49: TRAITEMENT DES INFECTIONS FONGIQUES INVASIVES ET SUPERFICIELLES

CHAPITRE 49 TRAITEMENT DES INFECTIONS FONGIQUES INVASIVES ET SUPERFICIELLES







ÉPIDÉMIOLOGIE


Ces trente dernières années, l’incidence des infections fongiques nosocomiales a augmenté de façon spectaculaire. Cette évolution épidémiologique est en grande partie causée par l’accroissement de la population à risque, soumise à une immunosuppression intense et prolongée ou à des procédures médico-chirurgicales invasives et complexes.


Les infections fongiques, les aspergilloses invasives (AI) en particulier, sont devenues la première cause de mortalité d’origine infectieuse dans les services d’hématologie et de transplantation de cellules souches hématopoïétique (CSH). Les aspergilloses touchent particulièrement les patients sévèrement neutropéniques et les patients greffés de CSH allogéniques ou greffés d’organe solide. Malgré d’importants progrès diagnostiques et thérapeutiques récents, elles restent responsables d’une forte mortalité (50 à 80 %).


Les candidoses restent les infections fongiques les plus fréquemment diagnostiquées et représentent 7 % des infections nosocomiales. Candida sp. vient actuellement au quatrième rang des pathogènes isolés par hémoculture aux États-Unis juste après les staphylocoques à coagulase négative, les staphylocoques dorés et les entérocoques, et au cinquième rang en Europe. Elles concernent tous les patients fragilisés par un traitement immunosuppresseur, une insuffisance rénale, une intervention chirurgicale, des traitements antibactériens, un traumatisme, etc.


D’autres infections fongiques opportunistes peuvent survenir chez des patients fragilisés par leur maladie ou par un traitement immunosuppresseur : mucormycoses chez les patients leucémiques, greffés de CSH ou d’organe, diabétiques ou insuffisants rénaux ; cryptococcoses chez les sujets infectés par le VIH ou atteints d’hémopathies malignes, fusarioses chez les patients neutropéniques, etc.



PHYSIOPATHOLOGIE



Candidoses





Facteurs de risque


Les candidoses superficielles peuvent se produire aussi bien chez des sujets immunocompétents que chez des patients immunodéprimés. Elles sont principalement dues à des modifications de l’hydratation, du pH, des concentrations de nutriments ou de l’environnement microbien de la peau et des muqueuses.


Les candidoses systémiques relèvent de deux mécanismes différents sur le plan physiopathologique. La contamination peut être nosocomiale chez des patients ayant des cathéters intravasculaires (produits de perfusion, transmission manuportée) ou elle peut être consécutive au passage vers le sang et les organes profonds de levures ayant colonisé des sites digestifs et/ou génito-urinaires. La fragilisation des muqueuses après les chimiothérapies et par des traitements antibiotiques prolongés principalement chez les patients hospitalisés en réanimation mais aussi chez des patients neutropéniques favorise cette contamination. Les facteurs de risque de candidoses systémiques sont nombreux : neutropénie prolongée, allo et autogreffe de moelle, corticothérapie, chirurgie digestive lourde, nutrition parentérale prolongée, etc. Néanmoins, seuls trois d’entre eux ont été clairement identifiés en analyse multivariée :




Aspergilloses





Facteurs de risque


Le facteur de risque principal est une neutropénie profonde et prolongée : un taux de polynucléaires neutrophiles inférieur à 500/μL pendant au moins 2 semaines ou inférieur à 100/μL quelle que soit la durée crée un risque aspergillaire. Ce risque augmente de 1 % par jour après une semaine d’aplasie et de 4 % par jour au-delà de la 3e semaine de granulopénie.


En hématologie, l’aspergillose complique plus fréquemment les allogreffes de cellules souches hématopoïétiques, les leucémies aiguës myéloblastiques, les lymphomes en rechute, les myélome. Au cours des leucémies aiguës, l’incidence est de 5 à 24 %. Elle est de 4 à 11 % dans les allogreffes de CSH et de 0,5 à 6 % dans les autogreffes de CSH sans facteur de croissance. Les traitements immunosuppresseurs, particulièrement la corticothérapie à fortes doses sont également fréquemment en cause. Chez les transplantés d’organe, le risque est variable selon la transplantation. La fréquence au cours des transplantations cardiaques, hépatiques et rénales varie de 0,5 à 10 %. La fréquence des aspergilloses pulmonaires invasives est plus importante au cours des transplantations pulmonaires avec une incidence pouvant dépasser 20 %. La fréquence au cours du sida varie de 0 à 12 %. L’infection peut survenir lors d’une période prolongée de neutropénie post thérapeutique (traitement anti-rétroviraux en particulier) ou du fait d’un déficit qualitatif ou quantitatif en macrophages.


