27. Principes et pratique de la nébulisation

Chapitre 27. Principes et pratique de la nébulisation

Gregory Reychler and Laurent Vecellio




La nébulisation est une modalité d’administration médicamenteuse utilisée depuis bien longtemps pour le traitement des pathologies respiratoires (bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], asthme, mucoviscidose…). Cependant, d’autres pathologies (diabète, hypertension pulmonaire…) sont et seront concernées par la nébulisation dans le futur. L’intérêt est de pouvoir administrer directement la substance active au niveau du site d’action et de profiter de la grande surface de diffusion qu’offrent les poumons pour un passage systémique.

Jusqu’au xixe siècle, seules les inhalations de vapeurs diverses existaient, et le premier nébuliseur pneumatique connu apparut avant la Seconde Guerre mondiale. Depuis, de nombreux appareils ont été conçus et cette diversité peut contribuer à perturber le prescripteur vu les spécificités propres à chacun d’eux.


Qu’est-ce qu’un aérosol ?


Un aérosol est un système de particules dont le diamètre est suffisamment petit pour qu’elles restent en suspension dans l’air. Ces particules, lorsqu’elles sont suffisamment fines, peuvent être inhalées par le patient et se déposer dans les voies respiratoires. Dans le cadre de la nébulisation, les particules sont des gouttelettes de liquide qui mesurent quelques micromètres et qui ont une forme sphérique. Cet aérosol nébulisé est polydispersé, c’est-à-dire constitué de particules de tailles différentes. Pour interpréter statistiquement cette distribution de taille de particules, on utilise le terme de « MMAD » (diamètre aérodynamique médian en masse ou mass median aerodynamic diameter). Le MMAD est un paramètre statistique qui représente la taille de l’aérosol produit et qui prédit le site de dépôt de l’aérosol. Il s’agit du diamètre pour lequel 50 % de la masse sont compris dans des particules de taille inférieure. Cela signifie que pour un MMAD de 3 μm, 50 % de la masse des particules sont compris dans des particules de diamètre inférieur à 3 μm.


Qu’est-ce qu’un nébuliseur ?


Un nébuliseur est un générateur d’aérosol liquide nécessitant une préparation préalable par introduction du médicament dans le réservoir de celui-ci. Il existe actuellement trois grands types de nébuliseurs.


Les nébuliseurs pneumatiques


Les nébuliseurs pneumatiques (figure 27.1) fonctionnent à l’aide d’une source de gaz comprimé (compresseur ou prise d’air murale). Ils nébulisent toutes sortes de médicaments liquides (solutions, suspensions, huiles). Il existe trois types de nébuliseurs pneumatiques : les nébuliseurs traditionnels, les nébuliseurs à Venturi actif (ou à double Venturi) et les nébuliseurs dosimétriques [1]. Les nébuliseurs à venturi actif se distinguent des premiers par leur système de prise d’air additionnel. Cette prise d’air augmente la quantité d’aérosol produit pendant l’inhalation du patient et réduit les pertes hors du nébuliseur lors de l’expiration. Les nébuliseurs dosimétriques génèrent l’aérosol uniquement durant la phase inspiratoire du patient et limitent les pertes d’aérosols à l’expiration.








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Figure 27.1
Exemple de nébuliseur pneumatique.1. Gaz comprimé. 2. Sélection des particules par le déflecteur. 3. Recyclage des particules. 4. Particules les plus fines sortant du nébuliseur. 5. Air additionnel. 6. Sélection des particules par les parois du nébuliseur. 7. Atomisation.



