48: TRAITEMENT DE L’INFECTION PAR LE VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE

CHAPITRE 48 TRAITEMENT DE L’INFECTION PAR LE VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE 




Bordeaux Segalen, France


Ce nouveau chapitre rapporte les nouvelles connaissances (troisième mise à jour) en matière de traitement de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine au travers des recommandations du groupe d’experts (rapport 2010 de la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH) et des dernières publications majeures dans le domaine.




PHYSIOPATHOLOGIE


Le VIH affecte le système immunitaire en infectant les cellules centrales de ce système : les cellules porteuses du récepteur CD4, lymphocytes T CD4+ et cellules de la lignée monocytaire et macrophagique présentatrices d’antigènes. Il s’ensuit un déficit de l’immunité cellulaire, d’évolution progressive dominé par un déficit à la fois quantitatif et qualitatif des lymphocytes CD4, cible principale du virus.


Les virus VIH ont une structure commune à tous les lentivirus, classés dans la famille des rétrovirus. Ils possèdent une enveloppe composée de deux glycoprotéines : la gp120 reconnaissant le récepteur cellulaire lymphocytaire CD4 et la gp41 transmembranaire qui assure la fusion virus/cellule cible. À l’intérieur, la capside (protéine p24, protéine p17) renferme deux brins d’ARN génomique et trois enzymes : la transcriptase inverse, une intégrase et une protéase. Ce sont ces enzymes qui permettent la transcription du génome et l’intégration de l’ADN proviral dans l’ADN cellulaire.


Les événements précoces sont :



Les événements tardifs sont :



Les cellules cibles du virus de l’immunodéficience humaine sont :





CLINIQUE


Hormis les symptômes transitoires de la primo-infection, l’essentiel de la symptomatologie de l’infection par le VIH est en fait lié aux maladies opportunistes dont les manifestations cliniques sont extrêmement variées.


L’évolution se fait schématiquement en trois phases : la primo-infection, le stade précoce et le stade avancé.





Stade avancé et sida


Ce stade correspond à un degré d’immunodépression important, avec des lymphocytes CD4 < 200/mm3, qui favorise l’émergence de complications infectieuses et/ou tumorales, qui définissent le stade sida (pour syndrome d’immunodéficience acquis). Ces complications sont variées et peuvent toucher tous les appareils : pulmonaire, neurologique, digestive, cutanéo-muqueux, ophtalmologique, etc.


Sans traitement, le temps médian entre la séroconversion et la survenue du sida est estimé, selon les études, entre 8 ans et 13 ans. Après le passage au sida et toujours en l’absence de traitement, la progression vers le décès survient rapidement avec une médiane de survie de 9 mois et la plupart des patients ont une espérance de vie inférieure à 2 ans. L’utilisation des traitements actuellement disponibles permet une restauration immunitaire, entraînant une diminution spectaculaire de la fréquence des infections opportunistes et une amélioration significative de la survie.


À ce titre, deux paramètres sont fondamentaux pour suivre l’évolution de la maladie et l’efficacité du traitement :





PHARMACIE CLINIQUE DES ANTIRÉTROVIRAUX




Médicaments inhibiteurs de la transcriptase inverse







Inhibiteur de CCR5 (maraviroc)


Les inhibiteurs de CCR5 comme le maraviroc agissent en inhibant l’entrée du virus dans la cellule par effet allostérique après liaison au corécepteur CCR5.


Pour le premier traitement ARV, il est recommandé de :



–  réaliser un test génotypique de résistance lors du diagnostic de l’infection à VIH et de fonder le choix du premier traitement en tenant compte de ces données ;


–  commencer un traitement ARV sans délai chez les patients symptomatiques (catégories B et C de la classification CDC 1993), en tenant compte du traitement éventuel d’une infection opportuniste et des interactions possibles, ainsi que chez les patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 < 350/mm3 ou < 15 % ;


–  de commencer un traitement ARV chez les patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 compris entre 350 et 500/mm3 ;


–  chez les patients asymptomatiques ayant un nombre de lymphocytes CD4 > 500/mm3, les données sont insuffisantes pour recommander l’instauration systématique d’un traitement ARV. Il est toutefois possible de l’envisager dans les circonstances suivantes :








–  de recourir préférentiellement à une trithérapie comportant 2 INTI + 1 IP/r ou 1 INNTI :




–  de ne prescrire abacavir que chez des patients négatif pour le HLA B*5701 et ayant une charge virale < à 100 000 copies/mL.