Au cours d’une immunodépression profonde, le risque de contracter une aspergillose invasive augmente parallèlement à la concentration en spores d’Aspergillus dans l’air ambiant. Des travaux de rénovation ou de construction dans les hôpitaux mettent en suspension dans l’air des poussières souvent riches en spores et peuvent entraîner l’apparition de véritables épidémies d’aspergilloses nosocomiales chez des patients fragiles. Ainsi l’importance du facteur environnemental a rendu nécessaire l’hospitalisation des patients à risque dans des unités équipées de système de filtration d’air assurant une réduction de la concentration en spores. De même, en cas de travaux, il convient de mettre en œuvre des mesures de protection spécifiques [1].



Cryptococcoses


Chez les malades non infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), les cryptococcoses sont rares. Chez les patients cancéreux, elles ne représentent que 2 % à 5 % des mycoses identifiées à l’autopsie. Une étude récente montre que les cryptococcoses représentent 2,2 % des mycoses invasives au cours des leucémies et des myélodysplasies, 3,9 % au cours des lymphomes, 7,5 % au cours des tumeurs solides et 9,3 % au cours des myélomes.






Infections fongiques rares


De nombreux autres champignons opportunistes levuriformes ou filamenteux peuvent infecter les patients sévèrement immunodéprimés. Parmi celles-ci, il faut citer les infections à mucormycoses, les fusarioses et les scedosporioses.






ASPECTS CLINIQUE ET SÉMÉIOLOGIQUE SUCCINCTS



Candidoses


Les candidoses s’expriment sous forme d’infections superficielles (candidoses cutanées ou muqueuses oropharyngées ou génitales) et sous forme d’infections invasives principalement représentées par les candidémies, les candidoses chroniques disséminées et les candidoses œsophagiennes. Les autres atteintes invasives (endocardite, méningite, pneumopathie primitive, ostéo-arthrite, etc.) sont rares.




Candidoses muqueuses






Candidoses profondes ou invasives


Elles sont classées en trois catégories : candidémies, candidoses invasives et candidoses disséminées.





Aspergilloses


Les champignons du genre Aspergillus sont responsables de diverses pathologies incluant des manifestations allergiques respiratoires, des infections non invasives (aspergillomes se développant dans une cavité préexistante dans le poumon, la plèvre ou un sinus), des formes dites semi-invasives (ou aspergilloses chroniques nécrosantes survenant chez des patients faiblement immunodéprimés) et les aspergilloses invasives qui seules seront détaillées ici.





Localisations extrapulmonaires de l’aspergillose


Lorsqu’il y a atteinte de deux ou plusieurs organes non contigus, on parle d’aspergillose disséminée. Elle est due à une dissémination du champignon par voie hématogène à partir d’un point de départ broncho-pulmonaire. Elle se rencontre dans près dans 10 à 30 % des cas selon la gravité de l’immu-nodépression sous-jacente. La dissémination peut se faire vers différents organes dont le cerveau (atteinte particulièrement grave), la peau, la thyroïde, le cœur (sous forme d’endocardite ou d’abcès myocardiques), les reins et le tube digestif.


Le diagnostic doit être le plus précoce possible afin de mettre le traitement antifongique en route alors que la maladie est encore localisée. En effet, tout retard diagnostique favorise l’extension locale et la diffusion de la maladie et assombrit considérablement le pronostic.


Le diagnostic d’une aspergillose repose sur les quatre points suivants.



–  Le diagnostic radiologique à l’aide de la radiographie pulmonaire (mise en évidence d’un ou plusieurs infiltrats non spécifiques) et du scanner thoracique (Il permet de mettre en évidence un signe précoce très évocateur le signe du halo). Ce signe est hautement évocateur d’aspergillose pulmonaire chez un patient neutropénique et correspondant à une atténuation progressive de la densité autour d’un nodule d’aspergillose. Plus tardivement dans l’évolution de l’infection apparaît un autre signe très suggestif du diagnostic : le signe du croissant gazeux témoignant d’un début d’excavation de la lésion pulmonaire.


