CHAPITRE 26 TRAITEMENT DE L’ASTHME (À L’EXCEPTION DE LA DÉSENSIBILISATION)
ÉPIDÉMIOLOGIE
L’asthme constitue un enjeu majeur de santé publique. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 300 millions de personnes souffrent d’asthme dans le monde [1]. Sa prévalence a doublé en Europe au cours des vingt dernières années, touchant près de 30 millions d’individus [2]. En France, l’asthme concerne 10 % des enfants et 7 % de la population adulte, touchant globalement plus les garçons dans l’enfance avec une inversion du sex-ratio à la puberté [3]. Elle conduit à plus de 50 000 hospitalisations et 1 000 décès chaque année en France [3]. Les conséquences socio-économiques de l’asthme sont considérables avec des coûts estimés à 17,7 milliards /an en Europe et 1,5 milliards
/an en France [2, 4].
Une large partie de la population asthmatique reste encore insuffisamment contrôlée, en raison de l’absence de traitement régulier, d’une mauvaise observance, d’un suivi médical irrégulier ou d’une résistance aux médicaments [5]. L’asthme non contrôlé, défini selon les recommandations du Global Initiative for Asthma (GINA) [6], représente 32 % des patients asthmatiques en Europe, avec une variabilité géographique importante (20 % à 67 % selon les pays) [5]. En France, la prévalence de l’asthme non contrôlé pourrait concerner environ un tiers des patients asthmatiques [5]. L’impact socio-économique de l’asthme non contrôlé est considérable. Il conduit à une diminution importante de la qualité de vie, avec notamment une majoration du risque d’épisodes dépressifs, et constitue une large part des coûts directs et indirects associés à l’asthme, en termes d’absentéisme, de traitement ou d’hospitalisation [7]. Il représente un surcoût associé au recours aux soins de 196 /an/patient en cas d’asthme partiellement contrôlé et 901
/an/patient en cas d’asthme non contrôlé [7].
GÉNÉRALITÉS
L’asthme est une maladie chronique des voies aériennes, dont la définition reste controversée à ce jour, certains contestants même la possibilité de regrouper sous cette entité des phénotypes très hétérogènes [8]. Elle se manifeste par des épisodes récidivants de toux, de sifflements et de dyspnée, traduisant un trouble ventilatoire obstructif partiellement réversible spontanément ou sous l’effet d’un traitement [6]. L’asthme est une maladie dont l’expression varie au cours du temps. Apparaissant souvent dans l’enfance, l’asthme peut rester stable tout au long de la vie, disparaître pendant plusieurs années, réapparaître et s’aggraver à tout âge. L’étiologie de l’asthme est encore mal connue mais résulte d’interactions complexes entre facteurs génétiques, environnementaux et comportementaux [6]. La prise en charge de l’asthme repose, en plus du contrôle des facteurs environnementaux, sur la prise régulière de médicaments, même en l’absence de symptômes. Les bêta2-mimétiques de courte durée d’action, éventuellement associés aux anticholinergiques et aux corticoïdes par voie orale, constituent le traitement de la crise et de l’exacerbation asthmatique. Le traitement de fond de l’asthme persistant a fait l’objet de multiples recommandations nationales et internationales, et repose principalement sur la prise de corticoïdes inhalés. D’autres classes pharmacologiques peuvent être associées à la corticothérapie selon le contrôle de la maladie : bêta2-mimétiques de longue durée d’action, cromones, antagonistes des récepteurs aux leucotriènes ou xanthines. De nouvelles innovations thérapeutiques, basées sur les anticorps monoclonaux, permettent déjà ou vont prochainement permettre de prendre en charge certains phénotypes d’asthme difficile à traiter (ex. : omalizumab dans l’asthme allergique). La voie inhalée doit rester la voie d’administration à privilégier dans le traitement de fond de l’asthme notamment pour limiter la survenue d’effets indésirables systémiques. Plusieurs dispositifs médicaux sont actuellement disponibles pour l’administration par voie inhalée : aérosol-doseurs (« spray » munis ou non d’une chambre d’inhalation), inhalateurs de poudre sèche et nébuliseurs. Une éducation thérapeutique, notamment sur l’utilisation de ces dispositifs médicaux, doit être réalisée pour optimiser l’efficacité des médicaments inhalés par une administration optimale des principes actifs.