L’objectif du traitement ARV est d’atteindre et de maintenir une charge virale indétectable (< 50 copies/mL) et un nombre de lymphocytes CD4 > 500/mm3.


En dehors des situations d’urgence, la mise en route d’un traitement ARV doit être préparée avec le patient pour optimiser son adhésion au traitement.


Les interruptions de traitement sont suivies d’un rebond de la réplication du VIH et d’une baisse des lymphocytes CD4, d’autant plus rapide que le nadir des lymphocytes CD4 est plus bas.


La persistance d’une réplication virale sous traitement expose aux risques d’accumulation de résistance ce qui diminue les chances d’efficacité du traitement ultérieur et a un impact négatif sur les lymphocytes CD4.


Les situations d’échec virologique doivent faire l’objet de discussions pluridisciplinaires. L’avis d’une équipe expérimentée VIH est indispensable dans les situations où les options thérapeutiques apparaissent limitées.


Avec la disponibilité de six classes d’ARV, l’objectif de ré-obtention d’une suppression virologique maximale est aujourd’hui possible dans la grande majorité des cas y compris chez les patients avec un long historique antirétroviral et la présence de résistances génotypiques à plus d’une classe.



–  Dans ces situations d’échec virologique, les facteurs associés à une plus grande chance de succès virologique du nouveau traitement sont :






–  Dans les situations d’échec les recommandations sont de :







–  Dans le cas d’un traitement ARV efficace, les recommandations sont :






Changement par une association comportant deux INTI et un nouvel IP/r


Ces stratégies doivent être envisagées uniquement chez des patients n’ayant pas d’antécédent d’échec virologique aux IP, ou ayant des antécédents d’échecs virologiques mais sans aucune mutation primaire de résistance à ces médicaments.




Simplification par une association comportant deux INTI et un INNTI


Avant d’envisager cette simplification, il est indispensable de s’assurer que les médicaments qui seront associés à l’INNTI sont actifs en considérant les génotypes antérieurs notamment celui réalisé avant la mise en route du traitement. Le virus doit être considéré comme résistant à l’INNTI (névirapine ou efavirenz) en cas de survenue d’un échec virologique sous INNTI dans le passé. Cette stratégie a été essentiellement validée chez les patients n’ayant pas d’antécédent d’échec virologique. Plusieurs essais comparatifs ont montré l’efficacité de cette stratégie en termes d’amélioration des paramètres lipidiques. Mais en cas d’échec, le risque d’émergence de résistance à l’ensemble des médicaments d’une association comportant 2 INTI + 1 INNTI est élevé compte tenu de la faible barrière génétique à la résistance de ce type d’association.





Allègement d’une trithérapie avec un IP/r par une monothérapie d’IP/r


Plusieurs essais cliniques ont évalué l’efficacité des stratégies de maintenance par des IP/r en monothérapie pour atazanavir/r, lopinavir/r et darunavir/r (tableau 48.3).



Les résultats pour l’atazanavir/r utilisé en monothérapie ne sont pas favorables en raison d’un nombre important d’échecs virologiques survenus durant l’étude et nécessitant son interruption.


Pour lopinavir/r et darunavir/r en monothérapie, les résultats montrent une non-infériorité de la monothérapie en ce qui concerne le maintien de la charge virale à la 48e semaine de traitement, elles sont en général associées à des virémies plus faibles que celles rencontrées pour une trithérapie conventionnelle. Leur impact sur le contrôle de la réplication virale dans les sanctuaires anatomiques (système nerveux central et tractus génitaux) est mal connu.