–  Le diagnostic mycologique par la mise en évidence d’Aspergillus sp. dans les expectorations ou dans les prélèvements nasaux. Ce diagnostic a une bonne corrélation avec une infection aspergillaire chez le patient neutro-pénique mais cela est de moindre valeur chez les autres immunodéprimés. La sensibilité des examens est cependant faible pour les expectorations (environ 30 %) et le lavage broncho-alvéolaire (environ 50 %). La sensibilité est meilleure pour les biopsies pulmonaires à l’aiguille fine sous guidage scanographique (environ 70 %) et les biopsies par voie chirurgicale (supérieure à 90 %).


–  Le diagnostic sérologique : chez le patient immunodéprimé, la sérologie aspergillaire a peu d’intérêt en raison d’une faible capacité de produire des anticorps ; néanmoins la sérologie peut se positiver secondairement en cas d’évolution favorable sous traitement et constitue parfois un argument de diagnostic rétrospectif d’API. En revanche, chez les patients neutropéniques ou greffés de moelle, la détection de l’antigène aspergillaire (galactomannane) dans le sérum par technique ELISA (Platelia Aspergillus, Bio-rad) est évocatrice du diagnostic d’aspergillose [2]. Pour être optimale, la recherche de l’antigénémie doit se faire de façon systémique et répétée pendant la période à risque.


–  Le diagnostic histologique : toute biopsie doit être examinée en histologie parallèlement à l’analyse mycologique. Il est fréquent que l’examen anatomo-pathologique mette en évidence des filaments mycéliens et que la culture reste négative, en particulier chez les patients déjà traités par antifongique. De plus, l’histologie permettra quelquefois de corriger la suspicion clinique en posant un autre diagnostic (métastases, lymphome, etc.).



Cryptococcoses


L’atteinte est le plus souvent disséminée avec lésions inaugurales intéressant les méninges ou les poumons :



Le diagnostic repose sur :





MÉCANISME D’ACTION ET SPECTRE D’ACTIVITÉ DES ANTIFONGIQUES SYSTÉMIQUES





Triazolés


Les azolés agissent par inhibition de la C-14 alpha-déméthylase, dépendante du cytochrome P450 des cellules fongiques, s’opposant ainsi la synthèse de l’ergostérol nécessaire à la formation de la membrane fongique, à partir du lanostérol. Il s’ensuit une déplétion de l’ergostérol de la membrane fongique entraînant des anomalies de la perméabilité membranaire et une accumulation de stérols toxiques. Les azolés exercent également une activité très spécifique sur les enzymes dépendant du cytochrome P450 du foie et de la paroi du tube digestif.


Le fluconazole, agent fongistatique, a une activité limitée aux levures (Candida albicans et Cryptococcus neoformans) sauf Candida krusei qui présente une résistance primaire et Candida glabrata de sensibilité dose-dépendante. Les champignons filamenteux, y compris les Aspergillus spp. et les dermatophytes sont résistants au fluconazole.


L’itraconazole est un antifongique à large spectre de la classe des triazolés, actif sur les dermatophytes (Trichophyton spp., Microsporum spp., Epidermophyton floccosum), les levures (Cryptococcus neoformans, Candida spp.), certains champignons filamenteux dont Aspergillus spp., et les champignons dimorphiques : Histoplasma spp., Paracoccidioides brasiliensis, Blastomyces dermatidis.


In vitro, le voriconazole possède un spectre large couvrant les levures (Candida spp. y compris des souches résistantes au fluconazole, Cryptococcocus neoformans) et des champignons filamenteux dont Aspergillus spp., Scedosporium spp. et Fusarium spp. mais excluant, les agents des mucormycoses. In vivo, le voriconazole est actif dans de nombreux modèles d’infections fongiques chez des animaux immunocompétents ou immunodéprimés : infections systémiques à Aspergillus spp., à Candida spp. (dont C. glabrata et C. krusei) et à Cryptococcus neoformans. Le voriconazole a une activité fongistatique sur Candida spp. et Cryptococcus neoformans, fongicide sur Aspergillus spp.