PHYSIOPATHOLOGIE EN LIEN AVEC LA THÉRAPEUTIQUE
Mécanismes physiopathologiques de l’asthme
Les mécanismes physiopathologiques de l’asthme sont complexes et restent partiellement inconnus. L’asthme met en jeu de nombreux médiateurs dont les effets vont se succéder, s’associer ou s’inhiber. La physiopathologie de l’asthme repose sur l’association d’une inflammation associée à une hyperréactivité bronchique et caractérisée par une infiltration cellulaire (polynucléaires éosinophiles, neutrophiles, lymphocytes T et monocytes), d’un bronchospasme, d’une hypersécrétion de mucus et de lésions de l’épithélium bronchique (figure 26.1). Le mastocyte joue un rôle essentiel dans la physiopathologie de l’asthme puisqu’il est la cible de la réaction immunologique, et qu’il libère les médiateurs à l’origine de la crise d’asthme. L’importance de ces phénomènes physio-pathologiques évolue dans le temps caractérisant la chronicité de la maladie asthmatique.
Exploration fonctionnelle respiratoire
Les mécanismes physiopathologiques de l’asthme conduisent à une diminution de la fonction ventilatoire sur un mode obstructif. L’exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) est indispensable pour le diagnostic, le dépistage de la maladie, mais également très utile au pronostic et au suivi thérapeutique. L’EFR constitue le complément indispensable de l’examen clinique et radiographique en pneumologie. Elle regroupe l’ensemble des explorations permettant de mesurer les variables quantifiables de la fonction respiratoire, et d’apprécier ainsi le retentissement fonctionnel de la pathologie respiratoire. Elle comprend classiquement la réalisation d’une spirométrie, permettant de mesurer les volumes pulmonaires mobilisables et les débits expiratoires forcés, et ainsi de mesurer le volume expiratoire maximum par seconde (VEMS) qui rapporté à la capacité vitale forcée (CVF) constitue l’indice de référence de l’obstruction bronchique (coefficient de Tiffeneau = VEMS/CVF). D’autres paramètres d’obstruction sont également étudiés (débit expiratoire médian ou DEM25-75 représentant plutôt les débits des petites voies aériennes, débit de pointe ou DEP). L’EFR comprend classiquement la mesure des volumes pulmonaires et des débits ventilatoires forcés. Les résultats de l’EFR d’un patient s’interprètent sur la base d’une comparaison avec des valeurs de référence dites normales ou théoriques. Elles ont été établies à partir de cohortes de sujets caucasiens, sains, ayant les mêmes caractéristiques anthropométriques (âge, sexe, taille).
L’examen de base est la spirométrie, le choix d’autres tests dépendant du contexte clinique (figure 26.2). Le test standard de spirométrie se déroule en quatre phases :
– 1. inspiration maximale lente et sans forcer ;
– 2. expiration maximale complète et forcée ;
– 3. inspiration maximale complète et forcée ;

Fig. 26.2 Courbe débit-volume et courbe volume-temps.
DEP : débit expiratoire de pointe. Valeur maximale du flux expiratoire mesuré durant un test d’expiration forcé. Sa valeur estfonction des voies aériennes centrales (trachées et grosses bronches). Il est très dépendant de l’effort expiratoire du patient.
DEM 25-75 : débit expiré médian entre 25 et 75 % du volume expiré. La moyenne du flux expiratoire dans l’intervalle entre 25 % et 75 % de la CVF.
DEM 50 : il explore le milieu de l’expiration (bronche moyenne et une partie des petites), il peut être perturbé malgré un VEMS normal.
