35: TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

CHAPITRE 35 TRAITEMENT DE L’INSOMNIE






GÉNÉRALITÉS



L’insomnie


La clinique des troubles du sommeil a évolué ces dernières années. Devenue plus précise, elle permet une prise en charge codifiée qui ménage une part moindre à la chimiothérapie, la restreignant — du moins en théorie — à des indications ciblées. Les nombreux centres d’hypnologie (ou centres « veille-sommeil ») implantés dans plusieurs établissements de soins et accessibles pour l’exploration comme le traitement des troubles graves et invalidants du sommeil témoignent de cette mutation.


Les troubles du sommeil ne se limitent pas, évidemment, aux seules insomnies objet de ce chapitre. Hypersomnies et troubles du rythme circadien ne doivent pas être méconnus du fait de leur incidence sur la vie quotidienne (accidents de la circulation ou accidents du travail). Ils sont d’ailleurs parfois eux-mêmes induits par un mésusage des tranquillisants et des hypnotiques.


L’insomnie est un symptôme banal qui concerne entre 30 et 50 % de la population adulte des pays occidentaux, toutes formes confondues, et 10 à 20 % de cette population en ce qui concerne les formes les plus graves. Rarement isolée (insomnie chronique primaire, sans cause évidente), elle survient volontiers dans le cadre d’une pathologie psychiatrique (dépression) ou somatique (dyspnée nocturne, maladie rhumatismale). Dans la pratique, une insomnie isolée est à ce point rare qu’il faut remettre en question sa réalité face à chaque patient insomniaque qui nie avoir des problèmes psychologiques, relationnels ou existentiels.


La tendance actuelle privilégie une définition de l’insomnie avant tout subjective. Elle caractérise un sommeil perçu par le patient comme difficile à obtenir, insuffisant, insatisfaisant ou non récupérateur. La durée objective du sommeil peut être normale ou peu abrégée et l’endormissement peut être rapide, mais on repère de façon récurrente une fragmentation excessive de la phase de sommeil.


Il est difficile d’établir une nosologie de l’insomnie car les causes comme les mécanismes de cette affection sont toujours méconnus. La classification internationale des troubles du sommeil distingue trois formes d’insomnie intrinsèque (dont la cause a pour origine l’organisme) et douze formes d’insomnie extrinsèque (dont la cause est extérieure à l’organisme), sans même évoquer les insomnies d’origine neurologique, psychiatrique ou somatique. Elle est d’une extraordinaire complexité pour le clinicien. La classification du DSM-IV est plus pratique. Toutefois, nous proposons ici une classification schématique, ayant avant tout une valeur pédagogique (tableau 35.1).




Médicaments utilisés


Avant tout, il importe de souligner que la prescription d’hypnotiques ne peut constituer en toute situation une réponse adaptée. Le recours à d’autres médicaments peut s’avérer plus pertinent, ainsi que la mise en œuvre d’autres stratégies thérapeutiques que la chimiothérapie (psychothérapie, etc.).


Il n’y a plus lieu d’utiliser aujourd’hui des produits dont l’index thérapeutique est aussi faible que les barbituriques ou l’hydrate de choral, d’ailleurs retirés du commerce. Par conséquent, nous avons pris ici le parti de n’évoquer ces médicaments que dans la présentation générale, pour information, sans les développer par ailleurs (le lecteur trouvera toutefois mention des barbituriques dans d’autres chapitres car le phénobarbital est toujours prescrit comme anti-épileptique).


Les principaux hypnotiques commercialisés sont présentés dans le tableau 35.2.




Présentation des hypnotiques





Benzodiazépines


Voir chapitre 36 « Traitement de l’anxiété ».






Mécanisme d’action des hypnotiques


Le mécanisme de l’action hypnotique des benzodiazépines comme celui de leurs analogues (et comme celui des barbituriques) s’explique par une action sur la transmission GABAergique, comme évoqué au chapitre 36 sur le traitement de l’anxiété. Les manifestations latérales de somnolence, d’apathie et de ralentissement des réflexes observées chez les usagers d’anxiolytique trouvent leur pleine expression dans l’indication spécifique des insomnies.


Les composés les plus récents (zopiclone, zolpidem) ont toutefois une action plus spécifique sur certains récepteurs aux benzodiazépines (récepteurs de type I), ce qui expliquerait la moindre incidence de leurs effets indésirables et leur meilleure maniabilité.


Hormone sécrétée par l’épiphyse (ou glande pinéale, une glande endocrine située sous le plancher du 3e ventricule qui traite l’information photopériodique et joue un rôle capital dans la photosynchronisation circadienne et saisonnière), la mélatonine est impliquée dans la régulation du rythme circadien. Sa structure est voisine de celle de la sérotonine. Augmentant dès la tombée de la nuit, la sécrétion de mélatonine connaît un pic entre 2 et 4 heures du matin puis diminue jusqu’au lever du jour : elle est corrélée à une action hypnotique induite par sa liaison aux récepteurs mélatoninergiques centraux MT1, MT2 (plus secondairement MT3). Le tonus mélatoninergique diminue avec l’âge, ce qui explique que les sujets âgés dorment moins que plus jeunes : l’administration de mélatonine exogène (Circadin) tend alors à régulariser le sommeil chez les patients souffrant d’insomnie primaire (c’est-à-dire d’une insomnie sans cause somatique, psychique, toxique ou environnementale évidente).



