Chapitre 5 Conjonctive
Anatomie
La conjonctive est une muqueuse qui recouvre la face postérieure des paupières et la surface antérieure du globe jusqu’au limbe. On distingue différentes portions conjonctivales : palpébrale, au niveau des culs-de-sac, bulbaire et caronculaire. La conjonctive est constituée d’un épithélium et d’un stroma (chorion) sous-jacent. L’épithélium est un épithélium malpighien stratifié non kératinisé, avec des cellules caliciformes. L’épithélium conjonctival est en continuité avec l’épithélium cornéen, mais ce dernier n’a pas de cellule caliciforme. Au niveau des culs-de-sac et de la conjonctive bulbaire, l’épithélium est plat et régulier, alors qu’au niveau de la conjonctive palpébrale, il présente des circonvolutions (fig. 5-1A, B). Les cellules caliciformes de l’épithélium sont plus nombreuses au niveau du cul-de-sac et du repli semi-lunaire (fig. 5-1C, D). Sous l’épithélium se situe le stroma conjonctival, ou subtantia propria, qui est plus épais au niveau des culs-de-sac, et plus fin au niveau de la conjonctive tarsale. Cette couche stromale est composée d’une trame relâchée de fibres de collagène, de vaisseaux sanguins et lymphatiques, de nerfs, de glandes lacrymales accessoires occasionnelles, de lymphocytes, de plasmocytes, de macrophages et de mastocytes. Par endroits, les lymphocytes s’organisent en follicules lymphoïdes, et ce conjunctiva-associated lymphoid tissue (CALT) est un exemple de mucosa-associated lymphoid tissue (MALT) (voir la section « Lésions lymphomateuses »). Au niveau de la conjonctive bulbaire, le stroma est fusionné avec la capsule de Tenon sous-jacente. Dans la région du canthus médian, la conjonctive forme un pli vertical, le repli semi-lunaire, avec en dedans de celui-ci la caroncule. Le stroma de la caroncule est le seul qui (comme la peau) contient aussi des glandes sébacées et des follicules pileux (fig. 5-1E). Voir la Section 2 du BCSC : Fundamentals and Principles of Ophthalmology (Principes et fondements de l’ophtalmologie), et la Section 8, External Disease and Cornea (Maladies de la surface oculaire et cornée), pour de plus d’informations.
Figure 5-1 A. Conjonctive bulbaire avec épithélium malpighien stratifié non kératinisé. B. Conjonctive palpébrale avec circonvolutions épithéliales. Le stroma contient des vaisseaux et des cellules inflammatoires (flèche). C. La conjonctive au niveau des culs-de-sac peut contenir des pseudoglandes de Henle dans les plis conjonctivaux, avec des cellules caliciformes en nombre (flèches). D. La coloration à l’acide périodique de Schiff (PAS) met en évidence la mucine dans les cellules caliciformes (flèche). E. La conjonctive caronculaire contient des glandes sébacées (S) et des follicules pileux (P).
Anomalies congénitales
Choristomes
Les dermoïdes sont des lésions surélevées en forme de dôme, fermes, blanc-jaunâtre, typiquement situées au niveau du, ou à cheval sur le limbe, le plus souvent dans le quadrant inférotemporal (fig. 5-2A, B). Ils peuvent aussi envahir le centre de la cornée. Leur taille varie de quelques millimètres à plus de 1 cm. Les dermoïdes peuvent apparaître isolément ou, particulièrement en cas de forme bilatérale, faire partie d’un syndrome malformatif congénital tel que le syndrome de Goldenhar (dysgénésie oculo-auriculo-vertébrale caractérisée par un dermoïde bulbaire, un colobome palpébral supérieur, un appendice préauriculaire et des anomalies vertébrales) ou un syndrome du nævus sébacé linéaire (une pathologie neuro-oculo-dermique). Les dermoïdes contiennent souvent des structures annexes dermiques. L’épithélium de surface peut être kératinisé ou non (fig. 5-2C).
Figure 5-2 Choristomes de la surface oculaire. A. Dermoïde du limbe, aspect clinique. B. À plus fort grossissement, on visualise un poil au sein de la tumeur dermoïde. C. L’histologie montre un épithélium kératinisé, un stroma dense et des glandes sébacées avec des follicules pileux (flèches). D. Le dermolipome se distingue de la tumeur dermoïde par une composante importante de tissu adipeux mature (A). Le dermolipome contient aussi des structures annexes dermiques, dont des glandes sébacées (S) et des follicules pileux (P). E. Le choristome osseux contient de l’os, et les choristomes complexes associent plusieurs types de choristomes, dans ce cas osseux (O) et dermolipome (L).