Les nébuliseurs ultrasoniques


Les nébuliseurs ultrasoniques (figure 27.2) utilisent la vibration à haute fréquence d’un cristal piézoélectrique. Ils ne nébulisent pas les huiles et les suspensions [2] et peuvent provoquer une hausse de la température du médicament nébulisé. Les nébuliseurs ultrasoniques peuvent être classés en deux catégories : avec ou sans interface. Les nébuliseurs sans interface d’eau ont l’inconvénient d’être difficiles d’entretien et de chauffer, ce qui pose problème pour des médicaments thermosensibles. Avec les nébuliseurs à interface d’eau, des coupelles jetables contenant le médicament garantissent une bonne hygiène de l’aérosolthérapie et l’eau située entre le cristal et le médicament limite la hausse de température. Globalement, le coût élevé et l’entretien inhérent à ces appareils les rendent moins fréquents que les nébuliseurs pneumatiques et les réservent préférentiellement à des patients ayant recours de manière chronique à la nébulisation.








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Figure 27.2
Exemple de nébuliseur ultrasonique.



Les nébuliseurs à tamis


Les nébuliseurs à tamis (figure 27.3) sont des nébuliseurs de nouvelle génération. Ils ont l’avantage d’être portables, silencieux et autonomes. Ils sont composés d’une membrane percée d’une grande quantité de trous coniques microscopiques (environ 4000). Il existe deux types de nébuliseur à tamis [3] : les nébuliseurs à tamis statique et les nébuliseurs à tamis vibrant. Le nébuliseur à tamis statique utilise un quartz pour pousser le liquide médicamenteux à travers le tamis, créant ainsi un aérosol inhalable. Le nébuliseur à tamis vibrant utilise un quartz piézoélectrique entourant le tamis pour le faire vibrer, créant ainsi un phénomène de pompage et d’éjection des gouttelettes directement inhalables. Les nébuliseurs à membranes actuellement commercialisés (Aeroneb Go®, eFlowrapid®, Micro Air®) n’exposent pas à un risque de surdosage [4].








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Figure 27.3
Exemple de nébuliseur à tamis vibrant.



Que devient le médicament introduit dans le nébuliseur ?


Le médicament introduit dans le nébuliseur est transformé en aérosol de médicament. Cependant, tout le médicament introduit dans le nébuliseur n’est pas produit sous la forme aérosol (figure 27.4). Une grande partie est souvent piégée dans le nébuliseur et n’est plus disponible pour le patient (volume résiduel). Le volume résiduel peut varier de 0,1 ml à plus de 3 ml selon les nébuliseurs. De même, l’aérosol produit par le nébuliseur n’est pas totalement inhalé par le patient. Lors de la phase expiratoire, certains nébuliseurs continuent à produire l’aérosol. Une partie du médicament est alors perdue sous forme aérosol dans l’air ambiant ou dans un filtre. En définitive, la quantité de médicament inhalée par le patient ne correspond pas à la quantité introduite dans le nébuliseur. Les résulats montrent que seuls 5 % à 40 % de la dose de médicament introduite dans le nébuliseur (« dose nominale ») sont inhalés par le patient.








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Figure 27.4
Organigramme représentant les pertes de médicament par nébulisation.



Où vont les aérosols inhalés ?


Le devenir des aérosols inhalés dans les voies aériennes est fonction des propriétés physiques de l’aérosol, des conditions d’inhalation et de l’anatomie des voies respiratoires [5]. Lorsque l’inhalation est réalisée par voie nasale, les particules les plus grosses vont se déposer majoritairement dans les voies aériennes supérieures, en particulier dans les poils, premier filtre pour les plus grosses particules : 90 % de rétention pour des particules de 10 μm, 50 % de rétention pour les particules de 5 μm [6]. Lorsque l’inhalation a lieu par la bouche, les recommandations pour les bonnes pratiques d’aérosolthérapie [7] définissent des sites de dépôt dans l’arbre respiratoire selon la taille des particules. Le dépôt se fait de préférence dans la sphère ORL pour des particules dont la taille est supérieure à 5 μm de diamètre aérodynamique, dans les bronches pour des particules comprises entre 2 et 6 μm de diamètre aérodynamique et dans le poumon profond pour des particules comprises entre 0,5 et 3 μm de diamètre aérodynamique.

