Chapitre 28 Sarcoïdose
La sarcoïdose, ou maladie de Besnier-Boeck-Schaumann, est une granulomatose systémique d’étiologie inconnue caractérisée par la formation de granulomes immunitaires au niveau des organes atteints. Elle a été initialement décrite en 1860 par Hutchinson [1]. Les lésions cutanées ont été décrites par Besnier en 1889 sous le nom de « lupus pernio » et par Boeck en 1899 sous celui de « sarcoïde cutanée ». La nature multisystémique de la maladie a été reconnue par Schaumann en 1914. Elle se caractérise sur le plan anatomopathologique par un granulome épithélioïde gigantocellulaire sans nécrose caséeuse.
Épidémiologie
La prévalence de la sarcoïdose est très variable. Elle varie de 0,04 à 64 cas pour 100 000 habitants (tableau 28-I) [2,3]. La maladie apparaît plus fréquente dans certains pays et parmi certains groupes ethniques : Noirs, Hispaniques des États-Unis, Antillais, Irlandais et Scandinaves [3]. La maladie peut survenir à tout âge, mais débute généralement chez les adultes jeunes de moins de cinquante ans, le plus fréquemment entre vingt et vingt-neuf ans. De façon remarquable, l’incidence est extrêmement faible avant l’âge de quinze ans (un cas pour 100 000) et les cas sont exceptionnels avant l’âge de quatre ans (0,06 cas pour 100 000). Chez les femmes scandinaves, hormis le pic d’incidence classique entre vingt-cinq ans et vingt-neuf ans, il existe un second pic entre soixante-cinq ans et soixante-neuf ans [4]. Enfin, il existe une prédominance féminine à travers le monde, avec une incidence moyenne de 19 cas pour 100 000 habitants pour les femmes et de 16,5 cas pour 100 000 habitants pour les hommes [5].
Prévalence de la maladie (pour 100 000 habitants) | |
---|---|
Finlande | 100 |
Suède | 50 |
Danemark | 50 |
États-Unis (Noirs) | 50 |
France | 20 |
Amérique latine | 10 |
Asie | 10 |
Europe de l’Est | 10 |
Histopathologie
La lésion caractéristique de la sarcoïdose est un granulome épithélioïde sans nécrose caséeuse. La réaction granulomateuse débute par une accumulation de lymphocytes T et de macrophages au niveau des sites d’inflammation active. Les macrophages en s’activant vont prendre l’aspect de cellules épithéliales, parfois fusionner en cellules géantes, et former, associés aux lymphocytes CD4+, la partie centrale d’un follicule dont le pourtour sera délimité par une couronne de lymphocytes (majoritairement CD8+) et de fibroblastes. Au cours de l’évolution, cette couronne lymphocytaire s’enrichira parfois de fibres de collagène au point de remplacer les cellules du granulome par une cicatrice fibreuse [6].
Physiopathologie
La sarcoïdose est considérée comme la conséquence d’une réponse immunologique chronique conduisant à la formation de granulomes, possiblement déclenchée par des facteurs environnementaux chez des sujets ayant une susceptibilité génétique (tableau 28-II).