(Parties A et B : remerciements au Dr Morton E. Smith ; parties C–E : remerciements au Dr George J. Harocopos.)
Les dermolipomes surviennent plus fréquemment dans le quadrant temporal supérieur, à proximité du cul-de-sac, et peuvent s’étendre en arrière au niveau de l’orbite. Étant donné la présence de tissu adipeux, le dermolipome est plus jaune et a une consistance plus molle que le dermoïde (fig. 5-2D). Des structures annexes dermiques peuvent ou non être présentes. Les dermolipomes, comme les tumeurs dermoïdes, peuvent être associés à un syndrome de Goldenhar ou à un syndrome du nævus sébacé linéaire.
Les choristomes osseux contiennent de l’os. Les choristomes complexes associent différents composants choristomateux, par exemple dermoïde ou dermolipome avec choristome osseux (fig. 5-2E). Cliniquement, ils ne sont souvent pas différenciables d’un dermoïde ou d’un dermolipome. Voir la Section 6 du BCSC, Pediatric Ophthalmology and Strabismus (Ophtalmologie pédiatrique et strabisme), et la Section 8, External Disease and Cornea (Maladies de la surface oculaire et cornée).
Hamartomes
Les hamartomes, comme les choristomes, sont des pathologies congénitales bénignes ; mais contrairement aux choristomes, ce sont des proliférations anormales de tissu mature normalement présent dans l’organe concerné (d’où l’origine grecque du terme signifiant « masse erronée »). Au niveau de la conjonctive, l’hamartome le plus courant est l’hémangiome capillaire, bien que celui-ci soit plus fréquemment localisé au niveau de la paupière et puisse envahir l’orbite (voir chapitre 13). Certains auteurs considèrent les hémangiomes comme d’authentiques néoplasies acquises.
Inflammations
La conjonctive étant une surface exposée, de nombreux organismes, allergènes, agents toxiques peuvent provoquer une réponse inflammatoire appelée conjonctivite. La réponse peut se classer en fonction du délai d’apparition des symptômes et signes (aigu ou chronique) ; en fonction de l’aspect de la conjonctivite (papillomateuse, folliculaire ou, moins souvent, granulomateuse) ; ou en fonction de l’étiologie (infectieuse, non infectieuse). Voir la Section 6 du BCSC, Pediatric Ophthalmology and Strabismus (Ophtalmologie pédiatrique et strabisme), et la Section 8, External Disease and Cornea (Maladies de la surface oculaire et cornée) pour de plus d’informations.
Conjonctivite papillaire et conjonctivite folliculaire
La plupart des conjonctivites peuvent se classer en papillaires ou folliculaires, en fonction de l’aspect macroscopique et microscopique de la conjonctive (fig. 5-3). Aucun type n’est pathognomonique d’une affection en particulier. La conjonctivite papillaire se présente sous la forme de petits nodules ou pavés aplatis avec un centre vasculaire (fig. 5-4). Le plus souvent, elle est secondaire à une réaction immunitaire allergique, comme dans la kératoconjonctivite vernale ou atopique, ou à un corps étranger, comme une lentille de contact ou une prothèse oculaire. Les papilles recouvrent la surface tarsale de la paupière supérieure et peuvent atteindre une taille importante (conjonctivite à papilles géantes). Des papilles limbiques peuvent apparaître en cas de kératoconjonctivite vernale (grains de Trantas). L’aspect histologique de la conjonctivite papillaire est identique quelle qu’en soit la cause : élévations à sommet aplati, très proches les unes des autres, avec nombreux éosinophiles, lymphocytes, plasmocytes et mastocytes dans le stroma entourant un vaisseau central.
Figure 5-3 Représentations schématiques de la conjonctivite papillaire et folliculaire. A. Dans la conjonctivite papillaire, l’épithélium conjonctival (ligne bleue) recouvre une prolifération fibrovasculaire avec des vaisseaux sanguins (rouge) au centre, et le stroma contient des cellules éosinophiles (cercles roses), des lymphocytes et des plasmocytes (cercles bleus). B. Dans la conjonctivite folliculaire, l’épithélium conjonctival recouvre des follicules lymphoïdes, qui présentent un centre germinal pâle entouré d’une couronne plus foncée (centre bleu pâle entouré par du bleu plus foncé), et le stroma au pourtour contient des lymphocytes et des plasmocytes (petits ronds bleus).
