36: TRAITEMENT DE L’ANXIÉTÉ

CHAPITRE 36 TRAITEMENT DE L’ANXIÉTÉ







GÉNÉRALITÉS



Physiopathologie


L’anxiété est une émotion éprouvée de façon banale par tout individu. Elle associe un sentiment de crainte, de mise en alerte et s’associe fréquemment à un cortège de symptômes neurovégétatifs : tension musculaire, tremblements, sensation de « fourmillements » dans les extrémités, douleurs abdominales, nausées, troubles du transit intestinal, sueurs, bouffées de chaleur, sensation d’intense oppression thoracique, dyspnée, palpitations cardiaques, tachycardie, sensation de la présence d’une « boule » dans la gorge, vertiges, polyurie, pollakiurie.


L’anxiété est, à l’état normal, un signal d’alarme destiné à permettre à l’individu de se préparer face à une menace extérieure identifiée.


Dans certains cas, la réaction anxieuse peut dépasser son objectif et s’inscrire dans une inadaptation par rapport à la situation la rendant pathologique. En ce cas, le comportement du sujet devient désordonné, incontrôlé, alors que, parallèlement, les signes neurovégétatifs prennent une ampleur parfois considérable, pouvant faire suspecter une pathologie somatique. Il est enfin fréquent que, loin de répondre à une situation vécue comme menaçante, la réaction anxieuse prenne naissance en l’absence de toute cause objective.






Approche clinique


Face aux difficultés à conceptualiser de façon formelle et univoque l’anxiété, il demeure donc opérant de privilégier une approche clinique, même s’il reste difficile d’établir une frontière précise entre l’anxiété normale et l’anxiété pathologique, puisque cette limite dépend à la fois de la situation et de l’individu. La clinique actuelle de l’anxiété en distingue plusieurs formes.








Syndromes psychotraumatiques





Médicaments utilisés


Deux grandes familles permettent d’envisager la presque totalité des médicaments tranquillisants prescrits aujourd’hui : celui des benzodiazépines et celui des carbamates. Il faut adjoindre à ces deux familles diverses structures hétérogènes correspondant à des médicaments « isolés » au plan chimique : buspirone (Buspar), hydroxyzine (Atarax), étifoxine (Stresam), etc. (tableaux 36.1 et 36.2). Pour autant, la chimiothérapie de l’anxiété repose également sur l’utilisation de divers groupes de médicaments, détaillés dans d’autres chapitres : antidépresseurs, neuroleptiques, β-bloquants.


Tableau 36.1 Prévalence des divers types de manifestations anxieuses.
























Types de trouble anxieux (DSM-IV) Prévalences vie entière en population générale (%)
Attaque de panique 3-6
Trouble panique 1,5-5
Anxiété généralisée 3-8
Agoraphobie 0,6-6
Phobies sociales 2-3
Stress post-traumatique 1-3


Les avantages et les inconvénients des anxiolytiques sont présentés dans le tableau 36.3.




Benzodiazépines



Propriétés


Les différentes activités pharmacologiques sont qualitativement identiques pour les benzodiazépines utilisées en thérapeutique, les différences entre elles n’étant en pratique que quantitatives mais suffisantes pour justifier pleinement la variabilité de leurs indications. L’homogénéité de ce profil s’explique par l’action dominante sur la transmission GABAergique. Il importe de conserver présentes à l’esprit les propriétés pharmacologiques de ces composés qui peuvent avoir : une action anxiolytique, une action sédative, un effet hypnotique, une activité myorelaxante, une activité anticonvulsivante, un effet amnésiant ou un effet orexigène.


Action anxiolytique. — Elle diminue les manifestations anxieuses.


Action sédative. — Elle limite les manifestations d’excitation psychomotrice.


Effet hypnotique. — Il ne se manifeste qu’à partir d’une certaine dose variable selon la puissance des composés. Il induit le sommeil et est mis à profit pour les composés indiqués dans le traitement des troubles du sommeil (cf. chapitre 35 « Traitement de l’insomnie »).


Activité myorelaxante. — Elle s’observe avec des posologies importantes, exception faite pour quelques composés plus spécifiques, dont le tétrazépam (Myolastan) qui n’est pas indiqué dans l’anxiété. Elle peut perturber les réflexes impliquant des motoneurones, ce qui explique les troubles de la coordination motrice (ataxie), le relâchement musculaire (mis à profit dans certaines indications des benzodiazépines relevant de l’anesthésiologie).


Activité anticonvulsivante. — Un déficit central de la transmission GABAergique se révèle souvent induire des crises d’épilepsie et les substances facilitant cette transmission s’avèrent donc manifester des propriétés anticonvulsivantes, faisant l’objet d’applications cliniques (ex. : clonazépam = Rivotril, indiqué en neurologie, clobazam = Urbanyl, indiqué en psychiatrie).