CVF : capacité vitale forcée. Volume maximum d’air qui peut être expiré avec force et vélocité maximum, en ayant inspiré au maximum.
VEMS : volume expiratoire maximal pour seconde. Volume d’air expiré dans la première «1 » seconde. Il représente le débit de l’expiration forcée correspondant aux gros troncs bronchiques.
Coefficient de Tiffeneau (VEMS/CVF) : fraction de la CVF expirée en 1 seconde. Un sujet sain expire pendant la première seconde environ 75-80 % de la CVF. Ce paramètre est reproductible, superposable, c’est donc une mesure fiable et de grande valeur prédictive.
VEM6 : volume expiratoire maximal pour six secondes. Volume d’air expiré dans les six premières secondes.
Un graphique représentant la courbe débit-volume durant les phases 2 et 3 de cet exercice est tracé. La courbe expiratoire est représentée au-dessus de l’axe des abscisses, la courbe inspiratoire étant située en dessous. En abscisse, la valeur mesurée en litres entre le début et la fin de l’expiration forcée correspond à la CVF. En ordonnée, le débit expiratoire, s’élève rapidement jusqu’à une valeur maximale, le débit expiratoire de pointe (DEP), puis redescend progressivement.
Des dispositifs portatifs, manuels (ex. : peakflow) ou électroniques (ex. : spiromètre électronique Pico) permettent d’apprécier la gravité et l’évolution de la maladie en mesurant le DEP en ambulatoire (voir partie correspondante).
Test de réversibilité de l’obstruction bronchique
Devant une obstruction bronchique, la réversibilité de l’obstruction doit être explorée. Pour établir le test de réversibilité, le protocole suivant peut être proposé :
– 1. test de spirométrie (avec au moins trois courbes reproductibles et de bonne qualité technique) ;
– 2. prise de bêta2-mimétiques inhalés de courte durée d’action, utilisés en aérosol-doseurs ou en poudre sèche ;
– 3. second test de spirométrie 15 à 20 minutes après l’inhalation (avec au moins trois courbes reproductibles et de bonne qualité technique).
La réversibilité est jugée sur l’augmentation du VEMS en valeur absolue significatif au-delà de 200 mL, mais surtout par rapport au VEMS de base > 20 %, ou mieux au VEMS théorique > 12 %.
Tests de provocation bronchique à la méthacholine
La preuve de l’hyperréactivité bronchique peut être apportée en soumettant les bronches du sujet à une irritation contrôlée, reproductible, connue pour ne pas déclencher de réaction chez le sujet sain. Les épreuves de provocation bronchique font appel à la méthacholine, homologue bêta-méthyl du chlorure d’acétylcholine (dérivé stable de l’acétylcholine), ou à l’histamine administrées en aérosols. La bronchoconstriction induite, chez le sujet hyperréactif, par le chlorure demé-thacholine est de durée brève, généralement peu intense et réversible sous bêta2-mimétiques. La réalisation du test à la méthacholine nécessite la fabrication de solutions de concentrations adéquates par les pharmacies hospitalières dans le respect des bonnes pratiques de fabrication car les solutions de méthacholine ne sont pas commercialisées par l’industrie pharmaceutique en France. Le test de provocation bronchique à la méthacholine conduit à l’élaboration d’une courbe dose-réponse en fonction de l’évolution du VEMS. Schématiquement, un sujet normal ne répond pas à une dose cumulée inférieure à 2 000 μg de métacholine. L’hyperréactivité sera considérée comme modérée entre 600 et 1 200 μg. Une hyperréactivité franche seranotée entre 100 et 600 μg. Tous les individus présentant une hyperréactivité bronchique ne sont pas forcément asthmatiques.
