45: TRAITEMENT DES MÉNINGITES BACTÉRIENNES COMMUNAUTAIRES

CHAPITRE 45 TRAITEMENT DES MÉNINGITES BACTÉRIENNES COMMUNAUTAIRES








ÉPIDÉMIOLOGIE


Les méningites bactériennes représentent environ 1 400 cas chaque année en France. En 2009, d’après les données du réseau Epibac, le taux d’incidence des méningites bactériennes aiguës est de 2,62/100 000 habitants en France et correspond à 1 648 cas après redressement pour défaut de couverture du réseau et correction de la sous-notification. Deux espèces bactériennes sont à l’origine de 80 % des cas : le pneumocoque (50 %) et le méningocoque (30 %) [2].


Ces chiffres ont peu varié au cours des dix dernières années : en 2006, l’incidence tous âges et tous micro-organismes confondus était de l’ordre de 22 cas par million d’habitants/an (11 cas par million d’habitants/an pour le pneumocoque, 7 pour le méningocoque, 2,5 pour Streptococcus agalactiae, 1 pour Listeria monocytogenes et 0,9 pour Haemophilus influenzae b) [3].


Chez l’enfant, les incidences sont beaucoup plus élevées que chez l’adulte, 440 cas par million d’habitants/an chez l’enfant de moins de 1 an et 70 cas par million d’habitants/an chez l’enfant de 1 à 4 ans) [4, 5].


L’épidémiologie bactérienne est fonction de l’âge. Chez le nourrisson de 1 à 3 mois, les bactéries impliquées sont le streptocoque du groupe B, le méningocoque, le pneumocoque et plus rarement Escherichia coli. Chez l’enfant entre 3 et 12 mois, le pneumocoque représente la moitié des cas, suivi de près par le méningocoque. Chez l’enfant au-delà de 1 an et chez le jeune adulte jusqu’à l’âge de 24 ans, le méningocoque et le pneumocoque représentent environ 95 % des cas, la prépondérance du méningocoque augmente avec l’âge. Chez l’adulte au-delà de 24 ans, les bactéries impliquées sont le pneumocoque, le méningocoque et plus rarement Listeria monocytogenes, Haemophilus influenzae et le streptocoque du groupe B [5, 6] (tableau 45.1).



La méningite à méningocoque se rencontre à tout âge, chez l’enfant comme chez l’adulte, et survient de façon sporadique ou épidémique (écoles, internats, unités militaires, voyage en zone d’épidémie, …). Il n’y a pas de terrain particulier connu à ce jour, si ce n’est certains déficits en complément. Neisseria meningitidis est responsable d’environ 400 méningites par an en France, le sérotype le plus souvent isolé du liquide céphalo-rachidien (LCR) est le B (environ 60 %), suivi du C (environ 30 %), du W135 (environ 5 %) et du Y (< 5 %). D’autres sérogroupes sont retrouvés exceptionnellement : A, X. De grandes disparités régionales sont observées [2].


La méningite tuberculeuse existe à tout âge, mais survient majoritairement chez des patients nés hors de France ou résidant depuis longtemps en pays d’endémie. Les méningites à Haemophilus influenzae sont devenues rares depuis la généralisation de la vaccination anti-Haemophilus de type b (Hib) chez les nourrissons et les enfants en 1992. Cette infection se rencontre presque exclusivement chez l’enfant avant 5 ans, en particulier chez le nourrisson.


Par ailleurs, des méningites peuvent survenir au cours d’autres infections bactériennes comme la leptospirose, la syphilis, les borrélioses, la brucellose.




ASPECTS CLINIQUES



Symptômes devant faire évoquer le diagnostic


Classiquement, le diagnostic doit être évoqué devant l’association, plus ou moins complète, des signes suivants :



Plusieurs études montrent une faible sensibilité, de l’ordre de 30 %, des signes cliniques tels que céphalées, fièvre et vomissements pour diagnostiquer une méningite bactérienne. La raideur de la nuque semble avoir une meilleure sensibilité et doit être recherchée devant tout patient se présentant avec des céphalées fébriles [7]. Dans une étude de Van de Beek, seuls 44 % des patients atteints de méningite bactérienne présente la triade complète « fièvre, raideur nucale, altération de la conscience ». Mais l’absence de deux signes (céphalées, fièvre, raideur nucale et altération de la conscience) a une valeur prédictive négative de 95 % [8].


