13: Pathologie latérosellaire

Chapitre 13 Pathologie latérosellaire




La scanographie puis l’imagerie par résonance magnétique ont largement contribué à sortir le sinus caverneux de l’ombre et permettent actuellement une approche diagnostique précise [26, 87]. Les techniques angiographiques et phlébographiques gardent des indications pour le bilan préthérapeutique chirurgical ou endovasculaire de certaines lésions. Les bilans scanographiques et IRM réalisés devant des symptômes neuro-ophtalmologiques nécessitent des protocoles techniques adaptés.



Rappel anatomique


Le sinus caverneux situé de part et d’autre de la loge sellaire est une loge dure-mérienne extradurale qui est la continuation postérieure de l’orbite. La partie postérieure de la loge caverneuse contient l’extension antérieure de la citerne du ganglion de Gasser (cavum de Meckel). La paroi inférieure, externe et le toit de la loge caverneuse sont constitués par de la dure-mère ; la paroi médiale est soit inexistante, soit incomplète, représentée par une fine lame de collagène, et la séparation principale entre la loge caverneuse et le tissu hypophysaire est représentée par la capsule hypophysaire ; la grande fréquence des extensions intracaverneuses des adénomes hypophysaires et le développement intrasellaire des méningiomes intracaverneux confirment l’absence ou la présence d’une séparation peu efficace entre la loge caverneuse et la loge sellaire ; pour certains auteurs cette cloison est inconstante, pour d’autres elle est particulièrement mince dans sa partie postérieure [25, 52, 54, 59, 113, 114] (fig. 13.1 et 13.2). La loge caverneuse est traversée par le siphon carotidien entouré par des fibres sympathiques et un plexus veineux qui draine l’orbite par l’intermédiaire de la veine ophtalmique supérieure, mais qui reçoit également les veines cérébrales moyennes et inférieures ainsi que le sinus sphénopariétal ; le réseau veineux caverneux se draine en arrière vers le sinus transverse et le golfe de la veine jugulaire interne respectivement par les sinus pétreux supérieur et inférieur. Le plexus veineux intracaverneux est anastomosé, d’une part, au plexus controlatéral par les anastomoses transsellaires (veines du plancher et du diaphragme sellaire) et le plexus basilaire (localisé en arrière du dorsum sellae) et, d’autre part, aux plexus veineux ptérygoïdiens. L’angioscanographie dynamique a permis la systématisation du plexus veineux intracaverneux en cinq groupes de veines souvent asymétriques : les veines de la paroi latérale du sinus caverneux, le groupe inférolatéral, la veine de la gouttière carotidienne, la veine interne et le plexus péricarotidien [11, 16, 101]. Les modifications de pression générées au niveau des veines de la caverneuse par les pulsations carotidiennes favorisent le drainage veineux orbitaire.




Les troisième (nerf oculomoteur) et quatrième (nerf trochléaire) nerfs crâniens, les première (nerf ophtalmique) et deuxième (nerf maxillaire) branches du nerf trijumeau passent et adhèrent avec leur gaine arachnoïdienne à la face interne de la paroi latérale de la loge caverneuse. Le nerf oculomoteur pénètre dans la loge caverneuse au niveau de la partie postérieure de son toit et est accompagné par de l’arachnoïde et du LCS jusqu’au niveau de l’extrémité postérieure de l’apophyse clinoïde antérieure [15, 65, 106]. Cette extension de l’espace sous-arachnoïdien est démontrée en imagerie T2 haute résolution [30, 112] (fig. 13.3). Le sixième nerf crânien (nerf abducens) traverse le canal de Dorello situé sous un plexus veineux ou sous le ligament de Gruber, qui s’étend de l’apophyse clinoïde postérieure à la pointe du rocher et est adjacent à l’apex pétreux puis chemine le long de la face inférieure et latérale de la portion intracaverneuse du siphon carotidien ; les coupes millimétriques en T2 visualisent l’évagination de LCS qui accompagne le nerf abducens sur plusieurs millimètres [24, 32, 56, 71, 73, 74].