(Remerciements au Dr Patricia Chévez-Barrios.)
Figure 5-4 Conjonctivite papillaire. A. Aspect clinique. Les papilles masquent la surface conjonctivale palpébrale normale, et forment un revêtement confluent de petits pavés arrondis. B. La photographie au microscope à faible grossissement montre les papilles entassées à sommet aplati avec un centre fibrovasculaire (flèches). Au niveau du tarse, des glandes de Meibomius (M), normalement présentes, sont aussi visibles.
(Partie A : remerciements au Dr Harry H. Brown ; partie B : remerciements au Dr George J. Harocopos.)
La conjonctivite folliculaire (fig. 5-5) peut se voir dans de nombreuses situations, telles qu’une inflammation secondaire à un agent pathogène comme un virus ; une bactérie atypique ; un agent toxique comme un médicament topique (traitement antiglaucomateux, en particulier la brimonidine, ou décongestionnants ophtalmologiques en vente libre). À la différence des papilles, les follicules sont de petits nodules en forme de dôme, sans vaisseau central. De ce fait, alors que la papille apparaît cliniquement rouge en surface et pâle au niveau de sa base, le follicule semble plus pâle en surface et plus rouge à sa base. Sur le plan histologique, le follicule est situé dans la région sous-épithéliale. Il est constitué d’un centre germinatif contenant une prolifération de lymphocytes immatures, entouré d’une couronne contenant des lymphocytes matures et des plasmocytes. Les follicules de la conjonctivite folliculaire sont classiquement plus proéminents au niveau de la conjonctive palpébrale inférieure et au niveau des culs-de-sac.
Figure 5-5 Conjonctivite folliculaire. A. Photographie clinique montrant les follicules. B. Photographie au microscope à fort grossissement montrant des follicules lymphoïdes, avec la frontière entre le centre germinal et la couronne (têtes de flèche). Noter l’aspect pâle, relativement grand des lymphocytes immatures au centre germinal, comparé à l’aspect petit et foncé des lymphocytes matures et des plasmocytes au niveau de la couronne.
(Partie A : remerciements au Dr Anthony J. Lubniewski ; partie B : remerciements au Dr George J. Harocopos.)
Conjonctivite granulomateuse
Bien que moins fréquentes que les conjonctivites papillaires et folliculaires, les conjonctivites granulomateuses peuvent survenir. Cliniquement, les nodules observés dans les conjonctivites granulomateuses peuvent parfois être difficiles à différencier des follicules, mais l’histoire de la maladie et les symptômes systémiques associés orienteront le diagnostic. La conjonctivite granulomateuse associée à une adénopathie préauriculaire est appelée syndrome oculoglandulaire de Parinaud. Des bactéries comme Bartonella henselae (maladie des griffes de chat) ou Francisella tularensis (tularémie), des mycobactéries (par exemple tuberculose) et des tréponèmes (par exemple syphilis) peuvent être en cause. Le diagnostic peut être fait par sérologie, culture, polymerase chain reaction (PCR), ou une combinaison de ces méthodes. Si une biopsie conjonctivale est réalisée, le granulome d’une conjonctivite granulomateuse infectieuse montrera une nécrose centrale typique (nécrose caséeuse). Les bactéries seront identifiées, en fonction de l’organisme, par la coloration de Gram, la coloration acidorésistante, ou la coloration de Warthin-Starry.
Il existe aussi des causes non infectieuses de conjonctivites granulomateuses. La sarcoïdose peut intéresser tous les tissus oculaires, y compris la conjonctive. Elle se manifeste sous la forme de petits nodules bruns, initialement au niveau du cul-de-sac conjonctival (fig. 5-6). Les nodules sont souvent présents en l’absence de conjonctivite évidente, c’est-à-dire sur des yeux calmes et asymptomatiques. La biopsie conjonctivale peut être un moyen simple et efficace pour obtenir une confirmation diagnostique de la pathologie systémique. Sur le plan histologique, on note la présence de « tubercules » granulomateux non caséeux (agrégats arrondis ou ovalisés d’histiocytes épithélioïdes) au niveau du stroma conjonctival, avec une couronne variable, habituellement minime, de lymphocytes et de plasmocytes. Des cellules géantes multinucléées peuvent être présentes ou non au sein des granulomes. La nécrose centrale n’est pas caractéristique, et, si elle est présente, devra orienter vers les étiologies infectieuses des conjonctivites granulomateuses. Le diagnostic de sarcoïdose ne sera retenu qu’en cas de constatations cliniques évocatrices et après avoir éliminé les autres causes d’inflammations granulomateuses par colorations histochimiques et/ou cultures. Voir aussi le chapitre 12 de ce volume et la Section 9 du BCSC, Intraocular Inflammation and Uveitis (Inflammation intraoculaire et uvéite).