Le posaconazole présente un spectre d’activité similaire au voriconazole élargi aux Mucorales. Il est actif in vitro contre les micro-organismes suivants : Aspergillus spp. (A. fumigatus, A. flavus, A. terreus, A. nidulans, A. niger, A. ustus), Candida spp. (y compris C. glabrata et C. krusei), Cryptococcus neoformans, Coccidioides immitis, Fonsecaea pedrosoi, Fusarium spp. et certaines Mucorales. Le posaconazole exerce une activité fongistatique sur les espèces à Candida, et une activité fongicide sur Cryptococcus neoformans et Aspergillus spp. [3].



Échinocandines


Les échinocandines sont une nouvelle classe d’antifongiques systémiques présentant un mode d’action innovant, spécifique et original. Trois molécules sont actuellement disponibles : la caspofungine, l’anidulafungine et la micafungine.


Les échinocandines sont des lipopeptides cycliques inhibiteurs de la synthèse de la paroi fongique. Ces lipopeptides sont obtenus par fermentation de divers champignons tels que : Aspergillus nidulans, Aspergillus aculeatus, Zalerion arboricola. Ils inhibent de façon non-compétitive la synthèse de 1,3-β-D-glucane, qui est un polysaccharide essentiel de la paroi des agents pathogènes fongiques, non présent dans les cellules de mammifères. La cible moléculaire des échinocandines est un complexe enzymatique hétéromérique. Ce complexe est constitué d’au moins une sous-unité régulatrice, Rho1p activée par le GTP et d’une sous-unité catalytique codée par le gène FKS. L’inhibition de la synthèse du glucane est à l’origine d’une instabilité osmotique et de la lyse de la paroi fongique. L’activité des échinocandines résulte en une réduction du bourgeonnement des levures et inhibition de la croissance à l’extrémité des filaments pour les champignons filamenteux. D’autres études ont également suggéré une inhibition de la synthèse du 1,6-β-D-glucane.


La caspofungine présente un large spectre d’activité avec une activité antifongique in vitro sur les Candida spp., les Aspergillus spp. et quelques autres moisissures et champignons dimorphiques. L’activité de la caspofungine est de type fongicide sur les Candida sp., essentiellement sur C. albicans (y compris des souches fluconazole-résistantes), C. glabrata, C. tropicalis puis par ordre de moindre sensibilité C. krusei, C. lusitaniae et C. guilliermondii. Il n’existe pas de phénomène de résistance croisée avec les azolés. Elle est, par contre, inactive sur C. neoformans, Trichosporon spp., Fusarium spp., Scedosporium spp. et les agents des zygomycoses.


Une activité additive et synergique a été observée lors de l’association caspofungine et amphotéricine B in vitro sur A. fumigatus, A. flavus, A. niger et A. terreus.


L’anidulafungine présente une activité fongicide sur la plupart des Candida sp. y compris sur des souches appartenant à des espèces présentant une résistance intrinsèque (Candida krusei) ou une sensibilité réduite (Candida glabrata). Cependant, C. guilliermondii et C. parapsilosis apparaissent moins sensibles à l’anidulafungine que les autres espèces de Candida. Comme la caspofungine, l’anidulafungine n’est pas active in vitro sur Cryptococcus neoformans et Trichosporon spp. L’anidulafungine ne possède pas d’activité antifongique sur Fusarium spp., les zygomycètes et Blastomyces dermatitidis.


Comme les autres échinocandines, la micafungine possède in vitro une activité fongicide sur Candida sp. essentiellement sur C. albicans, C. tropicalis, C. glabrata puis par ordre de moindre sensiblité C. dubliniensis, C. lusitaniae et C. krusei. Les valeurs de CMI sont plus élevées pour C. parapsilosis et C. guilliermondii. L’activité de la micafungine sur les Aspergillus spp. montre des CMI inférieures à celles observées avec l’amphotéricine B ou l’itraconazole mais ne paraît pas fongicide. La micafungine est inactive sur Fusarium spp. et les Mucorales.




