37: Traitement des épicondylalgies tendineuses « rebelles »

Chapitre 37


Traitement des épicondylalgies tendineuses « rebelles »




Les tendinopathies latérales au coude existent sans doute depuis la nuit des temps. Elles ont été décrites par Runge au milieu du XIXe siècle en même temps que débutaient la mécanisation et l’industrialisation. Les traitements alors proposés étaient agressifs. Il s’agissait de cautérisation (pointes de feu) au début du XXe siècle. La manœuvre de Mills, dans les années 1930, provoquait une rupture des fibres tendineuses par l’extension passive et brutale du coude, en pronation de l’avant-bras en gardant le poignet en flexion maximale.


À l’heure de la pleine diffusion des informations, « l’épicondylite » est mal nommée. Aucun marqueur de l’inflammation n’a été trouvé lors d’examen anatomopathologique [1] et notre expérience nous montre que les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou les infiltrations allongent le délai de récupération. Malgré un examen clinique qui signe une lésion mécanique, cette épicondylalgie est classiquement traitée par le repos, les anti-inflammatoires, les antalgiques et des immobilisations. L’explosion des troubles musculo-squelettiques et l’épidémie d’épicondylalgies « rebelles », résistantes au traitement, nous ont conduits à proposer un traitement associant une cicatrisation dirigée (induite par du harcèlement de la zone tendineuse), un formatage des tendons épicondyliens à leur physiologie et une réhabilitation du geste juste [2].


En cas d’échec ou d’insuffisance de ce traitement conservateur bien conduit, l’injection de sang autologue peut contribuer à améliorer le résultat [3]. Si la lésion dure et si le geste a provoqué une irritation de la branche profonde du nerf radial au tunnel radial, la chirurgie libérera le nerf et interviendra sur les épicondyliens.



Anatomie et physiologie


« Le coude, un esclave entre deux maîtres, l’épaule et la main. » [4]


Il est tour à tour point fixe et point mobile  ; un système complexe où la tentative d’être à la fois fixe et mobile génère des contraintes tendineuses hors normes véritables « angles morts biomécaniques ».


Le court extenseur radial du carpe, l’extenseur commun des doigts, l’extenseur propre du cinquième doigt et l’extenseur ulnaire du carpe sont des muscles épicondyliens pluriarticulaires concernés par l’épicondylalgie. Le muscle long extenseur radial du carpe et le muscle brachio-radial ne sont pas des muscles épicondyliens [5].


Les muscles épicondyliens « vrais » ont une structure aponévrotique penniforme avec une juxtaposition de leurs parties proximales triangulaires. Tels des quartiers d’orange, les tendons des épicondyliens sont fortement collés les uns aux autres. Ils s’insèrent ensemble par un tendon conjoint sur l’épicondyle latéral de l’humérus. Ces muscles appartiennent au plan musculaire dorsal du membre supérieur. Ils en ont toutes les caractéristiques macroscopiques et fonctionnelles. Ils sont synergiques dans une chaîne musculaire de stabilisation et d’accrochage du membre supérieur au rachis [4]. La contrainte sur ces épicondyliens lors du travail de manutention ou d’écriture au clavier est à l’origine d’une surcharge de travail de cette chaîne musculaire. Ce travail cumulatif conduit un lâchage de la ceinture scapulaire aussi garante de la stabilisation de l’ensemble du rachis. L’augmentation de la contrainte soit en charge, soit en temps, dépasse la capacité résistive des tendons épicondyliens à contenir cette distraction du membre supérieur en fonction. Les lésions cumulatives issues de ces surcharges de contrainte sont à l’origine de microruptures. Tant que moins de 8 % des fibres sont concernées, le tendon est dans une impasse cicatricielle décrite par Leadbetter [6]. Lorsque le pourcentage de fibre présentant des microruptures est suffisant, le tendon démarre une cicatrisation adéquate. Cette réparation ad integrum et spontanée intervient en général 24 mois après le début de la symptomatologie et en cas d’abstention thérapeutique [7].


La douleur est la motivation principale de consultation. Ce n’est cependant pas le bon critère de l’évaluation de l’épicondylalgie. L’arrivée progressive de la douleur au fur et à mesure du cumul des microruptures permet une habituation de cette douleur et une chronicisation de celle-ci. Le patient n’est alors alerté que lors des variations de douleur pendant le dérouillage matinal, certaines activités, les changements de position la nuit…


L’habituation à cette douleur chronique est l’un des facteurs physiologiques d’adaptation sensitive. Il nous permet de garder de la vigilance pour ce qui varie et nous fait dénier ce qui est constant. Dans le cas de l’épicondylalgie, les tendons du plan dorsal sous-corticalisé sont dans l’habituation à une douleur chronique. Ce phénomène prive la douleur de sa capacité alertante du système neurovégétatif capable de maintenance et de réparation de cette lésion à bas bruit. Le patient qui se plaint de sa douleur, n’a pourtant pas eu assez mal pour démarrer son cycle cicatriciel physiologique sur une lésion minorée par une arrivée progressive par usure. Le patient pense avoir une épicondylite, en réalité, il a une épicondylose. L’irritation iatrogène lui permet de sortir plus vite de l’impasse décrite par Leadbetter [6].


Le traitement s’organise en trois étapes concomitantes [8].



La cicatrisation dirigée


Provoquer la sortie du cycle de Leadbetter nécessite une irritation importante des tendons épicondyliens. La cautérisation ou la manœuvre de Mills réalisaient l’agression déclenchante. Nous allons par des massages transverses profonds et les points périostés créer un harcèlement de la zone myotendineuse, tendineuse puis périostée (figures 37.1 et 37.2). Le patient doit se masser et entretenir la réaction plusieurs fois par jour (figure 37.3). Le surcroît de douleur et la constance de celle-ci provoquent et entretiennent la cicatrisation dirigée. Cette douleur iatrogène, comprise et maîtrisée par le patient, est bien mieux tolérée que la douleur subie ponctuellement avant la prise en charge. La part d’explications sur la pathogénie et l’adhésion du patient au protocole qui en découle sont primordiales. Nous souffrons beaucoup moins d’une douleur que nous comprenons.




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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 37: Traitement des épicondylalgies tendineuses « rebelles »

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