirurgie sinusienne par voie endonasale s’est largement développée avec les progrès du guidage endoscopique. Dans certaines pathologies inflammatoires ou infectieuses, elle permet l’extraction de corps étranger, de mycose ou de foyer infectieux chronique sinusien et rétablit localement une ventilation et un drainage sinusien satisfaisant (notion de chirurgie fonctionnelle). Les principales techniques sont la méatotomie moyenne et l’évidement ethmoïdal antérieur ou complet. Dans la polypose nasosinusienne résistante au traitement médical, la chirurgie est plus radicale. Elle associe l’ablation des polypes et la résection de la totalité de la muqueuse pathologique. Un évidement ethmoïdal complet avec méatotomie moyenne et sphénoïdotomie est généralement réalisé ; cette large ouverture favorise, en postopératoire, l’action locale du traitement médical. Certaines tumeurs bénignes ou malignes (tumeur T1 ou T2 nasale ou ethmoïdale sans extension inaccessible par cette voie d’abord) peuvent bénéficier d’une exérèse par voie endonasale.
Les principales techniques (méatotomie moyenne, évidement ethmoïdal partiel ou complet, sphénoïdotomie) induisent des remaniements morphologiques nasosinusiens qui ne doivent pas être interprétés à tort comme des remaniements pathologiques.
Turbinectomie inférieure
La résection du cornet inférieur peut être totale ou partielle. Elle est, en principe, bilatérale et symétrique. Elle est, en général, isolée et se traduit par une absence ou une réduction de taille de cette structure.
Méatotomie moyenne
La résection de la portion horizontale du processus unciforme et l’élargissement de l’ostium maxillaire aux dépens des fontanelles postérieures et inférieures permettent une large ouverture de la cavité sinusienne maxillaire (fig. 5-1). Pour éviter la survenue de synéchies et la fermeture de la méatotomie, la méatotomie moyenne peut être associée à une résection de la tête du cornet moyen, à l’ouverture d’une pneumatisation du cornet moyen (concha bullosa) ou à un remodelage d’un cornet moyen à courbure inversée. Lorsque l’extraction d’un corps étranger ou d’une mycose sinusienne maxillaire a nécessité l’association d’une méatotomie inférieure, une ouverture du processus maxillaire du cornet inférieur homolatéral, entre le méat inférieur et le fond du sinus maxillaire, est identifiée.

Fig. 5-1 Aspect TDM après méatotomie moyenne bilatérale et méatotomie inférieure gauche. Reconstructions TDM frontale (a) et transverse (b).
Large ouverture des sinus maxillaire dans les fosses nasales, englobant les ostia principaux après résection des portions libres des processus unciformes. Défect osseux au niveau du processus maxillaire du cornet inférieur gauche en rapport avec la méatotomie inférieure.
La méatotomie moyenne peut être réalisée seule, ou associée à une méatotomie inférieure ou à un évidement ethmoïdal.
Évidement ethmoïdal antérieur
Il associe à une méatotomie moyenne, une résection de la portion verticale du processus unciforme et une ouverture avec évidement des éléments cellulaires ethmoïdaux antérieurs bullaires et unciformiens. L’imagerie postopératoire objective une cavité dont les limites sont : médialement le cornet moyen, latéralement la paroi orbitaire ethmoïdale et le bord inférieur de la méatotomie moyenne, en avant le sinus frontal, en arrière la racine cloisonnante du cornet moyen, en haut le sinus frontal et le toit ethmoïdo-frontal.
Évidement ethmoïdal complet
Il associe à une méatotomie moyenne et à un évidement ethmoïdal antérieur, une ouverture avec évidement des éléments cellulaires ethmoïdaux postérieurs. L’imagerie objective une cavité dont les limites sont : médialement le cornet moyen, latéralement la paroi orbitaire ethmoïdale et le bord inférieur de la méatotomie moyenne, en avant le sinus frontal, en arrière la paroi antérieure du sphénoïde, en haut le sinus frontal et le toit ethmoïdo-frontal (fig. 5-2). L’évidement ethmoïdal peut être associé à une ouverture du sinus sphénoïdal (sphénoïdotomie) et à une résection du cornet moyen. Dans ce cas, la limite médiale de la cavité est formée par la partie supérieure de la lame des cornets moyen et supérieur qui est conservée. Cette racine d’attache supérieure des cornets marque la limite entre le toit ethmoïdal et la lame criblée ; elle servira de repère si une reprise chirurgicale est nécessaire (polypose nasosinusienne). Des épaississements osseux des parois sont fréquemment observés, en particulier si la muqueuse sinusienne a été retirée. Des déhiscences osseuses peuvent également être présentes, en général en rapport avec l’acte opératoire, surtout dans la région ethmoïdale antérieure.