Composante génétique | HLA de classe I : B8 (Löfgren) HLA de classe II : DRB1*0301/DQB1*0201 (bon pronostic) Gène BTNL2 (butyrophiline-like 2) Loci de susceptibilité : régions 3p et 5q11.2 (Noirs américains), régions 6p et 6q (populations germaniques) |
Facteurs environnementaux | Exposition à l’humidité et HLA-DQB1 (+++) Particules inorganiques : produits de combustion, insecticides Particules organiques : pollens Agents infectieux : Propionibacterium acnes ou P. granulosum, Mycobacterium tuberculosis (protéines HSP70, KatG, antigène 85A ou mycolyltransferases complex) |
Immuno-histologie | Caractéristiques anatomopathologiques : granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires sans nécrose caséeuse avec lymphocytes périphériques ; possible fibrose collagène responsable de lésions tissulaires |
Réaction cellulaire initiée et maintenue sur le site inflammatoire : – Présentation de l’antigène (exo- ou autoantigène ?) au lymphocyte T : restriction oligoclonal du TCR αβ (+++) – Lymphocytes CD4 helper de type 1 (Th1) : ↑ IL-2, IFNγ (+++) – Macrophages activés : ↑TNFα, IL-12, IL-15, IL-18, MCP-1, MIP [Boucle d’amplification entre macrophages et lymphocytes Th] | |
Autres intervenants : – Lymphocytes CD4, CD25bright FoxP3 inhibant la production d’IL-2 (contribuant peut-être à l’anergie périphérique) mais pas celle du TNFα impliqué dans la formation des granulomes – Lymphocytes NK (Natural Killer) présents dans les adénopathies (rôle inconnu) | |
Entrée en fibrose par possible déséquilibre de la balance cytokinique Th1/Th2 : – lymphocytes CD4 helper de type 2 (Th2) : IL-4, IL-5, IL-6, IL-10 (+++) – ↑ CCL18, fibronectine par les macrophages alvéolaires – ↑ collagène par les fibroblastes pulmonaires [Boucle d’amplification entre production de collagène et production de CCL18] |
GÉNÉTIQUE
La concordance plus importante entre jumeaux monozygotes que dizygotes a suggéré le rôle de facteurs génétiques dans la sarcoïdose, tout comme les différences de fréquence et d’expression clinique de la maladie entre différents groupes ethniques [8]. Ainsi, les cas de sarcoïdose familiale semblent plus importants chez les patients noirs (19 % contre 5 % chez les patients d’autre origine). Plusieurs études ont montré une association entre la maladie et les produits d’un gène spécifique, initialement entre la présentation « aiguë » de la sarcoïdose et la molécule du HLA de classe I HLA-B8 et, par la suite, entre le pronostic favorable et les molécules HLA de classe II HLA-DQB1*0201 et HLA-DRB1*0301 [9,10]. Pour les gènes candidats non-HLA, il a été montré récemment une association avec le gène de la butyrophiline-like 2, molécule dont le lien de parenté avec la molécule de costimulation B7 suggère qu’elle interviendrait dans la régulation lymphocytaire [11]. D’autres gènes de susceptibilité ont été localisés dans certaines régions du génome, principalement les chromosomes 3p et 5q11 ; mais, à ce jour, leur identification et leur fonction restent à établir [12].
AGENTS ENVIRONNEMENTAUX
Si l’implication de gènes paraît évidente dans la pathogenèse de la sarcoïdose, plusieurs arguments supportent l’hypothèse selon laquelle l’exposition à un ou plusieurs agents environnementaux pourrait la déclencher. En effet, la fréquence de la maladie connaît des variations saisonnières et géographiques. De plus, une réaction sarcoïdosique peut être induite localement chez les patients après injection intradermique d’un broyat de tissu sarcoïdosique, renforçant ainsi l’hypothèse du caractère transmissible de la maladie [13]. Enfin, l’exposition chronique à des particules inorganiques, telles que le béryllium, l’aluminium ou le zirconium, peut entraîner une réponse granulomateuse similaire à celle observée dans la sarcoïdose.
Les études épidémiologiques ont principalement incriminé des produits résultants de la combustion de matières organiques (comme le bois ou le foin chez les agriculteurs) ou inorganiques (chez les pompiers intervenant dans le cadre d’incendies). De plus, l’exposition à l’humidité ou aux pollens semble également favoriser la survenue de la sarcoïdose [2,14].
Des agents infectieux ont également été suspectés du fait de la présence de leur matériel génétique retrouvé par PCR au sein des granulomes sarcoïdosiques ou de la présence dans le sérum des patients d’anticorps dirigés contre des antigènes bactériens spécifiques (HSP70 et antigène 85A à activité mycolyltransférase de Mycobacterium tuberculosis). C’est le cas des mycobactéries ou des propionibactéries (P. acnes ou P. granulosum) [15–17]. Cependant, la preuve du lien entre la maladie et ces agents infectieux reste à fournir, car les résultats positifs sont le fait de techniques d’identification par PCR très sensibles, notamment pour Mycobacterium tuberculosis. De plus, aucune étude n’a jamais mis en évidence les germes à l’examen direct ou à la culture des granulomes sarcoïdosiques.