PHARMACOCINÉTIQUE



Polyènes


Les principales caractéristiques pharmacocinétiques de l’amphotéricine B désoxycholate sont résumées et comparées à celles de ses formulations lipidiques dans le tableau 49.2. La pharmacocinétique de l’amphotéricine B est complexe et partiellement étudiée chez l’homme.



L’amphotéricine B se lie fortement aux protéines plasmatiques (91 à 95 %) après administration par voie intraveineuse. Sa demi-vie plasmatique est de 24 à 48 heures, mais sa demi-vie d’élimination est proche de 15 jours. Sa distribution suit alors un modèle tricompartimental. Des concentrations élevées d’amphotéricine B sont trouvées dans le foie (14 à 41 % de la dose administrée), les reins (0,3 à 2 %) et les poumons (1,2 à 6 %). L’amphotéricine B pénètre dans les cellules (notamment les macrophages) et exerce ainsi son activité sur les agents fongiques phagocytés. L’élimination urinaire et biliaire est faible.


L’ABLC est rapidement captée par les cellules du système réticuloendothélial, d’où les fortes concentrations du produit dans le foie, la rate, la moelle osseuse et les poumons des patients. L’ABLC est dégradée par les phospholipases cellulaires des macrophages et par celles des agents fongiques, ce qui permet une libération progressive d’amphotéricine B. Les concentrations rénales d’amphotéricine B sont réduites avec l’ABLC par rapport à l’amphotéricine B conventionnelle.


Dans l’organisme, l’amphotéricine B liposomale se comporte différemment de l’amphotéricine B désoxycholate et des autres formulations lipidiques. Ainsi, les concentrations plasmatiques d’amphotéricine B liposomale sont élevées en raison d’une épuration lente par le système réticuloendothélial. L’amphotéricine B est délivrée au contact des agents fongiques, après fusion avec la membrane cellulaire fongique. De fortes concentrations d’amphotéricine B liposomale ont été mises en évidence dans le foie (13 à 23 % de la dose délivrée) et la rate alors quelles sont faibles au niveau des poumons et des reins. Moins de 1 % de la dose administrée est retrouvée dans les reins.




Triazolés


Les principales caractéristiques pharmacocinétiques des antifongiques triazolés sont résumées dans le tableau 49.3.





Fluconazole


Les formes orale et intraveineuse du fluconazole sont équivalentes du point de vue pharmacocinétique. Le fluconazole a un profil pharmacocinétique linéaire. Les principales caractéristiques pharmacocinétiques sont présentées tableau 49.2.


Après administration orale, le fluconazole est bien absorbé et sa biodisponibilité absolue est de 90 %. Son absorption n’est pas modifiée par l’alimentation ni par l’acidité gastrique. Les pics de concentration plasmatique chez le sujet à jeun surviennent entre 0,5 et 1,5 heure après l’administration.


Le volume apparent de distribution est voisin de celui de l’eau corporelle totale (0,6-0,7 L/kg). La liaison aux protéines plasmatiques est faible (12 %). Le fluconazole pénètre bien l’ensemble des tissus de l’organisme où après dose unique il atteint 0,8 à 3 fois les concentrations plasmatiques. Après doses réitérées, les concentrations tissulaires fluctuent entre 3 et 20 μg/mL. La pénétration est également satisfaisante dans les tissus de l’œil chez l’animal, comme chez l’homme. Elle est aussi bonne dans la salive, tant chez les patients atteints de sida qu’après radiothérapie ORL puisque dans ces deux cas les concentrations observées sont du même ordre ou sensiblement supérieures à celles chez le volontaires sains. Chez les patients présentant une méningite d’origine fongique, les taux dans le LCR sont équivalents à 80 % environ des taux sanguins.


Le fluconazole est faiblement métabolisé (11 % de la dose administrée sont retrouvés sous forme de métabolites dans les urines) et sa posologie ne semble pas devoir être modifiée au cours des hépatopathies.


La demi-vie d’élimination est d’environ 30 heures. Le fluconazole s’élimine essentiellement par voie rénale et 80 % de la dose administrée sont retrouvés dans les urines sous forme inchangée. La clairance du fluconazole est proportionnelle à la clairance de la créatinine. En conséquence, la dose journalière doit être réduite chez les patients ayant une clairance de la créatinine inférieure ou égale à 50 mL/min. Le fluconazole est hémodialysé avec une diminution de 38 % de la concentration sérique après environ 3 heures d’hémodialyse.



