4 Études fonctionnelles, fractionnement subcellulaire, extraction et séparation de biomolécules
I Études fonctionnelles
A Mesure de la concentration intracellulaire en ions
1 « Patch clamp »
C’est une méthode de mesure des flux ioniques à travers les membranes cellulaires, et en particulier les flux passant par les transporteurs et récepteurs appelés « canaux ioniques » ou échangeurs d’ions membranaires. La figure 4.1 en donne un exemple :
• une micropipette (ou pipette micrométrique) est appliquée sur une membrane cellulaire contenant le canal ionique à étudier (fig. 4.1A) ;
• le morceau de membrane est détaché pour former le « patch » : la pipette est fermée à cette extrémité, les ions ne pourront passer à travers la membrane qu’au niveau des canaux qui sont spécifiques d’un type d’ions (fig. 4.1B) ;
• le patch est monté sous forme de micro-électrode dans un bain où se situe l’autre électrode (fig. 4.1C) : si le bain est équilibré en ions, lorsque l’on va délivrer une ddp entre les deux électrodes (par un générateur électrique), on aura une valeur fixe mesurée sur un oscilloscope (c’est le « clamp »). Lorsqu’on ajoute dans le bain un composé qui active spécifiquement le canal ionique, on crée le passage d’ions qui viennent modifier cette valeur de base ; c’est une mesure de potentiel de membrane. On peut varier les agonistes (activateurs), la nature et la concentration des ions, ajouter des antagonistes (inhibiteurs) et bien sûr le type de membranes avec d’autres patchs.
2 Indicateurs fluorescents
• Ion calcium : cet ion est un important régulateur des fonctions cellulaires ; on peut le doser dans la cellule par complexation ; par exemple dans la méthode au fura-2, sa complexation au Ca2+ va créer une fluorescence rouge dont l’intensité est proportionnelle à la concentration en Ca2+. L’observation se fait au MO en fluorescence.
• Ion H+ : c’est une mesure du pH intracellulaire (pH = −log[H+]) ; il existe des fluorochromes spécifiques de H+.
B Incorporation de précurseurs marqués
1 Pulse avec précurseurs radiomarqués
• Emploi d’émetteurs β : 3H-thymidine pour étudier l’ADN (réplication, mitose…) ; 3H− ou 14C−Leu pour étudier les protéines ; 32P pour étudier les phosphorylations (AcN et protéines).
• Emploi d’émetteurs γ : 35S−Met pour étudier les protéines.
• Déroulement du pulse : préparation de la dilution isotopique (précurseur radiomarqué/précurseur « froid »), application dans le modèle de culture cellulaire, et révélation par autoradiographie ou comptage de la radioactivité (compteur type Geiger, compteur β ou γ).
2 Pulse chase pour étude dynamique
On applique la dilution isotopique puis le précurseur « froid » seul (ex. : 3H−Leu/Leu puis Leu seule) : on suivra l’expression de la macromolécule (ici protéine) à différents temps = étude cinétique (traduction, trafic intracellulaire, adressage aux organites, excrétion extracellulaire… ; fig. 4.2). En particulier, pour étudier l’expression des protéines, on peut inhiber leur synthèse en ajoutant un inhibiteur de la transcription (α-amanitine) ou de la traduction (cyclophosphamide), ou les deux.
II Fractionnement subcellulaire
Ces méthodes relèvent de la physique, quelques notions simples de physique sont donc nécessaires à leur compréhension, en particulier concernant la centrifugation.
A Principes de centrifugation
1 Lois de centrifugation
Lorsque des particules en suspension dans un solvant sont placées dans le rotor d’une centrifugeuse, la force centrifuge appliquée génère une accélération qui pousse les particules vers le fond du tube de centrifugation. La vitesse de sédimentation sera proportionnelle à la force gravitationnelle appliquée (selon ω : vitesse angulaire du rotor), à la masse des particules et à la différence de densité entre le solvant et les particules. On peut donc faire varier tous ces paramètres pour améliorer les séparations. Svedberg a démontré que l’on pouvait relier le déplacement de la particule (x : distance de la particule à l’axe du rotor, en cm) au coefficient de sédimentation, appelé S (unité Svedberg correspondant à 10−13 s) :
2 Ultracentrifugation
On parle d’ultracentrifugation quand on dépasse 20 000 g, on doit utiliser une ultracentrifugeuse (rotor sous vide). On peut utiliser des rotors à axe fixe oblique (angle déterminé), ou à axe mobile (tubes à l’horizontale pendant la centrifugation par la force centrifuge) (fig. 4.3).
B Applications analytiques : pour les macromolécules
1 Mesure de la vitesse de sédimentation : > 60 000 tr/min (1 à 2 h)
• Critère de pureté : lecture par un système optique intégré à l’ultracentrifugeuse ; le pic optique est fin et symétrique (loi de Gauss) si la macromolécule est pure (fig. 4.4).
• Mesure de masse moléculaire : Mr en kDa (mesure indirecte car macromolécule à plusieurs concentrations, et en mesurant le coefficient de diffusion ou le rayon de Stockes, RS).
• Mesure de taille et de forme : S0ω,20 (S extrapolé à concentration nulle, dans l’eau et à 20 °C).
C Ultracentrifugation préparative
2 Centrifugation en gradient
Il s’agit de gradients de densité, formés en superposant dans le tube des solutions de concentrations croissantes de la surface vers le fond ; le gradient peut être préformé (comme avec le saccharose) ou s’autoformer pendant la centrifugation (comme avec le CsCl2). On distingue deux sortes de centrifugations en gradient :
• centrifugation zonale (ou en gradient de vitesse) : la séparation des macromolécules se fait en fonction de la taille (RS) donc de leur vitesse de sédimentation dans le gradient de densité ; les macromolécules présentant un coefficient S plus élevé sédimentent plus vite. Principe surtout utilisé pour les protéines et les cellules, en gradient de saccharose (sucrose) ou en gradient synthétique (fig. 4.5A). Voir chapitre 2, p. 21 à 23;
• centrifugation à l’équilibre ou « isopycnique » (ou en gradient d’équilibre) : la séparation des macromolécules se fait en fonction de la densité, généralement en gradient de densité autoformé. Les macromolécules sédimentent vers la zone du gradient correspondant à leur densité propre ; elles semblent « flotter » chacune dans une zone du gradient. On peut par exemple séparer des lipoprotéines sur gradient de LiCl (densité de flottation des lipoprotéines), ou des AcN sur gradient de CsCl2 (densité de compaction de l’ADN) (fig. 4.5B).