Effet amnésiant. — C’est un effet indésirable se traduisant par de possibles pertes de mémoire.


Effet orexigène. — Peu important, il entraîne une augmentation de l’appétit.


L’action tranquillisante constitue la pierre d’achoppement de l’utilisation des benzodiazépines. Elles exercent au niveau de l’hypothalamus et du système limbique une activité desinhibitrice sur le comportement anxieux qui se traduit par la suppression des réponses émotionnelles psychiques comme somatiques (variations de la tension artérielle et du rythme cardiaque).




Relations structure-activité


Le terme « azépine » désigne un cycle ayant sept sommets (« ep » est une contraction phonétique pour « hept ») dont deux sont occupés par un atome d’azote (d’où « di-az », deux azotes). Selon leur position, il sera possible de distinguer trois groupes de benzodiazépines (figure 36.2) :




Le terme « benzo », quant à lui, désigne le cycle aromatique benzénique greffé sur le cycle azépine. Il n’est pas indispensable à l’activité : ainsi, un cycle aromatique type thiophène la préserve parfaitement (exemple : clotiazépam, Vératran). D’importantes modifications structurales peuvent être tolérées, modulant l’activité pharmacologique des divers dérivés.




Substitutions affectant le cycle diazépine



–  Substitutions sur l’azote 1 : l’alkylation, non constante, accroît l’activité dans la mesure où l’encombrement stérique n’est pas important (méthyle, éthyle, diamino-éthyle, cyclopropyle).


–  Substitutions sur le carbone 2 : elles sont variables et non obligatoires : le chlordiazépoxide porte un reste méthylamino et les benzodiazépines les plus anciennes un reste carboxylique.


–  Substitutions sur la position 3 : généralement non substituée, cette position peut néanmoins être hydroxylée (rendue porteuse d’une fonction alcool OH : oxazépam, lorazépam, témazépam), carboxylée (rendue porteuse d’un reste acide organique –COOH) et alors salifiée (chlorazépate salifié en sels de potassium : chlorazépate dipotassique) ou estérifiée (loflazépate d’éthyle).


–  Liaison éthylénique 4-5 : une liaison éthylénique est une liaison insaturée entre deux carbones (de type –C=C–). Sa réduction induit une importante diminution de l’activité.


–  Adjonction d’un hétérocycle supplémentaire : cette cyclisation implique obligatoirement l’un des deux azotes. Le cycle ajouté est de type triazole ou imidazole. Les structures ainsi obtenues présentent des analogies stériques avec des bases puriques (hypoxanthine, inosine) expliquant certaines nuances d’effets.


–  Substitutions sur la position en 5 : cette position porte un cycle benzénique ou un cycle isostère au benzène (cyclohexyl ou pyridyl dans le cas respectif du tétrazépam et du bromazépam) indispensable à l’activité. Ce cycle peut luimême porter en position ortho un atome d’halogène augmentant la puissance de la molécule (chlore dans le cas du lorazépam ou du clonazépam, fluor dans celui d’un hypnotique, le flunitrazépam).



Pharmacocinétique


Les caractéristiques cinétiques des benzodiazépines présentent de nombreux points communs. Il s’agit de substances dont l’absorption orale est satisfaisante, qui sont fortement catabolisées au niveau hépatique et éliminées par voie urinaire.




Distribution

La variation du degré de lipophilie des benzodiazépines explique des nuances d’activité. Le diazépam (Valium), l’alprazolam (Xanax), extrêmement lipophiles, agissent plus vite que le lorazépam (Témesta) ou l’oxazépam (Séresta), moins lipophiles. Cette notion n’a que peu d’intérêt lorsque l’administration est orale, puisque, de toute façon, le facteur limitant demeure la résorption. Elle explique toutefois l’importance du volume de distribution, un paramètre sensiblement inversement proportionnel à la durée d’action des molécules. En effet, plus la molécule est lipophile, mieux elle se distribue dans les tissus périphériques lipidiques et plus brève est son action sur le système nerveux central. Après une dose unique, par exemple, le lorazépam (Témesta) a une action plus longue que celle du diazépam (Valium) car il est moins lipophile. La distribution des benzodiazépines se fait généralement en une phase, mais certains composés comme le flunitrazépam (Rohypnol, hypnotique) sont distribués en deux phases successives, l’une rapide, l’autre lente. Ce phénomène explique que l’on ne puisse systématiquement corréler durée d’action et demi-vie d’élimination.


La liaison aux protéines plasmatiques est généralement importante (supérieure à 90 %, essentiellement sur l’albumine) et semble peu modifiée lorsque les taux sériques augmentent ou lorsque la protéinémie diminue car le volume apparent de distribution est élevé. Il y a donc peu de risques d’interactions médicamenteuses significatives par compétition sur des sites de fixation spécifiques.