Itraconazole


La pharmacocinétique de l’itraconazole n’est pas linéaire, montrant une accumulation plasmatique après administration répétée. La biodisponibilité de l’itraconazole par voie orale est dose-dépendante et présente une variabilité interindividuelle importante ; elle est diminuée notablement lors de la prise à jeun.


Après administration orale, la biodisponibilité de l’itraconazole en gélule (environ 55 %) est maximale lorsque l’administration se fait immédiatement après un repas. La prise à jeun diminue notablement sa biodisponibilité. Il existe une forte variabilité inter-individuelle. L’absorption est modifiée lorsque l’acidité gastrique est réduite. Ce médicament doit être administré 2 heures avant ou 4 à 6 heures après un médicament diminuant l’acidité gastrique. Afin d’améliorer la biodisponibilité de l’itraconazole, une suspension buvable est disponible dans laquelle l’itraconazole est solubilisé dans de la cyclodextrine. La biodisponibilité orale de la forme buvable est maximale lorsqu’elle est administrée en dehors des repas. En effet, la biodisponibilité absolue observée de l’itraconazole buvable administré en présence de nourriture est d’environ 55 % et augmente de 30 % quand la solution buvable est administrée à jeun. La forme buvable est utile chez des patients qui ne peuvent absorber une grande quantité de nourriture. Enfin, l’absorption de l’itraconazole en solution buvable n’est pas influencée par l’acidité gastrique.


La majorité de l’itraconazole est liée aux protéines plasmatiques (99,8 %) et plus particulièrement à l’albumine (99,6 % pour le métabolite hydroxylé). Le volume de distribution est élevé (700 L) et indique une large pénétration tissulaire associée à un fort tropisme cellulaire. Les concentrations tissulaires sont 2 à 10 fois supérieures aux concentrations plasmatiques. La recapture par les tissus kératineux, et plus particulièrement par la peau est jusqu’à 4 fois plus importante que dans le plasma.


L’itraconazole est métabolisé de façon extensive dans le foie en de nombreux métabolites. Le métabolite principal est l’hydroxy-itraconazole qui possède in vitro une activité antifongique comparable à celle de l’itraconazole. Les taux plasmatiques du métabolite hydroxylé sont supérieurs à ceux de l’itraconazole. Comme cela a été montré dans les études in vitro, le CYP3A4 est l’enzyme majoritairement impliquée dans le métabolisme de l’itraconazole.


L’itraconazole est éliminé sous forme de métabolites inactifs pour 35 % environ dans les urines en une semaine et environ 54 % dans les fèces. L’excrétion rénale du produit inchangé correspond à moins de 0,03 % de la dose administrée, alors que l’excrétion fécale du produit inchangé varie entre 3 et 18 % de la dose administrée. L’élimination de l’itraconazole est biphasique une demi-vie d’élimination d’environ 20 heures après une dose unique et en moyenne 30 heures après un traitement chronique. L’élimination de l’itraconazole des tissus est plus lente que celle du plasma. Dans la peau, l’élimination est dépendante de la régénération de l’épiderme. Des taux thérapeutiques persistent 2 à 4 semaines après l’arrêt d’un traitement chronique. Un phénomène semblable a été constaté dans le tissu vaginal où des taux thérapeutiques persistent 48 à 72 heures après l’arrêt d’un traitement.



Voriconazole


Le voriconazole a un profil pharmacocinétique non linéaire dû à une saturation de son métabolisme.


Le voriconazole est absorbé rapidement et presque complètement après administration orale, les concentrations plasmatiques maximales (Cmax) étant atteintes 1 à 2 heures après la prise. La biodisponibilité du voriconazole après administration orale est d’environ 96 %. La prise simultanée de voriconazole avec un repas riche en graisses réduit la Cmax et l’ASCτ de 34 et 24 % respectivement. L’absorption du voriconazole n’est pas influencée par les changements du pH gastrique et l’administration concomitante d’anti-acides tels que la cimétidine et la ranitidine n’affecte pas la pharmaco-cinétique du voriconazole de façon significative. L’administration par sonde nasogastrique peut être une alternative chez des patients ventilés.