Fig. 5-2 Aspect TDM après évidement ethmoïdal bilatéral avec méatotomie moyenne et sphénoïdotomie pour polypose nasosinusienne invalidante. Reconstructions TDM frontale (a), sagittale (b) et transverse (c).
La large ouverture sinusienne et ethmoïdale (nasalisation ethmoïdale) favorise l’action des traitements locaux. Les racines d’attache supérieure des cornets moyens qui marquent la limite entre le toit ethmoïdal et la lame criblée sont généralement conservées. Présence de quelques opacités d’allure inflammatoire au niveau ethmoïdal et maxillaire droit dont l’interprétation doit intégrer l’aspect de la muqueuse en endoscopie et la nature du traitement médical associé. Le seul aspect TDM ne permet pas de parler de récidive de la polypose ni de « sinusite maxillaire ».
Sphénoïdotomie
Elle se traduit par l’élargissement de l’ostium sphénoïdal (fig. 5-2). La paroi antérieure est réséquée dans la portion visible dans le récessus ethmoïdo-sphénoïdal. Lorsque le récessus est étroit, une ouverture de l’ethmoïde postérieur peut être réalisée.
Chirurgie du sinus frontal
Le drainage du sinus frontal peut être élargi par voie endonasale. La résection touche le plancher du sinus frontal, uni- ou bilatéral avec, dans ce dernier cas, une résection de la portion antérosupérieure du septum nasal. Le drainage obtenu après ablation de la cloison intersinuso-nasale se fait directement dans la fosse nasale.
Chirurgie par voie externe
Drainages externes
Rares depuis l’essor de la chirurgie endonasale, ils sont à l’origine de remaniements des parois osseuses sinusiennes frontales ou maxillaires.
La pose temporaire d’un clou de Lemoyne peut faciliter le drainage du sinus frontal et le repérage du canal nasofrontal lors d’un évidement ethmoïdal. Une déhiscence ponctuelle de la paroi osseuse antérieure du sinus frontal témoignera de son emploi (fig. 5-3).

Fig. 5-3 Sinusite frontale aspergillaire sur synéchie de la région du canal nasofrontal après évidement ethmoïdal antérieur. Reconstruction TDM sagittale.
Défect osseux de la paroi antérieure du sinus frontal lié à la pose durant l’intervention d’un clou de Lemoyne. Hétérogénéité du comblement sinusien frontal en rapport avec la greffe aspergillaire.
L’abord du sinus maxillaire par trépanation de la fosse canine (voie de Caldwell-Luc) est exceptionnel. Il complète une méatotomie moyenne et inférieure lorsque ces dernières n’ont pas permis un accès suffisant au fond du sinus maxillaire. Cette voie d’abord était autrefois associée à une résection de la muqueuse sinusienne dans le traitement de certaines sinusites maxillaires chroniques (opération de Caldwell-Luc). Cette chirurgie, qui laissait l’ostium maxillaire principal en place, est aujourd’hui pratiquement abandonnée dans ces indications. Elle est parfois suivie de mucocèle maxillaire et de remaniements dystrophiques qui peuvent être identifiés (petit sinus maxillaire siège d’un comblement fibreux avec une ostéosclérose pariétale associée à un défect osseux pariétal antéro-inférieur) (fig. 5-4). Elle reste une voie d’abord pour l’ablation de tumeurs, parfois combinée à un geste endonasal.

Fig. 5-4 Mucocèle maxillaire droite après opération de
Caldwell-Luc bilatérale. Reconstruction TDM transverse. Remaniements maxillaires bilatéraux en rapport avec des larges méatotomies inférieures associées à un abord antérieur au niveau des fosses canines. Mucocèle (flèche) au sein de la cavité maxillaire droite.
Chirurgie des tumeurs
L’abord chirurgical des tumeurs varie selon la localisation tumorale, les structures faciales envahies et l’existence d’une extension à la base du crâne, à l’orbite ou au plan cutané.
L’imagerie préopératoire permet de déterminer si un abord endonasal endoscopique est envisageable (tumeur nasale ou ethmoïdale sans extension, inaccessible par cette voie d’abord) et s’il doit être associé à une exérèse haute neurochirurgicale par voie externe sous-frontale (tumeur ethmoïdale ou de la partie haute des fosses nasales avec atteinte de la base du crâne non résécable par voie endonasale). Dans les autres cas, la voie d’abord externe est la voie de référence. Elle est fonction de la localisation initiale et de l’extension tumorale : transfaciale (para-latéro-nasale plus ou moins agrandie), ou sous-labiale (bivestibulaire et transnasale), ou sous-frontale (fig. 5-5). Toutefois, depuis ces cinq dernières années, la voie endonasale est de plus en plus employée avec des résections larges incluant les tumeurs de l’étage antérieur.