En pratique, la simplification d’une trithérapie avec IP/r par une monothérapie d’IP/r comportant soit lopinavir/r (400/100 mg x 2/j), soit darunavir/r (800/100 mg x peut être envisagée pour simplifier le traitement en cas d’intolérance aux INTI à condition :



IP utilisé :



Stratégie en cours d’évaluation :




Antirétroviraux en cours de développement clinique ou approuvés en 2012



Inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse




Rilpivirine-Édurant, inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse

La rilpivirine est utilisée à la dose de 25 mg par jour en une seule prise. Elle est indiquée en association avec d’autres antirétroviraux chez les patients naïfs de traitement. Cette indication fait suite aux résultats de deux essais cliniques de phase 3 évalués à 48 semaines : ECHO (TMC278-C09) et THRIVE (TMC278-C215) et d’un essai de phase 2b évalué à 96 semaines avec une extension à 192 semaines chez les patients infectés par le VIH-1 et naïfs de traitement. La pharmacocinétique de la rilpivirine est proche de celle des deux autres INNTI. La concentration maximale est obtenue entre 4 et 5 heures après l’administration de rilpivirine. Son administration nécessite la prise d’un repas standard car son exposition est diminuée de l’ordre de 40 % à jeun. La rilpivirine est fortement fixée aux protéines plasmatiques 99,7 % et sa fixation concerne essentiellement l’albumine. La rilpivirine est biotransformée par le CYP3A et sa fraction éliminée intacte dans les urines est inférieure à 1 %. La rilpivirine associée à des inducteurs et inhibiteurs du CYP3A imposera une adaptation de la dose en rilpivirine pour s’assurer de l’obtention d’une exposition totale efficace en rilpivirine (nécissité d’augmenter les doses à 75 voire 150 mg/j de rilpivirine). Sa demi-vie d’élimination plasmatique est de 50 heures. Les effets indésirables majeurs de la rilpivirine sont insomnies, maux de tête et rashs cutanés. Le risque d’émergence de mutations croisées dans le bas rilpivirine est supérieur à celui observé dans le bras éfavirenz (bras comparateur).


La rilpivirine est actuellement développée dans une association fixe comportant : rilpivirine + ténofovir + emtricitabine. Cette association fixe des trois antirétroviraux est bioéquivalente à celle des trois spécialités prises séparément (figure 48.1).




Inhibiteurs d’intégrase



Elvitégravir

L’elvitégravir a été étudié lors d’une étude clinique de phase 3 à la dose de 85 et 150 mg par jour en une seule administration. L’elvitégravir nécessite l’utilisation d’un agent « booster » en association permettant ainsi d’optimiser ses propriétés pharmacocinétiques. Les résultats de cette étude ont démontré que l’elvitégravir est non inférieur au raltégravir donné en deux fois par jour à la dose de 400 mg à la 48e semaine. Son profil de tolérance est comparable à celui du raltégravir et chez les patients en échec virologique, 20 % d’entre eux ont développé des mutations de résistance à l’intégrase.


L’elvitégravir est actuellement développé dans une association fixe appelée le QUAD et comprenant elvitégravir + cobicistat + ténofovir + emtricitabine (EVG/COBI/TDF/FTC).


Ce QUAD est actuellement comparé à l’association :



Les résultats publiés récemment montrent les éléments suivants.



–  Pour QUAD vs ATV/r + TDF/FTC : résultats à S 48 d’une étude de phase 3 (DeJesus E et al., abstract 627, CROI 2012) Cette étude multicentrique randomisée a inclus 708 patients naïfs de traitement antirétroviral (90 % d’hommes, 39 % des patients avec une CV initiale ≥ 100 000 copies/mL, clairance de la créatinine > 70 mL/min) pour recevoir selon un schéma 1 : 1 une association elvitégravir (EVG)/cobicistat(COBI)/TDF/FTC (« QUAD ») vs ATV/r + TDF/FTC. Les résultats sur le critère principal (CV < 50 copies/mL à S 48) démontrent la non infériorité du QUAD vs ATV/r + TDF/FTC (respectivement 90 % et 87 %), avec des taux de réponse comparables quel que soit le niveau de CV ou de CD4 à l’inclusion. La restauration immunologique est également comparable (+ 211 cellules/mm3 dans le bras ATV/r + TDF/FTC et + 207 cellules/mm3 dans le bras QUAD ; p = 0,61) de même que les taux d’arrêts de traitement pour effets indésirables (respectivement 5 % et 4 %) ou pour effets indésirables rénaux (0,3 % dans les deux bras). L’augmentation des triglycérides a été moins importante dans le bras QUAD (+ 8 mg/dL vs + 23 mg/dL ; p = 0,006). Les échecs virologiques ont été peu nombreux (5 % dans les deux bras).


