3: LA VALIDATION D’ORDONNANCE

CHAPITRE 3 LA VALIDATION D’ORDONNANCE






INTRODUCTION


Analyse pharmaceutique ? Validation ? Contrôle d’ordonnance ? Soins pharmaceutiques ?


L’analyse pharmaceutique, terme plus global que le terme pharmacologique est retenu dans les textes réglementaires car il suppose la prise en compte des données pharmacocinétiques, chimiques, toxicologiques, galéniques et cliniques (figure 3.1).



La validation est une opération destinée à démontrer, documents à l’appui, qu’une procédure, un procédé ou une activité conduit effectivement aux résultats escomptés.


Une ordonnance est une procédure qui définit une stratégie thérapeutique et qui doit conduire à des résultats, ceux de prévenir de soulager et de guérir (PSG). Valider une ordonnance reste le cœur du métier du pharmacien ; à ce niveau, validation sous-entend vérification que l’ordonnance est conforme à un certain nombre d’éléments réglementaires, scientifiques et ou techniques et est adaptée au patient à qui elle s’adresse.


Cet exercice intellectuel qui précède la dispensation doit représenter pour le patient une sécurité complémentaire et pour le médecin une garantie que son acte de prescription a été validé et que les risques ont été analysés. Ce terme de validation est préférable au terme de contrôle ; ce dernier terme étant mal perçu à juste raison au travers de la connotation douanière, fiscale et policière que ce terme rappelle aux citoyens en général et pour l’ordonnance aux médecins prescripteurs en particulier.


Quant au concept du « soin pharmaceutique « (voir les chapitres sur les soins pharmaceutiques) qui nous vient d’Amérique du Nord (pharmaceutical care), il sous-entend que le patient doit être considéré dans sa globalité avec son traitement médicamenteux1. Ce terme n’a pas été retenu par l’association des enseignants de pharmacie clinique. L’Europe l’a retenu. Nous pourrions le traduire par « la prise en charge pharmaceutique globale du patient «. Il s’agit effectivement de s’intéresser en particulier aux relations que le patient entretient avec ses médicaments. Un médicament ne sert à rien s’il n’est pas pris ou s’il n’est pas bien pris. Beaucoup d’éléments sont à prendre en compte à ce niveau et à intégrer à un concept plus classique de validation d’ordonnance.


Ce dernier concept étant traité par ailleurs dans ce livre, nous emploierons soit analyse pharmaceutique soit validation pharmaceutique, ce dernier terme ayant notre préférence.



UN CONTEXTE D’ÉVOLUTION POUR LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES


Toute profession doit s’adapter à l’évolution technique, réglementaire, politique, économique. La profession de pharmacien doit saisir dans un contexte économique et juridique difficile les opportunités de réussir une mutation2.


Cinq éléments ont déjà et vont plus particulièrement influencer les évolutions.



–  La loi HPST3 (Hôpital Patient Santé, Territoire) dans son esprit cherche à simplifier le parcours du patient dans les méandres des professionnels de la santé en encourageant ces derniers à plus de solidarité et de collaboration.


–  L’augmentation du nombre de plaintes lorsque des défaillances professionnelles sont ou non constatées4.


–  La généralisation de la contractualisation entre les payeurs et les professionnels de santé sur des objectifs sécuritaires et économiques et qui sont différents pour l’officine5,6 et l’hôpital7. Les pharmaciens d’officine étant poussés vers un « devoir « de substitution avec les médicaments génériques ; les pharmaciens hospitaliers moins concernés par la substitution car impliqués depuis des années dans les marchés en utilisant la dénomination commune internationale (DCI).


–  L’avènement du Dossier pharmaceutique partagé (DPP)8 de nature à faire évoluer également les pratiques professionnelles (aide à la prévention de l’iatrogenèse médicamenteuse et amélioration des alertes). Il faut espérer que ce DPP sera adossé au dossier médical personnel (DMP), afin de permettre aux pharmaciens et aux médecins d’accéder à des informations utiles pour eux.