Les modalités d’inhalation par le patient influent également sur le dépôt de l’aérosol. Les vitesses de particules sont déterminées par le générateur et influencées par le patient. Un débit d’inspiration trop rapide (30-120 l/min) augmente le dépôt des aérosols dans les voies aériennes supérieures. A contrario, une inspiration lente et profonde diminue l’impaction des particules dans la sphère ORL et favorise un dépôt dans les voies respiratoires basses.

L’anatomie des voies respiratoires chez des patients avec des voies obstruées modifie considérablement l’hydraulique de l’air inspiré et affecte donc le dépôt de l’aérosol. Cette obstruction des voies aériennes entraîne une augmentation de la quantité d’aérosol inhalée [8] et une non-uniformité du dépôt dans les voies respiratoires [9].


À quoi veiller ?


Certains facteurs jouent un rôle dans la déposition pulmonaire, dont l’importance varie et par lesquels le kinésithérapeute est concerné.


Les propriétés aérodynamiques des particules émises


Les propriétés aérodynamiques, propres à chaque nébuliseur et à chaque molécule, influencent le choix du nébuliseur en fonction des indications, étant donné que la localisation de la déposition des particules est directement liée à leur taille (figure 27.5) [10] et à l’efficacité thérapeutique. Les systèmes de nébulisation bénéficient maintenant d’une norme européenne spécifique : la norme NF-EN 13544.1 [11]. La norme informe plus particulièrement sur les caractéristiques techniques de l’appareil, ses performances et son utilisation. La notice donne aussi des informations concernant la traçabilité en cas de signalement en matériovigilance.








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Figure 27.5
Représentation graphique de la relation entre le MMAD et la déposition chez des sujets sains adultes (basée sur des modèles in vitro) [modifiée de [1] avec autorisation].


Les paramètres à prendre en compte sont :




• la quantité d’aérosol produit : quantité de médicament produit par le système de nébulisation et disponible pour le patient ;


• le débit d’aérosol produit : quantité de médicament produit par unité de temps par le système de nébulisation et disponible pour le patient ;


• la taille des particules, et plus particulièrement le MMAD, ainsi que la fraction respirable ou fraction de fines particules. La fraction de fines particules correspond au pourcentage de particules comprises dans un intervalle de tailles bien défini. Généralement, lorsqu’on parle d’aérosol médicaux, l’intervalle de taille de la fraction respirable et le MMAD sont compris entre 1 et 5 μm.


Interface


L’administration d’un aérosol est réalisée par le nez ou par la bouche. Chez l’adulte, au niveau de la cavité nasale, les particules sont captées par les cils qui ont une action protectrice. Chez le nouveau-né, l’absence de cils au niveau nasal rend le passage de l’aérosol par le nez moins néfaste pour la déposition pulmonaire.

Pour éviter le filtre nasal, le recours à l’embout buccal est à privilégier, sauf en cas de non-collaboration des patients (petits enfants, patients neurologiques, personnes âgées…). En effet, chez l’adulte, il a été montré que la déposition pulmonaire est réduite de moitié lorsque le masque facial est préféré à l’embout buccal [12]. En revanche, le masque facial est préférable chez le petit enfant qui a une respiration nasale au repos. Cependant, l’obstruction nasale, conséquence des rhinites et de l’hypertrophie des végétations, limite le passage de la substance nébulisée par le nez. En cas de recours au masque, une application contre la peau s’impose car l’écarter de 1 cm du visage de l’enfant réduit de 50 % la dose délivrée [13]. Chez les plus grands enfants, il ne semble pas y avoir de différence entre l’administration par masque facial ou par embout buccal au niveau de l’efficacité thérapeutique d’un bronchodilatateur. Dans certaines situations, d’autres interfaces peuvent être utilisées. Une tente recouvrant le visage de l’enfant, sans nécessiter de contact direct [14], peut ainsi être utilisée avec une efficacité similaire mais une acceptance plus difficile des parents [15].

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Oct 9, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 27. Principes et pratique de la nébulisation

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