Symptomatologie clinique


Les lésions de la loge caverneuse entraînent des troubles de l’oculomotricité avec une diplopie, du fait d’une paralysie de l’un ou de plusieurs nerfs oculomoteurs et par une atteinte du nerf trijumeau (algies faciales et surtout hypoesthésies dans le territoire du V1) ; par ordre de fréquence décroissant, sont notées des paralysies du III, du VI, du V et du IV avec une ophtalmoplégie complète chez 30 % des patients ; un syndrome de Claude Bernard Horner par atteinte du sympathique péricarotidien est rare et n’est noté que dans 4 % des cas ; une extension supérieure d’une lésion développée au sein de la loge caverneuse peut comprimer les voies visuelles suprasellaires dans 40 % des cas [31, 53]. Néanmoins, une atteinte isolée du III doit toujours faire éliminer en priorité un anévrisme du siphon carotidien localisé sur l’origine de l’artère communicante postérieure et qui est responsable d’une compression de la portion supracaverneuse de ce nerf.


Les tumeurs de la loge caverneuse peuvent s’étendre par la fente sphénoïdale vers l’orbite et déterminer une exophtalmie et/ou comprimer le nerf optique, mais aussi vers la loge sellaire, où la compression hypophysaire peut se traduire par une hyperprolactinémie, ou encore vers l’angle pontocérébelleux avec possibilité de compression du tronc cérébral et du paquet acousticofacial avec possibilité de vertiges, d’une surdité de perception, voire d’une paralysie faciale. Les fistules carotidocaverneuses se traduisent par une exophtalmie pulsatile, associée à des dilatations veineuses conjonctivales et à un souffle décelé par l’auscultation ; une ophtalmoplégie peut compléter une exophtalmie importante.


Des douleurs à projection rétro-orbitaire et/ou temporale peuvent être les premiers signes d’un processus expansif de la loge caverneuse [96]. Exceptionnellement, une ischémie cérébrale peut compliquer une lésion carotidienne intracaverneuse.



Technique d’exploration IRM


L’exploration IRM de la loge caverneuse doit être basée sur une étude multiplanaire en haute résolution (coupes fines de 1 à 3 mm d’épaisseur en matrice 512) dont la technique est proche de celle utilisée pour l’exploration de l’hypophyse ; l’IRM 3 T améliore nettement la qualité des explorations. Des coupes sagittales, coronales et axiales en T1 avant et après injection de gadolinium sont complétées par des coupes coronales en T2 et en T1 en inversion-récupération, ces dernières sont particulièrement utiles pour établir les extensions intrasellaires des lésions expansives intracaverneuses ; les coupes en T1 après injection peuvent être réalisées en acquisition 3D en coupes millimétriques ou en acquisition 3D avec des reformations millimétriques ; les coupes axiales et coronales en T1 après contraste doivent être réalisées avec une saturation du signal de la graisse, afin de mieux apprécier l’extension infracaverneuse et surtout antérieure intraorbitaire des masses caverneuses (fig. 13.2). L’imagerie à 3 T améliore la qualité des images et autorise la visualisation des structures les plus petites [5]. Des coupes encéphaliques en FLAIR et éventuellement en diffusion au niveau de l’encéphale sont utiles pour l’évaluation des répercussions cérébrales des atteintes vasculaires. Les pathologies susceptibles de répercussions sur le siphon (sténose ou compression carotidienne en rapport avec un méningiome intracaverneux, par exemple), les suspicions de fistule carotidocaverneuse ou encore de thrombophlébite, nécessitent une ARM complémentaire. La technique de l’ARM est conditionnée par la lésion suspectée :



L’évaluation du plexus veineux de la loge caverneuse est moins précise en IRM qu’en scanographie dynamique [11] ; sur les coupes coronales en T1 en inversion-récupération, les veines et l’artère carotide interne présentent un signal hyperintense. Les séquences de type FISP (Fast Imaging with Steady Precession) 3D ont été proposées pour l’étude du contenu vasculaire de la loge caverneuse [41].



