30: TRAITEMENT DE LA DOULEUR

CHAPITRE 30 TRAITEMENT DE LA DOULEUR




INTRODUCTION


La définition de la douleur proposée par l’Association internationale de l’étude de la douleur est la suivante : « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en terme d’une telle lésion ».


Cette définition qui intègre la dimension affective et émotionnelle à la dimension sensorielle paraît la plus satisfaisante, car elle rend compte de l’ensemble des mécanismes générateurs de la douleur qui peuvent être d’origine physique ou psychologique.


Ainsi, un même stimulus douloureux, comme par exemple la douleur postopératoire après la pose d’une prothèse totale de hanche, sera ressentie différemment selon les individus et selon le moment.


La rééducation postopératoire sera plus difficile si le traitement antalgique n’est pas adapté individuellement, il n’y a donc pas de traitement standard de la douleur.


Dans ce chapitre, seuls les antalgiques classiques seront principalement traités.


Les traitements antimigraineux sont traités dans un autre chapitre.



Généralités


Différents types de douleurs existent et elles peuvent être classées soit selon leur durée ou selon leur origine.





Physiopathologie







CLASSIFICATION DES MÉDICAMENTS ANTALGIQUES


Ces médicaments sont appelés antalgiques ou analgésiques. Les antalgiques calment ou suppriment la douleur due à une pathologie, alors que les analgésiques suppriment la sensibilité à la douleur. Nous utiliserons ici le terme « antalgique ». On peut également utiliser des co-antalgiques pour combattre la douleur.




Mécanismes d’action



Antalgiques non opioïdes


Ces antalgiques ont principalement une action périphérique au niveau des lésions tissulaires et ont donc été appelés « périphériques » pour cette raison. Ils agissent en inhibant les cyclo-oxygénases et donc la synthèse des prostaglandines. Il en résulte une diminution de la sensibilisation des fibres Aδ et C aux médiateurs algogènes (histamine, sérotonine, bradykinine, H+, K+, etc.).


Toutefois, les antalgiques « périphériques » peuvent aussi avoir une action centrale.


Ainsi, le paracétamol se différencie des autres antalgiques non opioïdes par une meilleure pénétration dans le cerveau, d’où un effet central prédominant :



Le terme d’antalgique « périphérique » doit donc être substitué maintenant par celui d’antalgique non opioïde.


Ces dérivés ont une action antalgique limitée par un effet plafond. Certains d’entre eux possèdent également des propriétés antipyrétiques et anti-inflammatoires.


On distingue dans les antalgiques non opioïdes :




Antalgiques opioïdes


Ces antalgiques ont une action centrale :



Ces antalgiques possèdent également une action périphérique. C’est la raison pour laquelle le terme d’antalgique opioïde est préférable à celui d’antalgique central. Ces antalgiques opioïdes se fixent tous sur les récepteurs opiacés, mais avec des affinités variables selon les produits et les différents types de récepteurs.


Les récepteurs mu seraient responsables de l’analgésie spinale et supraspinale, de l’euphorie, de la dépression respiratoire et des phénomènes de dépendance physique. Les récepteurs κ seraient responsables de l’analgésie spinale, de la sédation et du myosis. Les récepteurs δ seraient responsables de l’analgésie en modulant les effets du récepteur μ. Les récepteurs δ seraient responsables des dysphories et des hallucinations.



Les ligands opioïdes peuvent être séparés en :





Pharmacocinétique



Antalgiques non opioïdes








Antalgiques opioïdes de forte activité



Fentanyl


Résorption. — Par voie transdermique (Durogésic), il n’y a pas d’effet de premier passage hépatique comme par voie orale. La libération du principe actif est progressive sur 72 heures, ce qui permet l’utilisation d’un dispositif tous les trois jours. Par cette voie, le lag time est égal à 2 heures et la concentration plasmatique maximale est obtenue au bout de 24 heures, ce qui nécessite l’adjonction d’un second antalgique lors de la première pose du dispositif. L’intensité de résorption cutanée est très variable (plus ou moins 50 %), selon l’épaisseur de la peau, sa température, les conditions de pose (peau sèche ou humide, rasée ou non, etc.).


Par voie orale transmuqueuse (Actiq), la durée de la dissolution totale du comprimé est de 15 minutes, le délai d’action antalgique est rapide et apparaît au bout de 5 minutes.


Par voie nasale (Instanyl), la biodisponibilité est immédiate, ce qui permet un traitement rapide des accès douloureux paroxystiques chez le cancéreux, cependant cette rapidité d’action fait craindre un détournement de son utilisation.


Métabolisation. — Elle est hépatique et diminue beaucoup chez l’insuffisant hépatique et chez le sujet âgé.


