• La pression de remplissage d’un ventricule est la pression qui règne dans l’oreillette correspondante (cavité d’amont). • Toute dysfonction ventriculaire (gauche ou droite) entraîne l’augmentation des pressions dans le ventricule défaillant puis dans les cavités et vaisseaux situés en amont. • L’insuffisance cardiaque se traduit par une augmentation de pression en amont du ventricule défaillant. L’augmentation des pressions d’amont peut être comparée à la constitution d’un embouteillage sur l’autoroute : un ralentissement à un endroit donné va s’étendre rapidement en arrière (vers l’amont), pour peu que les voitures continuent d’affluer. • L’augmentation des pressions progresse donc en remontant le sens circulatoire vers les structures d’amont qui sont touchées peu à peu. • En cas d’insuffisance ventriculaire gauche (figure 4.1), les pressions augmentent dans l’oreillette gauche, les veines et les capillaires pulmonaires. L’élévation de la pression capillaire pulmonaire provoque l’irruption d’eau (de plasma) dans les alvéoles, d’où l’essoufflement et les autres symptômes d’insuffisance ventriculaire gauche. • Dans l’insuffisance ventriculaire droite (figure 4.2), la pression augmente dans les veines caves, puis dans la circulation veineuse systémique. Les premiers secteurs touchés sont le foie (hépatalgies) et le tissu sous-cutané (œdèmes). La formation des œdèmes est liée à l’augmentation de pression dans les capillaires laquelle provoque une exsudation de plasma qui infiltre les tissus. • En plus de l’augmentation des pressions de remplissage, l’insuffisance cardiaque évoluée se traduit le plus souvent par une chute de débit en aval du ventricule défaillant. • Lorsqu’un ventricule est défaillant, le débit sanguin en aval est généralement abaissé. L’hypoperfusion de certains organes entraîne les symptômes observés dans l’insuffisance cardiaque gauche évoluée : oligurie (faible quantité d’urines liée à une diminution de la filtration rénale) liée à l’hypoperfusion rénale, par exemple. • Il existe des causes d’insuffisance cardiaque à débit élevé. Ces causes ne sont pas les plus fréquentes, le mécanisme est une augmentation du volume sanguin circulant. Les ventricules sont donc « submergés » par un débit sanguin anormalement élevé, alors que la « pompe » fonctionne normalement au départ. Parmi ces causes on peut citer l’hyperthyroïdie. • L’insuffisance ventriculaire gauche (IVG) entraîne une élévation de la pression capillaire pulmonaire. • L’IVG peut être due à une anomalie de contraction du ventricule gauche (anomalie de fonction systolique). • L’IVG peut être liée à une anomalie du remplissage du ventricule gauche (en cas d’hypertrophie pariétale) alors que la contraction est normale. Le symptôme dont se plaint le patient est un essoufflement anormal : la dyspnée. La dyspnée peut être quantifiée selon les classes de la NYHA (cf. chapitre 3). L’examen clinique recherche des signes évocateurs d’IVG : • tachycardie et présence d’un troisième bruit à l’auscultation cardiaque (bruit de galop, cf. Examen clinique) ; • râles crépitants (rappelant le son du sel que l’on jette dans la poêle) entendus à l’auscultation des poumons. Les examens complémentaires utiles : • la radiographie de thorax recherche une augmentation de la taille du cœur (cardiomégalie), et des signes d’augmentation des pressions pulmonaires : vaisseaux pulmonaires trop visibles, infiltration de l’interstitium ou des alvéoles pulmonaires ; • l’ECG recherche des signes électriques d’hypertrophie/dilatation du ventricule gauche. Parfois, on retrouve une cause d’IVG sous la forme d’une cicatrice d’infarctus ; • l’échographie cardiaque permet une quantification du degré d’insuffisance ventriculaire gauche et renseigne sur le mécanisme : atteinte de la fonction systolique ou atteinte isolée du remplissage. • Séquelles