30 Développement embryonnaire humain
I Segmentation
A Division cellulaire de l’embryon
La fécondation marque le début de la période embryonnaire caractérisée, avant que ne se réalise l’implantation, par une succession de divisions mitotiques et l’apparition des premières différenciations. La segmentation correspond au développement embryonnaire à partir du zygote au cours de la première semaine du développement embryonnaire dans la trompe utérine (fig. 30.1). Au cours de cette segmentation, l’embryon reste entouré de la zone pellucide et ses cellules se divisent par mitoses successives en blastomères. Les divisions cellulaires se faisant à volume constant dans l’embryon vont entraîner une diminution progressive de la taille des blastomères.
Au premier jour du développement embryonnaire (J1), la première division cellulaire divise le zygote en deux blastomères de taille à peu près équivalente. Au deuxième jour du développement (J2), la deuxième division cellulaire (stade quatre cellules) est légèrement asynchrone. Elle se traduit par l’existence transitoire d’un stade à trois cellules. Au troisième jour du développement (J3), l’embryon comprend huit blastomères. Au quatrième jour du développement (J4), l’embryon se présente sous la forme d’une masse cellulaire pleine d’une trentaine de cellules, et est appelé morula. À ce stade, des jonctions cellulaires s’établissent entre les blastomères entraînant la compaction de l’embryon (morula compactée). Au stade de la compaction, les limites cellulaires ne sont plus visibles et les cellules ne sont plus identifiables. Au cinquième jour du développement (J5), du liquide commence à s’accumuler à l’intérieur de la morula pour former une cavité appelée blastocèle. À ce moment, l’embryon est au stade de blastocyste toujours entouré de la zone pellucide. Au sein de ce blastocyste, deux types de cellules se différencient : des cellules de type épithélial à la périphérie de l’embryon, à l’origine des cellules trophoblastiques et un ensemble de cellules excentré à l’intérieur de l’embryon à l’origine de la masse cellulaire interne. Durant les premières divisions de segmentation, les cellules de l’embryon sont dites totipotentes. Quand le blastocyste est formé, les cellules de la masse cellulaire interne deviennent pluripotentes et seront à l’origine de la formation des trois feuillets embryonnaires, entoblaste, ectoblaste et mésoblaste.
B Migration de l’embryon dans la trompe
L’embryon va progressivement migrer du tiers externe de la trompe où a eu lieu la fécondation vers la cavité utérine. Cette migration est facilitée par les contractions de la paroi musculaire de la trompe et des cellules ciliées de l’épithélium tubaire. La paroi musculaire de la trompe comporte deux couches de fibres musculaires lisses : une couche musculaire circulaire interne et une couche musculaire longitudinale externe. À partir du 18e jour du cycle menstruel, les contractions de la paroi musculaire de la trompe parcourent toute la trompe jusqu’à la jonction utérotubaire. La contraction des fibres musculaires est sous le contrôle des stéroïdes œstradiol (−) et progestérone (+). Au stade blastocyste, les cellules de la masse cellulaire interne en contact avec le blastocèle forment l’entoblaste, les autres cellules constituent l’ectoblaste. Au cours de cette migration dans la trompe, l’embryon réalise le processus de segmentation et reste entouré de la zone pellucide jusqu’à son arrivée dans la cavité utérine (voir fig. 30.1).
C Structure du blastocyste
Le blastocyste est défini par la présence d’une cavité centrale, le blastocèle, entouré par une assise cellulaire appelée trophoblaste. Les cellules représentant la masse cellulaire interne ne forment au début qu’un quart des cellules du blastocyste. Les cellules du trophoblaste sont impliquées dans l’implantation de l’embryon dans l’endomètre, et la masse cellulaire interne est à l’origine des feuillets embryonnaires (entoblaste, ectoblaste, mésoblaste). Ce sont les cellules du trophoblaste qui établissent le contact avec l’épithélium utérin lors de la phase initiale de l’implantation de l’embryon. Le trophoblaste revêt un aspect très uniforme au début du stade blastocyste. Les caractéristiques principales des cellules du trophoblaste sont leur polarité et leur nature épithéliale. Dès le début de la formation du blastocyste, il est possible de distinguer le trophoblaste polaire, au contact de la masse cellulaire interne, avec des cellules cuboïdales, et le trophoblaste pariétal entourant le blastocèle, avec des cellules plus aplaties. Le trophoblaste est un épithélium continu dont le rôle est d’abord d’isoler le milieu interne embryonnaire, puis d’accroître le volume du blastocèle par des systèmes de transport actif. Pendant la phase libre de migration du blastocyste dans la trompe, tous les échanges materno-embryonnaires passent par le trophoblaste. Les cellules du trophoblaste participeront ensuite à la formation du placenta.