IMMUNITÉ CELLULAIRE ET HUMORALE
La physiopathologie de la sarcoïdose repose principalement sur le lymphocyte T CD4+ dont l’interaction avec la cellule présentatrice d’antigène est à l’origine de la formation du granulome et de son renouvellement [18]. L’analyse du répertoire lymphocytaire T αβ observé au cours de la sarcoïdose suggère que l’agent pathogène déclenchant favorise l’accumulation progressive et l’activation de clones T spécifiques [19]. Ces lymphocytes T CD4+ activés ont une différenciation pro-Th1, sécrétant essentiellement de l’IL-2 et de l’IFNγ. Ainsi, ils stimulent la production par les macrophages du facteur de croissance hématopoïétique GM-CSF (Granulocyte Macrophage-Colony Stimulating Factor), de MCP-1 (Monocyte Chemotactic Protein 1), de MIP-1 (Macrophage Inflammatory Protein 1), des interleukines IL-12, IL-15, IL-18 et, surtout, du TNFα (Tumor Necrosis Factor α), contribuant à amplifier la réponse inflammatoire locale [17]. Cela aboutit à une augmentation du rapport lymphocytaire CD4/CD8 au niveau du granulome et à une diminution du nombre de lymphocytes circulants. Par ailleurs, les lymphocytes CD4+ activés entraînent l’augmentation de la production d’immunoglobulines par les lymphocytes B, ce qui se traduit par une hypergammaglobulinémie polyclonale. La présence et la fonction des cellules T NK (Natural Killer) au sein du granulome sarcoïdosique restent à préciser.
La sarcoïdose est un modèle de paradoxe immunologique. En effet, alors que la réponse inflammatoire locale T est amplifiée, il existe également un phénomène d’anergie, comme en témoigne la suppression de la réponse à la tuberculine. L’expansion en périphérie de lymphocytes T régulateurs caractérisés par l’hyperexpression du CD25 contribuerait à cette anergie, en abolissant la production d’IL-2 et donc en inhibant la prolifération des lymphocytes T CD4+[20].
Dans la grande majorité des cas, les granulomes régressent sans laisser de séquelles fonctionnelles. Cependant, la fibrose pulmonaire peut survenir chez 20 % à 25 % des patients atteints de sarcoïdose. Les mécanismes physiopathologiques de la fibrose demeurent hypothétiques. Une première hypothèse est celle d’un déséquilibre de production au sein du poumon entre les métalloprotéinases de la matrice MMP-8 et MMP-9 et leur inhibiteur, qui contribuerait alors à emballer le remodelage de la matrice extracellulaire [21,22]. Une autre hypothèse est celle d’une réorientation du profil de sécrétion cytokinique des lymphocytes T CD4+, initialement Th 1 (IL-2 et IFNγ), vers Th2 (IL-4, IL-10 et IL-13). Les macrophages activés dans un contexte de cytokines de type Th2 produiraient de forts niveaux de fibronectine et de CCL18, chimiokine connue pour stimuler la production de collagène par les fibroblastes pulmonaires. Ce dernier stimulerait la sécrétion par les macrophages de CCL18, créant alors un rétrocontrôle positif à l’origine de la fibrose pulmonaire [23].