d’infarctus du myocarde : on parle de cardiopathie ischémique. • Dilatation globale du ventricule gauche : cardiomyopathie dilatée (CMD) dont l’origine peut être toxique (chimiothérapie par anthracyclines, éthylisme chronique) ou séquelle d’une myocardite virale. • Surcharge en pression du ventricule gauche : rétrécissement aortique calcifié, hypertension artérielle. • Infiltration du myocarde : amylose cardiaque. Le traitement de l’insuffisance ventriculaire gauche comporte : • un traitement symptomatique : régime peu salé et traitement médicamenteux ; ils ont pour but de soulager les symptômes et d’allonger la survie ; • le traitement étiologique : c’est-à-dire traiter la cause quand c’est possible : équilibration d’une hypertension artérielle, remplacement valvulaire aortique en cas de rétrécissement aortique serré ; • en cas d’insuffisance cardiaque terminale chez un sujet jeune, une transplantation cardiaque peut être envisagée. On conseille au patient un régime désodé plus ou moins strict : • éviter les aliments très salés (charcuteries, fruits de mer, conserves, fromages). La cuisine doit être peu salée, sans resaler à table. Ceci constitue un régime sans sel modéré (4 à 6 g de sel par jour) ; • les régimes plus stricts (éliminant pratiquement tout apport sodé) sont de moins en moins prescrits, car difficiles à suivre voire dangereux. Ils exposent au risque de déshydratation sous traitement diurétique, notamment l’été chez les sujets âgés. Plusieurs familles de médicaments sont utilisées dans l’insuffisance ventriculaire gauche : diurétiques, digitaliques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes de l’angiotensine, vasodilatateurs et bêtabloquants (tableau 4.1). Tableau 4.1 Médicaments de l’insuffisance cardiaque gauche. • Les diurétiques luttent contre la rétention hydrosodée, quasi constante dans l’insuffisance ventriculaire gauche. • Les digitaliques sont surtout utilisés pour leur effet bradycardisant en cas de fibrillation auriculaire chronique. • Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) sont des vasodilatateurs artériels puissants qui facilitent l’éjection ventriculaire gauche. • Les autres vasodilatateurs sont essentiellement les dérivés nitrés et apparentés qui font baisser la pression capillaire pulmonaire par vasodilatation des veines pulmonaires. • Les bêtabloquants sont utilisés dans l’insuffisance ventriculaire gauche chronique stable. Leur action à long terme améliore de la contractilité ventriculaire gauche (fraction d’éjection) en restaurant la sensibilité des bêtarécepteurs cardiaques. • L’œdème aigu du poumon est un état asphyxique causé par l’inondation des alvéoles pulmonaires par du plasma. C’est la forme aiguë de l’insuffisance cardiaque gauche. • Le passage de plasma dans les alvéoles est causé par une augmentation brutale de la pression dans les capillaires pulmonaires. • Le malade est assis dans son lit (il ne tolère pas la position allongée qui aggrave la dyspnée), extrêmement dyspnéique et angoissé, avec une sensation d’étouffement. • On observe une fréquence respiratoire rapide (polypnée), avec un grésillement laryngé lors de l’inspiration, et une toux quinteuse produisant une expectoration mousseuse. • Le patient est plus ou moins cyanosé, en sueurs (signe d’hypercapnie). • L’auscultation des poumons retrouve des râles crépitants dans les deux champs pulmonaires, chez les sujets âgés on peut retrouver uniquement des râles sibilants comme dans la crise d’asthme. Les examens viennent confirmer le diagnostic : • la radiographie de thorax montre un œdème alvéolaire diffus, bilatéral (poumons « blancs », figure 4.3) ; • les gaz du sang montrent une pression partielle en oxygène (PO2) basse, avec également une concentration en gaz carbonique (PCO2) basse (effet shunt). Dans les formes graves, la PCO2 est élevée (hypercapnie). • l’ECG