Le volume de distribution à l’état d’équilibre du voriconazole est d’environ 4,6 L/kg, ce qui suggère une distribution importante dans les tissus. La liaison aux protéines plasmatiques est d’environ 58 %. Plusieurs études ont évalué les concentrations du voriconazole dans des échantillons de LCR et d’humeur aqueuse. La littérature confirme les données pharmacocinétiques du voriconazole dans le LCR en rapportant plusieurs succès thérapeutiques au cours d’une atteinte fongique cérébrale chez des patients réfractaires au traitement antifongique antérieur. Concernant les endophtalmies fongiques, les concentrations efficaces dans les tissus de l’œil sont atteintes pour les infections à Aspergillus et Candida. Au cours d’une kératite, il est en revanche recommandé d’avoir recours à une administration locale de voriconazole en plus du traitement systémique pour atteindre une concentration optimale au niveau de la cornée.


Des études in vitro ont montré que le voriconazole est métabolisé par les isoenzymes du cytochrome P450 hépatique CYP2C19, CYP3A4 et à un degré moindre par le CYP2C9 ; le métabolite principal du voriconazole est le N-oxyde, qui représente 72 % des métabolites radiomarqués circulant dans le plasma. Ce métabolite a une activité antifongique minime, il ne contribue pas à l’efficacité globale du voriconazole. La variabilité inter-individuelle du profil pharmacocinétique du voriconazole est importante. Des études in vivo ont montré que le CYP2C19 joue un rôle significatif dans le métabolisme du voriconazole. Cette enzyme est caractérisée par son polymorphisme génétique. Les études menées chez des sujets sains issus des populations caucasiennes et japonaises ont montré que les métaboliseurs lents ont, en moyenne, une exposition (ASCt) au voriconazole quatre fois supérieure à celle de leurs équivalents homozygotes métaboliseurs rapides. Les métaboliseurs rapides hétérozygotes ont une exposition au voriconazole en moyenne deux fois plus élevée que leurs équivalents homozygotes. Le voriconazole est métabolisé à moindre degré par le CYP2C9, également responsable de polymorphisme génétique.


Le voriconazole est éliminé par métabolisation hépatique ; moins de 2 % de la dose étant excrétée sous forme inchangée dans les urines. La demi-vie d’élimination terminale du voriconazole dépend de la dose administrée et est d’environ 6 heures pour une dose de 200 mg (voie orale). Le profil pharmacocinétique étant non linéaire, la demi-vie d’élimination ne permet pas de prévoir l’accumulation ou l’élimination du voriconazole.



Posaconazole


La pharmacocinétique du posaconazole est linéaire suivant l’administration d’une dose unique et de doses multiples jusqu’à 800 mg lorsqu’il est administré avec un repas riche en graisse. Une augmentation de la posologie journalière supérieure à 800 mg n’est pas justifiée en raison d’une saturation de l’absorption.


Le posaconazole est fortement lié aux protéines plasmatiques (> 98 %), principalement à l’albumine sérique. Le volume apparent de distribution du posaconazole est de 1744 L suggérant une large distribution dans les tissus périphériques.


Le posaconazole est lentement et faiblement métabolisé en métabolites inactifs. Les métabolites circulants du posaconazole identifiés sont des conjugués monoglucuronidés (18 % à 28 %) nommé M8, des conjugués diglucuronidés (9 %) nommé M5 et des petits fragments de molécule nommé M2 (8 %).


Le posaconazole est principalement métabolisé par des réactions de phase II via l’UDP-glucuronosyltransférase et de façon moindre par les isoenzymes du cytochrome P450.


Le posaconazole a été principalement retrouvée dans les fèces (66 %) et de façon moindre dans les urines (0.2 %), le principal composant étant la molécule mère (66 % de la dose radiomarquée). Le posaconazole est un substrat de la glycoprotéine P permettant l’excrétion dans la lumière intestinale du posaconazole présent dans la circulation générale. Ce mécanisme explique les concentrations élevées du posaconazole dans les fèces. La clairance rénale est de 0,0114 mL/min. Le posaconazole a une demi-vie de 20 à 66 heures. L’état d’équilibre est atteint dans les 7 à 10 jours suivant l’administration de doses multiples.


May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 49: TRAITEMENT DES INFECTIONS FONGIQUES INVASIVES ET SUPERFICIELLES

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access