Iatrogénie médicamenteuse et fonction respiratoire
La diminution de la fonction ventilatoire dans l’asthme conduit donc à contre-indiquer, chez les patients asthmatiques présentant un trouble ventilatoire obstructif sévère, l’utilisation de médicaments dépresseurs respiratoires, comme les opiacés (antalgiques, antitussifs) et les benzodiazépines. Les propriétés pharmacologiques de plusieurs médicaments peuvent conduire à un bronchospasme iatrogène pouvant être létal. Il est difficile d’établir une liste exhaustive, nous proposons ici quelques médicaments et situations couramment rencontrées en pratique clinique nécessitant un respect des contre-indications :
– bronchoconstriction par blocage des récepteurs bêta-adrénergiques : bêtabloquants adrénergiques (quelle que soit la voie d’administration) pour lesquels il faut préférer des bêtabloquants cardiosélectifs (ex. : céliprolol), collyres antiglaucomateux (analogues de la prostaglandine F2alpha) ;
– probable formation accrue de leucotriènes (médiateurs de la bronchomotricité) : anti-inflammatoires non stéroïdiens et aspirine dans le cadre du « syndrome de Fernand-Widal » : association d’un asthme souvent grave, d’une rhinite avec polypose naso-sinusienne, d’une éosinophilie sanguine, et d’une intolérance à l’aspirine et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (phénotype particulier, rare chez l’adulte et exceptionnel chez l’enfant) ; l’utilisation de ces médicaments chez le sujet intolérant est responsable d’une aggravation des symptômes, parfois de façon explosive ;
– hypersensibilité parfois de type immuno-allergique : divers médicaments, excipients et phytothérapie.
ASPECTS CLINIQUE ET SÉMÉIOLOGIQUE
L’asthme est une maladie dont l’expression clinique est hétérogène. Plusieurs phénotypes d’asthme ont été définis à partir de critères cliniques et physiopathologiques [8]. Sa prise en charge reposait sur l’évaluation de la sévérité de l’asthme, basée sur les données cliniques (fréquence des symptômes, …) et de fonction ventilatoire [6] (tableau 26.1).
Tableau 26.1 Classification de l’asthme chronique chez l’adulte et l’enfant âgé de plus de 5 ans, d’après les recommandations du GINA [6].

Aujourd’hui, les nouvelles recommandations nationales et internationales utilisent la notion de contrôle de l’asthme. Trois niveaux de contrôle, reposant sur les symptômes diurnes et nocturnes, le recours à l’hospitalisation, la consommation de traitements de crise, le retentissement sur l’activité professionnelle et à l’exercice, la survenue d’exacerbations et le niveau d’obstruction bronchique, sur une période de temps relativement limitée et récente, de l’ordre de 2 à 4 semaines, ou entre deux consultations, ont été proposés, et sont actuellement utilisés en pratique clinique [6] (tableau 26.2).
CLASSIFICATION DES MÉDICAMENTS
Le traitement de l’asthme a considérablement évolué au cours des vingt dernières années. La théophylline a été le premier bronchodilatateur utilisé dans la prise en charge de l’asthme et n’est quasiment plus utilisée aujourd’hui. La prise en charge thérapeutique de l’asthme repose sur le traitement des manifestations aiguës par des bronchodilatateurs, éventuellement associés à des glucorticoïdes, mais également sur le traitement de fond de l’asthme afin de prévenir la survenue et limiter l’intensité des crises asthmatiques. Le pilier du traitement de fond de l’asthme repose sur les glucocorticoïdes principalement utilisés sous forme inhalée, associés ou non à d’autres classes pharmacologiques selon le contrôle de la maladie. Plusieurs innovations thérapeutiques sont apparues au cours des quinze dernières années, par l’apparition d’une part d’associations de médicaments antiasthmatiques sous forme inhalée, et d’autre part de thérapeutiques ciblées sous forme anticorps monoclonaux.
La prise en charge thérapeutique de l’asthme repose actuellement sur trois cibles impliquées dans le processus physio-pathologique de l’asthme : l’inflammation, la bronchoconstriction et les mécanismes cellulaires dans les phénotypes allergiques.
Médicaments agissant sur l’inflammation
L’inflammation des voies aériennes est le mécanisme physio-pathologique précurseur dans l’apparition de la pathologie asthmatique.
