Chapitre 3
Comment les muscles fonctionnent
Les muscles créent des forces de traction
Qu’est-ce qu’une contraction musculaire ?
Nommer les insertions d’un muscle : origine et terminaison contre insertions
Mécanisme de glissement des filaments
Architecture de la fibre musculaire
Approche en cinq étapes pour l’étude des muscles
Déduire les actions d’un muscle (3e étape en détail)
Question 1 – quelle articulation le muscle croise-t-il ?
Questions 2 et 3 – Où le muscle croise-t-il l’articulation ? comment le muscle croise-t-il l’articulation ?
Approche par groupe fonctionnel pour l’étude des muscles
Exercice visuel et kinesthésique pour l’étude des actions musculaires
LES MUSCLES CRÉENT DES FORCES DE TRACTION
L’essence de la fonction musculaire est de créer des forces de traction. C’est aussi simple que cela. Quand un muscle se contracte, il essaie de tracter en direction de son centre. Cette action provoque une force de traction appliquée sur ses attaches (le terme usuel est insertion [NdT]). Si cette force de traction est suffisamment forte, le muscle réussira à se raccourcir et mobilisera un ou les deux segments corporels sur lesquels il est inséré. Il est également important de comprendre que cette force de traction est équivalente sur ses deux insertions. Un muscle ne choisit pas et ne peut pas choisir de tirer sur une de ses insertions et pas sur l’autre. En effet, un muscle n’est rien de plus qu’une simple « machine à tracter ». Quand le système nerveux lui commande de se contracter, il tire sur ses insertions. Quand il ne reçoit pas l’ordre de se contracter, il se relâche et ne tire pas (encadré 3-1).
Quand on est confronté à un nouveau terme de cinésiologie, il est généralement très utile de trouver s’il existe un autre mot de la même famille (c’est-à-dire un terme similaire en langage courant). Cela nous aide à comprendre intuitivement le nouveau terme cinésiologique au lieu de devoir mémoriser sa signification. Dans le cadre de l’étude de la fonction musculaire, le mot adapté est contracter, parce que c’est ce que les muscles font. Cependant, dans ce cas, il peut s’avérer contre-productif d’essayer de comprendre la contraction musculaire en se référant à la façon dont le terme contracter est défini dans le langage courant. Dans le langage courant, le mot « contracter » signifie « raccourcir ». Cela conduit de nombreux étudiants à croire que, quand un muscle se contracte, il se raccourcit. Ce n’est pas nécessairement vrai, et énoncer cette assertion peut limiter notre capacité à saisir réellement comment le système musculaire fonctionne. Dans les faits, la plupart des contractions n’entraînent pas un raccourcissement du muscle. Examiner le système musculaire de cette manière fait passer à côté d’une grande partie du fonctionnement musculaire.
QU’EST-CE QU’UNE CONTRACTION MUSCULAIRE ?
Quand un muscle se contracte, il essaie de se raccourcir. Qu’il réussisse ou non à se raccourcir repose sur la force de sa contraction comparée à celle de la résistance qu’il rencontre et qui s’oppose à son raccourcissement. Pour qu’un muscle se raccourcisse, il doit mobiliser une ou deux de ses insertions. Par conséquent, la résistance au raccourcissement est habituellement le poids des segments corporels sur lesquels le muscle est inséré. Regardons le muscle brachial qui est tendu de l’humérus dans le bras à l’ulna dans l’avant-bras (figure 3-1).
Figure 3-1 Le muscle brachial s’insère de l’humérus dans le bras à l’ulna dans l’avant-bras. Pour que le brachial se contracte en se raccourcissant, il doit mobiliser l’avant-bras vers le bras ou mobiliser le bras vers l’avant-bras ou les deux.
Contraction concentrique
Regardons d’abord ce qui arrive quand un muscle se contracte et se raccourcit vraiment. Une contraction qui raccourcit s’appelle une contraction concentrique. Le mot « concentrique » signifie littéralement « avec le centre ». En d’autres termes, quand une contraction concentrique se produit, le muscle se mobilise vers son centre. Comme nous l’avons dit, pour qu’un muscle se contracte en se raccourcissant, il doit mobiliser au moins une de ses insertions. Explorons l’idée de contraction concentrique en regardant un muscle « type » (figure 3-2).
Figure 3-2 On voit un muscle « type ». Il s’insère sur l’os A et l’os B et croise l’articulation située entre eux.
Un muscle s’insère sur deux os et, en faisant cela, il croise l’articulation qui se situe entre eux (encadré 3-2). Appelons une des insertions A et l’autre insertion B. Quand le muscle se contracte, il produit une force de traction sur les deux os. Si cette force de traction est suffisamment forte, la contraction concentrique peut se manifester de trois façons : le muscle peut (1) soit réussir à tracter l’os A vers l’os B, (2) soit tracter l’os B vers l’os A, (3) soit tracter les deux os A et B l’un vers l’autre (figure 3-3). L’os qui bouge est désigné comme le point mobile et l’os qui ne bouge pas est désigné comme le point fixe. Pour qu’une contraction concentrique se produise, une au moins des insertions doit être mobile et bouger. Quelle que soit l’insertion qui bouge, quand un muscle se contracte et crée une force suffisante pour mobiliser une de ses insertions ou les deux, il est le muscle mobilisateur de l’action articulaire produite et s’appelle le moteur ou l’agoniste. Par définition, quand un muscle moteur se contracte, il se contracte en concentrique.