–  L’abondance de textes qui encourage les professionnels de santé à sécuriser le circuit du médicament à l’hôpital.



LA VALIDATION D’ORDONNANCE


La validation de l’ordonnance comprend en fait quatre étapes.



–  L’étape juridique et réglementaire qui consiste à vérifier l’identité du prescripteur, parfois sa spécialité (pour des médicaments à prescription restreinte), la durée de prescription. Ces éléments de routine consistent également à prévenir et lutter contre des abus et la falsification d’ordonnances. De plus, les règles de dispensation sont décrites dans le code de la santé publique pour les médicaments inscrits sur les différentes listes et pour les médicaments classés comme stupéfiants et ceux de prescription restreinte (nous les reverrons plus loin). Cette partie réglementaire ne sera pas abordée à ce niveau, elle concerne plus les enseignants de droit pharmaceutique. Elle doit être prise en compte dans la pratique professionnelle quotidienne.


–  La deuxième étape est centrée sur la connaissance du patient dans la relation que ce dernier entretient avec sa maladie et son traitement médicamenteux en général ou avec un ou ses médicaments en particulier. Cette étape reste prépondérante et insuffisamment enseignée (sciences comportementales). Peut-on valider une ordonnance en se privant de la connaissance du patient ? Non, et en cela, nous nous inscrivons dans la démarche du « pharmaceutical care «, c’est-à-dire de la prise en charge globale du patient. C’est cet état d’esprit qu’il conviendra de garder tout au long de ce chapitre. Si les médicaments ne sont pas pris ou bien pris il convient de comprendre pourquoi ? Mettre le patient au cœur de nos préoccupations, c’est commencer par lui laisser la parole, lors de la dispensation, pour essayer de comprendre sa problématique, ses comportements vis-à-vis du traitement, ses connaissances et représentations, ses problèmes d’organisation de soins et, enfin, ses motivations à se soigner ; cet exercice méthodologiquement balisé (entretien d’explicitation [1]) doit s’accompagner d’un recueil écrit des données pertinentes au sein d’un dossier patient.


–  La troisième étape plus scientifique et technique est axée sur les médicaments avec le respect des posologies, la détection des interactions médicamenteuses, la vérification des indications [2] avec en particulier la connaissance des recommandations des sociétés savantes, la détection des contre-indications et la connaissance des effets indésirables incontournables (liés à l’effet pharmacologique). On peut appeler cette étape : analyse des points critiques. L’accès au dossier médical est nécessaire pour que la validation soit complète (contre-indication physiopathologique). Ce dernier aspect ne pose aucun problème pour les pharmaciens à l’hôpital qui doivent, dans le cadre du « contrat de bon usage des médicaments « vérifier en particulier pour certains médicaments (sur lesquels nous reviendrons) et soumis à des règles strictes, du respect des consensus scientifiques du moment… Cette analyse est facilitée par l’accès à des logiciels et des banques de données permettant d’utiliser des informations validées par l’AFSSaPS9.


–  La quatrième étape est plus personnalisée et concerne l’optimisation thérapeutique en considérant les spécificités du patient spécifique avec :



–  la construction d’un plan de prise en prenant en considération le rythme de vie du patient ;


–  les conseils de mises en garde, de précautions d’emploi ;


–  enfin l’éducation thérapeutique, l’entretien d’accompagnement et le suivi de l’efficacité des médicaments.


La délivrance des médicaments ne peut se concevoir qu’après avoir vérifié qu’un certain nombre d’éléments attenant soit aux médicaments soit au patient dans ses relations qu’il a ou qu’il aura avec son traitement médicamenteux sont conformes (observance).


C’est cet exercice intellectuel qui est sous-entendu par le terme de dispensation (qui suit la validation).