Figure 5-6 Sarcoïdose. A. Aspect clinique d’un granulome sarcoïdosique de la conjonctive. B. L’histologie montre un tubercule granulomateux non caséeux, des histiocytes faiblement colorés, et la présence de cellules géantes (tête de flèche). Noter la petite couronne de lymphocytes et plasmocytes au pourtour.
(Remerciements au Dr George J. Harocopos.)
En tant que surface exposée, la conjonctive est vulnérable au contact de corps étrangers. Certains sont transitoires et/ou inertes, alors que d’autres peuvent être incorporés et induire une réaction à corps étranger, identifiable histologiquement par un granulome entourant le corps étranger. Des cellules géantes multinucléées sont fréquentes. L’examen des coupes à la lumière polarisée peut être utile pour mettre en évidence le matériel étranger (fig. 5-7).
Figure 5-7 Granulome conjonctival à corps étranger. A. Aspect clinique de la conjonctive bulbaire. B. Analyse histologique en lumière polarisée d’un prélèvement provenant d’un autre patient montrant la présence de multiples fibres étrangères de couleurs variables, entourées de réaction granulomateuse à corps étranger, avec de multiples cellules géantes (flèches).
(Partie A : remerciements au Dr Anthony J. Lubniewski ; partie B : remerciements au Dr George J. Harocopos.)
Conjonctivite infectieuse
De nombreux agents pathogènes peuvent être à l’origine d’une infection conjonctivale : virus, bactéries, bactéries atypiques (par exemple Chlamydiae), champignons et parasites. Chez l’enfant, l’agent agresseur est souvent une bactérie (Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae) et, chez l’adulte, un virus, habituellement l’adénovirus ou l’herpèsvirus (simplex et zona). Dans le cas d’une infection virale, la conjonctivite folliculaire s’associe souvent à une atteinte cornéenne, source d’ulcères dans l’atteinte herpétique (voir chapitre 6) et d’infiltrats sous-épithéliaux en cas d’infection à adénovirus. Le diagnostic spécifique de la conjonctivite infectieuse pourra se fonder sur l’histoire et l’examen clinique (en général suffisants pour les infections virales), ou nécessiter, selon l’agent, des cultures/coloration de Gram, une PCR, ou des sérologies. En cas de diagnostic incertain ou de non-réponse au traitement initial, un frottis de la surface oculaire ou une biopsie tissulaire pourront apporter une aide au diagnostic.
Les Chlamydiae sont des agents intracellulaires obligatoires qui peuvent être à l’origine d’une conjonctivite folliculaire. Le Chlamydia trachomatis est un agent majeur d’infection oculaire (trachome), en particulier au Moyen-Orient. Les sérotypes A, B et C sont associés au trachome ; les sérotypes D à K sont à l’origine de la conjonctivite néonatale et de la conjonctivite à inclusions de l’adulte. Un frottis (coloration de Giemsa) réalisé au niveau de l’épithélium de la surface oculaire ou une biopsie permettront de mettre en évidence ces micro-organismes intracellulaires (fig. 5-8).
Figure 5-8 Frottis conjonctival. A. Les lymphocytes (flèches) prédominent dans la conjonctivite virale. B. Un mélange de neutrophiles (flèche) et d’éosinophiles (tête de flèche) est typique de la conjonctivite vernale. C. La coloration de Gram révèle le leucocyte polynucléaire en réponse à la conjonctivite gonococcique. Noter le diplocoque intracellulaire à Gram négatif (flèche). D. Un cas de conjonctivite angulaire à Moraxella lacunata mettant en évidence le bacille, qui se présente souvent par paires (flèche). E. Chlamydia, grattage conjonctival, coloration de Giemsa. Le corps d’inclusions cytoplasmiques (astérisque), composé de multiples chlamydiae, est visualisé en train de coiffer le noyau (N). Un espace distinct sépare le corps d’inclusions de la chromatine du noyau.
