Chapitre 31. L’aspiration endotrachéale chez l’adulte en réanimation
Lucette Fourrier
L’aspiration endotrachéale (AET) a pour but de libérer les voies aériennes encombrées par des sécrétions bronchiques trop importantes. C’est un geste invasif qui, en tant que tel, comporte un certain nombre de risques pouvant être particulièrement délétères pour le patient de réanimation. L’objectif de ce chapitre est de décrire ces risques et leurs méthodes de prévention.
La description du matériel ne sera pas abordée, mais il faut savoir qu’il existe essentiellement deux systèmes d’aspiration :
• le système ouvert (SO), qui nécessite de déconnecter le patient du ventilateur pour pratiquer l’AET ;
• le système clos (SC), qui permet l’AET sans déconnection.
Intermédiaire entre les deux systèmes, le raccord d’étanchéité (swivel en anglais), utilisé lors des endoscopies bronchiques, peut l’être aussi lors des AET.
Les risques des aspirations endotrachéales
De nombreuses complications des AET ont été décrites, certaines fréquentes et bénignes, d’autres rares mais potentiellement mortelles. Les principaux risques sont : l’infection, les traumatismes, les perturbations hémodynamiques, l’hypoxémie et le dérecrutement alvéolaire.
Le risque infectieux
Ce risque existe pour le patient lui-même, mais aussi pour le soignant et pour les autres patients.
L’AET favorise toujours la pénétration des microorganismes dans les voies aériennes inférieures et la colonisation ou l’infection trachéobronchique par les bactéries, les champignons ou les virus. L’infection bronchopulmonaire peut être induite directement ou succéder à une colonisation asymptomatique. Les microorganismes responsables peuvent appartenir à la flore de l’environnement ou être transmis de patient à patient par l’intermédiaire du personnel, ou enfin appartenir à la flore microbiologique du patient lui-même. Le rôle de la colonisation oropharyngée préalable est important et explique le risque d’infection bronchopulmonaire induit par les micro- ou les macro-inhalations qui peuvent survenir lors de l’AET. Le maintien du patient en position demi-assise, l’étanchéité du ballonnet et la prévention des vomissements sont des moyens de prévention reconnus.
L’ouverture du circuit de ventilation favorise la projection des sécrétions pouvant entraîner des contaminations de la peau et des muqueuses, avec des risques de colonisation et d’infection bactérienne ou virale, tant pour le patient que pour le personnel. Il faut veiller à protéger les yeux, le nez et les excoriations cutanées. Les transmissions croisées sont essentiellement manuportées : le lavage des mains ou l’utilisation correcte d’une solution hydroalcoolique (SHA) sont indispensables avant et après l’AET. Les vêtements sont également un site de portage non négligeable : le port d’une surblouse est recommandé.
L’efficacité et l’applicabilité de certaines mesures spécifiques (aspiration subglottique, utilisation du SC) sont encore discutées. Les études comparant l’utilisation du SC contre le SO dans la survenue des pneumopathies acquises sous ventilation montrent des résultats controversés. Selon une étude récente de Lorente [1], il semble que l’utilisation du SC ne réduise pas l’incidence des pneumopathies acquises sous ventilation.
– Respect des règles d’hygiène.
– Lavage des mains + ++ ou SHA.
– Utilisation de gants non stériles spécifiques à chaque tâche.
– Port de masque, lunettes de protection, tablier plastique.
– Changement quotidien du système de recueil des sécrétions.
– Utilisation de sondes d’aspiration stériles à usage unique si possible protégées (à défaut gants stériles et/ou compresses stériles).
– Utilisation du SC ?
– Attention aux vomissements !
Le risque traumatique
Chez un patient non porteur de prothèse endotrachéale, la sonde d’aspiration va entrer en contact avec des muqueuses fragiles (nez ou langue, pharynx, épiglotte, glotte et trachée). Le trajet étant étroit et non rectiligne, les risques de blessure sont importants. La gestuelle doit respecter les obstacles et ne jamais forcer le passage. La plus extrême prudence doit être observée en cas de traumatisme crâniofacial.
Chez un patient intubé ou trachéotomisé, les lésions sont directement liées aux « coups de sonde » au niveau de la trachée, de la carène et des troncs souches (droit le plus souvent). Les blessures ainsi occasionnées sont responsables de saignements et peuvent évoluer vers la formation de granulomes susceptibles d’obstruer tout ou partie d’un tronc souche.
L’AET doit être particulièrement prudente chez un patient à risque hémorragique (thrombopénie, traitement anticoagulant).
Les sondes d’aspiration disposent maintenant d’un œillet latéral permettant d’éviter les risques de succion. Il est cependant recommandé d’utiliser un niveau de dépression modéré (−150 mm Hg) et de limiter la durée d’aspiration (< 15 s). Le choix du calibre de la sonde d’aspiration dépend de la morphologie du patient et du calibre de la sonde d’intubation ou de la trachéotomie (n° 14 ou 16 en général).