Chapitre 3. L’oxygène
sa place en physiologie respiratoire et son rôle thérapeutique
Frédéric Duprez and Fabrice Duplaquet
PLAN DU CHAPITRE
Introduction
Généralités
Le cri du nouveau-né est une source de joie pour les parents. Il marque le début de la respiration, ce processus complexe qui se poursuivra sa vie durant au rythme de 16 fois par minute au repos, 1000 fois par heure. Quoi qu’il arrive, la respiration ne pourra être interrompue plus de 5min sans conséquence dramatique sur les fonctions organiques. L’asphyxie peut occasionner des lésions irréversibles aux organes et la mort en résultera après épuisement des très faibles réserves tissulaires en O2.
L’organisation de plus en plus complexe des êtres vivants au fur et à mesure de l’évolution phylogénétique a conduit les organismes vivants de la cellule unique, les êtres unicellulaires, aux formes vivantes composées de quelques cellules à plusieurs milliards de cellules, les organismes pluricellulaires [1]. Cela n’a été rendu possible que par l’adaptation du système permettant le transport de l’O2 du milieu ambiant vers des cellules de plus en plus éloignées de l’air atmosphérique par la croissance des organismes vivants dans et ensuite hors des océans. L’appareil respiratoire est donc une réponse au challenge qu’a représenté l’évolution des organismes passant de la cellule unique aux êtres complexes.
Évolution
Alors qu’initialement, l’O2 n’avait qu’à traverser par diffusion une membrane pour se retrouver dans le cytoplasme où les mitochondries baignent au contact des éléments lui permettant de produire l’énergie nécessaire au maintien de la vie, l’association en organisme pluricellulaire avec l’apparition des tissus spécifiques rendra ce mode d’apport incompatible avec l’oxygénation tissulaire adéquate. Les réponses initiales que la nature a inventées sont les appareils respiratoires des êtres vivants. En milieu aquatique, les poissons ont développé les branchies permettant à l’O2 dissout dans l’eau de passer directement dans le système circulatoire au travers d’une membrane semi-perméable sans passer par un arbre respiratoire. Pour aboutir aux systèmes respiratoires composés de conduits où circule l’air et de sacs alvéolaires où se fait l’échange gazeux, les amphibiens ont vu une partie de leur système digestif changer de fonction et se spécialiser dans le transport et le transfert des gaz atmosphériques vers le sang. Cette évolution a donc rendu possible l’apparition des êtres vivants uniquement terrestres dont l’être humain est l’un des représentants.
Le rôle de l’oxygène
Le rôle de l’O2 est fondamental pour la vie. En effet, le maintien de la vie nécessite de l’énergie. La plupart des animaux sont hétérotrophes, ils ne peuvent trouver cette énergie que dans les matières organiques issues des végétaux et autres animaux qu’ils mangent. Cette énergie est produite par oxydation et l’O2 indispensable à ce processus chimique se trouve dans l’air atmosphérique. La molécule d’O2, composée de deux atomes (O2), participe à la voie principale de production de l’adénosine triphosphate (ATP) par oxydation des composés de l’alimentation (les acides gras, les hydrates de carbone et dans une moindre mesure les protéines). Bien que d’autres voies de production d’ATP existent – les voies anaérobies, plus rapidement mises en route que la voie aérobie – elles ne permettent de maintenir un niveau énergétique suffisant au fonctionnement cellulaire que durant quelques secondes. Au terme de cette courte période, l’apport en O2 est indispensable à la survie cellulaire.
Définitions
Respiration
Il faut distinguer la respiration, mot issu du latin spirare, verbe à l’origine de « respirer », « aspirer », « inspirer », « expirer » qui ont tous une connotation double, physiologique et spirituelle (spiritus), de la ventilation qui est l’ensemble des mécanismes permettant l’oxygénation tissulaire [2]. Cette idée de souffle qui transmet l’esprit est commune à de nombreuses cultures. Ces termes se retrouvent dans le vocabulaire sous des formes connues de tous, telles « le dernier souffle », « aspirer à une vie meilleure », « expirer dans un dernier souffle », « inspirer un auteur », « le souffle de l’esprit saint »…
La respiration dépasse largement le simple fait physiologique qui regroupe l’ensemble des mécanismes mis à disposition de l’organisme pour alimenter les cellules en énergie. Cette définition est celle de la « ventilation ».
