33: TRAITEMENT DE LA MALADIE DE PARKINSON

CHAPITRE 33 TRAITEMENT DE LA MALADIE DE PARKINSON 






GÉNÉRALITÉS, ÉPIDÉMIOLOGIE


La maladie de Parkinson fut décrite pour la première fois par Sir James Parkinson en 1817 sous le nom de « Paralysie agitante » et fut assimilée, d’une façon simpliste depuis les années 1960, à une carence dopaminergique au niveau des noyaux gris centraux. C’est la maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer. Elle touche 5 millions de personnes dans le monde dont 1,2 millions en Europe. Elle affecte 0,3 % de la population générale et 1 à 2 % des plus de 60 ans dans les pays industrialisés. En raison du vieillissement de la population en Europe, il est prévu que son incidence double d’ici 2030. Elle débute le plus souvent entre 55 et 65 ans mais peut survenir à tout âge chez l’adulte.


Le diagnostic de syndrome parkinsonien est clinique. Une imagerie encéphalique (scanner ou IRM) élimine une origine vasculaire. En cas de doute clinique, un DATSCAN peut être réalisé pour confirmer la dénervation dopaminergique mais cet examen ne permet pas de distinguer une maladie de Parkinson d’un syndrome parkinsonien atypique. La réponse au traitement dopaminergique confirme le diagnostic de maladie de Parkinson.


L’incapacité et le handicap que cette maladie chronique provoque affectent considérablement la qualité de vie des patients. La cause de la maladie reste mal connue. Le rôle des facteurs environnementaux n’est pas complètement établi : vivre en milieu rural, être exposé à des herbicides ou des pesticides constitueraient des facteurs de risques. Un facteur génétique a aussi été évoqué et il existe des formes familiales (5-10 % des cas). Certains auteurs proposent un rôle combiné de facteurs environnementaux et génétiques.



PHYSIOPATHOLOGIE ET ASPECTS CLINIQUES


La maladie de Parkinson est une affection neurodégénérative progressive qui est initialement la conséquence de la dégénérescence des neurones dopaminergiques du locus niger (substance noire) dans la région de la pars compacta. À ce stade, les patients présentent les symptômes typiques de la maladie de parkinson : tremblement, rigidité et akinésie. Le tremblement prédomine au niveau des doigts au repos et cesse au cours des mouvements volontaires. L’hypertonie ou rigidité touche essentiellement le tonus de posture et l’extension passive de l’avant-bras cède par à-coups : c’est le phénomène de la « roue dentée ». L’akinésie se caractérise par la rareté et la lenteur des gestes automatiques des malades (toilette, habillage, alimentation). À ce stade, les symptômes sont relativement bien contrôlés par le traitement dopaminergique.


Lors de la progression de la maladie, la dégénérescence neuronale va s’étendre à d’autres structures du cerveau et impliquer d’autres systèmes de médiateurs : systèmes dopaminergique de la voie mésocorticale, noradrénergique du locus coeruleus, sérotoninergique des noyaux du raphé, cholinergique du noyau basal de Meynert, histaminergique, peptidergique. Initialement confinée à la medulla, l’atteinte de la substance noire ne représentant qu’une étape intermédiaire, la maladie va ensuite atteindre le cerveau antérieur (prosencéphale) et le neocortex (substance grise). Ce schéma de progression de la maladie permet de souligner la nature multifactorielle du processus neurodégénératif et d’expliquer l’apparition de nouveaux symptômes moteurs (troubles de la marche, déséquilibre, chutes, enrayage cinétique ou « freezing », camptocormie, troubles de la déglutition et de la parole …) et non-moteurs (dysautonomie, troubles du sommeil, douleur, dépression, démence) ne répondant que partiellement ou pas du tout au traitement dopaminergique.



