3: Comment les muscles fonctionnent

Chapitre 3


Comment les muscles fonctionnent



PLAN DU CHAPITRE




LES MUSCLES CRÉENT DES FORCES DE TRACTION


L’essence de la fonction musculaire est de créer des forces de traction. C’est aussi simple que cela. Quand un muscle se contracte, il essaie de tracter en direction de son centre. Cette action provoque une force de traction appliquée sur ses attaches (le terme usuel est insertion [NdT]). Si cette force de traction est suffisamment forte, le muscle réussira à se raccourcir et mobilisera un ou les deux segments corporels sur lesquels il est inséré. Il est également important de comprendre que cette force de traction est équivalente sur ses deux insertions. Un muscle ne choisit pas et ne peut pas choisir de tirer sur une de ses insertions et pas sur l’autre. En effet, un muscle n’est rien de plus qu’une simple « machine à tracter ». Quand le système nerveux lui commande de se contracter, il tire sur ses insertions. Quand il ne reçoit pas l’ordre de se contracter, il se relâche et ne tire pas (encadré 3-1).



Quand on est confronté à un nouveau terme de cinésiologie, il est généralement très utile de trouver s’il existe un autre mot de la même famille (c’est-à-dire un terme similaire en langage courant). Cela nous aide à comprendre intuitivement le nouveau terme cinésiologique au lieu de devoir mémoriser sa signification. Dans le cadre de l’étude de la fonction musculaire, le mot adapté est contracter, parce que c’est ce que les muscles font. Cependant, dans ce cas, il peut s’avérer contre-productif d’essayer de comprendre la contraction musculaire en se référant à la façon dont le terme contracter est défini dans le langage courant. Dans le langage courant, le mot « contracter » signifie « raccourcir ». Cela conduit de nombreux étudiants à croire que, quand un muscle se contracte, il se raccourcit. Ce n’est pas nécessairement vrai, et énoncer cette assertion peut limiter notre capacité à saisir réellement comment le système musculaire fonctionne. Dans les faits, la plupart des contractions n’entraînent pas un raccourcissement du muscle. Examiner le système musculaire de cette manière fait passer à côté d’une grande partie du fonctionnement musculaire.



QU’EST-CE QU’UNE CONTRACTION MUSCULAIRE ?


Quand un muscle se contracte, il essaie de se raccourcir. Qu’il réussisse ou non à se raccourcir repose sur la force de sa contraction comparée à celle de la résistance qu’il rencontre et qui s’oppose à son raccourcissement. Pour qu’un muscle se raccourcisse, il doit mobiliser une ou deux de ses insertions. Par conséquent, la résistance au raccourcissement est habituellement le poids des segments corporels sur lesquels le muscle est inséré. Regardons le muscle brachial qui est tendu de l’humérus dans le bras à l’ulna dans l’avant-bras (figure 3-1).



Pour que le brachial se contracte et se raccourcisse, il doit mobiliser l’avant-bras vers le bras, ou mobiliser le bras vers l’avant-bras, ou les deux. La résistance à la mobilisation de l’avant-bras est le poids de l’avant-bras plus le poids de la main qui doit bouger (suivre le mouvement) avec l’avant-bras. La résistance à la mobilisation du bras est le poids du bras plus le poids d’une grande partie de la partie supérieure du corps qui doit bouger (suivre le mouvement) quand le bras se mobilise vers l’avant-bras. Par conséquent, pour que le brachial se contracte en se raccourcissant, il doit produire une force supérieure au poids de l’avant-bras (et de la main), ou du bras (et de la partie supérieure du corps). Parce que l’avant-bras et la main pèsent moins lourd que le bras et la partie supérieure du corps, quand le brachial se contracte et se raccourcit, c’est habituellement l’avant-bras qui bouge, pas le bras. Ainsi, la force minimale que le brachial doit produire s’il s’agit de se contracter en se raccourcissant est le poids de son insertion la plus légère – l’avant-bras.