Hypoxie et hypoxémie
Le manque d’O2 dans le sang circulant est appelé hypoxémie et est estimé couramment par la PaO2 et la saturation en O2, alors que le manque d’O2 au niveau tissulaire est appelé hypoxie tissulaire et provient d’un déséquilibre entre l’apport et le besoin local à un moment donné. De cette balance dépend le bon fonctionnement des tissus vivants et donc le bon fonctionnement des organes dont ils sont les unités fonctionnelles. L’inadéquation entre la demande et l’apport en O2 peut conduire à une anoxie qui, en cas de crise sévère prolongée, risque de mener au syndrome de défaillance multiviscérale.
Dyspnée
La dyspnée est une sensation subjective dont l’étymologie grecque donne la définition : dus, « difficulté » et pnoia, « respiration ».
La dyspnée est un terme utilisé pour caractériser une expérience subjective d’inconfort respiratoire qui consiste en sensations qualitativement distinctes qui varient en intensité [3]. Cette expérience découle d’interactions entre de multiples facteurs tels les facteurs physiologiques, physiopathologiques, psychologiques, sociaux, environnementaux, et qui peut induire une réaction secondaire physiologique et comportementale.
Autrement dit, la dyspnée est une sensation exprimée par un individu ressentant une impression d’inconfort respiratoire au sens large dont l’aspect subjectif est dominant. Ce symptôme ne peut être décrit qu’au travers de la verbalisation par le patient qui en fait l’expérience. Nous parlerons donc de « sensation de dyspnée ».
La PO2 et la PCO2
L’air est composé de plusieurs gaz dont chacun exerce une énergie cinétique qui, toutes additionnées, donnent la pression (PB) exercée sur les parois du récipient qui le contient (loi de Dalton). La pression que chacun de ces gaz exerce est appelée pression partielle.
Les pressions partielles peuvent être mesurées dans un échantillon de sang artériel (PaO2) ou de sang veineux (PvO2).
Ventilation
La ventilation est l’ensemble des mécanismes conduisant à la création d’un flux d’air dans les voies aériennes suivant les cycles inspiratoires et expiratoires.
L’activité motrice respiratoire a pour point de départ les neurones médullaires qui, par les voies efférentes, stimulent les muscles respiratoires qui lors de leur contraction distendent la paroi du thorax. En augmentant le volume des poumons, cet étirement génère une différence de pression entre la bouche ou le nez et les alvéoles, ce qui crée un flux d’air entrant. La ventilation régule les concentrations sériques et tissulaires en ions O2, CO2 et hydrogènes (H+). Les chémorécepteurs vasculaires et cérébraux ainsi que les mécanorécepteurs des voies respiratoires, du poumon et de la paroi thoracique sont impliqués dans une régulation automatique de l’amplitude et de la fréquence respiratoire (FR). La combinaison de ces deux paramètres ventilatoires détermine le « pattern » respiratoire. Les variations de PO2 et de PCO2 sont détectées par les chémorécepteurs qui transmettent l’information au centre respiratoire. Celui-ci ajuste les contractions musculaires dans le but de maintenir les gaz sanguins et l’homéostasie acidobasique. Les impulsions afférentes venant des récepteurs du nerf vague situé au niveau des voies respiratoires et du poumon viennent aussi influencer la respiration.
La structure anatomique des voies aériennes supérieures et inférieures est décrite au chapitre 1. Les poumons doivent être vu comme deux grands sacs en éponge humide dont le but est de piéger l’air ambiant et le sang désoxygéné afin d’y favoriser les échanges gazeux indispensables au bon fonctionnement des organes tant par l’apport d’O2 que par l’élimination du CO2. À l’instar de l’éponge, ils doivent posséder deux propriétés : élasticité et absorption. Le mécanisme de la pompe respiratoire peut être compris par les quatre notions suivantes.