Il existe plusieurs modèles de « validation d’ordonnance « mais qui se rejoignent au travers des éléments précédents. Il est possible de suivre le modèle nord-américain qui peut s’appliquer à la prescription (modèle SOAP [in 3]). Traduit par les pharmaciens cela donne les résultats suivants.



–  Subjective (S) : Quels sont les éléments subjectifs qui peuvent aider à comprendre l’attitude du patient vis-à-vis de la thérapeutique instaurée (ce que dit le patient par exemple, ce qu’il ressent ce qu’il exprime (les plaintes) et qu’il convient de traduire) est-ce qu’il est méfiant ? Est-ce qu’il a confiance ? Quelles sont ses croyances et quelles influences peuvent-elles avoir sur la prise des médicaments (ex. : période de jeune préconisée dans certaines religions, croyance que tout peut se soigner par les plantes, croyance que tout ce qui est chimique est cancérigène, etc.). Ces éléments subjectifs ne sont pas mesurables mais peuvent avoir une énorme influence sur l’observance et la prise des médicaments. Le domaine de la psychiatrie et de la mise en place des traitements repose encore beaucoup sur une approche comportementale du patient (ex. : échelles de mesure subjectives dont les résultats sont appréciés par le psychiatre et dont les cotations peuvent être « enquêteur dépendant «).


–  Objective (O) : Quels sont les éléments objectifs (mesurables) sur lesquels on peut s’appuyer (paramètres âges, poids, indice de masse corporelle surface corporelle, valeurs tensionnelles, valeurs biologiques, imagerie.) pour accompagner le patient à la prise du traitement et contribuer à diminuer les risques de complications de certaines pathologies (diabète, dyslipidémies, hypertension, asthme…). La connaissance de ces paramètres par le patient permet de fixer des objectifs, de les atteindre et de les maintenir pour souligner régulièrement le succès du traitement. La prévention de certaines maladies ne se fait qu’avec des médicaments appelés vaccins10 et le refus de vaccination par certains patients est parfois basé sur des éléments non objectifs.


–  Assessment (A) : Évaluation, analyse et orientation afin d’établir pour le médecin un diagnostic. Pour le pharmacien, il s’agit d’identifier les problèmes pharmaceutiques qui peuvent exister entre médicaments et patients et de les communiquer au médecin référent s’ils sont utiles et nécessaires ; ils peuvent être utilisés pour communiquer efficacement avec le patient et améliorer par exemple un plan de prises ou l’observance. L’évaluation est bien évidemment utile et indispensable régulièrement (consultation médicale) pour constater l’efficacité ou non des médicaments ou du traitement prescrit.


–  Plan (P) : Quelles sont les actions planifiées et les stratégies à mettre en œuvre pour obtenir de meilleurs résultats : améliorer l’observance ; définir un plan de prise argumenter une autre alternative thérapeutique, proposer une adaptation posologique, changer de stratégie thérapeutique. La négociation de l’atteinte des objectifs avec le patient reste une étape importante.


Ces éléments étant précisés, nous proposons une modélisation de la démarche de validation. Cette démarche repose sur une observation des pratiques professionnelles et correspond à des situations de terrain. La modélisation conduit à un algorithme qui a été entièrement revu et mis à jour par rapport à la précédente édition (figure 3.1).



DÉMARCHE LORS D’UNE PREMIERE DISPENSATION DES MÉDICAMENTS


Les numéros sur l’algorithme correspondent aux numéros ci-dessous. Une explication est donnée/étapes décrites.



1.  Il est important d’identifier le patient car celui qui vient chercher les médicaments à la pharmacie d’officine peut ne pas être le patient. La physiopathologie du patient est essentielle à connaître au travers des conséquences sur les propriétés pharmacocinétiques (absorption, distribution, métabolisation et élimination), les posologies et le plan de prises des médicaments. Le dossier patient est utile car ces données sont recueillies une fois pour toutes et donnent tout son sens aux termes de « pharmacien correspondant «.