Cependant, il est important de comprendre que, même si le brachial se contracte avec une force insuffisante pour se raccourcir, il continue d’exercer une force de traction sur ses insertions. Cette force de traction peut jouer un rôle important dans la fonction musculosquelettique. Quand on décrit la fonction d’un muscle, on le fait habituellement avec ses actions articulaires, qui sont ses contractions en raccourcissement. Pour cette raison, on a tendance à se focaliser sur la contraction en raccourcissement d’un muscle et à négliger l’importance de sa contraction quand il ne se raccourcit pas.



Contraction concentrique


Regardons d’abord ce qui arrive quand un muscle se contracte et se raccourcit vraiment. Une contraction qui raccourcit s’appelle une contraction concentrique. Le mot « concentrique » signifie littéralement « avec le centre ». En d’autres termes, quand une contraction concentrique se produit, le muscle se mobilise vers son centre. Comme nous l’avons dit, pour qu’un muscle se contracte en se raccourcissant, il doit mobiliser au moins une de ses insertions. Explorons l’idée de contraction concentrique en regardant un muscle « type » (figure 3-2).



Un muscle s’insère sur deux os et, en faisant cela, il croise l’articulation qui se situe entre eux (encadré 3-2). Appelons une des insertions A et l’autre insertion B. Quand le muscle se contracte, il produit une force de traction sur les deux os. Si cette force de traction est suffisamment forte, la contraction concentrique peut se manifester de trois façons : le muscle peut (1) soit réussir à tracter l’os A vers l’os B, (2) soit tracter l’os B vers l’os A, (3) soit tracter les deux os A et B l’un vers l’autre (figure 3-3). L’os qui bouge est désigné comme le point mobile et l’os qui ne bouge pas est désigné comme le point fixe. Pour qu’une contraction concentrique se produise, une au moins des insertions doit être mobile et bouger. Quelle que soit l’insertion qui bouge, quand un muscle se contracte et crée une force suffisante pour mobiliser une de ses insertions ou les deux, il est le muscle mobilisateur de l’action articulaire produite et s’appelle le moteur ou l’agoniste. Par définition, quand un muscle moteur se contracte, il se contracte en concentrique.




À présent, si nous poussons un peu plus loin l’exploration de la contraction concentrique et nous demandons quelle insertion sera le point mobile et bougera, la réponse sera : celle située sur le segment qui oppose le moins de résistance au déplacement. Cette insertion sera habituellement celle située sur le segment le plus léger. Quand on regarde les muscles des membres, le segment le plus léger est habituellement le plus distal. Au membre supérieur, la main est plus légère que l’avant-bras, l’avant-bras est plus léger que le bras et le bras est plus léger que la ceinture scapulaire et le tronc. Au membre inférieur, le pied est plus léger que la jambe, la jambe est plus légère que la cuisse et la cuisse est plus légère que le bassin. De surcroît, comme nous l’avons énoncé, pour que le segment le plus proximal bouge, le centre du corps doit habituellement se déplacer avec lui, ce qui ajoute encore plus de poids et de résistance à la mobilisation. Par conséquent, quand un muscle se contracte en concentrique, il mobilise généralement son insertion distale. C’est la raison pour laquelle, quand on apprend les actions d’un muscle sur une articulation, celles-ci sont habituellement présentées et démontrées avec l’insertion proximale fixe et l’insertion distale mobile. On appelle ces actions les actions motrices standard du muscle.