Figure 3-3 Un muscle peut se contracter en concentrique et provoquer un mouvement de trois sortes. En désignant les insertions du muscle par A et B, nous pouvons décrire ces trois scénarios. A. L’os A se déplace vers l’os B. B. L’os B se déplace vers l’os A. C. Les deux os A et B se déplacent l’un vers l’autre.
À présent, si nous poussons un peu plus loin l’exploration de la contraction concentrique et nous demandons quelle insertion sera le point mobile et bougera, la réponse sera : celle située sur le segment qui oppose le moins de résistance au déplacement. Cette insertion sera habituellement celle située sur le segment le plus léger. Quand on regarde les muscles des membres, le segment le plus léger est habituellement le plus distal. Au membre supérieur, la main est plus légère que l’avant-bras, l’avant-bras est plus léger que le bras et le bras est plus léger que la ceinture scapulaire et le tronc. Au membre inférieur, le pied est plus léger que la jambe, la jambe est plus légère que la cuisse et la cuisse est plus légère que le bassin. De surcroît, comme nous l’avons énoncé, pour que le segment le plus proximal bouge, le centre du corps doit habituellement se déplacer avec lui, ce qui ajoute encore plus de poids et de résistance à la mobilisation. Par conséquent, quand un muscle se contracte en concentrique, il mobilise généralement son insertion distale. C’est la raison pour laquelle, quand on apprend les actions d’un muscle sur une articulation, celles-ci sont habituellement présentées et démontrées avec l’insertion proximale fixe et l’insertion distale mobile. On appelle ces actions les actions motrices standard du muscle.
Actions en inversion de point fixe
Bien que la conception la plus courante et la plus typique d’une action musculaire (l’action standard) soit celle dans laquelle l’insertion proximale reste fixe et l’insertion distale bouge, ce n’est pas toujours le cas. En fait, bien souvent, ce n’est pas le cas. Regardons la contraction concentrique du muscle brachial, qui croise l’articulation du coude. Quand le brachial se contracte, il a de fortes probabilités de mobiliser son insertion distale vers l’insertion proximale, en rapprochant l’avant-bras et la main du bras (figure 3-4, A). Cependant, si la main se tient à un objet inamovible tel qu’une barre de traction, étant donné que la main est fixe, l’avant-bras aussi est fixe et ne peut pas bouger, à moins que la barre de traction soit arrachée du mur. Par conséquent, dans ce contexte, le bras offrira moins de résistance au déplacement que l’avant-bras et, si le brachial se contracte avec une force suffisante pour mobiliser le bras (et le poids du tronc qui doit suivre), le bras sera mobilisé vers l’avant-bras et le sujet fera un pull-up. Quand le segment proximal se déplace vers le distal au lieu que le distal se déplace vers le proximal, cela s’appelle une action en inversion de point fixe. Dans ce scénario, donc, fléchir l’avant-bras vers le bras dans l’articulation du coude est la conception typique d’une action standard, alors que fléchir le bras sur l’avant-bras dans l’articulation du coude est l’action en inversion de point fixe. Pour chaque action standard d’un muscle, une action en inversion de point fixe est théoriquement possible.
Figure 3-4 A. Action motrice standard du muscle brachial dans laquelle l’avant-bras distal se déplace vers le bras proximal. B. Quand la main est fixée, l’action en inversion de point fixe se produit : le bras proximal se déplace vers l’avant-bras distal.
La fréquence des actions en inversion de point fixe varie selon les régions corporelles et en fonction des mouvements et des activités réalisées. Au membre supérieur, les actions en inversion de point fixe surviennent chaque fois que la main agrippe un objet inamovible. Une barre de traction, comme sur la figure 3-4, B, en est un exemple. On trouve de nombreux autres exemples dans la vie de tous les jours, comme se servir de la rampe en montant les escaliers, ou lorsque quelqu’un vous aide à vous relever de la position assise en vous tirant, ou une personne handicapée utilisant une barre d’assistance.
Un excellent exemple de ceci est l’utilisation que nous faisons de notre muscle quadriceps fémoral pour nous mettre debout à partir de la position assise (figure 3-5). Nous pensons habituellement au quadriceps fémoral comme extenseur de la jambe dans l’articulation du genou. Mais, dans ce cas, il doit réaliser l’action en inversion de point fixe d’extension de la cuisse dans l’articulation du genou. Pendant que les cuisses s’étendent dans les articulations des genoux, le reste du corps doit également être soulevé. Si vous palpez vos quadriceps fémoraux à la face antérieure de vos cuisses, vous sentirez facilement leur contraction. En fait, c’est à cause de cette fréquente activité de la vie quotidienne que nos quadriceps fémoraux doivent être volumineux et puissants.
Figure 3-5 Quand nous nous relevons de la position assise, le quadriceps fémoral produit son action en inversion de point fixe, qui consiste en l’extension des cuisses dans les articulations des genoux. En d’autres termes, il étend les cuisses, plus proximales, vers les jambes, distales, au lieu d’étendre les jambes, plus distales, vers les cuisses, proximales.