Manifestations cliniques
La présentation clinique de la sarcoïdose dépend de l’origine ethnique, de la durée d’évolution de la maladie, du site des lésions, de leur étendue et de l’activité du processus granulomateux. Le mode de présentation classique inclut des symptômes non spécifiques d’ordre général et des symptômes liés aux organes concernés par la maladie [24]. Trente à cinquante pour cent des patients ne se plaignent de rien et le diagnostic est évoqué sur des anomalies de la radiographie de thorax de routine. Un tiers des patients ont des symptômes non spécifiques, tels que de la fièvre, une asthénie, une perte de poids. Ce type de présentation est plus volontiers observé dans la population noire, asiatique ou indienne. Sur le plan épidémiologique, la plupart des études retrouvent une plus grande fréquence des complications oculaires chez les patients noirs. Les séries françaises font de la même manière état d’une fréquence particulièrement élevée de manifestations oculaires chez les Antillais [25].
MANIFESTATIONS OCULAIRES
Suivant les différentes séries, les atteintes oculaires sont retrouvées dans 25 % à 50 % des cas (tableau 28-III) [26–34]. Elles sont la manifestation inaugurale dans 20 % des cas et peuvent précéder de plusieurs années les manifestations pulmonaires [28]. Presque tous les éléments du globe, des annexes et de l’orbite peuvent être touchés par l’atteinte granulomateuse (tableau 28-IV) [35]. Bien que l’atteinte du segment antérieur soit la plus fréquente, c’est l’atteinte du segment postérieur qui met le plus souvent en jeu le pronostic visuel [30,36,37]. La maladie est généralement bilatérale. Les atteintes de la conjonctive et de la glande lacrymale sont relativement fréquentes mais elles n’affectent pas de façon significative le pronostic fonctionnel visuel. À l’opposé, les complications oculaires telles que l’ischémie rétinienne avec néovascularisation et les atteintes isolées du nerf optique sont relativement rares mais ont un pronostic fonctionnel réservé. De toutes les manifestations oculaires observées au cours de la sarcoïdose, les plus fréquentes sont les uvéites (tableau 28-V). Tous les types d’uvéite peuvent se voir, d’une simple uvéite antérieure unilatérale à une panuvéite bilatérale sévère. Parmi les manifestations ophtalmiques, l’uvéite peut être préoccupante du fait de son évolution chronique et de son retentissement fonctionnel.
Auteurs | Atteinte ophtalmique | |
---|---|---|
Crick et al., 1961 [26] | n = 185 | 50 % |
James et al., 1976 [27] | n = 3676 | 15 % |
Obenauf et al., 1978 [28] | n = 532 | 38 % |
Jabs et al., 1986 [29] | n = 183 | 26 % |
Karma et al., 1988 [30] | n = 281 | 28 % |
Rothova et al., 1989 [32] | n = 121 | 41 % |
Badelon et al., 1994 [31] | n = 54 | 35 % |
Evans et al., 2007 [33] | n = 81 | 79 % |
Khanna et al., 2007 [34] | n = 48 | 29 % |
Structure | Caractéristique |
---|---|
Conjonctive | Nodules conjonctivaux, symblépharon ou entropion cicatriciel, syndrome sec |
Épisclère | Épisclérite |
Cornée | Kératopathie en bandelette |
Uvée | Uvéite antérieure, intermédiaire, postérieure, panuvéite |
Cristallin | Cataracte |
Rétine | Ischémie rétinienne avec néovascularisation, vascularite, œdème maculaire |
Choroïde | Granulomes choroïdiens, néovascularisation |
Nerf optique | Œdème papillaire clinique, atrophie optique, granulome du nerf optique et néovascularisation prépapillaire |
Glande lacrymale | Hypertrophie de la glande lacrymale ± ptosis |
Paupières | Lésions nodulaires, ptosis |
Orbite | Masses orbitaires |
UVÉITE ANTÉRIEURE
Typiquement, l’uvéite est chronique, granulomateuse, uni- ou bilatérale, synéchiante, parfois hypertonisante. Les uvéites antérieures au cours de la sarcoïdose sont habituellement granulomateuses et se caractérisent par la présence de précipités rétrodescemétiques en « graisse de mouton », associés de façon inconstante à des nodules iriens caractéristiques, mais non pathognomoniques. Les précipités rétrodescemétiques peuvent être de grande taille, répartis le plus souvent dans la moitié inférieure de la cornée, dont le caractère blanc traduit l’évolutivité (fig. 28-1). Les nodules iriens correspondent à des précipités intra-iriens constitués d’un matériel inflammatoire. Lorsqu’ils siègent sur le rebord pupillaire, les nodules prennent le nom de nodules de Koeppe (fig. 28-2), les nodules de Busacca apparaissant, quant à eux, à la surface de l’iris (fig. 28-3). On peut également observer des nodules dans l’angle iridocornéen (fig. 28-4). Des nodules iriens faits d’un véritable matériel granulomateux sont plus rarement observés. Les uvéites antérieures touchent jusqu’à deux tiers des patients ayant des manifestations oculaires et sont responsables de baisse d’acuité visuelle par le biais des complications qu’elles engendrent : essentiellement cataracte et glaucome secondaire.