CLASSIFICATION DES MÉDICAMENTS UTILISÉS


Le traitement vise surtout à rétablir l’activité dopaminergique soit par apport de dopamine (sous forme de son précurseur, la L-dopa), soit en stimulant les récepteurs dopaminergiques (agonistes dopaminergiques), soit en inhibant la destruction de la dopamine (ICOMT, IMAO-B).








MÉCANISME D’ACTION


Dans la thérapeutique substitutive, la dopamine exerce des effets pharmacologiques vasculaires périphériques et ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique (BHE), d’où l’utilisation de son précurseur : la L-dopa. Cette dernière est systématiquement associée à un inhibiteur de la dopa-décarboxylase périphérique ne franchissant pas la BHE : le bensérazide et la carbidopa dans les spécialités respectives Modopar et Sinemet, afin de réduire ses effets délétères périphériques (digestifs, tensionnels et arythmogènes) et d’optimiser sa disponibilité centrale. Dans un souci d’amélioration de la diffusion de L-dopa à travers la BHE, l’entacapone (Comtan) et la tolcapone (Tasmar) qui agissent comme inhibiteur de la catéchol-O-méthyltransférase (ICOMT), peuvent être associées à Modopar et Sinemet. La tolcapone inhibe à la fois la COMT centrale et périphérique alors que l’entacapone n’agit qu’au niveau périphérique. Les ICOMT prolongent la demi-vie de la lévodopa et la durée de son effet. Il existe une spécialité associant L-dopa, carbidopa et entacapone (Stalevo).


Les anticholinergiques ont été les premiers médicaments utilisés dans la maladie de Parkinson mais ils sont actuellement considérés comme des « adjuvants thérapeutiques » utilisés aux doses les plus faibles possibles, pour minimiser leurs effets « asséchants ». Ils s’adressent essentiellement aux formes trémulantes débutantes. Leur mécanisme d’action dans cette indication n’est pas précisément connu, mais on suppose qu’ils permettent de corriger le déséquilibre entre activité dopaminergique et cholinergique provoqué par la dégénérescence des neurones dopaminergiques.


Les agonistes dopaminergiques exercent tous un effet agoniste sur les récepteurs dopaminergiques D2 centraux probablement à l’origine de leurs effets anti-parkinsoniens. Cet effet explique aussi la survenue d’hallucinations et de dyskinésies. Leur action sur les récepteurs D2 périphériques permet aussi d’expliquer les nausées, vomissements et l’hypotension orthostatique provoqués par ces composés. Les dérivés ergotés sont aussi des agonistes sérotoninergiques qui peuvent expliquer la survenue de syndromes fibreux et des agonistes partiels des récepteurs α-adrénergiques qui potentialisent l’hypotension artérielle. L’apomorphine est aussi active sur les récepteurs D1.


La sélégiline et la rasagiline exercent un effet inhibiteur spécifique sur la monoamine-oxydase de type B (IMAO-B) réduisant ainsi la vitesse de dégradation de la dopamine du nigro striatum. La rasagiline et son métabolite possèderaient un effet dit « neuroprotecteur » ou « modificateur de la maladie » grâce à l’activation de protéines anti-apoptotiques, d’enzymes anti-oxydantes, de facteurs neurotrophiques et à l’inhibition des mécanismes délétères impliqués dans la dégénérescence.




PHARMACOCINÉTIQUE



L-dopa







Agonistes dopaminergiques non ergotés


La demi-vie des agonistes dopaminergiques est plus longue que celle de la L-dopa.


Le ropinirole (Requip) possède une biodisponibilité moyenne (50 %), une faible demi-vie (6 h) et est éliminé par voie rénale sous forme de métabolites inactifs. Le ropinirole est principalement métabolisé par l’isoenzyme CYP1A2 du cytochrome P450.


Le pramipexole (Sifrol) possède une bonne biodisponibilité (90 %) et une demi-vie voisine de 10 h. Son élimination sous forme inchangée s’effectue essentiellement par voie rénale exigeant une adaptation posologique chez l’insuffisant rénal. L’utilisation de la forme LP en une prise par jour entraîne des fluctuations moins importantes des concentrations sanguines de pramipexole.