est systématique, on le pratique chez un patient semi-assis à la recherche d’une cause à l’OAP (infarctus du myocarde, trouble du rythme). Le traitement doit être mis en route le plus rapidement possible : • maintien en position demi-assise. La position allongée augmente la pression dans les capillaires pulmonaires et aggrave l’inondation des alvéoles ; • oxygène nasal à fort débit (8 à 12 L/min) par sonde nasale ; • pose d’une bonne voie d’abord veineux ; • injection IV d’un diurétique puissant (Lasilix : 80 à 120 mg) ; • perfusion de trinitrine à la seringue électrique en l’absence de collapsus ; • anticoagulation préventive par héparine (HBPM : héparine de bas poids moléculaire). En cas d’aggravation, on a recours : • aux agents inotropes positifs (dobutamine) en cas de chute tensionnelle ; • à la saignée, en cas d’OAP massif ne répondant pas aux diurétiques ; • à la ventilation non invasive ou assistée (après intubation trachéale) en cas d’épuisement respiratoire. • L’état de choc (synonyme = bas débit) est lié à l’effondrement de la perfusion des organes centraux et périphériques, notamment cerveau, foie, rein et peau. • Un choc cardiogénique est dû à une défaillance primitive de la pompe cardiaque. • Le risque du choc est l’évolution vers une défaillance polyviscérale (notamment rénale et hépatique) qui pérennise un état de choc irréversible. Le traitement de l’état de choc est une urgence vitale, il doit être adapté à la cause initiale. • le patient est « très mal » : agité ou stuporeux (comateux), angoissé, il respire vite (polypnée) ; • on observe des stries bleutées sur la peau (marbrures), visible sur les genoux, l’abdomen, voire diffuses ; • les extrémités des membres sont cyanosées (bleues) ; • le pouls est « filant » : rapide et difficile à percevoir, la pression artérielle effondrée (systolique inférieure à 80 mmHg), ou simplement pincée (différentielle faible). • Selon la gravité de l’état du patient, peuvent être indiquées : une intubation pour ventilation assistée, la pose d’un cathéter artériel (radial) pour mesure continue de la pression artérielle, beaucoup plus rarement la pose d’une sonde de Swan-Ganz. • En l’absence d’intubation, l’oxygénation par sonde nasale est systématique • Le traitement repose sur les médicaments inotropes : dobutamine, dopamine, voire épinéphrine (adrénaline) en perfusion à la seringue électrique. • Surveillance de la diurèse indispensable par sonde urinaire. • Le patient se plaint de douleurs dans la région du foie (hépatalgies) liées à la distension de l’enveloppe hépatique par augmentation de la pression veineuse. • Il se plaint également de fatigue (asthénie) et de gonflement des jambes (œdèmes). • L’examen clinique recherche les signes d’insuffisance cardiaque droite : – gonflement des veines du cou (turgescence jugulaire) ; – aggravation de la turgescence jugulaire lorsqu’on appuie sur le foie (reflux hépatojugulaire) ; – œdème des membres inférieurs remontant plus ou moins haut (parfois jusqu’aux lombes chez un patient alité). • Examens complémentaires utiles : – bilan biologique sanguin, à la recherche d’une atteinte hépatique ou rénale ; – ECG à la recherche d’une étiologie possible (infarctus du ventricule droit), d’un trouble du rythme aggravant ; – radiographie de thorax pour évaluer la taille du cœur, notamment des cavités droites ; – l’échocardiographie permet d’évaluer le degré de dilatation des cavités droites, de quantifier une éventuelle insuffisance tricuspide ou pulmonaire et de calculer les pressions pulmonaires. Les principales causes d’insuffisance cardiaque droite sont : • retentissement sur le cœur droit d’une insuffisance cardiaque gauche évoluée. Le mécanisme est l’élévation des pressions en amont du capillaire pulmonaire (artères pulmonaires et cœur droit) ; • insuffisance respiratoire chronique ; • cœur