Les muscles respiratoires
La contraction des muscles respiratoires produit la ventilation. La contraction du diaphragme crée un élargissement du diamètre thoracique inférieur, ce qui entraîne une pression intrathoracique négative entre la bouche (en cas de respiration buccale) ou le nez (en cas de respiration nasale) et les alvéoles. Ce gradient de pression négatif génère une entrée d’air en direction des alvéoles, c’est l’inspiration. L’expiration est habituellement passive, due au retour élastique à l’état neutre en chassant l’air des alvéoles vers l’extérieur, et se fait donc sans aide musculaire, ce qui permet à ce cycle perpétuel de ne consommer que 5 % de la consommation totale en O2.
À l’effort ou lors de pathologies obstructives ou restrictives, cet effort est plus important ; l’inspiration demande l’aide des muscles accessoires et l’expiration peut devenir active par contraction musculaire afin d’éliminer plus vite l’air des poumons, souvent contre une résistance accrue des voies aériennes supérieures en condition pathologique, tel un trouble ventilatoire obstructif. Cela revient à respirer au travers d’une paille à cocktail, essayez.
L’élasticité du poumon et de la paroi thoracique
Le poumon et la paroi thoracique sont déformables et surtout, ils ont la capacité de retrouver leurs formes initiales quand la force appliquée cesse. Les propriétés élastiques du système respiratoire sont indispensables au fonctionnement à moindre frais énergétique de la ventilation. L’application de la force musculaire pour détendre un élastique est fonction de ses propriétés élastiques. Tendez des élastiques de différentes tailles entre vos mains pour tester cette propriété et les variations de force musculaire requises.
Schématiquement, l’élasticité du système respiratoire dans son ensemble est la somme des résistances de part et d’autre de l’espace pleural, c’est-à-dire le poumon et la plèvre viscérale d’une part, la paroi thoracique et la plèvre pariétale d’autre part.
L’élasticité pulmonaire ou la compliance pulmonaire
Cette propriété est due à l’architecture spatiale des fibres de collagène et d’élastase [4].
L’élastance est la constante qui donne la grandeur de l’élasticité.
La compliance statique est la variation de volume du poumon pour une variation de pression d’une unité.
La compliance dynamique est la variation de volume du poumon pour une variation de pression d’une unité, mais en tenant compte des variations du volume pulmonaire.
Il faut retenir que plus l’élastance est grande, plus la compliance est basse, plus la force à appliquer pour étendre le poumon doit être grande et donc plus le muscle doit travailler et plus la fatigue sera grande.
La compliance statique mesure la capacité de distension du poumon et la compliance dynamique tient compte de l’augmentation des forces à appliquer pour étendre un tissu élastique déjà partiellement tendu.
En l’absence de force appliquée, c’est-à-dire en l’absence de contraction des muscles respiratoires, le poumon se trouve à la « capacité résiduelle fonctionnelle ».
L’élasticité de la paroi thoracique
La paroi thoracique est composée de la plèvre pariétale, des os et des muscles intercostaux. La compliance de la paroi thoracique est principalement fonction de l’élastance pleurale et des articulations costodiaphragmatiques et costo-vertébrales. Les troubles de la statique rachidienne, scoliose dorsale, cyphose et cyphoscoliose sont importants à diagnostiquer étant donné leur forte implication dans la compliance et le volume total de la cage thoracique. Avec le vieillissement, la fusion des cartilages chrondrocostaux augmente aussi la rigidité thoracique.
La résistance des voies aériennes
Le débit d’air au travers des voies aériennes est déterminé par la pression motrice, à savoir la différence entre la pression à l’entrée externe du système et la pression alvéolaire, et par la résistance des voies aériennes, c’est-à-dire le frottement de l’air sur les parois. À l’état normal, cette résistance varie selon l’endroit de l’arbre trachéobronchique où elle est mesurée. Le passage nasal peut représenter jusqu’à 50 % de la résistance totale, la bouche 25 % au repos mais 50 % à l’effort. En revanche, les bronches de plus petit calibre n’offrent plus qu’une résistance moyenne de moins de 20 % de la résistance globale chez un patient sans trouble ventilatoire obstructif.