2.  À la lecture de l’ordonnance le pharmacien doit être capable, en fonction des médicaments prescrits de situer et de comprendre les objectifs thérapeutiques poursuivis et de voir s’il s’agit d’une pathologie simple ou d’une polypathologie. Il devra également s’assurer que ces objectifs sont atteints ou en passe de l’être par des vérifications simples : exemples : plaintes par rapport à une douleur ressentie, valeurs tensionnelles revenues vers la normale, hémoglobine glyquée normale, INR valeur respectée, etc.


3.  La démarche de validation d’ordonnance est un ensemble de vérifications et éventuellement de propositions au médecin. Nous insistons sur le fait qu’il est utile de connaître le patient dans ses croyances, ses représentations, son état physiopathologique (âge, sexe, poids, indice de masse corporelle) son niveau socio-culturel, sa motivation à se soigner, son ou ses handicaps, ses antécédents, son entourage, sa prise en charge (assuré social) avec ses difficultés économiques, sociales, ses attentes, l’histoire de sa maladie et comment elle a été traitée. Les principales valeurs biologiques en relation ou non avec son traitement sont aussi utiles à connaître. Aussi la prise en charge globale pharmaceutique du patient correspond au concept du « pharmaceutical care « américain concept qui complète la seule démarche de validation de l’ordonnance (plus centrée sur les médicaments). Cet ensemble concernant le patient doit faire l’objet d’un entretien spécifique la première fois que ce dernier vient chercher ses médicaments pour traiter une pathologie chronique que l’on vient de lui découvrir. C’est le dossier pharmaceutique (DP) personnel du patient créé à l’aide du logiciel métier au sein de l’officine et c’est le dossier pharmaceutique partagé (DPP)11 qui permet de suivre un patient dans le renouvellement et la prise de son traitement médicamenteux, s’il renouvelle ses médicaments dans d’autres pharmacies. Nous verrons qu’une fois la validation réalisée, elle peut être suivie d’un entretien d’accompagnement avec le patient pour l’aider à comprendre et à gérer à son traitement médicamenteux. En effet, l’accompagnement du patient à la fois dans la compréhension de sa pathologie mais aussi dans la maîtrise de la gestion de son traitement médicamenteux est souvent synonyme d’une diminution des hospitalisations et des consultations médicales. À ce niveau, la démarche est la même à l’hôpital et en ville même si le contexte est différent.


4.  Il convient de vérifier à l’hôpital12 pour les médicaments dits hors GHS ou hors T2A13 (généralement des produits onéreux) si les indications ont respecté les référentiels scientifiques existants14. Le « droit de transgression « des référentiels officiels est possible s’il est basé sur des publications nationales et ou internationales récentes à comité de lecture. Une grande importance est accordée au niveau des preuves scientifiques qu’a atteint le médicament dans une indication donnée ; le niveau de remboursement tiendra de plus en plus compte de cet aspect. À l’officine, cette vérification est plus délicate car le pharmacien n’a pas pour le moment un accès direct au dossier médical personnel. Dès lors qu’il aura accès à ce dossier médical, sa responsabilité pourra être engagée si l’indication n’est pas respectée. La récente loi votée à la suite de l’affaire Médiator15 est particulièrement précise sur ce point. Le « droit de transgression « des référentiels est maintenu pour les prescripteurs dans certaines conditions précisées dans l’article 18 de la loi : « 1º Que l’indication ou les conditions d’utilisation considérées aient fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, cette recommandation ne pouvant excéder trois ans. 2º Ou que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique du patient. « Le prescripteur devra informer le patient de ces dispositions.


5.  Les pharmaciens doivent tenir compte du statut administratif de certains médicaments qu’ils délivrent. Les médicaments ayant un « statut particulier « sont répartis en 5 classes16 :


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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 3: LA VALIDATION D’ORDONNANCE

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