Pathologie de la loge caverneuse


Les méningiomes du sinus caverneux, les extensions intracaverneuses des adénomes hypophysaires et les lésions vasculaires (anévrismes, fistules carotidocaverneuses, hémangiomes caverneux, thrombophlébites) sont les pathologies les plus fréquentes. Les lésions inflammatoires (syndrome de Tolosa-Hunt, extension intracaverneuse des pseudo-tumeurs inflammatoires orbitaires, lésions granulomateuses de la maladie de Wegener) sont rares. Les thrombophlébites du sinus caverneux compliquent les infections locorégionales, mais restent exceptionnelles. Les carcinomes du nasopharynx ou du sinus sphénoïdal, les chordomes et les chondromes parasellaires peuvent s’étendre vers la loge caverneuse. Des localisations lymphomateuses et métastatiques sont classiques, mais rares. Certaines localisations tumorales, comme les schwannomes et les kystes dermoïdes, sont exceptionnelles [75].



Méningiomes sinus caverneux


Les méningiomes développés dans la région caverneuse sont divisés en deux types principaux : les méningiomes à point de départ intracaverneux et les méningiomes insérés au niveau de la face externe de la paroi latérale et/ou au niveau du toit de la loge caverneuse [28]. Les méningiomes se rencontrent principalement chez la femme et correspondent habituellement à des formes histologiquement bénignes [96].



Méningiomes Intracaverneux


Ce sont les plus fréquents. Ils se caractérisent par des répercussions carotidiennes avec une artère englobée dans la tumeur et qui apparaît sténosée ou thrombosée dans la moitié des cas ; les nerfs du sinus caverneux sont également englobés dans la tumeur, ce qui rend une exérèse chirurgicale complète impossible ; la radiothérapie en condition stéréotaxique est actuellement la thérapeutique la plus efficace [42, 58, 82, 91, 95]. L’IRM doit préciser les extensions intrasellaires (coupes coronales en inversion-récupération, en T2 et en T1 après injection de gadolinium), intraorbitaires (coupes axiales en T1 après injection de contraste avec saturation du signal de la graisse), suprasellaires (coupes coronales en T1 après contraste et en T2), postérieures (coupes axiales en T1 après injection), inférieures (coupes coronales en T2 et en T1 associées à des coupes axiales après injection de contraste avec saturation du signal de la graisse) et latérales avec possibilité d’extension extracaverneuse vers la fosse temporale à travers la paroi durale externe de la loge caverneuse (coupes coronales en T1, en T2 et en T1 en inversion-récupération) (fig. 13.4). Le franchissement de la paroi latérale donne un aspect « feuilleté » à cette paroi (fig. 13.5). L’extension supracaverneuse se développe autour de l’apophyse clinoïde antérieure, vers la gouttière optique, peut comprimer la partie latérale du chiasma ou le nerf optique et peut engainer et sténoser la portion supraclinoïdienne du siphon carotidien. Les extensions postérieures vers la citerne du ganglion de Gasser se traduisent par le comblement de l’espace liquidien cisternal du cavum de Meckel par le processus tumoral. L’extension vers la partie haute de l’angle pontocérébelleux peut se prolonger vers le conduit auditif interne ; à ce niveau, il faut différencier une extension tumorale intracanalaire vraie d’un épaississement méningé (Fig. 13.6 à 13.8). L’extension le long du bord libre de la tente du cervelet est classique, mais n’est pas spécifique de méningiome et s’observe dans diverses tumeurs développées dans la loge caverneuse [69].