UVÉITE INTERMÉDIAIRE
L’inflammation du vitré est une manifestation fréquente au cours de la sarcoïdose. Cette inflammation peut se présenter sous une forme aiguë et autolimitée, ayant l’aspect d’une réaction cellulaire fine, ou s’organiser sous forme d’amas vitréens en « œufs de fourmis » ou en « collier de perles » (fig. 28-5) [38]. Lorsque l’atteinte vitréenne est la manifestation ophtalmique prépondérante et qu’elle s’associe à une atteinte de la rétine périphérique, on parle d’uvéite intermédiaire. La hyalite survient dans 25 % à 60 % des cas des atteintes du segment postérieur [39]. Landers fut le premier à préciser l’aspect du vitré au cours de la sarcoïdose : il décrit des lésions vitréennes sphériques, sous formes de corps arrondis de couleur gris-blanc, variant en taille et pouvant atteindre un tiers du diamètre papillaire ; ces lésions en « œufs de fourmis » (snowballs dans la littérature anglo-saxonne) sont fréquemment associées les unes aux autres sous forme d’un aspect en « collier de perles » (string of pearls) [38]. Un certain nombre d’auteurs ont même considéré cet aspect en « collier de perles » comme spécifique de la sarcoïdose, il peut toutefois être retrouvé dans d’autres causes d’uvéites [40]. Ces amas sont le plus souvent localisés dans la partie inférieure du vitré, en avant de l’équateur. L’uvéite intermédiaire peut se manifester également par la présence d’exsudats au niveau de la pars plana, pouvant entraîner la classique image de « banquise » (snowbanking) associée à des périphlébites et accompagnée, dans les cas les plus sévères, d’œdème maculaire cystoïde et/ou d’œdème papillaire (fig. 28-6). Des membranes vitréorétiniennes plus étendues peuvent s’observer en cas d’inflammation vitréorétinienne sévère et être responsables de tractions rétiniennes, à l’origine de déchirures et de décollements de rétine rhegmatogènes. Les uvéites intermédiaires peuvent altérer la vision en affectant aussi bien le segment antérieur (cataracte, glaucome…) que le segment postérieur (œdème maculaire cystoïde, vascularites et leurs complications, hyalite…).
UVÉITE POSTÉRIEURE
L’atteinte du segment postérieur au cours de la sarcoïdose est plus rare que celle du segment antérieur et ne survient que dans 14 % à 43 % des formes oculaires [41,42]. Dans certains cas, l’atteinte rétinienne peut être la seule manifestation oculaire de la sarcoïdose [41]. Les vascularites sont les atteintes rétiniennes le plus souvent observées au cours de la sarcoïdose [41]. Elles se présentent sous forme de périphlébites focales et se compliquent parfois d’œdème maculaire, d’exsudats rétiniens, de néovascularisation ou de membrane épirétinienne (fig. 28-7). Sur le plan rétinien, la lésion la plus caractéristique de la sarcoïdose est représentée par une lésion nodulaire ou granulomateuse, blanc jaunâtre, infiltrant la rétine, située le long de veines rétiniennes sièges de vascularites. Ces lésions sont communément décrites sous le nom de « taches de bougie » (candie wax drippings). De plus larges granulomes rétiniens se projetant parfois à l’intérieur du vitré ont été décrits dans approximativement 12 % des cas. De façon exceptionnelle et lorsqu’ils sont volumineux, ils peuvent être responsables de décollements de rétine exsudatifs [43]. Par ailleurs, ils peuvent, par le biais d’œdème maculaire, engendrer la survenue de membrane épirétinienne pouvant modifier la vision, même après résolution du processus inflammatoire [41]. Au cours des uvéites postérieures, c’est l’œdème maculaire cystoïde qui constitue la principale cause de baisse d’acuité visuelle [36].
