Chapitre 3 Principaux et axes angles utiles en topographie cornéenne
Les définitions précises des axes oculaires sont généralement jugées complexes et de peu d’importance pratique par le clinicien. Ils forment entre eux divers angles remarquables qu’il est toutefois important de connaître car il y est souvent fait référence dans les travaux de recherche clinique, et la description de procédures instrumentales à visée topographique. La littérature consacrée à ce sujet est essentiellement anglo-saxonne, et les termes utilisés dans la langue de Molière sont souvent « francisés » à partir des dénominations anglaises de référence, qui seront ainsi rappelées au besoin.
Axe kératométrique
L’analyse de l’image réfléchie par la surface antérieure de la cornée du disque de Placido permet généralement de repérer la localisation du centre des mires concentrique (désigné comme le reflet central). L’image du reflet est capturée par une caméra qui est coaxiale avec la mire de Placido. Cette image réfléchie et virtuelle est située à 4 mm environ en arrière du vertex et correspond à la première image de Purkinje, dont la localisation dépend de l’orientation du dôme cornéen vis-à-vis du topographe, et donc de la position et de l’angulation globale de la cornée vis-à-vis de la coupole portant le motif de Placido (cette angulation est proportionnelle à l’angle kappa défini plus loin) [1] (Fig. 3.1).
Le point correspondant au reflet du centre des mires de Placido est appelé « reflet cornéen coaxial » (coaxially sighted corneal reflex). Il est facile à visualiser lors de l’examen vidéokératoscopique. Il permet de définir l’axe kératométrique, qui relie le centre des mires (avec lequel la caméra est coaxiale) et le centre de courbure local de la cornée, et contient la droite normale (perpendiculaire) à la surface de la cornée au point d’intersection. Il ne correspond pas à un quelconque axe optique oculaire puisque produit par un simple phénomène de réflexion lumineuse. En plus de changer selon la stratégie de fixation du patient, la position du reflet varie avec la distance (infinie ou rapprochée) de la mire de fixation utilisée pendant la mesure topographique. L’axe de cette mire de fixation (symbolisée par exemple par une maison ou une montgolfière au bout d’un chemin) est généralement confondu avec le centre de la mire de Placido : c’est le cas pour la majorité des topographes simples. Elle est le plus souvent virtuelle et située à l’infini, comme avec la plupart des instruments combinant topographe et aberromètre. De ce fait, les mouvements de translation de l’instrument effectués par l’utilisateur ne sollicitent pas la rotation du globe oculaire du patient (les rayons lumineux issus du point de fixation demeurent parallèles).
Contrairement à une idée fausse, l’image du reflet central ne correspond pas à l’emplacement d’un « axe visuel » quelconque mais permet simplement de définir l’axe kératométrique, qui relie le point utilisé comme mire de fixation, et le centre de courbure local de la cornée. L’intersection de cet axe avec la cornée correspond au vertex cornéen, dont la localisation varie donc avec les conditions de mesures (Fig. 3.2 a et b). Ainsi, il n’y a pas de vertex « unique », et le vertex d’une mesure n’est pas forcément confondu avec l’apex (défini comme le point de courbure maximale). Le vertex varie chez un même patient selon que le topographe utilisé utilise une mire optiquement située à l’infini (œil en position de fixation primaire) ou rapprochée (œil en rotation pour maintenir l’image de la cible sur la fovéa).
En topographie spéculaire, le vertex sert généralement de point de centrage pour les cartes de courbure. Précisons que le centre utilisé pour la représentation en topographie d’élévation est différent : c’est le centre géométrique de l’ensemble des points mesurés de la surface cornéenne, également appelé « centroïde ».
Axe visuel, ligne de visée, axe pupillaire, angle kappa
Axe visuel, ligne de visée, axe pupillaire, Quand le patient fixe une cible lumineuse ponctuelle (par exemple une cible optiquement située à l’infini au centre d’une mire de Placido), il en forme une image sur la fovéa, grâce à l’ensemble des rayons réfractés par la zone optique fonctionnelle de la cornée et propagés au travers de la pupille irienne. On peut tracer virtuellement une ligne qui relie la cible avec le centre de la pupille d’entrée : cette ligne est dénommée line of sight dans la littérature optométrique anglo-saxonne, terme que l’on pourrait traduire en français par « ligne de visée » (expression toutefois peu usitée en pratique, au profit de son équivalent anglais). Cette ligne matérialise le rayon principal (chief ray) émis par la cible fixée, et dirigé vers le centre de la pupille d’entrée. Le point d’intersection de cette ligne avec la surface antérieure de la cornée est dénommé corneal sighting center ou coaxially sighted entrance pupil center (littéralement « centre de visée dans le plan cornéen » et « centre de la pupille coaxial dans le plan cornéen »). Ce point n’est ni confondu avec le centre géométrique de la cornée, ni avec l’apex cornéen. Sa détermination n’est pas aisée en clinique [1, 2]. Il correspond au centre de la zone optique cornéenne fonctionnelle (zone contenant les rayons lumineux réfractés par la cornée et qui contribuent à la formation de l’image fovéale). Il doit être distingué du point d’intersection entre la cornée et l’axe visuel.
Le déplacement du reflet du point de fixation avec le regard peut également servir à définir un autre axe important : l’axe pupillaire. L’axe pupillaire relie le centre de la pupille et le vertex correspondant, c’est-à-dire le point où la tangente à la surface cornéenne lui est perpendiculaire. Pour repérer l’intersection de la cornée avec l’axe pupillaire, il faut déplacer la cible de fixation, jusqu’à ce que ce que son reflet apparaisse pour un observateur (coaxial avec ce point) comme confondu avec le centre de la pupille. Lors d’un examen vidéotopographique, si le reflet du centre des mires de Placido est confondu avec le centre de la pupille, alors l’axe kératométrique et l’axe pupillaire sont confondus.
Le lecteur est en droit de s’interroger sur le pourquoi du choix de l’axe pupillaire comme axe principal de référence pour définir les angles visuels. Dans un système optique centré et symétrique muni de plusieurs lentilles, comme un objectif photographique, la ligne qui relie le centre du diaphragme avec le point central de la lentille frontale où la tangente en ce point lui est perpendiculaire, est confondue avec l’axe optique (Fig. 3.3). Il n’y a donc pas de déviation angulaire entre l’axe optique et les axes de symétrie des surfaces réfractives. L’œil est un système optique dont les dioptres ne sont pas alignés, ce qui fait que l’on peut définir différents axes qui ne sont pas confondus et forment entre eux certains angles. L’axe pupillaire permet de définir certains de ces angles utiles à l’analyse de la position de l’œil au cours de la fixation, dont le plus important en clinique est l’angle kappa (Fig. 3.4).