Les formes LP de ropinirole et pramipexole permettent une administration en une prise par jour.


En raison d’un important phénomène de premier passage hépatique, l’apomorphine (Apokinon) est utilisée par voie injectable. Elle est utilisée en perfusion continue SC ou en injection discontinue SC à l’aide de stylos injecteurs. Elle est conjuguée puis éliminée par voie rénale et sa demi-vie est excessivement courte (40 min).


Après application du dispositif transdermique de rotigotine, l’état d’équilibre est atteint après 1-2 j et les concentrations d’agonistes sont maintenues à un niveau stable par une application quotidienne du dispositif. La rotigotine est métabolisée par l’isoenzyme CYP2C9 du cytochrome P450.






CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE




Antiparkinsoniens « d’appoint »







Critères thérapeutiques décisionnels [1, 2]



Traitement à la phase initiale de la maladie


L’âge de début et l’importance de la gêne fonctionnelle sont les deux facteurs qui guident les choix thérapeutique à la phase initiale de la maladie.


En l’absence de retentissement moteur les traitements médicamenteux ne sont pas recommandés afin de retarder l’échéance des complications iatrogènes. Toutefois, une étude récente (Adagio, 2009) suggère qu’un traitement précoce par la rasagiline pourrait retarder l’évolution de la maladie mais ces résultats doivent être confirmés.


Si la gêne est minime, les agonistes dopaminergiques, les IMAO-B ou les anticholinergiques peuvent être utilisés en monothérapie en fonction du symptôme prédominant et de l’âge. Les anticholinergiques ont une efficacité sur les tremblements mais doivent être utilisés avec prudence chez les sujets âgés.


En cas de retentissement fonctionnel, l’âge du patient détermine le traitement à utiliser.



Chez les malades de moins de 60 ans


Le traitement médicamenteux de la maladie de Parkinson doit débuter par un agoniste dopaminergique utilisé aux doses maximales tolérées avant d’introduire la L-dopa. Cette stratégie permet de retarder significativement le développement des dyskinésies et des fluctuations motrices au prix d’une efficacité moindre que la L-dopa. Bien que les agonistes diffèrent par leurs propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, aucun n’a fait la preuve de sa supériorité par rapport aux autres. Lors de l’utilisation d’un agoniste dopaminergique en monothérapie, sa posologie doit être progressivement augmentée jusqu’à l’obtention d’un effet satisfaisant (amélioration de 80 à 90 % de la symptomatologie initiale). Si des effets indésirables gênent la progression des posologies, la dompéridone peut être administrée 20 à 30 min avant la prise de l’agoniste. Si les effets indésirables persistent, la substitution par un autre agoniste est justifiée. Le passage d’un agoniste à l’autre peut être rapide sans passer par la phase de progression posologique. Si la substitution n’améliore pas les effets indésirables, il est recommandé de revenir à la dose maximale tolérée de l’agoniste et d’adjoindre de faibles doses de L-dopa pour atteindre le niveau d’amélioration de la maladie souhaité.


L’efficacité de la monothérapie par agoniste est limitée dans le temps (3 ans en moyenne) et une fois les doses maximales tolérées d’agoniste atteintes, l’adjonction de L-dopa (± ICOMT et/ou IMAO-B) est nécessaire. Les ajustements consistent ensuite à notamment fractionner les doses de L-dopa (± ICOMT et/ou IMAO-B) pour éviter les fluctuations marquées (voir plus loin le traitement de la phase évoluée de la maladie).





Traitement à la phase évoluée de la maladie


Le patient peut atteindre un stade auquel le traitement médicamenteux optimisé est insuffisant pour corriger la maladie : il présente des dyskinésies invalidantes et la persistance de fluctuations motrices gênantes. Ces complications motrices sont associées à une altération de la qualité de vie. De plus, à un stade évolué de la maladie, surviennent de nouveaux symptômes (altération cognitive, troubles de l’équilibre, etc.) qui le plus souvent résistent à la L-dopa.


