CHAPITRE 34 TRAITEMENT DE LA MALADIE D’ALZHEIMER
La maladie d’Alzheimer (MA), décrite pour la première fois par Aloïs Alzheimer en 1907, est une pathologie neurodégénérative évolutive. Elle se manifeste par l’apparition de troubles de la mémoire et un déclin cognitif, le plus souvent associés à des troubles du comportement et évoluant vers une perte inexorable d’autonomie réalisant un syndrome démentiel d’évolution progressive. Le syndrome démentiel est en rapport avec des lésions histologiques caractéristiques du cerveau : les plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires [1]. La maladie d’Alzheimer est la cause principale de dépendance lourde du sujet âgé et le motif principal d’entrée en institution.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Physiopathologie
Deux types d’anomalies histologiques caractérisent la MA :
– les plaques séniles, appelées aussi plaques amyloïdes, sont des foyers microscopiques de dépôts extracellulaires de substance amyloïde provenant d’un clivage anormal, d’une glycoprotéine transmembranaire, l’APP (Amyloid Precursor Protein). Ces dépôts sont de forme sphérique et sont entourés d’axones atrophiés, de microglie activée, d’astrocytes réactifs et de radicaux libres, preuve de la mort cellulaire ;
– les dégénérescences neurofibrillaires, intraneuronales, constituées d’agrégats de protéines Tubulin Associated Unit (TAU) hyperphosphorylées.
Facteurs de risque et facteurs de protection
La cause de la MA sporadique demeure inconnue.
L’âge et l’existence d’antécédents familiaux de démence sont les deux facteurs de risque les plus couramment rapportés dans les études épidémiologiques [2].
Âge
La prévalence de la maladie double tous les 5 ans à partir de 65 ans pour atteindre près de 30 % chez les sujets de plus de 85 ans [3].
Aspects cliniques et séméiologiques
– des troubles de mémoire qui portent uniquement sur le passé récent et s’accompagnent rapidement d’une désorientation temporelle, puis spatiale. Les troubles retentissent sur l’activité quotidienne et inquiètent la famille qui est, le plus souvent, à l’origine de la consultation car le patient minimise volontiers ses difficultés ;
– des modifications du comportement à type de perte de motivation, de repli sur soi, de diminution des réactions affectives (apathie) qui font souvent considérer le patient comme déprimé. Le diagnostic différentiel, au début, peut être difficile avec le déclin cognitif associé au vieillissement physiologique, une dépression et le début d’une autre affection cérébrale dégénérative.
Diagnostic
Le diagnostic étiologique de la MA repose sur une équipe pluridisciplinaire qui doit évaluer toutes les dimensions de la maladie. Les critères diagnostiques les plus utilisés sont ceux de la NINCDS-ADRDA (National Institute of Neurological and Communication Disorders and Stroke-Alzheimers Disease and Related Disorders Association) [4] mais également ceux du DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994).
Médicaments utilisés
Les médicaments actuellement utilisés dans la MA se divisent donc en deux catégories :
– les traitements des troubles cognitifs, comprenant les médicaments spécifiques de la MA et les médicaments non spécifiques (nootropes et médicaments neuroprotecteurs) ;
– les traitements des troubles non cognitifs, regroupant neuroleptiques, anxiolytiques, sédatifs, etc.
Traitements symptomatiques des troubles cognitifs
Inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
Un premier inhibiteur de cholinestérase, la tacrine a obtenu une autorisation de mise sur le marché en 1994 en France. Ce médicament a provoqué des effets hépatotoxiques conduisant à l’abandon de son utilisation [5]. Une nouvelle génération d’inhibiteurs de l’acétylcholinestérase est apparue à la fin des années 1990. Trois médicaments sont actuellement commercialisés et prescrits en France [6] (tableau 34.1).
DCI | Noms commerciaux | Présentations |
---|---|---|
Chlorhydrate de donépézil | Aricept Donepezil | Comprimés à 5 -10 mg Comprimés orodispersibles à 5 – 10 mg |
Rivastigmine | Exélon | Gélules à 1,5 – 3 – 4,5 – 6 mg Solution buvable à 2 mg/mL Dispositif transdermique 4,6 – 9,5 mg/24 h |
Galantamine | Réminyl | Comprimés à 4, 8, 12 mg Gélules LP 8-16-24 mg |
Mémantine | Ebixa | Comprimés à 10 – 20 mg |
Solution buvable à 10 mg/g |
L’effet observé s’estompe progressivement. À l’arrêt du médicament, le niveau des fonctions cognitives redevient identique à celui des patients non traités [5].
Autres traitements envisagés pour des troubles cognitifs
Des médicaments, commercialisés dans d’autres indications, ont été testés dans la MA. Des essais cliniques ont parfois réussi à dégager une certaine activité pour ralentir la progression de la maladie. Leur mécanisme d’action n’est pas totalement connu mais ils freineraient la mort cellulaire. Ces traitements ne sont cependant pas officiellement reconnus dans cette indication en France et il n’est donc pas recommandé de les utiliser [8].
Antioxydants
Ginkgo biloba
Contrairement à d’autres pays (Allemagne, Belgique, Autriche…), l’extrait de Ginkgo Biloba (EGb761) n’est pas indiqué dans la maladie d’Alzheimer en France. Ce produit possède des propriétés intéressantes à la fois neuroprotectrices, vasculaires, sur la synthèse des neurotransmetteurs et la plasticité neuronale. Il semble avoir une efficacité comparable aux anti-cholinestérasiques, surtout pour les stades les plus légers de la pathologie. Ce produit est également évalué dans la prévention de la MA chez les patients ayant une plainte mnésique [9].
Vitamine E (alpha tocophérol)
Ses propriétés antioxydantes lui confèrent une activité neuroprotectrice. Une étude comparant vitamine E et sélégiline versus placebo a montré que ces deux principes actifs permettaient un ralentissement de l’évolution de la MA sans toutefois améliorer la symptomatologie [10]. Cependant, des doses élevées de vitamine E (> 400 UI/j) pourraient être associées à une augmentation de mortalité, toutes causes confondues, d’après une méta-analyse publiée par Miller en 2005. En conséquence, la prescription au long cours de vitamine E dans le contexte d’une MA ou d’un MCI n’est pas recommandée [11].