Le diagnostic est rendu difficile :




Méningites de l’enfant


La présentation clinique dépend beaucoup de l’âge de l’enfant. Plus l’enfant est jeune, plus les symptômes et signes cliniques sont pauvres et atypiques, rendant difficile le diagnostic. Il existe certains tableaux classiquement trompeurs : signes digestifs (refus alimentaire, douleurs abdominales pseudo-appendiculaires, diarrhée, vomissements) ou symptomatologie de l’otite masquant les céphalées initiales [9].


Chez le nourrisson, le tableau est fruste. Une fièvre doit faire rechercher une hypotonie axiale, un bombement de la fontanelle, des troubles du comportement (enfant craintif ou inconsolable, baisse de la vigilance, agitation ou somnolence, fixité du regard, refus de l’alimentation). En l’absence de ces signes, le diagnostic de méningite reste à évoquer devant un nourrisson fébrile sans point d’appel et la ponction lombaire doit être effectuée (systématiquement chez les moins de 1 mois et facilement chez les moins de 3 mois) ainsi que l’instauration d’une antibiothérapie probabiliste sans retard. Le tableau clinique peut débuter occasionnellement par des convulsions récidivantes dans un contexte fébrile, des troubles de la conscience, un coma, un état de mal convulsif. Chez le jeune nourrisson, la fièvre peut parfois manquer.


Chez le jeune enfant, les symptômes cliniques classiques (vomissements, bombement de la fontanelle, raideur de la nuque, photophobie, troubles de la conscience) sont plus fréquents, moins dissociés, mais peuvent manquer.


Plus l’enfant est grand, plus les signes se rapprochent de ceux de l’adulte : fièvre, frissons, vomissements, photophobie, céphalées intenses. Certains signes sont associés à des étiologies plus spécifiques. Le purpura, une atteinte articulaire, sont en faveur du méningocoque ; une otorrhée ou une otite, un antécédent de traumatisme crânien, évoquent une brèche méningée et une infection à pneumocoque.


En résumé, chez l’adulte et l’enfant de plus de 2 ans :




ASPECTS BIOLOGIQUES


La ponction lombaire (PL) confirme le diagnostic de méningite. Elle doit être précédée systématiquement d’un scanner cérébral en cas de signes de focalisation ou d’hypertension intracrânienne (HTIC), de troubles de la conscience, de convulsions, d’un œdème papillaire au fond d’œil.


La PL se réalise au niveau du cul de sac lombaire entre L4 et L5 ou L3-L4 ou L5-S1. Elle est contre-indiquée en cas de traitement anticoagulant qui pourrait créer un hématome extra-dural rachidien et si le taux de plaquettes est anormalement bas.


Toute suspicion de méningite après un recueil du LCR conduit à la demande systématique d’une cytologie, de la glycorachie (avec dosage contemporain de la glycémie), de la protéinorachie, de la chlorurachie, d’un examen bactériologique direct et d’une mise en culture. En effet, l’analyse du LCR (aspect, nombre et type de cellules (polynucléaires, lymphocytes), biochimie, examen bactériologique direct et culture) permet de préciser l’étiologie qui conditionne le traitement.


Une méningite bactérienne est caractérisée par un LCR trouble, opaque ou eau de riz du fait de l’importance de la pléiocytose ou franchement purulent. Il renferme plusieurs centaines ou milliers de polynucléaires, la protéinorachie élevée (entre 0,4 et 1,2 g/L), la glycorachie est abaissée (inférieure à 40 % de la glycémie), la chlorurorachie peut être normale ou abaissée reflétant l’hyponatrémie par sécrétion inappropriée d’ADH. L’identification du germe par examen direct ou en culture est systématique.


Un dosage de lactate inférieur à 3,2 mmol/L permet d’exclure quasiment systématiquement le diagnostic de méningite bactérienne [10].