La distribution de la ventilation
Les régions qui peuvent échanger l’O2 et le CO2 débutent au niveau des bronchioles respiratoires et se terminent au niveau des alvéoles [5]. Seule une partie de l’air inspiré arrive au niveau des zones d’échange gazeux et participe à l’hématose : c’est la ventilation alvéolaire. Le solde reste au niveau des voies aériennes conductrices, c’est l’espace mort. Cet air sera expiré sans avoir pu participer aux échanges gazeux. La quantité d’air inspiré, le volume courant (VT), est mesurée arbitrairement par minute et donne alors la ventilation minute (VT multiplié par la FR), estimée chez la personne normale entre 5 et 8l au repos. L’espace mort décrit ci-dessus est dit « anatomique » et peut se voir additionner en pathologie respiratoire un espace inutilisé par les échanges gazeux. Lors d’une ventilation par intubation ou lors d’une pathologie comme l’emphysème par exemple, l’espace mort augmente. Il est alors appelé espace mort « physiologique ». Cet espace mort a un retentissement sur le travail respiratoire nécessaire pour assurer une oxygénation adéquate. Le calcul du rapport de l’espace mort physiologique sur le volume courant () reflète cette répercussion clinique. Au terme d’une démonstration algébrique simple, ce rapport peut être exprimé en fonction du rapport des PCO2 alvéolaires et artérielles, c’est l’équation de Bohr : le rapport de l’espace mort au VT est égal à la différence entre la PCO2 alvéolaire et la PCO2 artérielle divisée par la PCO2 alvéolaire. En utilisant une approximation qui est que la PCO2 alvéolaire soit proche de la PCO2 artérielle, le calcul de l’espace mort est simplifié.
Le but de la ventilation est donc de maintenir le taux d’O2 alvéolaire élevé et le taux de CO2 alvéolaire bas. Cela maintient un gradient transmembranaire favorable à la diffusion.
Diffusion
Lorsque la ventilation a atteint son objectif qui est, rappelons-le, d’amener l’air atmosphérique contenant l’O2 dans l’alvéole, l’échange gazeux entre le milieu extérieur et le milieu intérieur est possible. L’alvéole est délimitée par l’interface anatomique entre le milieu extérieur et le milieu intérieur ; l’échange se fera au travers de la membrane alvéolocapillaire. Le passage de l’O2 alvéolaire suit le chemin inverse du gaz carbonique capillaire [6]. Cet échange entre gaz alvéolaires et gaz capillaires veineux se fait de manière entièrement passive : c’est la diffusion.
Ce mécanisme de transfert transmembranaire est expliqué par le gradient alvéolocapillaire qui permet le passage du compartiment à haute concentration moléculaire vers le compartiment à basse concentration au travers d’une membrane semi-perméable.
L’air atmosphérique que nous inhalons est composé de 21 % d’O2 et 79 % de N2, soit une concentration fractionnaire en O2 (FiO2) de 0,21. L’énergie cinétique d’un gaz génère une pression partielle en ce gaz (par exemple PO2 et PCO2). Selon la loi de Fick, la vitesse de transfert d’un gaz au travers d’une membrane (VG) est directement proportionnelle à la différence de pression du gaz de part et d’autre de la membrane et à une constante de diffusion spécifique à la membrane (DM) selon l’équation :
Si nous l’appliquons au poumon tout entier, le terme « DM » est remplacé par « DL », la capacité de diffusion pulmonaire.
