3: Imageries de diffusion et de perfusion dans l’ischémie cérébrale en phase aiguë

Chapitre 3 Imageries de diffusion et de perfusion dans l’ischémie cérébrale en phase aiguë




À la phase aiguë d’un accident vasculaire cérébral ischémique, l’IRM permet d’acquérir un ensemble de résultats qui ne peuvent être obtenus autrement que par des techniques dispersées sur des sites différents, même si chaque technique offre de meilleures performances. Ainsi, l’artériographie à rayons X est plus précise que l’angiographie en temps de vol de l’IRM pour détecter le site et le type de l’occlusion artérielle et étudier l’état des anastomoses. De même, les procédures de médecine nucléaire permettent une étude fonctionnelle et surtout métabolique du cerveau, actuellement irréalisable en IRM, au moins pour ce qui concerne les études de consommation de glucose et d’oxygène. Mais L’IRM permet une simplification diagnostique dans une unité de lieu et de temps dans un contexte d’extrême urgence. L’angiographie, l’imagerie de diffusion et l’imagerie de perfusion en sont les principaux outils (voir aussi chap. 2).



Imagerie de diffusion


Dès les premières heures suivant l’apparition des symptômes, en quelques secondes d’acquisition, l’imagerie de diffusion permet de détecter un foyer ischémique, bien plus précocement que ne le permettent les séquences IRM conventionnelles. Ce diagnostic positif précoce d’une lésion ischémique est d’autant plus important que dans un cas sur cinq, les symptômes cliniques évocateurs d’AVC sont dus à une autre cause [17, 25, 35]. De même, la visualisation des lésions permet de corriger la suspicion clinique du territoire artériel de la localisation ischémique dans 30 % des cas ou de détecter des lésions dans des territoires multiples dans 13 % des cas (fig. 3.1, 3.2 et 3.5) [2].





Principe et technique


L’imagerie de diffusion [14] est obtenue en technique échoplanaire, par une séquence en écho de spin, où un gradient de diffusion est appliqué de part et d’autre de l’impulsion RF à 180 degrés. Ce gradient de diffusion est appliqué successivement dans les trois plans de l’espace. L’imagerie de diffusion est caractérisée par l’amplitude G de ces gradients exprimée en mT/m et les temps Δ et δ des durées d’application de ces gradients exprimées en millimètre par seconde. Cette imagerie de diffusion est obtenue après acquisition d’une série d’images fortement pondérées T2, sans application des gradients de diffusion (la valeur du facteur de diffusion b est alors égale à 0) et après l’acquisition successive de trois séries d’images avec application successive des gradients de diffusion dans l’axe X, puis Y, puis Z (de valeur b actuellement le plus souvent égale à 1 000 s/mm2, mais qui peut lui être très supérieure). Une série d’images combinées est reconstruite à partir de ces trois dernières séquences afin d’éliminer les artefacts d’anisotropie dus à l’architecture et à l’orientation des différents faisceaux de substance blanche.


Cette imagerie rapide, qui permet une étude de l’ensemble de l’encéphale en une trentaine de secondes, est peu sensible aux artefacts de mouvement du patient. En revanche, la présence de matériel ferromagnétique, d’origine dentaire en particulier, peut altérer la qualité de l’image jusqu’à la rendre illisible. De même, des artefacts de susceptibilité magnétique apparaissent à toutes les interfaces air-encéphale ou os-encéphale, notamment en région sus-orbitaire et en région temporale sur les pyramides pétreuses. En revanche, cette séquence en écho de spin est beaucoup moins sensible que les séquences équivalentes en écho de gradient pour détecter des traces hémorragiques. L’examen IRM est donc toujours complété par une séquence EPI-EG-T2* pour détecter en hyposignal les traces hémorragiques anciennes ou un début de transformation hémorragique de la lésion ischémique hyperaiguë.


En imagerie de diffusion, après application des gradients de diffusion, les liquides apparaissent en hyposignal, l’encéphale est de signal intermédiaire et une lésion ischémique en phase hyperaiguë apparaît avec un signal élevé. Ce signal élevé est dû à une réduction du coefficient apparent de diffusion dans la région ischémiée, due à l’œdème cytotoxique survenant dans les minutes qui suivent les désordres hémodynamiques, hydroélectriques et métaboliques.


