31: Sclérose en plaques et uvéites

Chapitre 31 Sclérose en plaques et uvéites

Sclérose en plaques

GÉNÉRALITÉS

La sclérose en plaques est une maladie démyélinisante inflammatoire chronique du système nerveux central. Son nom repose sur les lésions, décrites dès 1835 par Jean Curveilhier puis détaillées par Jean-Martin Charcot (1868), provoquées par la destruction et la cicatrisation (sclérose) de la myéline avec une répartition topographique caractéristique en plaques, multiples et disséminées dans le système nerveux central (encéphale, nerf optique et moelle épinière). Environ 80 % des cas de sclérose en plaques se déclarent sous une forme rémittente-progressive, caractérisée par des symptômes évoluant sur une période de plusieurs jours, se stabilisant puis s’améliorant en quelques semaines, spontanément ou en réponse à un traitement par corticothérapie. Cette forme, touchant deux fois plus de femmes que d’hommes, est susceptible d’évoluer vers une forme secondairement progressive. Le reste des cas (20 %) se manifeste sous une forme progressive d’emblée qui, elle, affecte les hommes et les femmes de manière égale [1].

Actuellement, le diagnostic de la sclérose en plaques se fait selon les critères révisés de McDonald qui incluent des éléments cliniques, paracliniques — IRM (fig. 31-1), potentiels évoqués et analyse du liquide cérébrospinal — et visent une prise en charge précoce de la maladie [2]. Ces critères sont résumés dans le tableau 31-I.

Tableau 31-I Critères diagnostiques de McDonald. Les critères ont été publiés en 2001 puis révisés en 2005.

Présentation clinique Éléments complémentaires requis pour le diagnostic
Deux pousséesa ou plusDeux sites affectés ou plus Aucun
Deux pousséesa ou plusUn seul site affecté Dissémination spatialeb des lésions démontrée :– à l’IRMc– ou par un liquide cérébrospinal positife ou par la présence d’autres lésions à l’IRMc compatibles avec une sclérose en plaques– ou par une pousséea clinique ultérieure dans un site different
Une pousséeaDeux sites affectés ou plus Dissémination spatialeb des lésions :– à l’IRMc– ou sur une deuxième pousséea clinique
Une seule pousséeaUne seule lésion clinique objectivée Dissémination spatialeb des lésions :– à l’IRMc– ou au moins deux lésions évocatrices à l’IRMc et liquide cérébrospinal positifeEtDissémination temporelled:– sur des IRMc successives– ou sur une deuxième pousséea clinique
Progression insidieuse évocatrice de sclérose en plaques (forme progressive d’emblée) Une année de progression de la maladie (établie de manière prospective ou rétrospective) et deux des critères suivants :– liquide cérébrospinal positife– IRM cérébralec positive (9 lésions T2 ou au moins 4 lésions T2 avec des PEV positifsf)– IRM médullairec positive (2 lésions focales T2)

a. Une poussée est définie comme un déficit neurologique compatible avec une sclérose en plaques. Durée minimale de 24 heures. Constatation objective ou subjective (compte rendu subjectif étayé par des éléments objectifs). Exclure les pseudo-attaques ou les épisodes paroxysmaux isolés.

b. Deux lésions de localisations différentes.

c. Critères IRM : au moins trois des caractéristiques suivantes :

d. Deux poussées distinctes à plus de trente jours d’intervalle.

e. Liquide cérébrospinal : présence de bandes oligoclonales IgG dans le liquide cérébrospinal (absentes dans le sérum) ou élévation de l’index IgG.

f. Potentiels évoqués visuels : allongement du temps de latence centrale (onde P100).

(Polman, 2005) [2]

Sclérose en plaques et uvéites

ÉPIDÉMIOLOGIE DES UVÉITES LIÉES À UNE SCLÉROSE EN PLAQUES

Dans la littérature, les chiffres de fréquence de sclérose en plaques retrouvées dans l’étiologie des uvéites varient de 0,8 % à 14 %. De la même façon, les fréquences d’uvéites chez des patients atteints de sclérose en plaques varient de 0,4 % à 26,9 %. Ces variations sont attribuées à l’hétérogénéité des populations, aux critères diagnostiques utilisés pour les deux maladies, ainsi qu’aux techniques d’examen [7].