Pharmacocinétique des hypnotiques



Benzodiazépines


Voir chapitre 36 «Traitement de l’anxiété ».



Analogues des benzodiazépines


Les cyclopyrrolones (zopiclone, Imovane) et les imidazopyridines (zolpidem, Stilnox) s’administrent per os, avec une résorption satisfaisante, non influencée par les aliments. Ces hypnotiques doivent être administrés immédiatement avant le coucher car leur délai d’action n’est que de 10 à 15 min. Le pic plasmatique est atteint en environ 1 heure pour la zopiclone et 1,8 heure pour le zolpidem. Les deux groupes de médicaments subissent oxydation, desméthylation et hydroxylation. Leur métabolisation est importante (le zolpidem est totalement résorbé, mais un effet de premier passage hépatique limite sa biodisponibilité à 70 % environ). Quatre à cinq pour cent seulement de la dose de zopiclone sont éliminés sous forme inchangée, la molécule mère étant, contrairement au zolpidem, transformée en un catabolite partiellement actif, son N-oxyde.


La zopiclone, comme son métabolite actif, a une demi-vie d’élimination variable, oscillant entre 3 et 6 heures, allant jusqu’à 8 heures chez l’insuffisant hépatique ou le sujet âgé. Le zolpidem a une demi-vie constamment plus brève, de l’ordre de 2,4 heures. Ces deux composés franchissent également la barrière fœto-placentaire et passent dans le lait.


Le tableau 35.3 présente les caractéristiques pharmaco-cinétiques des principaux hypnotiques benzodiazépiniques et apparentés.





CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE


Les hypnotiques prescrits en France aujourd’hui ont de nombreux points communs (exception faite de la mélatonine, dont l’usage reste limité et l’efficacité modeste). Ils agissent comme les anxiolytiques sur le récepteur au GABA. Leur résorption après administration orale est rapide et ils sont rapidement éliminés. La différence essentielle avec les benzodiazépines évoquées au chapitre «Traitement de l’anxiété » réside dans la cinétique de leur effet, permettant une action précoce (utile pour l’endormissement), intense (suffisante pour assurer le sommeil et non une simple anxiolyse) et brève (pour prévenir les effets indésirables diurnes).


Le traitement de l’insomnie doit intégrer des mesures d’hygiène de vie. Par exemple, nombre d’insomniaques sont de gros consommateurs de café : il importe avant tout traitement de réduire ou de cesser cette consommation, et de ne pas consommer de café même si l’on a recours à des médicaments. Le traitement doit aussi intégrer une prise en compte étiologique des troubles : agir sur le bruit, la température, les conditions de travail (travail posté imposant des rythmes en contradiction avec les rythmes biologiques), le stress psychique.



Selon le type d’insomnie


Un traitement spécifique de l’affection primaire est nécessaire le plus souvent dans les insomnies accompagnant un trouble psychiatrique (dépression, psychose, etc.). Dans ce cas, des antipsychotiques ou des antidépresseurs, surtout s’ils ont une composante sédative importante peuvent agir à la fois sur l’affection psychiatrique et sur l’insomnie. Pour autant, certains antidépresseurs, connus comme stimulants, peuvent en revanche favoriser les insomnies (ex. : moclobémide = Moclamine et autres inhibiteurs des mono-amines oxydases). Il en va de même pour l’anxiété : des benzodiazépines administrées à très faible dose, dans une perspective simplement anxiolytique, peuvent suffire à réguler le sommeil.


Le traitement médicamenteux est privilégié, à court terme, dans les insomnies occasionnelles (sur 2 à 5 jours par exemple) ou dans les insomnies d’origine somatique, dès lors que le traitement de la cause est impossible ou insuffisant (sans excéder 4 semaines en général). Si la majorité des insomnies relèvent de l’hygiène de vie, un traitement médicamenteux peut toutefois s’avérer nécessaire. Il faut alors prévenir le risque de survenue d’une dépendance (voir infra), en prescrivant un traitement discontinu. Les insomnies sévères ou organiques peuvent, elles, imposer un traitement quotidien sur une période aussi limitée que possible.


Les hypnotiques ayant une demi-vie courte (zopiclone, zolpidem) sont recommandés dans le traitement des insomnies d’endormissement mais il faut proscrire leur utilisation à posologie plus élevée dans les insomnies de maintien (survenant en milieu ou en fin de nuit), qui nécessitent le recours à un composé de demi-vie moyenne ou prolongée (lorméta-zépam, nitrazépam, estazolam) (tableau 35.3). La mélatonine (Circadin) est indiquée de façon assez sélective dans l’insomnie du sujet âgé de plus de 55 ans, sur une période qui est, comme tous les hypnotiques, limitée (ici à 3 semaines).



Selon le terrain



Pathologies associées



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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 35: TRAITEMENT DE L’INSOMNIE

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