La masse cellulaire interne prend une forme lenticulaire entourée par les cellules du trophoblaste sur sa face externe. Une partie des cellules de la masse cellulaire interne est à l’origine des feuillets embryonnaires. Les cellules de la masse cellulaire interne qui font face au blastocèle sont à l’origine de l’entoblaste et le reste des cellules constitue l’ectoblaste. Les autres cellules de la masse cellulaire interne, ne formant pas l’entoblaste et l’ectoblaste, participent à la formation des annexes embryonnaires (vésicule ombilicale, membrane amniotique, cordon ombilical…).
D Aspects moléculaires du développement embryonnaire pendant la segmentation
1 ARN et protéines
Le début du développement embryonnaire est dépendant des ARN et des protéines d’origine maternelle stockés dans le cytoplasme de l’ovocyte au cours de l’ovogenèse. Ces ARN et protéines maternels vont permettre d’assurer les premières divisions cellulaires des blastomères. La quantité totale d’ARN est beaucoup plus élevée dans le zygote que dans une cellule somatique (15 fois plus qu’un fibroblaste). La plupart des transcrits destinés à devenir des molécules d’ARN messagers porteurs d’informations pour le développement embryonnaire sont polyadénylés (ARN polyA). Ces ARN polyA représentent 10 % environ des ARN du zygote. Ils sont 40 fois plus nombreux que dans une cellule différenciée (fibroblaste). La quantité en ARN polyA du zygote diminue de 50 % dans les 24 heures suivant la fécondation. L’activité de synthèse protéique est importante dès le stade du zygote. Cette activité de synthèse protéique résulte de l’utilisation des transcrits maternels.
2 Génome embryonnaire
Le génome embryonnaire n’est pas encore actif au stade zygote. L’activité du nouveau génome embryonnaire constitué à partir des deux génomes parentaux ne débute qu’à partir du stade 4 à huit blastomères. L’activation génomique de l’embryon va entraîner le début de la transcription embryonnaire (fig. 30.2). Il existe des différences de fonctionnement entre certaines régions des chromosomes paternels et maternels au cours du développement embryonnaire correspondant au processus de l’empreinte parentale. La majorité des gènes s’expriment de façon bi-allélique, mais certains gènes vont s’exprimer physiologiquement de façon mono-allélique en fonction de l’origine maternelle ou paternelle des allèles. Ainsi, pour un gène soumis à l’empreinte parentale, l’allèle d’origine maternelle sera exprimé dans les cellules et l’allèle d’origine paternelle sera inactivé, ou inversement. Ces différences d’expression des allèles de certains gènes soumis à l’empreinte parentale indiquent que les génomes maternel et paternel sont tous deux complémentaires et indispensables au développement complet et normal de l’embryon.
II Implantation
L’implantation est une étape essentielle pour que l’embryon puisse continuer son développement. L’implantation permet à l’embryon d’être relié à l’organisme maternel lui assurant ainsi d’avoir des échanges nutritionnels pour poursuivre son développement. La liaison de l’embryon avec la mère est réalisée par les interactions des cellules trophoblastiques et de l’endomètre, aboutissant à la formation du placenta.
A Site d’implantation
La muqueuse endométriale est constituée d’un épithélium séparé du stroma conjonctif par une membrane basale. L’épithélium utérin est composé de cellules dont la surface est hérissée de microvillosités et de cellules ciliées plus abondantes près des orifices glandulaires. Les cellules à microvillosités ont une intense activité sécrétoire pendant la phase lutéale du cycle menstruel et au début de l’implantation. L’implantation normale se fait au niveau du tiers supérieur ou du tiers moyen de l’utérus. L’implantation du blastocyste débute entre le 20e et le 23e jour du cycle menstruel. L’implantation se déroule en plusieurs phases : éclosion, orientation, apposition, adhésion et invasion (fig. 30.3).
B Phases de l’implantation
1 Éclosion du blastocyste
À son arrivée dans la cavité utérine, le blastocyste est entouré de la zone pellucide. Pour permettre l’interaction entre l’endomètre et les cellules trophoblastiques, l’embryon doit se libérer de sa zone pellucide. Ce processus cellulaire correspond à l’éclosion du blastocyste. L’éclosion du blastocyste va entraîner la rupture de la zone pellucide et la sortie du blastocyste hors de la zone pellucide. Avant l’implantation de l’embryon, l’éclosion du blastocyste en dehors de la zone pellucide se fait grâce à l’action des enzymes protéolytiques du trophoblaste et à la croissance du blastocyste.