Les méningiomes ont un signal isointense en T1, se rehaussent de manière intense et homogène après injection de contraste, et présentent un signal iso ou légèrement hyperintense en T2 (fig. 13.4, 13.5 et 13.8). Les calcifications sont exceptionnelles et ces tumeurs ne présentent pas de composante kystique. Une hyperostose est parfois notée au niveau de la gouttière carotidienne, au niveau du plancher de la fosse temporale (grande aile du sphénoïde) et, plus rarement, au niveau de la partie interne de la petite aile du sphénoïde. La recherche systématique d’autres localisations intracrâniennes est la règle, notamment au niveau de la gaine du nerf optique.


La radiochirurgie permet un contrôle des méningiomes intracaverneux dans la majorité des cas avec une réduction modérée du volume tumoral dans environ 50 % des cas ; les complications du traitement sont rares (algies faciales, troubles visuels, thrombose du siphon carotidien) [2, 98].



Méningiomes insérés sur la face externe de la paroi latérale et/ou au niveau du toit du sinus caverneux


Ils se développent vers la fosse temporale et compriment la face interne du lobe temporal et sont révélés par une épilepsie temporale. Les coupes en T2 notent souvent un œdème au niveau de la substance blanche du pôle temporal. Ces méningiomes présentent parfois une extension suprasellaire, avec possibilité de compression du chiasma et du nerf optique ; la portion supracaverneuse du siphon carotidien peut être déplacée ou englobée dans la masse tumorale, avec possibilité de sténose évaluée par l’ARM en temps de vol ou après injection de gadolinium. Ces tumeurs peuvent présenter des calcifications linéaires à leur périphérie (Fig. 13.9 à 13.11).






Lésions vasculaires



Anévrismes


Les anévrismes de la portion intracaverneuse du siphon carotidien sont plutôt volumineux et peuvent présenter une extension intrasellaire et entraîner une compression de l’hypophyse. L’atteinte de plusieurs nerfs oculomoteurs est la règle ; en cas d’atteinte mononerveuse, la lésion du VI est nettement plus fréquente que la paralysie du III [53]. En IRM, l’anévrisme non thrombosé présente un signal hypointense sur les différentes séquences ; en T1 après injection, la poche anévrismale apparaît hyperintense en raison de la stagnation du produit de contraste. En ARM l’anévrisme n’est visualisé qu’en cas de flux rapide au sein de la poche anévrismale ; si les flux sont lents, la lésion peut échapper au temps de vol et seule l’ARM après injection de contraste ou en contraste de phase avec étude des flux lents peut clairement visualiser la malformation vasculaire (fig. 13.12 et 13.13). L’angioscanner est efficace pour la démonstration de ces lésions. Ces anévrismes ont souvent une paroi calcifiée, dont la visualisation est plus facile en scanographie. Des thromboses partielles ou complètes de la poche anévrismale sont possibles ; le thrombus apparaît hypodense par rapport au rehaussement de la lumière artérielle et de la paroi de l’anévrisme sur un examen scanographique réalisé après injection ; la paroi de l’anévrisme peut apparaître calcifiée. En IRM, la poche anévrismale thrombosée est en signal isointense avec des foyers hyperintenses sur les séquences pondérées en T1; en T2, le thrombus est de signal hétérogène avec des zones hypointenses et hyperintenses ; des prises de contraste modérées peuvent être notées au sein du thrombus. L’ARM peut apparaître normale, mais en cas de thrombose incomplète, une dilatation de la lumière artérielle ou une image d’addition sont notées (fig. 13.12 et 13.13). Des anévrismes bilatéraux en miroirs sont possibles. En cas d’extension intrasellaire, un anévrisme thrombosé hyperintense en T1 peut être confondu avec un adénome hémorragique ou un kyste de la poche de Rathke. Les anévrismes intracaverneux peuvent se rompre dans les plexus veineux péricarotidiens et sont alors à l’origine d’une fistule carotidocaverneuse ; les ruptures vers l’espace sous-arachnoïdien ou intrasellaire sont exceptionnelles [84].


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May 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 13: Pathologie latérosellaire

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