Actions en inversion de point fixe


Bien que la conception la plus courante et la plus typique d’une action musculaire (l’action standard) soit celle dans laquelle l’insertion proximale reste fixe et l’insertion distale bouge, ce n’est pas toujours le cas. En fait, bien souvent, ce n’est pas le cas. Regardons la contraction concentrique du muscle brachial, qui croise l’articulation du coude. Quand le brachial se contracte, il a de fortes probabilités de mobiliser son insertion distale vers l’insertion proximale, en rapprochant l’avant-bras et la main du bras (figure 3-4, A). Cependant, si la main se tient à un objet inamovible tel qu’une barre de traction, étant donné que la main est fixe, l’avant-bras aussi est fixe et ne peut pas bouger, à moins que la barre de traction soit arrachée du mur. Par conséquent, dans ce contexte, le bras offrira moins de résistance au déplacement que l’avant-bras et, si le brachial se contracte avec une force suffisante pour mobiliser le bras (et le poids du tronc qui doit suivre), le bras sera mobilisé vers l’avant-bras et le sujet fera un pull-up. Quand le segment proximal se déplace vers le distal au lieu que le distal se déplace vers le proximal, cela s’appelle une action en inversion de point fixe. Dans ce scénario, donc, fléchir l’avant-bras vers le bras dans l’articulation du coude est la conception typique d’une action standard, alors que fléchir le bras sur l’avant-bras dans l’articulation du coude est l’action en inversion de point fixe. Pour chaque action standard d’un muscle, une action en inversion de point fixe est théoriquement possible.



La fréquence des actions en inversion de point fixe varie selon les régions corporelles et en fonction des mouvements et des activités réalisées. Au membre supérieur, les actions en inversion de point fixe surviennent chaque fois que la main agrippe un objet inamovible. Une barre de traction, comme sur la figure 3-4, B, en est un exemple. On trouve de nombreux autres exemples dans la vie de tous les jours, comme se servir de la rampe en montant les escaliers, ou lorsque quelqu’un vous aide à vous relever de la position assise en vous tirant, ou une personne handicapée utilisant une barre d’assistance.


Au membre inférieur, les actions en inversion de point fixe sont extrêmement courantes parce que, la plupart du temps, quand nous sommes debout, assis, ou que nous marchons, notre pied est planté au sol. À moins que nous soyons sur la glace ou sur une quelconque autre surface glissante, notre pied est au moins partiellement fixé et résistant au déplacement, provoquant la mobilisation de la jambe vers le pied. De la même façon, l’extrémité distale étant fixée, la cuisse doit se déplacer vers la jambe et le bassin vers la cuisse.


Un excellent exemple de ceci est l’utilisation que nous faisons de notre muscle quadriceps fémoral pour nous mettre debout à partir de la position assise (figure 3-5). Nous pensons habituellement au quadriceps fémoral comme extenseur de la jambe dans l’articulation du genou. Mais, dans ce cas, il doit réaliser l’action en inversion de point fixe d’extension de la cuisse dans l’articulation du genou. Pendant que les cuisses s’étendent dans les articulations des genoux, le reste du corps doit également être soulevé. Si vous palpez vos quadriceps fémoraux à la face antérieure de vos cuisses, vous sentirez facilement leur contraction. En fait, c’est à cause de cette fréquente activité de la vie quotidienne que nos quadriceps fémoraux doivent être volumineux et puissants.



Pour la partie axiale du corps, nous n’employons pas les termes de proximal et distal. Habituellement, l’action musculaire standard mobilise le segment supérieur vers l’inférieur. La raison en est que la partie supérieure du segment axial (tête, cou, portion supérieure du tronc) est plus légère que la partie inférieure du segment axial (portion inférieure du tronc) et que, quand nous sommes assis ou debout, la partie inférieure du corps est plus fixe et donc plus résistante au déplacement. Par conséquent, quand un muscle du segment axial mobilise la partie inférieure du tronc vers la partie supérieure du tronc, le cou et la tête, c’est une action en inversion de point fixe. Ces actions en inversion de point fixe surviennent très souvent quand nous sommes couchés, quand nous bougeons dans le lit ou quand nous faisons des exercices au sol.