2 Orientation du blastocyste
Au moment de l’accolement du blastocyste avec l’épithélium utérin, aucun contact cellulaire n’est observé entre le trophoblaste et l’épithélium utérin. L’orientation du blastocyste au moment de l’implantation n’est pas aléatoire. L’orientation du blastocyste est définie par la position de la masse cellulaire interne. Cette position de la masse cellulaire interne est latérale excentrée.
3 Apposition
Il y a apposition entre les cellules du trophoblaste et l’épithélium utérin. Au début du processus, des proliférations villeuses chorioniques envahissent les canaux glandulaires, immobilisant ainsi l’embryon dans la lumière utérine. À partir de ce stade, des contacts cellulaires étroits s’établissent entre les tissus embryonnaires et utérins.
5 Invasion
À partir du 7e jour du développement embryonnaire, les cellules trophoblastiques ayant traversé l’épithélium utérin forment une couche de cellules polyédriques appelée cytotrophoblaste. Des cellules du cytotrophoblaste fusionnent pour constituer une masse irrégulière plurinucléée appelée syncytiotrophoblaste qui va envahir progressivement l’endomètre et entraîner l’embryon derrière lui. Le syncytiotrophoblaste a une forte activité protéolytique, détruisant et phagocytant les composants de l’endomètre à son contact.
Vers le 9e jour du développement, des lacunes apparaissent dans le syncytiotrophoblaste. Ces lacunes vont progressivement s’agrandir et devenir intercommunicantes. À partir du 10e jour du développement, les lacunes vont se remplir de sang maternel. Les lacunes du syncytiotrophoblaste sont à l’origine de la formation de la chambre intervilleuse où circulera le sang provenant des vaisseaux maternels. Autour de l’embryon, des cellules de l’endomètre se transforment en cellules épithéloïdes déciduales. Cette réaction déciduale s’étend rapidement à l’ensemble de l’endomètre à partir de la zone d’implantation. Une mince couche d’endomètre non modifié persiste au contact du myomètre.
Parallèlement à cette interaction entre les cellules du trophoblaste et les cellules de l’endomètre, l’embryon continue de se développer au niveau de la masse cellulaire interne et du blastocèle. La masse cellulaire interne se différencie en deux feuillets embryonnaires : ectoblaste et entoblaste formant le disque embryonnaire. Au 7e jour du développement embryonnaire, se développe la cavité amniotique au niveau de l’ectoblaste. Le blastocèle est progressivement comblé par des cellules du mésenchyme extra-embryonnaire ayant pour origine le trophoblaste. Ces cellules mésenchymateuses forment un tissu lâche creusé de cavités appelé magma réticulé. À partir du 8e jour du développement embryonnaire, le blastocèle est réduit à une nouvelle cavité, le lécithocèle primaire. Cette cavité est limitée par l’entoblaste en continuité avec une couche de cellules mésenchymateuses appelée membrane de Heuser.
Vers le 12e jour du développement, l’embryon a entièrement pénétré dans l’endomètre. La brèche utérine est fermée par un bouchon fibrineux puis par l’épithélium utérin. Le lécithocèle secondaire va se former par le recouvrement de la membrane de Heuser par les cellules de l’entoblaste.
Les lacunes du magma réticulé confluent pour former le cœlome externe. Le cœlome externe va être tapissé par les cellules du mésenchyme extra-embryonnaire qui vont former la lame choriale sur la partie interne du cytotrophoblaste, la splanchnopleure autour de l’entoblaste du lécithocèle et la somatopleure sur la face externe de la cavité amniotique. L’association du mésenchyme de la lame choriale, du cytotrophoblaste et du syncytiotrophoblaste forme le chorion.
Le disque embryonnaire est rattaché au chorion par des cellules mésenchymateuses formant le pédicule embryonnaire qui sera à l’origine du cordon ombilical.
À la fin de l’implantation, au 14e jour du développement, l’embryon didermique, formé de deux feuillets (entoblaste et ectoblaste), est associé à trois cavités : la cavité amniotique, le lécithocèle secondaire et le cœlome externe. L’embryon est relié au trophoblaste par le pédicule embryonnaire. Le pédicule embryonnaire bascule au niveau de la position ventrale de l’embryon. Une partie du lécithocèle va s’invaginer dans le pédicule embryonnaire pour former le diverticule allantoïdien.