Chapitre 4 Les éléments de communication dans le processus d’entretien
Il existe un art de la communication. Cet art mélange des points techniques et des aspects relationnels. L’art de la communication s’est longuement exprimé, au fil des siècles, dans deux voies très différentes. Dans tous les pays du monde existaient des soirées, des réunions de voisins ou de village. Tout le monde pouvait y participer, des histoires étaient contées et le mélange des générations était tout naturel. Ces veillées développaient le sens de l’écoute des uns envers les autres. Une attention particulière s’établissait autour des silences, des phrases de transition et des allusions. Une autre voie s’est exprimée dans les salons prestigieux nobles ou bourgeois des XVIIe et XVIIIe siècles, notamment en France. Cet art de la conversation mélangeait l’esprit, la culture, le sens de la répartie, l’humour et la politesse. On peut citer le « bureau d’esprit » de madame de Tencin ou le salon de mademoiselle de Lespinasse, autant de lieux d’émulation de l’esprit et d’échanges animés. Quelques cafés philosophiques, clubs de réflexion ou universités populaires jouent ce rôle de nos jours.
L’avènement du patient en tant que personne, la transition entre un objet de soins et un sujet doté de souhaits et de résistance, s’effectue à la fin du XIXe siècle. En effet, il revient à Freud d’avoir laissé la liberté d’expression au patient afin de décrypter, derrière ce qui était dit, les non-dits, les oublis, les déformations et les résistances. L’art de la communication part de principes simples : qu’est-ce que l’on écoute ? Comment pose-t-on les questions ? Que repère-t-on dans l’interaction avec le patient ? Ce repérage de l’interaction va subtilement entraîner une adaptation de la communication entre le thérapeute et son patient pour majorer le processus d’alliance ; en un mot, pour que le patient se sente non seulement écouté mais aussi entendu.
Quel contexte facilite la communication ?
Le premier moment réside dans l’accueil. Ce dernier nécessite d’être détendu, bienveillant, et permet une installation confortable du patient. Parmi les questions essentielles et simples que se pose le patient, figurent l’intérêt, la réceptivité et la capacité d’écoute du thérapeute. Pour que cette attention puisse être suffisante, la durée des consultations ne saurait être inférieure à une vingtaine de minutes. Elle varie selon que l’on est dans une consultation initiale ou de suivi. Le temps d’une consultation appartient de façon absolue au patient. Les appels téléphoniques intercurrents sont ressentis comme autant de diversions ou de distractions dans l’écoute par le patient. Les patients comprennent la nécessité d’un ordinateur mais se disent troublés par tout thérapeute qui tape sur son clavier ou qui n’arrête pas de prendre des notes.
L’écoute de la personne
Il s’agit de comprendre qui est la vérité de l’être humain venu demander un soutien. Cette compréhension passe par une connaissance de sa trajectoire, de ses passe-temps, de son réseau amical et familial. Ce type de question n’est pas le tout premier de l’entretien. Il apparaît une fois définie la problématique portée par le patient. S’intéresser à la personne du patient revient à savoir si le sport, la cuisine, le bricolage, la marche en montagne ou l’écoute de musique lui permettent de se « ressourcer » et d’améliorer ses défenses. Quelques questions comme « Qu’est-ce qui peut vous faire plaisir dans la vie ? quels sont vos passe-temps ? à quoi vous intéressez-vous vraiment ? » aident à comprendre les aspects personnels de l’individu.
Les questions professionnelles
L’autre axe du questionnement vise à connaître les mécanismes d’adaptation et les systèmes de défense du patient. Le patient a-t-il tendance à avoir des réponses caractérielles, impulsives, ou des comportements qui le pénalisent ? Ou bien s’agit-il d’une intellectualisation forte, d’une mise à l’écart des sentiments ou peut-être d’une tendance à la méfiance, à l’interprétation ? Cette écoute professionnelle se double en permanence d’un questionnement – une petite mélodie interne chez le thérapeute – sur des thèmes qui ne sont pas abordés. Ce qui, semble-t-il, est oublié, passé sous silence ou minimisé. Parmi ces éléments souvent cachés ou tus, on mentionnera des sévices sexuels, des traumatismes physiques, des violences intrafamiliales, des consommations de produits toxiques ou d’alcool, ou des difficultés sexuelles.