pulmonaire chronique postembolique (séquelles d’embolies pulmonaires) ; • cardiopathies congénitales arrivées à l’âge adulte : large communication interauriculaire essentiellement, autre cardiopathie avec correction chirurgicale incomplète dans l’enfance ; • Le traitement de la cause est rarement possible sauf pour certaines cardiopathies congénitales (fermeture d’une communication interauriculaire, opération d’une tétralogie de Fallot). • Le traitement médicamenteux comporte le régime sans sel et les diurétiques pour diminuer la rétention hydrosodée, d’où diminution des œdèmes et de l’hyperpression veineuse. • Avant de transplanter un malade, on pratique un bilan médical coûteux et relativement pénible pour le patient. Ces examens visent à rechercher une maladie grave, notamment infectieuse, psychiatrique ou cancéreuse, qui contre-indiquerait la greffe. • En l’absence de contre-indication le patient est inscrit sur une « liste de greffe », c’est-à-dire que le principe de la transplantation a été retenu et que l’on attend un greffon disponible pour le malade. • Les greffons cardiaques sont prélevés sur des patients en état de mort cérébrale, le plus souvent après un accident de la voie publique. Toute personne peut s’inscrire de son vivant sur une liste de refus de don d’organes, ce qui contre-indique formellement tout prélèvement. En dehors de ce cas, l’accord de la famille d’un donneur potentiel est généralement obtenu avant tout prélèvement d’organe. • Pour que la greffe cardiaque soit possible, il faut que le groupe sanguin du patient receveur soit compatible avec celui du donneur pour les antigènes A, B et O. Une recherche d’anticorps anti-HLA chez le receveur fait partie du bilan prégreffe. • La greffe se déroule en 3 étapes : prélèvement du greffon sur le donneur, acheminement le plus rapide possible du greffon (en moins de 4 heures) vers le receveur et implantation du greffon chez le receveur. La technique chirurgicale consiste en une ablation du cœur malade sous circulation extracorporelle, suivie du remplacement par le greffon du donneur.
Pathologie cardiovasculaire dégénérative
Insuffisance cardiaque
Physiopathologie
Insuffisance ventriculaire gauche
Définitions
Diagnostic
Étiologies
Traitement
Restriction en sel
Traitement médicamenteux
Diurétiques
Furosémide/Lasilix
cp à 20, 40, 60 mg, conditionnement spécial : cp à 500 mg
20 à 120 mg/j ; 500 mg/j voire plus en cas d’insuffisance rénale
Bumétanide/Burinex
cp à 1 et 5 mg
1 à 5 mg/j ; plus en cas d’insuffisance rénale
Spironolactone/Aldactone
cp à 50 et 75 mg
50 à 100 mg/j
Éplérénone/Inspra
cp à 25 et 50 mg
25 à 50 mg/j
Digitaliques
Digoxine/Digoxine Nativelle
cp à 0,25 mg
1/2 à 1 cp/j
IEC
Captopril/Lopril
cp à 25 et 50 mg
25 à 150 mg/j
Énalapril/Renitec
cp à 5 et 20 mg
5 à 20 mg/j
Lisinopril/Zestril
cp à 5 et 20 mg
5 à 20 mg/j
Ramipril/Triatec
cp à 1,25 mg/2,5 mg/5 mg
1,25 à 10 mg/j
ARA II
Losartan/Cozaar
cp à 50 mg
12,5 à 50 mg/j
Candésartan/Atacand
cp à 4, 8 et 16 mg
4 à 32 mg/j
Valsartan/Tareg
cp à 40, 80 et 160 mg
40 à 320 mg/j
Dérivés nitrés/molsidomine
Isosorbide-Dinitrate/Risordan
cp à 20, 40, 60 mg
40 à 120 mg/j
Molsidomine/Corvasal
cp à 2 et 4 mg
8 à 12 mg/j
Trinitrine/Nitriderm TTS
Patch à 5 et 10 mg
1 patch pendant 12 heures/j, soit de 8 h à 20 h par exemple
Bêtabloquants
Carvédilol/Kredex
cp à 6,25/12,5 et 25 mg
Dose augmentée progressivement par paliers de 15 jours minimum, de 6,25 à 50 mg/j
Bisoprolol/Cardensiel
cp à 1,25, 2,5, 3,75, 5, 7,5 et 10 mg
Dose augmentée progressivement par paliers, de 1,25 à 10 mg/j
Œdème aigu pulmonaire (OAP)
Définition
Diagnostic
Traitement
Choc cardiogénique
Définition
Diagnostic
Traitement
Insuffisance ventriculaire droite
Définition
Diagnostic
Étiologies
Traitement
Transplantation cardiaque
Bilan prégreffe
Principes techniques
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