MÉDICAMENTS UTILISABLES



Traitement de l’étiologie : l’antibiothérapie


Pour que le traitement antibiotique agisse au niveau des méninges, les molécules doivent franchir la barrière hématoencéphalique. Cette dernière est imperméable à un grand nombre de molécules afin de maintenir dans le cerveau, une composition extracellulaire constante. D’un point de vue cinétique, le franchissement de cette barrière est facilité pour les molécules lipophiles (diffusion simple).


Il est admis que la mise en route de l’antibiothérapie au cours des méningites bactériennes est une urgence absolue ; le pronostic immédiat et à moyen terme dépendent de sa précocité [1113].


Selon les recommandations, l’antibiothérapie doit être débutée au plus tard dans les 3 heures, idéalement dans l’heure qui suit l’arrivée en structure hospitalière, quel que soit le temps déjà écoulé depuis le début présumé de la méningite (grade B) [1].


La ponction lombaire (PL) est l’élément clé du diagnostic et la priorité dans la prise en charge. Dans le cas où cette dernière ne peut être effectuée rapidement, une antibiothérapie probabiliste pourra être mise en place. L’antibiothérapie doit être instaurée avant la ponction lombaire en cas de présence de purpura fulminans, de prise en charge hospitalière retardée (supérieure à 90 min) ou de contre-indication à la réalisation de la PL (anomalie de l’hémostase, traitement anticoagulant efficace, risque d’engagement cérébral, instabilité hémodynamique).


Le traitement antibiotique en urgence doit donc faire appel à des antibiotiques :



Une forte diminution de mortalité par méningite bactérienne est obtenue si le traitement antibiotique est adapté à la bactérie en cause en termes de sensibilité in vitro et les séquelles sont d’autant moins fréquentes que la stérilisation du LCR est rapide. La diminution de la sensibilité aux antibiotiques, et aux bêtalactamines en particulier, concerne surtout S. pneumoniae, N. meningitidis et H. influenzae b [15].


Concernant le purpura fulminans, la conduite immédiate préconisée par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France en date du 22 septembre 2006, reprise dans la circulaire nºDGS/5C/2006/458 du 23 octobre 2006 [16] et dans l’instruction nºDGS/RI1/2011/33 du 27 janvier 2011 [17] est la suivante : « En dehors du milieu hospitalier, tout malade présentant des signes infectieux avec, à l’examen clinique, pratiqué chez un sujet totalement dénudé, la présence d’un purpura ne s’effaçant pas à la vitropression et comportant au moins un élément nécrotique ou ecchymotique de diamètre supérieur ou égal à trois millimètres, doit immédiatement recevoir une première dose d’un traitement antibiotique, administrée si possible par voie intraveineuse, sinon par voie intramusculaire, et quel que soit son état hémodynamique. Le malade doit être transféré d’urgence à l’hôpital en privilégiant les établissements dotés d’un service de réanimation adapté à l’âge du malade. L’intervention d’une équipe médicalisée expérimentée (SAMU) est justifiée sous réserve que son délai d’intervention soit inférieur à 20 minutes. Dans les autres cas, le transport sera effectué par le moyen le plus rapide, le médecin ayant au préalable alerté les urgences de l’hôpital de l’arrivée d’un cas suspect de purpura fulminans, afin que son accueil puisse être préparé ».


Dans le cas d’une suspicion clinique de purpura fulminans en pré-hospitalier, il est important d’administrer en urgence un antibiotique : de préférence la ceftriaxone, ou en cas d’indisponibilité le cefotaxime ou à défaut l’amoxicilline. Pour faciliter la prise en charge et dans la mesure où il ne s’agit que d’une première dose, une même posologie est recommandée pour la ceftriaxone, le cefotaxime et l’amoxicilline, 1 g chez l’adulte et 50 mg/kg sans dépasser 1 g chez le nourrisson et l’enfant. Quel que soit l’antibiotique utilisé, il importe ultérieurement de respecter les doses recommandées pour les méningites et septicémies.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 45: TRAITEMENT DES MÉNINGITES BACTÉRIENNES COMMUNAUTAIRES

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