Une cartographie ADC, représentant les valeurs de l’ADC dans chaque voxel, peut être obtenue à partir des mesures d’intensité du signal IRM des images acquises à b 0 et b 1000 (fig. 3.2). Exprimées en mm2/s, les valeurs d’ADC sont mesurées dans chaque pixel ou dans n’importe quelle zone d’intérêt. Dans notre expérience, l’ADC de la substance blanche normale est de 0,700 × 10– 6 mm2/s et celui de la substance grise de 0,790 × 10– 6 mm2/s avec des valeurs de déviations standard inférieures à 10 % [6]. Mais les valeurs rapportées dans la littérature sont variables et augmentent de façon significative chez le sujet de plus de 60 ans [8]. Le calcul du ratio entre ADC de la zone suspecte et ADC d’une zone miroir saine (ADCr), normalement égal à 1, est donc nécessaire en pratique courante [37].



Sémiologie élémentaire


À la phase hyperaiguë de l’AVC (0 à 6 heures), la lésion ischémique n’est pas visible sur une imagerie pondérée T2 mais apparaît avec un signal élevé en imagerie de diffusion. Aux phases aiguë (6 à 24 heures) et subaiguë (48 heures à 10 jours) de l’AVC, la lésion ischémique est déjà visible en imagerie pondérée T2 et a un signal intense en imagerie de diffusion. À la phase chronique de l’AVC (au-delà de 10 à 15 jours), la lésion ischémique a un signal élevé en pondération T2 et un signal faible ou inapparent en imagerie de diffusion. À la phase séquellaire de nécrose, la lésion encéphalomalacique macrokystique est de signal élevé en pondération T2 et a un hyposignal identique à celui du LCS en imagerie de diffusion.


À titre diagnostique, le recours à la cartographie ADC n’est pas toujours nécessaire. C’est en particulier le cas quand les images pondérées T2 et les images de diffusion sont normales. Dans ce cas, même s’il s’agit d’un faux négatif de l’imagerie de diffusion, la cartographie ADC ne permettra pas de redresser le diagnostic. Le recours à la cartographie n’est pas non plus utile lorsqu’une lésion de signal élevé est découverte en pondération T2 avec une image normale en imagerie de diffusion, puisqu’il s’agit alors d’une lésion chronique ; pas utile non plus à titre diagnostique si une lésion n’est pas visible en pondération T2 mais est de signal élevé ou intense en imagerie de diffusion (l’ADC sera dans ce cas calculé à titre pronostique). Le recours à la cartographie ADC à titre diagnostique est surtout utile quand une lésion apparaît de signal élevé en T2 et en imagerie de diffusion. Dans ce cas, la réduction de l’ADC est un argument en faveur d’une lésion ischémique, sa normalité ou son élévation un argument en faveur d’une autre affection [27]. C’est par exemple le cas des lésions épileptiques post-critiques (hippocampes et pulvinar), d’amnésie transitoire (hippocampe), d’hypoglycémie, de sclérose en plaques et même parfois de tumeurs cérébrales.



Sensibilité et spécificité de l’imagerie de diffusion en phase hyperaiguë


Après quelques publications faisant état d’une sensibilité proche de 100 % [9], il s’avère que l’imagerie de diffusion permet de confirmer le diagnostic de lésion ischémique avec une spécificité et une sensibilité d’environ 90 à 95 % [[6, 7, 16, 19, 23, 28, 34, 39].


Les faux positifs de l’imagerie de diffusion en phase aiguë sont très rares. Les premiers cas rapportés étaient dus à des artefacts d’anisotropie, actuellement contrôlés. Mais il est des causes plus subtiles, c’est par exemple le cas de petites métastases sans œdème périlésionnel qui peuvent prendre le masque de microlésions ischémiques disséminées, présentant une réduction de l’ADC, un signal quasiment normal en T2 et un signal élevé ou intense en imagerie de diffusion. C’est également le cas de la thrombophlébite cérébrale, mais les signes cliniques et la topographie des lésions sont le plus souvent très différents [25]. Les abcès cérébraux de signal intense en imagerie de diffusion malgré un ADC souvent élevé ou normal sont détectés avant application des gradients ou en séquences pondérées T2 et ne doivent pas poser de problème diagnostique.