Élimination. — Le temps de demi-vie apparent d’élimination plasmatique après retrait du dispositif transdermique est égal à 12 heures, ce qui limite l’apparition du syndrome de sevrage. Par voie IV, le temps de demi-vie d’élimination plasmatique varie entre 3 et 4 heures.


Par voie transmuqueuse (Actiq), l’élimination est rapide avec une durée d’action antalgique de 2 à 4 heures.




Morphine


Résorption. — Par voie orale, la biodisponibilité est très variable (de 10 à 50 %), en raison d’un fort métabolisme par premier passage hépatique. Les formes à libération prolongée à base de sulfate de morphine entraînent un pic variable obtenu au bout de 2 à 8 heures, selon les spécialités commercialisées. La libération de la morphine est soit continue sur 12 heures (Moscontin LP, Skénan LP), soit sur 24 heures (Kapanol LP), ce qui permet soit une administration biquotidienne (Moscontin LP, Skénan LP), soit quotidienne (Kapanol LP).


Par voie sous-cutanée, la résorption est complète.


Distribution. — La liaison aux protéines plasmatiques varie de 30 à 40 %.


Métabolisation. — La morphine est fortement métabolisée au niveau hépatique en morphine 3-glucuronide inactif, en morphine 6-glucuronide et normorphine actifs.


Élimination. — La morphine 6-glucuronide peut s’accumuler chez l’insuffisant rénal et entraîner une dépression respiratoire. Chez l’insuffisant hépatique, il convient également de diminuer les doses, en raison du déficit du catabolisme de la morphine.


Les formes orales à libération immédiate (Actiskenan, Sevredol, Solution buvable) ont une demi-vie d’élimination courte de 4 heures correspondant à leur durée d’action antalgique.


Le temps de demi-vie plasmatique de la morphine par voies IV, sous-cutanée, varie de 2 à 6 heures, ce qui oblige à des administrations réitérées (4 à 6/j) ou à l’utilisation d’administration continue par pompe.





CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE


Les critères de choix d’un antalgique efficace seront fonction de la nature de la douleur et de l’intensité de la douleur.



Douleurs neurogènes


Les douleurs neuropathiques ne répondent pas ou peu aux antalgiques non opioïdes (AINS, paracétamol). Les opioïdes forts et le tramadol peuvent avoir une efficacité sur les douleurs neuropathiques périphériques notamment diabétique ou post-zostérienne.


Mais les douleurs de désafférentation ou neurogènes sont traitées principalement par :



Cependant, l’efficacité des antidépresseurs et des anticonvulsivants reste toujours limitée.







Douleurs par excès de nociception


Ces douleurs répondent bien aux antalgiques non opioïdes et/ou aux opioïdes. Les anesthésiques locaux, le protoxyde d’azote peuvent être utilisés notamment dans les douleurs aiguës. Dans ce type de douleur, selon l’intensité de la douleur, la stratégie suivra les paliers proposés par l’OMS (tableau 30.6).


Tableau 30.6 Paliers de l’OMS dans le traitement de la douleur selon l’intensité.































Paliers Intensité Critères de choix thérapeutiques
I Faible Antalgique non opioïde de niveau I (paracétamol, salicylés, AINS, floctafénine, néfopam) associé éventuellement à des adjuvants non antalgiques.
II Faible à moyenne Antalgique opioïde d’action faible (niveau II : codéine, dihydrocodéine, tramadol) avec antalgique non opioïde de palier I et éventuellement des adjuvants (lorsque les médicaments du palier I ne sont plus efficaces).
II bis Moyenne Opioïdes agonistes antagonistes (buprenorphine, nalbuphine)
III Forte Antalgique opioïde fort par voie orale associé éventuellement à des antalgiques non opioïdes et à des adjuvants (lorsque les médicaments du palier II ne sont plus efficaces).
III bis Forte Morphine par voie SC ou IV
III ter Forte Morphine par voie péridurale, intrathécale, intracérébro-ventriculaire





Douleurs mixtes neurogènes et par excès de nociception


Dans certaines pathologies, les deux types de douleurs se rencontrent simultanément ou successivement, ce qui rend les traitements difficiles.





OPTIMISATION THÉRAPEUTIQUE



Posologies et plan de prises


Les règles suivantes doivent être respectées :




Antalgiques non opioïdes


Le rythme d’administration dépend de la pharmacocinétique des produits. Pour la plupart des antalgiques non opioïdes, il est de 4 à 6 prises par jour à horaire fixe (aspirine, paracétamol, ibuprofène, kétoprofène, diclofénac). Pour certains d’entre eux (naproxène par exemple), qui possèdent une durée d’action plus longue, le rythme d’administration peut être de 2 prises par jour. Dans ce dernier cas, on peut être amené à doubler la dose de la première prise pour obtenir plus rapidement l’état d’équilibre.



Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 30: TRAITEMENT DE LA DOULEUR

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access