Cette diffusion pulmonaire peut être mesurée en clinique par trois méthodes utilisant les propriétés spécifiques du CO (capacité de diffusion pulmonaire du CO [DLCO]). En effet, le CO se lie avec une très grande avidité à l’hémoglobine, mais de manière réversible, sans modifier le gradient alvéolocapillaire (P1 – P2), car la quantité de CO dissout est faible au niveau des capillaires. Cela explique que le passage du CO est donc indépendant des paramètres circulatoires mais bien entièrement dépendant de la seule capacité de diffusion au travers de la membrane. En effet, pour l’O2, l’affinité pour l’hémoglobine étant moins grande, les molécules d’O2 présentes dans le sang capillaire sous forme dissoute se retrouvent en grande quantité dans le capillaire avant de se fixer à un moyen de transport. Ce gaz dissout va faire augmenter la PaO2 capillaire et donc égaliser P1 et P2. Contrairement au CO, la diffusion de l’O2 dépend donc de deux facteurs, la diffusion mais aussi la quantité de sang présente dans le capillaire qui lui-même dépend du système vasculaire. Or, seule nous intéresse dans la mesure clinique la diffusion isolée. Dans certaines conditions pathologiques, cette diffusion peut être modifiée (tableau 3.1).
Facteurs diminuant la diffusion | Conditions pathologiques |
---|---|
Augmentation de l’épaisseur de la membrane | Fibrose |
Diminution du gradient alvéolocapillaire | Bronchospasme |
Diminution de la surface d’échange | Emphysème |
Hémoglobine
L’O2 est une molécule présente à l’état gazeux dans l’atmosphère terrestre où elle représente 21 % de l’air que nous respirons dans les conditions atmosphériques actuelles du niveau de la mer. Parvenu dans les alvéoles après transport via les voies respiratoires supérieures et inférieures, l’O2 doit encore traverser la membrane avant de se retrouver dans le sang. Une fois parvenu dans le système circulatoire, l’O2 est transporté sous forme dissoute et sous forme combinée à une protéine appelée hémoglobine contenue dans le globule rouge ou hématie. Ces deux formes de transport sont qualitativement et quantitativement d’importance très différente. La forme principale est celle liée à cette protéine complexe qu’est l’hémoglobine. Chacune des quatre chaînes polypeptidiques qui la composent peut fixer une molécule d’hème qui, grâce à un ion ferreux (Fe++), présente deux valences dont une valence se fixe à la globine et l’autre à une molécule d’O2, soit au total quatre molécules d’O2 par molécule d’hémoglobine. La propriété fondamentale de la liaison hémoglobine-O2 (oxyhémoglobine) est sa réversibilité. En effet, après avoir capté les quatre molécules d’O2 au niveau du poumon dans la circulation artérielle, l’oxyhémoglobine doit pouvoir la libérer au niveau tissulaire périphérique et repartir vers le poumon via le système circulatoire veineux. Cette propriété est visualisable sur un graphique mettant en relation la saturation de l’hémoglobine en O2 () exprimée en pourcents et la PO2. La forme sigmoïde (figure 3.1) de cette relation exprime la variation d’affinité entre les deux composantes du système transporteurtransporté qui est haute dans les conditions rencontrées au niveau pulmonaire, permettant la fixation de l’O2 par les molécules d’hémoglobine après que l’O2 ait traversé la membrane grâce au gradient alvéolocapillaire, et faible au niveau tissulaire périphérique, permettant la libération de la molécule d’O2 qui doit alors traverser la membrane et entrer dans les cellules pour y accomplir son rôle.
Figure 3.1 |
Circulation
Les voies respiratoires servent au passage de l’air chargé de l’O2 présent dans l’atmosphère vers les alvéoles et inversement, au passage d’air chargé de CO2 des alvéoles vers l’atmosphère. Dans l’alvéole, le gradient alvéolocapillaire permet le passage vers la circulation sanguine [7]. Les capillaires artériels se rassemblent en un confluent de plus gros calibre et de plus gros débit, telles les rivières de nos Ardennes. Les conditions circulatoires locales sont variables en fonction de l’état de la pompe cardiaque (centrale) et des facteurs de vasodilatation (périphériques).