À ce stade, il peut être nécessaire de réajuster le traitement, c’est-à-dire éliminer les médicaments associés susceptibles d’aggraver les fluctuations, type neuroleptiques cachés (antiémétiques type métoclopramide, antivertigineux) ou neuroleptiques atypiques (sauf clozapine), ou susceptibles d’aggraver les dyskinésies (automédication excessive en L-dopa, ICOMT, anticholinergiques et sélégiline). Il est également recommandé d’optimiser la dopa-thérapie en fractionnant les doses, en optimisant la bio-disponibilté de la L-dopa grâce à son administration une demi-heure avant les repas (ou 1 h 30 après) et à la réduction de l’apport protéique (sous surveillance diététique), en ajoutant un médicament prokinétique (dompéridone, antagoniste dopaminergique ne franchissant pas la BHE) ou en prescrivant les formes LP.


Les complications motrices peuvent aussi justifier l’association d’autres médicaments à la L-dopa : agonistes dopaminergiques si l’état cognitif le permet, ICOMT et/ou IMAO-B, voire l’amantadine parfois efficace dans le traitement des dyskinésies.


L’injection SC d’apomorphine à la demande peut permettre de débloquer les patients très fluctuants en blocage moteur.


Si le patient a moins de 70 ans, si sa maladie est sensible à la L-dopa, s’il ne présente pas de troubles cognitifs et s’il peut supporter une intervention neurochirurgicale, une stimulation électrique continue dans les noyaux subthalamiques grâce à des électrodes implantées par chirurgie peut être envisagée. La stimulation permet une correction de la symptomatologie qui se maintient de façon continue tout au long de la journée. Son efficacité permet de réduire les doses de médicaments dopaminergiques et leurs effets indésirables associés (dyskinésies, etc.). Elle n’est pas efficace sur les signes non-dopaminergiques (altération cognitive, troubles de l’équilibre).


En alternative à la stimulation, d’autres modalités de correction dopaminergique continue sont possibles :



L’efficacité de ces techniques est proche de celle obtenue avec la stimulation subthalamique mais elles nécessitent un dispositif externe de perfusion et présentent un coût élevé.



OPTIMISATION THÉRAPEUTIQUE



Optimisation posologique



Posologie, plan de prise, conseils d’administration



L-dopa


Elle est disponible uniquement sous forme d’associations : L-dopa + inhibiteur de dopa-décarboxylase (voir tableau 33.1). La posologie initiale est la plus faible possible pour réduire la rigidité et l’akinésie tout en évitant l’apparition de mouvements anormaux. Il est recommandé de débuter le traitement par 50 mg de L-dopa 3 à 4 fois par jour et d’augmenter progressivement la posologie par palier de 1/2 comprimé tous les 1 à 2 jours (voire davantage chez les sujets âgés) jusqu’à atteinte de la posologie optimale. La dose optimale est individuelle : 400-700 mg/j. Il est recommandé de prendre la L-dopa à jeun (30 minutes avant le repas) ou avec peu de nourriture et l’ouverture des gélules ou la tentative de dissolution des comprimés non-dispersibles est interdite, au risque de dégradation de l’inhibiteur de dopa-décarboxylase. Un intervalle minimum de 2 heures doit être respecté entre chaque prise de L-dopa. Si les intervalles entre les prises sont inférieurs à quatre heures, ou lorsque les prises fractionnées ne sont pas égales, les plus faibles doses sont administrées en fin de journée. Les comprimés dispersibles sont dissous dans un demi-verre d’eau, que l’on peut aromatiser si nécessaire avec du sucre ou du jus d’orange. Toutefois, il faut boire la suspension dans un délai de 30 min pour éviter toute dégradation.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 33: TRAITEMENT DE LA MALADIE DE PARKINSON

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