CHAPITRE 36 TRAITEMENT DE L’ANXIÉTÉ
GÉNÉRALITÉS
Physiopathologie
Approche clinique
Trouble obsessionnel compulsif (TOC)
Ce syndrome très fréquent et invalidant associe une obsession à une ou des compulsion(s) :
– obsession : il s’agit d’une idée absurde ou déplacée faisant brutalement irruption dans le cours de la pensée, engendrant une crainte, un doute, un besoin d’ordre. Cette idéation est incessante, sournoise, douloureuse car le sujet déploie des efforts épuisants pour s’en débarrasser en vain ;
– compulsions : il s’agit d’actes délibérés visant à neutraliser les obsessions, qui, rapidement envahissent le quotidien du sujet (par exemple : rituels de vérification, de conjuration : folie du toucher et rituels de lavages, folie du doute et rituels de vérification, folie du scrupule et rumination, manies de contrôler ou d’amasser).
Médicaments utilisés
Deux grandes familles permettent d’envisager la presque totalité des médicaments tranquillisants prescrits aujourd’hui : celui des benzodiazépines et celui des carbamates. Il faut adjoindre à ces deux familles diverses structures hétérogènes correspondant à des médicaments « isolés » au plan chimique : buspirone (Buspar), hydroxyzine (Atarax), étifoxine (Stresam), etc. (tableaux 36.1 et 36.2). Pour autant, la chimiothérapie de l’anxiété repose également sur l’utilisation de divers groupes de médicaments, détaillés dans d’autres chapitres : antidépresseurs, neuroleptiques, β-bloquants.
Types de trouble anxieux (DSM-IV) | Prévalences vie entière en population générale (%) |
---|---|
Attaque de panique | 3-6 |
Trouble panique | 1,5-5 |
Anxiété généralisée | 3-8 |
Agoraphobie | 0,6-6 |
Phobies sociales | 2-3 |
Stress post-traumatique | 1-3 |
Les avantages et les inconvénients des anxiolytiques sont présentés dans le tableau 36.3.
Benzodiazépines
Propriétés
Action anxiolytique. — Elle diminue les manifestations anxieuses.
Action sédative. — Elle limite les manifestations d’excitation psychomotrice.
Effet hypnotique. — Il ne se manifeste qu’à partir d’une certaine dose variable selon la puissance des composés. Il induit le sommeil et est mis à profit pour les composés indiqués dans le traitement des troubles du sommeil (cf. chapitre 35 « Traitement de l’insomnie »).
Effet amnésiant. — C’est un effet indésirable se traduisant par de possibles pertes de mémoire.
Effet orexigène. — Peu important, il entraîne une augmentation de l’appétit.
Mécanisme d’action
Les benzodiazépines augmentent ainsi la probabilité d’ouverture du canal chlore de la membrane neuronale, sans déclencher pour autant directement cette ouverture. Elles n’agissent donc pas directement mais sensibilisent à l’activité du GABA. C’est une notion importante qui explique que l’inhibition induite au niveau de la transmission GABAergique ne puisse donc être supérieure au maximum de l’inhibition physiologique, d’où le bon profil de tolérance de ces médicaments (figure 36.1).
Relations structure-activité
Le terme « azépine » désigne un cycle ayant sept sommets (« ep » est une contraction phonétique pour « hept ») dont deux sont occupés par un atome d’azote (d’où « di-az », deux azotes). Selon leur position, il sera possible de distinguer trois groupes de benzodiazépines (figure 36.2) :
– les 1,4-BZD, réalisant la structure la plus courante tel le clorazépate (Tranxène) ;
– les 1,5-BZD (exemple : le clobazam) ;
Substitutions affectant le cycle diazépine
– Substitutions sur l’azote 1 : l’alkylation, non constante, accroît l’activité dans la mesure où l’encombrement stérique n’est pas important (méthyle, éthyle, diamino-éthyle, cyclopropyle).
– Substitutions sur le carbone 2 : elles sont variables et non obligatoires : le chlordiazépoxide porte un reste méthylamino et les benzodiazépines les plus anciennes un reste carboxylique.
– Substitutions sur la position 3 : généralement non substituée, cette position peut néanmoins être hydroxylée (rendue porteuse d’une fonction alcool OH : oxazépam, lorazépam, témazépam), carboxylée (rendue porteuse d’un reste acide organique –COOH) et alors salifiée (chlorazépate salifié en sels de potassium : chlorazépate dipotassique) ou estérifiée (loflazépate d’éthyle).
– Liaison éthylénique 4-5 : une liaison éthylénique est une liaison insaturée entre deux carbones (de type –C=C–). Sa réduction induit une importante diminution de l’activité.
– Adjonction d’un hétérocycle supplémentaire : cette cyclisation implique obligatoirement l’un des deux azotes. Le cycle ajouté est de type triazole ou imidazole. Les structures ainsi obtenues présentent des analogies stériques avec des bases puriques (hypoxanthine, inosine) expliquant certaines nuances d’effets.
– Substitutions sur la position en 5 : cette position porte un cycle benzénique ou un cycle isostère au benzène (cyclohexyl ou pyridyl dans le cas respectif du tétrazépam et du bromazépam) indispensable à l’activité. Ce cycle peut luimême porter en position ortho un atome d’halogène augmentant la puissance de la molécule (chlore dans le cas du lorazépam ou du clonazépam, fluor dans celui d’un hypnotique, le flunitrazépam).
Pharmacocinétique
Les caractéristiques cinétiques des benzodiazépines présentent de nombreux points communs. Il s’agit de substances dont l’absorption orale est satisfaisante, qui sont fortement catabolisées au niveau hépatique et éliminées par voie urinaire.
Absorption
Les benzodiazépines sont, dans l’immense majorité des cas, administrées par voie orale. Leur résorption est alors presque totale, mais très variable quant à sa rapidité (tableau 36.4).
Métabolisme
Le modèle type de catabolisme est le suivant :
– élimination des substituants du cycle diazépine ;
– conjugaison des catabolites hydroxylés, accroissant l’hydrosolubilité et donc l’élimination urinaire.
Le desméthyldiazépam et l’oxazépam apparaissent finalement comme les catabolites ultimes de la plupart des composés commercialisés (figure 36.3). La demi-vie prolongée du premier explique qu’il faille attendre deux ou trois semaines avant que ses concentrations plasmatiques ne soient à l’équilibre (elles peuvent être alors supérieures à celles de la benzodiazépine administrée). L’accumulation d’oxazépam pose moins de problèmes. Lorsque les molécules sont transformées en métabolites actifs à longue demi-vie d’élimination, l’état d’équilibre est atteint tardivement. De plus, il y a risque d’élimination en cas de traitement prolongé (tableau 36.5).
Fig. 36.3 Transformations métaboliques hépatiques des principales benzodiazépines (demi-vies entre parenthèses).
Lors de l’administration de doses répétées à intervalles réguliers, il faut tenir compte de l’éventuelle cinétique du ou des métabolite(s). Lorsque l’élimination du (des) catabolite(s) constitue l’étape limitante du processus, c’est-à-dire lorsque sa (leur) demi-vie est supérieure à celle de la molécule mère, les concentrations sériques à l’équilibre sont en faveur du (des) métabolite(s). C’est ainsi que les concentrations de nordiazépam sont plus élevées après administration chronique de diazépam (Valium) sur trois jours, alors même que ses taux sont très faibles après administration unique.