Comme nous l’avons décrit plus haut, la mécanique respiratoire sert à amener l’air au contact de la membrane alvéolocapillaire. Le système vasculaire pulmonaire, quant à lui, sert dans un premier temps à amener par le ventricule droit le sang désoxygéné (veineux) au contact de cette membrane et ensuite à amener le sang réoxygéné (artériel) au système circulatoire périphérique par le ventricule gauche afin que celui-ci le distribue aux tissus. De là, ce système périphérique sert à ramener aux alvéoles pulmonaires le sang désoxygéné via l’oreillette droite et le ventricule droit, la boucle étant bouclée.
Fonctionnellement et anatomiquement, le système circulatoire pulmonaire est différencié du système circulatoire périphérique. Le premier permet l’oxygénation du sang et l’élimination du CO2 au niveau de l’interface milieu ambiant/milieu interne qu’est la membrane alvéolocapillaire, alors que le deuxième permet d’amener l’O2 aux tissus et de capter le CO2 produit par le métabolisme cellulaire.
La distribution régionale du débit cardiaque assure des apports en O2 au niveau des organes, et cela en fonction des besoins immédiats. Ces besoins étant variables selon l’importance de la consommation énergétique de l’organe, cette distribution s’adapte aux conditions du moment afin d’éviter les hypoxies, ce qui peut aller jusqu’à l’arrêt momentané, réversible, ou définitif, irréversible, de la fonction organique. Ces mécanismes de protection favorisent certains organes, le cerveau, les reins, le myocarde, qui en cas d’hypoxie sévère et/ou prolongée ne peuvent plus assurer leurs fonctions, ce qui est incompatible avec la vie de l’organisme qui les abrite.
L’étude des mécanismes de distribution du débit cardiaque relève des cours de cardiologie pour ce qui est de l’adaptation en fréquence cardiaque (effet chronotrope) et en force de pompage (effet inotrope). Néanmoins, il faut relever les mécanismes locaux de vasodilatation et de vaso-constriction entraînant une distribution hétérogène du sang circulant.
Les échanges gazeux sang–tissus
L’oxygénation tissulaire et l’élimination du CO2 sont les dernières étapes du transport d’O2 des alvéoles vers la cellule. L’autre rôle majeur des échanges gazeux est l’homéostasie acidobasique.
L’homéostasie acidobasique
La concentration en ions hydrogènes libres (H+) dans le sang doit rester dans des limites strictes pour permettre les activités métaboliques indispensables au maintien de la vie. Le pH sanguin est un reflet chiffré de l’acidité qui évolue inversement à la quantité d’ions H+, car il s’agit d’un logarithme négatif. Plus il y a d’ions H+, plus le milieu est acide et plus le pH est bas. Le maintien du taux d’acidité (pH) de l’organisme est assuré par les systèmes tampons, les reins et les poumons.
Les systèmes tampons
Le système bicarbonate-CO2 intervient en continu pour maintenir le pH entre 7,35 et 7,45. En réagissant avec les ions H+ libres, ce système bicarbonate-CO2 produit du H2CO3 en les combinant avec du HCO3− et du CO2 :
Cette équation illustre l’équilibre entre les différentes molécules et montre, ce qui nous intéresse dans le cadre de ce chapitre, l’implication du CO2 dans la régulation du pH sanguin.
Le rôle de la ventilation dans l’équilibre acidobasique
L’élimination en dehors de l’organisme des ions H+ doit se faire au fur et à mesure de leur production par le métabolisme cellulaire afin de maintenir un pH dans la norme de 7,35 à 7,45. Les deux organes impliqués sont les reins et les poumons. L’élimination rénale en acides est d’environ 40 à 80mEq/j alors que l’élimination pulmonaire en acide carbonique est de 13 000mEq/j. Le poumon est le seul organe capable de s’adapter immédiatement à un apport important en ions H+ libres dans l’organisme. En augmentant l’élimination du CO2, la ventilation va entraîner un déplacement de l’équation vers la droite en pompant les ions H+ libres vers la formation de H2CO3 et donc en maintenant le pH sanguin. Cette adaptation ventilatoire se marque par une variation de la ventilation minute et une variation de la PaCO2 [8].