Quand seule la conjonctive est infectée, les champignons sont rarement en cause. L’infection fongique de la surface oculaire atteint en général la cornée (voir chapitre 6).
Les Microsporida, un groupe de parasites intracellulaires obligatoires, peuvent provoquer des conjonctivites, des kératites ou des kératoconjonctivites, en particulier chez les patients présentant un syndrome d’immunodéficience acquise (sida). Rhinosporidium seeberi, qui peut être à l’origine d’une conjonctivite isolée (atteignant typiquement la conjonctive palpébrale et des culs-de-sac), est retrouvé le plus souvent en Inde et dans le Sud-Est Asiatique, mais a aussi été rapporté dans le Sud-Est des États-Unis. L’infection fait en général suite à un contact avec de l’eau stagnante. Ce micro-organisme, initialement intégré dans la classe des champignons, a ensuite été reclassé parmi les protozoaires. Le protozoaire Acanthamoeba est parfois à l’origine d’une conjonctivite isolée, mais infecte en général aussi la cornée (voir chapitre 6). Ce diagnostic doit être évoqué en cas de conjonctivite chronique unilatérale ne répondant pas au traitement standard. La réalisation d’un frottis peut apporter une aide utile au diagnostic.
Conjonctivite non infectieuse
La pemphigoïde oculaire cicatricielle (POC) est une forme de conjonctivite fibrosante d’étiologie auto-immune. En général, elle atteint aussi d’autres muqueuses et parfois la peau. En cas de suspicion clinique, la réalisation d’une biopsie conjonctivale permettra d’établir le diagnostic. La moitié du prélèvement fixé au formol subira une analyse histologique de routine, l’autre moitié étant adressée au laboratoire dans du sérum physiologique ou dans un milieu de Michel pour une analyse en immunofluorescence. L’analyse histologique retrouve les bulles épithéliales et une bande sous-épithéliale de cellules inflammatoires chroniques, essentiellement des plasmocytes (fig. 5-9). L’immunofluorescence met en évidence des dépôts d’immunoglobulines IgG, IgM et/ou IgA et/ou de complément (C3) au niveau de la membrane basale de l’épithélium. Le clinicien doit garder à l’esprit que la sensibilité de l’immunofluorescence n’est que de 50 % (en particulier si l’évolution est ancienne avec d’importants phénomènes cicatriciels). Un résultat négatif n’élimine donc pas le diagnostic de POC. Voir aussi la Section 8 du BCSC, External Disease and Cornea (Maladies de la surface oculaire et cornée).
Figure 5-9 Phemphigoïde oculaire cicatricielle (POC). A. Aspect clinique. B. L’histologie montre les bulles épithéliales (flèches) et un infiltrat dense de plasmocytes dans le stroma (têtes de flèche). C. L’immunofluorescence de la membrane basale épithéliale (têtes de flèche) dans la POC.
(Partie A : remerciements au Dr Andrew J.W. Huang ; partie B : remerciements au Dr George J. Harocopos.)
Granulome pyogénique
Le granulome pyogénique apparaît comme un nodule rougeâtre en relief au niveau de la surface oculaire, survenant en général dans un contexte de chalazion (au niveau de la conjonctive palpébrale), ou au niveau du site d’un ancien traumatisme, accidentel ou chirurgical. Les exemples classiques de traumatismes sont l’antécédent de chirurgie du strabisme (au niveau de l’insertion musculaire), de chirurgie rétinienne, ou une énucléation. La terminologie est en fait inexacte car la lésion n’est ni nécrotique, ni un véritable granulome. Il s’agit plutôt d’un tissu de granulation, c’est-à-dire une masse pédiculée composée d’un mélange de cellules inflammatoires aiguës et chroniques, avec prolifération capillaire ayant une disposition classiquement en forme de rayons de roue (fig. 5-10).
Figure 5-10 Granulome pyogénique. A. Aspect clinique, sur le site d’une chirurgie de strabisme antérieure. B. Histologie à faible grossissement montrant une masse pédonculée de tissu de granulation, avec une disposition en forme de rayons de roue. C. À fort grossissement, on retrouve un mélange de cellules inflammatoires aiguës et chroniques : noter les neutrophiles (N) au niveau de la lumière des vaisseaux sanguins et infiltrant aussi le tissu ; des cellules inflammatoires chroniques sont aussi présentes, essentiellement des lymphocytes (L).
(Partie A : remerciements au Dr Gregg T. Lueder ; parties B et C : remerciements au Dr George J. Harocopos.)