En France, la maladie démyélinisante représentait en moyenne 1,3 % de l’ensemble des cas d’uvéites vus dans des centres de référence [7,8]. La fréquence d’uvéites parmi des patients atteints de sclérose en plaques était de 0,74 % en moyenne [7,9].

La fréquence de la sclérose en plaques dans différentes séries récentes de patients présentant des uvéites ainsi que celle d’uvéites dans des grandes séries de patients atteints de la sclérose en plaques sont respectivement récapitulées dans le tableau 31-II [7,8,1013] et le tableau 31-III [7,9,1416]. On retrouve une prédominance féminine dans la majorité des études et l’âge moyen d’apparition d’une uvéite se situe aux alentours de trente-trois ans (tableau 31-IV) [7,912,14,17].

Tableau 31-II Fréquence des uvéites associées à la sclérose en plaques dans les grandes séries d’uvéites.

Auteurs Pays Fréquence de l’association à la sclérose en plaques parmi les uvéites
Bodaghi, 2001 [8] France 1,7 % (16/927)
Jakob, 2009 [10] Allemagne 3,1 % (59/1916)
Zein, 2004 [11] États-Unis 1,3 % (16/1254)
Smith, 2004 [13] États-Unis 1 % (14/1450)
Biousse, 1999 [7] France 1 % (16/1530)
Maca, 2006 [12] Autriche 0,8 % (16/1973)

Tableau 31-III Fréquence d’uvéite concomitante chez des patients atteints de sclérose en plaques dans différentes études.

Auteurs Pays Fréquence des uvéites parmi les patients atteints de scléroses en plaques
Le Scanff, 2008 [9] France 0,65 % (28/4300)
Biousse, 1999 [7] France 1,1 % (12/1098)
Schmidt, 2001 [14] Allemagne 1,8 % (8/450)
Graham, 1989 [15] Angleterre 18 % (9/50)
Edwards, 2004 [16] Angleterre 2,28 % * (15/658)

* 3 patients sur 15 présentant une autre cause probable d’uvéite que la sclérose en plaques.

PHYSIOPATHOLOGIE

Les mécanismes de la coexistence de l’uvéite et de la sclérose en plaques restent peu clairs. Les efforts de compréhension se concentrent principalement sur la recherche d’une potentielle prédisposition génétique ainsi que dans l’étude des processus immunopathologiques impliqués dans les deux pathologies.

PRÉDISPOSITION GÉNÉTIQUE

Certains auteurs suggèrent que le développement de l’uvéite liée à la sclérose en plaques serait favorisé par une prédisposition génétique. Ainsi, dans la série de Malinowski, six patients sur cinquantequatre (11,1 %) et dans celle de Biousse deux patients sur dix (20 %) présentant une uvéite intermédiaire avaient un parent au premier degré atteint de sclérose en plaques, ce qui représente une prévalence plus élevée que celle de la sclérose en plaques dans la population générale (estimée à 0,1 %) [7,18,19].

L’association de certains allèles HLA de classe II avec la sclérose en plaques ainsi qu’avec la manifestation d’uvéite intermédiaire chez des patients atteints ou non de sclérose en plaques suggère également une prédisposition génétique au développement des deux maladies. La sclérose en plaques a entre autres été associée à l’allèle HLA-DRB1 * 1501, un sous-type de l’allèle HLA-DR2 [20]. Oruc et al. ont rapporté une association statistiquement significative entre la pars planite (uvéite intermédiaire d’étiologie indéterminée) et l’allèle HLA-DR15 chez vingt-huit patients examinés, dont trois avaient un parent au premier degré atteint de sclérose en plaques et un autre développait par la suite la maladie démyélinisante [21]. Dans une étude similaire, Malinowski et al. ont également retrouvé une association statistiquement positive entre l’allèle HLA-DR2 et la pars planite (P < 0,0001) [22]. Parmi leurs patients, cinq sur quarante (12,5 %) ont développé par la suite une sclérose en plaques. Dans la série de Tang et al., treize patients sur dix-huit (72 %) atteints d’uvéite intermédiaire étaient porteurs de l’allèle HLA-DR15 (association statistiquement significative), parmi lesquels quatre souffraient également de sclérose en plaques ou de névrite optique et trois avaient une histoire familiale de sclérose en plaques [23].

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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 31: Sclérose en plaques et uvéites

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