L’atteinte vasculaire, associée le plus souvent à une inflammation vitréenne, concerne généralement les petites veinules et les capillaires de la périphérie rétinienne et est segmentaire [42]. Les périphlébites sont les lésions du segment postérieur le plus couramment observées ; les périartérites sont au contraire très rares [42]. Les altérations vasculaires se manifestent par des engainements : manchons blancs, duveteux. Il s’agit de véritables infiltrats périveineux caractéristiques, avec un aspect en « tache de bougie » survenant dans 35 % des cas d’atteintes rétiniennes. L’angiographie est indispensable pour confirmer et évaluer l’atteinte vasculaire. À la phase aiguë, les engainements se traduisent par une coloration pariétale avec diffusion de colorant, tandis qu’à la phase cicatricielle, il existe une simple coloration sans diffusion du colorant.
Une néovascularisation apparaît dans 1 % à 5 % des cas au cours de l’atteinte du segment postérieur [44]. Elle est le plus souvent due à la présence de zones étendues d’ischémie rétinienne mais également à l’inflammation chronique.
L’œdème maculaire est présent dans 19 % à 58 % des cas d’atteinte du segment postérieur [41]. Sa fréquence augmente avec la durée d’évolution de l’uvéite et le retard de prise en charge. Il est facilement identifiable en angiographie à la fluorescéine et en OCT.
Au niveau choroïdien, on observe des nodules dans 5 % des atteintes ophtalmiques [28]. Ils sont généralement multiples, de petites tailles, de coloration jaunâtre avec ou sans réaction inflammatoire vitréenne ou vasculaire [43]. Pour Vrabec, il faut rechercher une sarcoï’dose chez les patients évoquant une choroïdite multifocale et âgée de plus de cinquante ans, ainsi que chez ceux atteints de lésions suspectes de choriorétinopathie de type birdshot ayant un HLA-A29 négatif (fig. 28-8) [45,46].
AUTRES MANIFESTATIONS OPHTALMIQUES
Conjonctive
La conjonctive est fréquemment impliquée au cours de la sarcoïdose, les nodules conjonctivaux en étant la manifestation la plus habituelle. Il s’agit de nodules de couleur jaunâtre et de taille variable siégeant électivement dans le cul-de-sac inférieur ou à la face postérieure de la paupière inférieure. Une inflammation chronique de la conjonctive conduit de façon beaucoup plus rare à l’apparition de symblépharon ou d’entropion cicatriciel [47].
Cornée
Une kératopathie en bandelette est parfois observée au cours de la sarcoïdose ; elle peut être la conséquence de l’hypercalcémie ou d’une inflammation chronique du globe (fig. 28-10).
Glande lacrymale
La glande lacrymale est le tissu le plus souvent impliqué (10 % des cas environ), sous la forme d’une hypertrophie de la glande lacrymale, fréquemment associée à une symptomatologie douloureuse et à un ptosis [48].
L’examen au gallium 67 montre une atteinte de la glande lacrymale chez 60 % à 75 % des patients ayant une sarcoï’dose [29,30,32].
Voies lacrymales
Il existe moins de dix cas d’implication du sac lacrymal dans la littérature. Ces cas se présentent sous la forme de dacryocystite et le diagnostic a été fait, dans tous les cas, à la suite de la réalisation d’une dacryocystorhinostomie. Harris constate que lorsque le sac lacrymal est atteint, d’autres éléments des voies respiratoires supérieures sont également impliqués [49].