Fig. 5-5 Les voies d’abord externe chirurgicales.
Représentation des zones d’incision cutanée (pointillés) en rapport avec les voies d’abord externe : voie sous-labiale (1), voie transfaciale para-latéro-nasale (2), voie sous-frontale neurochirurgicale (incision bicoronale 3).
Dès que l’imagerie suspecte une atteinte de la base du crâne, un contrôle carcinologique satisfaisant impose une résection osseuse de la base qui se fait classiquement par voie transfaciale élargie, ou associée à une voie sous-frontale neurochirurgicale, parfois utilisée seule également, ou plus récemment par voie endonasale pure. L’exérèse tumorale est alors suivie d’une crânialisation du sinus frontal et d’une plastie durale avec reconstruction de l’étage antérieur de la base.
Les défects osseux (os du nez, processus frontal du maxillaire et paroi antérolatérale ethmoïdale) permettent de reconnaître une voie d’abord paralatéro-nasale. Ils sont associés, selon la taille et la localisation initiale de la tumeur, à une exérèse uni- ou bilatérale ethmoïdale, à une résection plus ou moins complète de la cloison nasale, à une turbinectomie inférieure, à une ouverture dans les fosses nasales des sinus maxillaires et à une sphénoïdotomie.
Un volet opératoire frontal permet d’identifier une voie d’abord sous-frontale. La paroi postérieure du sinus frontal et le toit ethmoïdo-frontal ne sont plus individualisés. La reconstruction de l’étage antérieur de la base peut faire appel à de la méninge artificielle, à un greffon osseux ou graisseux. L’espace initialement occupé par le sinus frontal est comblé par le lobe frontal et les espaces péricérébraux.
Dans les localisations maxillaires, une extension à l’infrastructure conduit à la réalisation d’une hémimaxillectomie, plus ou moins complète, avec reconstitution secondaire d’un plancher nasosinusien par prothèse obturatrice ou reconstruction chirurgicale. Certaines localisations tumorales, faciale mandibulaire, cutanée ou sinusienne avec une extension intra-orbitaire, peuvent amener à une exérèse mutilante associée à une chirurgie réparatrice par greffon osseux ou lambeau musculaire.
Indications et résultats de l’imagerie postopératoire
Complications de la chirurgie endonasale endoscopique
Elles sont généralement diagnostiquées cliniquement, durant l’intervention ou en postopératoire immédiat. Le recours à l’imagerie permet une évaluation précise des lésions et de la qualité de la réparation effectuée.
Complications orbitaires
Elles peuvent survenir lors d’une méatotomie moyenne ou d’un évidement ethmoïdal. La recherche systématique d’une déhiscence osseuse de la paroi médiale orbitaire, d’une pneumatisation ethmoïdale du plancher orbitaire, et l’étude des rapports du processus unciforme sur l’imagerie préopératoire limitent ce type de complications. L’effraction de la paroi médiale orbitaire peut conduire à une simple brèche osseuse. La mise en évidence d’une hernie graisseuse intra-ethmoïdale signe généralement une brèche du périoste orbitaire. Cette dernière peut être associée à une blessure du muscle droit médial, à un hématome péri-orbitaire et à un emphysème orbitaire. Une blessure de l’artère ethmoïdale antérieure peut conduire à un hématome péri-orbitaire compressif en cas de rétraction intraorbitaire de l’artère. Plus redoutable, la blessure du nerf optique peut survenir lors d’un évidement ethmoïdal postérieur ou d’une sphénoïdotomie. Une connaissance préopératoire des rapports du nerf optique avec la cellule ethmoïdale postérieure présphénoïdale et le sinus sphénoïdal est indispensable. Une déhiscence osseuse, une pneumatisation du canal optique ou un trajet intrasinusien du nerf optique sur l’imagerie préthérapeutique doivent être signalés au chirurgien.
Complications neurologiques
La survenue peropératoire d’une liquorrhée témoigne d’une brèche ostéoméningée. Elle siège, le plus souvent, en regard du toit ethmoïdo-frontal et peut survenir lors d’un évidement ethmoïdal, ou résulter d’une mobilisation intempestive de la racine d’attache des cornets à la jonction du toit ethmoïdal et de la lame criblée. Généralement la brèche est minime, reconnue et colmatée en peropératoire (fragment de muqueuse nasale ou turbinale et colle biologique) et la tomodensitométrie postopératoire n’est pas systématique.
La brèche osseuse peut avoir été méconnue et c’est la survenue, en postopératoire, d’une méningite ou d’une liquorrhée qui motive la réalisation d’une imagerie. Cette dernière associera une acquisition TDM en fenêtre osseuse avec des reconstructions millimétriques sagittales et frontales sur la base du crâne et une exploration IRM. Des séquences IRM spécifiques inframillimétriques et à forte pondération T2 en incidences frontales et sagittales, centrées sur l’étage antérieur de la base du crâne, sont réalisées en complément des séquences nécessaires à la recherche d’une atteinte infectieuse, encéphalique et méningée. L’analyse comparative des reconstructions osseuses TDM et des images IRM à forte pondération T2 permet la mise en évidence d’une brèche osseuse et recherche une continuité entre les espaces péricérébraux et le comblement liquidien ethmoïdal sous-jacent (fig. 5-6). Cette recherche est plus fructueuse en période de liquorrhée active.

Fig. 5-6 Brèche ostéoméningée dans les suites d’un évidement ethmoïdal antérieur avec méatotomie moyenne gauche.
La reconstruction TDM frontale (a) met en évidence une brèche osseuse (flèche) à la jonction du toit ethmoïdal et de la lame criblée avec un comblement ethmoïdal sous-jacent. Continuité entre l’opacité ethmoïdale et les espaces sous-arachnoïdiens en rapport avec la brèche méningée sur la reconstruction IRM (b) sagittale (coupe millimétrique en forte pondération T2).

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