Les faux négatifs de l’imagerie de diffusion sont estimés à 5 % des cas d’ischémie. Il s’agit le plus souvent de petites lésions (dont le volume est souvent inférieur à 1 cm3), survenant chez des patients examinés très précocement, souvent dans la première heure après l’apparition des symptômes. Le risque de faux négatif est plus élevé si la lésion est de topographie infratentorielle, surtout dans le tronc cérébral ou située dans les noyaux de la base, et en particulier dans le thalamus [3, 16, 39]. Plusieurs mécanismes pourraient être à l’origine de ces faux négatifs de l’imagerie de diffusion : débit sanguin cérébral inférieur au seuil de dysfonctionnement neuronal mais encore supérieur au seuil de réduction de l’ADC, durée d’hypodébit insuffisant pour créer la lésion ; reperfusion restaurant les paramètres de diffusion mais n’empêchant pas une éventuelle lésion ischémique retardée ; survenue d’un second accident, symptomatique ou non [39]. Dans de rares cas, les séquences d’imagerie conventionnelle, et en particulier la séquence FLAIR, pourraient être positives alors que l’imagerie de diffusion est restée négative. La zone ischémiée apparaît alors avec un signal discrètement élevé, particulièrement en cas de reperfusion précoce du territoire ischémié, surtout quand l’imagerie est réalisée plusieurs heures après l’accident et notamment dans le tronc cérébral [25, 27]. En séquence FLAIR, à la phase hyperaiguë de l’AVC, il a par ailleurs été rapporté la fréquence du signe de l’hypersignal intraluminal des artères du territoire ischémié. Ce signe est valable pour tous les territoires artériels, à l’exception de celui des territoires profonds et des accidents lacunaires [21, 22]. Ce signe très précoce de faible valeur prédictive négative a une valeur prédictive positive de 93 % [7]. Cette hyperintensité intraluminale a la même signification que celle de l’hyperdensité intravasculaire détectée au CT-scanner. L’imagerie de perfusion permettrait également de détecter des lésions méconnues en imagerie de diffusion dans 10 % des cas [34].



Valeur pronostique de l’imagerie de diffusion


La sévérité de l’accident peut être immédiatement appréciée en fonction de la topographie des lésions, de leur volume et de l’importance de la réduction de l’ADC en zone ischémique.


Le volume des lésions a une valeur pronostique. Sans traitement, les lésions détectées précocement en imagerie de diffusion s’avèrent le plus souvent irréversibles, même si de très petites lésions peuvent spontanément disparaître [15]. La réduction spontanée de lésions étendues est rare et toujours modérée. Dès la phase hyperaiguë, la mesure du volume des lésions permet d’obtenir une information pronostique, au moins pour les lésions du territoire sylvien, un plus grand volume étant un élément de moins bon pronostic de récupération à long terme [4, 18, 38, 41]. Il a par ailleurs été rapporté qu’en territoire cérébral moyen, un volume de 145 cm3 était hautement prédictif de l’évolution maligne d’une lésion ischémique (avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 94 %) [26]. Ce diagnostic peut faire envisager l’éventualité d’une craniectomie décompressive pour éviter les complications de l’œdème malin.


Une importante réduction de l’ADC en zone ischémiée laisse également présager une évolution clinique défavorable. La valeur moyenne de l’ADC des lésions ischémiques évolue dans le temps. Après 6 heures, elle est le plus souvent proche de sa valeur la plus basse mais peut diminuer encore discrètement pendant les cinq premiers jours (fig. 3.1b). Elle augmente alors progressivement jusqu’à revenir à une valeur normale entre 15 et 45 jours. La lésion peut ensuite présenter un ADC plus élevé que la valeur normale, traduisant probablement les phénomènes de nécrose tissulaire [32].


Van Everdingen et al. [38] ont constaté une évolution clinique favorable pour des valeurs d’ADCr moyen supérieures à 0,77 et une évolution défavorable pour des valeurs inférieures à 0,59. Mais ces données sont d’ordre statistique et n’ont pas de valeur pronostique individuelle. Enfin, l’imagerie de diffusion permettrait de fournir des informations identiques à celles de l’imagerie de perfusion concernant la détection de la zone de pénombre ischémique, mais cette hypothèse n’est toujours pas validée [24].

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May 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 3: Imageries de diffusion et de perfusion dans l’ischémie cérébrale en phase aiguë

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