–  Pour QUAD vs EFV + TDF/FTC : efficacité et tolérance (Sax P et al., abstract 101, CROI 2012)


L’efficacité et la sécurité du QUAD (elvitégravir 150 mg, cobicistat : 150 mg, FTC/ténofovir 200/300 mg) apparaissent comme comparables à la combinaison coformulée efavirenz/FTC/ténofovir dans une étude préalable de phase II. Dans cette nouvelle étude, les patients ont été randomisés selon un schéma 1 : 1 pour recevoir QUAD versus placebo d’efavirenz/FTC/ténofovir (n = 348) ou efavirenz/FTC/ténofovir versus placebo de QUAD (n = 352). Le critère principal de jugement était une charge virale indétectable à S48. À S48, le QUAD apparaît comme non inférieur à l’association efavirenz/FTC/ténofovir avec 88 % versus 84 % de réponse virologique. Les résultats sont non différents si on stratifie sur la charge virale (> 100 000 copies/mL ou < 100 000 copies/mL) ou sur les lymphocytes CD4 (> 350 ou < 350/mm3). Le gain de lymphocytes CD4 est de 239/mm3 dans le bras QUAD versus 206/mm3 dans le bras efavirenz/FTC/ténofovir à S48 (p = 0,009). En termes de tolérance, on peut noter : un taux faible et similaire d’arrêt de traitement, moins d’effets secondaires neuropsychologiques ou de rash, un taux plus élevé de nausées de grade 1, une augmentation médiane de 0,14 mg/dL du taux de créatinine, 1,4 % d’arrêts de traitement pour des effets secondaires rénaux et une augmentation plus faible du cholestérol total et du HDL. En termes de résistance, les génotypes effectués à l’échec montrent un taux de sélection de résistance au FTC (M184V) 4 fois plus important dans le bras QUAD que dans le bras efavirenz/FTC/ténofovir (8 patients vs 2), dans l’intégrase la mutation la plus fréquemment sélectionnée est la E92Q. Le QUAD est non inférieur à la combinaison coformulée efavirenz/FTC/ténofovir (figure 48.2).




Dolutégravir (DTG, S/GSK1349572)



Le dolutégravir (DTG) est un inhibiteur d’intégrase non boosté ayant une action antivirale rapide et durable avec un profil de tolérance favorable. L’étude SPRING-1 est une étude de recherche de dose pour la phase III comportant 4 bras sur 96 semaines. Cette étude multicentrique de phase IIb a été réalisée chez des patients naïfs (charge virale > 1 000 copies/mL et CD4>200/mm3), randomisés 1 : 1 : 1 : 1 pour recevoir du DTG 10, 25 ou 50 mg tous les jours ou de l’efavirenz en association avec ténofovir/FTC ou abacavir/3TC avec une stratification sur la charge virale et le backbone de nucléosides associé. Le critère primaire de jugement est une charge virale inférieure à 50 copies/mL à la semaine 16 avec une analyse similaire prévue à S96. 205 patients ont été inclus : 86 % d’hommes, 26 % > 100 000 copies/mL et 67 % sous ténofovir/FTC. Aucun échec virologique n’a été constaté jusqu’à 96 semaines de même qu’aucune résistance génotypique et phénotypique. La variation médiane du nombre de lymphocytes CD4 est supérieure dans les bras DTG (+338,5 CD4/mm3) versus efavirenz (+301 CD4/mm3) sans différence statistiquement significative. Les effets secondaires de grade 2 à 4 sont moins fréquents sous DTG (11 %) que sous efavirenz (24 %) avec moins d’arrêts de traitement (3 versus 10 %). Le DTG en 1 fois par jour à la dose sélectionnée de 50 mg/jour permet une efficacité durable à 96 semaines avec 88 % de répondeurs versus 72 % sous efavirenz et un profil de tolérance favorable (figure 48.3).



May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 48: TRAITEMENT DE L’INFECTION PAR LE VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE

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