Quand les étudiants commencent à étudier le système de la fonction musculaire et les actions spécifiques des muscles, il est extrêmement important qu’ils ne développent pas un schéma de pensée trop rigide et ne considèrent pas le muscle comme ne mobilisant que son insertion distale (ou supérieure) quand il se contracte en concentrique. Rappelez-vous que, théoriquement, une action en inversion de point fixe est toujours possible. Bien que certaines ne se produisent que rarement, d’autres surviennent fréquemment et font partie intégrante des schémas moteurs et des activités au quotidien. Dans cet ouvrage, quand un muscle est expliqué, ses deux actions, standard et en inversion de point fixe, sont présentées.



NOMMER LES INSERTIONS D’UN MUSCLE : ORIGINE ET TERMINAISON CONTRE INSERTIONS


La méthode classique pour nommer les insertions d’un muscle est de décrire une attache sur l’os comme l’origine et l’autre comme l’insertion. Bien que les définitions exactes aient varié, l’origine est habituellement définie comme l’attache la plus fixe, le terme d’insertion étant réservé à la plus mobile. Étant donné que l’attache proximale est habituellement la plus fixe et l’attache distale la plus mobile, certains dictionnaires médicaux définissent même l’origine comme l’attache la plus proximale et l’insertion comme l’attache la plus distale.


Ces dernières années, l’usage des termes origine et insertion est devenu moins en vogue. La raison en est peut-être que le fait d’enseigner, à des étudiants qui débutent l’étude des muscles, qu’une des attaches du muscle est habituellement fixe tend à promouvoir l’idée qu’elle est toujours fixe. Cette croyance est susceptible de conduire à moins de souplesse dans la façon dont les étudiants voient la fonction musculaire, parce qu’ils ont tendance à ignorer les actions en inversion de point fixe, dans lesquelles l’insertion (terminaison [NdT]) reste fixe et l’origine bouge. Étant donné la fréquence à laquelle ces actions en inversion de point fixe se produisent dans la réalité, cela risque de handicaper l’étudiant quand il commence à utiliser et à appliquer cliniquement sa connaissance des muscles avec les patients.


Pour ces raisons, l’idée de nommer les insertions d’un muscle simplement en décrivant leur emplacement progresse. Après tout, si l’origine peut également être définie comme l’attache proximale et que l’insertion (terminaison [NdT]) peut également être définie comme l’attache distale, pourquoi ne pas supprimer complètement les termes d’origine et d’insertion et simplement apprendre les noms des attaches comme proximale et distale ? Ou bien, si le trajet du muscle est supérieur et inférieur, ou médial et latéral, le fait de désigner simplement les attaches musculaires en utilisant ces termes d’orientation topographique n’est pas seulement plus simple, mais il présente aussi l’avantage d’indiquer à l’étudiant la direction des fibres du muscle. Cela aide l’étudiant à voir la ligne de traction du muscle, qui est l’étape la plus cruciale pour se représenter ses actions.


Actuellement, on emploie les deux systèmes d’appellation dans le domaine de la cinésiologie ; il est donc important d’être au courant des deux et d’être à l’aise avec les deux. Pour cette raison, cet ouvrage utilise à la fois la terminologie origine/insertion (terminaison [NdT]) et la terminologie par orientation topographique. (En France, l’enseignement de l’anatomie utilise le terme d’insertion pour toute partie molle [tendon, muscle, ligament, aponévrose, capsule] qui s’insère sur un os. Dans le cas des muscles, on emploie les termes d’origine/terminaison, ou d’insertion proximale/distale, haute/basse, médiale/latérale. Par souci d’harmonie dans le contexte français, ce sont ces termes qui seront adoptés pour la suite de l’ouvrage. Le terme d’insertion employé isolément, sans adjectif, désignera indifféremment l’origine ou la terminaison d’un muscle [NdT].) Le plus important est que l’étudiant apprenne qu’un muscle a deux attaches. Chacune est susceptible de bouger et ce qui détermine laquelle des deux bouge, dans chaque contexte particulier, est sa résistance relative à être déplacée.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 3: Comment les muscles fonctionnent

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access