Métabolisme

Le catabolisme des benzodiazépines, complexe, presque total, aboutit pour la plupart d’entre elles à un même catabolite final, l’oxazépam. Rien ne justifie donc la fréquente association de benzodiazépines ayant une cinétique analogue. En schématisant, ces composés subissent deux types successifs de transformations, dites de phase I (désalkylations, hydro-xylations, etc.) et de phase II (conjugaison).


Le modèle type de catabolisme est le suivant :



Quelques produits subissent des transformations plus spécifiques. C’est ainsi que les hétérocycles triazole ou imidazole sont également hydroxylés, que le clobazam (Urbanyl) est entièrement catabolisé avec production dominante de desmé-thylclobazam inactif ou encore que le nitrazépam (Mogadon, un hypnotique) est réduit et acétylé en position 7, avec une production de dérivés amino- et acétamido-inactifs, pour partie conjuguée avant élimination urinaire.


Les dérivés non conjugués, tous issus du foie, sont donc plus ou moins actifs pharmacologiquement. Certaines molécules font d’ailleurs figures de prodrogues, actives par le biais de leurs seuls catabolites. La conjugaison inactivatrice a lieu aussi bien dans le foie que dans d’autres tissus.


Ces diverses étapes ont chacune leur cinétique propre, variable selon la nature de la réaction enzymatique comme selon l’individu. Ceci explique l’extrême variabilité des paramètres cinétiques du groupe.


Le desméthyldiazépam et l’oxazépam apparaissent finalement comme les catabolites ultimes de la plupart des composés commercialisés (figure 36.3). La demi-vie prolongée du premier explique qu’il faille attendre deux ou trois semaines avant que ses concentrations plasmatiques ne soient à l’équilibre (elles peuvent être alors supérieures à celles de la benzodiazépine administrée). L’accumulation d’oxazépam pose moins de problèmes. Lorsque les molécules sont transformées en métabolites actifs à longue demi-vie d’élimination, l’état d’équilibre est atteint tardivement. De plus, il y a risque d’élimination en cas de traitement prolongé (tableau 36.5).




Enfin, quelques composés subissant directement une conjugaison et ne livrant pas de catabolites actifs (lorazépam, Témesta ; oxazépam, Séresta) sont préférés en cas d’insuffisance hépatique.


La partition entre benzodiazépines à demi-vie d’élimination brève, semi-brève et prolongée n’a qu’un médiocre intérêt clinique, puisque la durée d’action pharmacologique ne peut être toujours corrélée à la présence effective de la molécule mère dans l’organisme.


Lors de l’administration de doses répétées à intervalles réguliers, il faut tenir compte de l’éventuelle cinétique du ou des métabolite(s). Lorsque l’élimination du (des) catabolite(s) constitue l’étape limitante du processus, c’est-à-dire lorsque sa (leur) demi-vie est supérieure à celle de la molécule mère, les concentrations sériques à l’équilibre sont en faveur du (des) métabolite(s). C’est ainsi que les concentrations de nordiazépam sont plus élevées après administration chronique de diazépam (Valium) sur trois jours, alors même que ses taux sont très faibles après administration unique.


L’élimination est presque totalement urinaire. La lipophilie des benzodiazépines explique également qu’elles franchissent la barrière placentaire et soient pour parties éliminées dans le lait maternel, avec des risques potentiels pour l’enfant allaité ou lors de l’accouchement.



Buspirone


La buspirone (Buspirone générique) est une azaspirone : sa structure est donc radicalement différente de celle des benzodiazépines. Son mode d’action la distingue également des benzodiazépines car elle agit essentiellement sur les récepteurs sérotoninergiques, comme agoniste des récepteurs 5-HT1A présynaptiques et agoniste partiel des récepteurs 5-HT1A postsynaptiques. Elle exerce aussi une activité antagoniste D2.


La buspirone développe aux doses thérapeutiques usuelles une action sédative beaucoup moins intense que celle des benzodiazépines, ce qui explique qu’elle soit en ce sens plus aisément prescrite aux conducteurs d’engin et automobilistes. Elle n’exerce aucune action myorelaxante ou anticonvulsivante, car elle est essentiellement sérotoninergique.


La buspirone subit un effet de premier passage conséquent puisque 95 % de la dose est directement détruite. Sa biodisponibilité systémique est voisine de 1 à 5 % selon les sujets. Comme pour d’autres médicaments subissant un important effet de premier passage, la réplétion gastrique ne modifie que peu la résorption de la buspirone, mais, en revanche, limite l’effet hépatique. Son catabolisme livre de nombreux métabolites, dont l’un se révèle également actif. Cependant, ses taux sont faibles et l’incidence clinique de cette transformation paraît mineure.


La buspirone est éliminée pour 60 à 70 % de la dose dans l’urine, le reste l’étant dans les fèces après cycle entéro-hépatique. Sa demi-vie est de 2 à 3 heures. Elle n’est pas éliminée par hémodialyse.


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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 36: TRAITEMENT DE L’ANXIÉTÉ

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