Glucocorticoïdes
Le processus inflammatoire est traité de manière continue par les glucocorticoïdes inhalés. Par voie systémique, les glucocorticoïdes sont utilisés par voie orale lors d’exacerbations non contrôlées par voie inhalée (prednisone et prednisolone) et intraveineuse réservée aux asthmes aigus graves (méthyl-prednisolone) (tableau 26.3).
Médicaments agissant sur la bronchoconstriction
Plusieurs classes thérapeutiques agissent sur la bronchoconstriction (tableaux 26.5 à 26.8).
Tableau 26.5 Bêta2-mimétiques utilisés par voies inhalée, orale et parentérale dans le traitement de l’asthme.

Tableau 26.7 Atropiniques anticholinergiques utilisés par voie inhalée dans le traitement de l’asthme.

Tableau 26.8 Antagonistes des récepteurs aux leucotriènes utilisés par voie orale dans le traitement de l’asthme.

Bêta2-mimétiques (ou agonistes des récepteurs bêta2-adrénergiques)
Les bêta2-mimétiques utilisés par voie inhalée sont classés en fonction de leur durée d’action :
– bêta2-mimétiques de courte durée d’action (salbutamol, terbutaline, pirbutérol) utilisés dans le traitement symptomatique de l’asthme. Leur action pharmacologique est immédiate et leur durée d’action varie entre 4 et 6 heures ;
Par voie orale, la durée d’action des bêta2-mimétiques peut être augmentée par une formulation galénique prolongée ou par l’utilisation de précurseur inactif (prodrogue, ex : bambutérol est le précurseur de la terbutaline).
Antagonistes des récepteurs aux leucotriènes (tableau 26.8) Associations médicamenteuses
L’apparition d’association de médicaments antiasthmatiques sous forme inhalée depuis quelques années constitue un facteur favorisant l’observance thérapeutique (tableau 26.9). On parle également de combinaison fixe.
MÉCANISME D’ACTION
Les cibles thérapeutiques des médicaments utilisés dans le traitement de l’asthme sont (figure 26.3) :
– l’inflammation (glucocorticoïdes, cromones) ;
– la bronchoconstriction (bêta2-mimétiques, antagonistes des récepteurs aux leucotriènes, atropiniques anticholinergiques, xanthines) ;
– les mécanismes allergiques (anticorps monoclonaux anti-IgE).
Médicaments agissant sur l’inflammation
Glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes agissent par des mécanismes d’action originaux, essentiellement génomiques, représentés par la régulation transcriptionnelle, permettant soit l’activation (transactivation), soit l’inhibition (transrépression) de nombreux gènes cibles. Ces effets génomiques peuvent également être post-transcriptionnels, caractérisés par une dégradation des ARN messagers, et en particulier de certaines cytokines. L’action antiasthmatique des glucocorticoïdes repose essentiellement sur l’inhibition de la synthèse des médiateurs de la réaction inflammatoire tardive en induisant la synthèse de lipocortine, protéine inhibitrice de la phospholipase A2, bloquant ainsi la synthèse de ces métabolites à partir de l’acide arachidonique. Par leur action anti-inflammatoire, ils agiraient indirectement sur le système non adrénergique non cholinergique (système complexe à action bronchodilatatrice et bronchoconstrictrice médié par de nombreux neuromédiateurs essentiellement peptidiques) en diminuant la libération d’enzymes protéolytiques susceptibles de dégrader les peptides relaxants (vaso-intestinal peptide et peptide-histamine methionine). Les glucocorticoïdes inhibent également les secrétions glandulaires et accélèrent la clairance mucociliaire, luttant ainsi contre les obstructions muqueuses. Ils inhibent enfin le chimiotactisme pour les polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, et augmentent l’affinité des récepteurs pour les bêta2-mimétiques, facilitant ainsi le couplage agoniste-récepteur.
Cromones
Le cromoglycate de sodium est un dérivé de la khelline exerçant une action locale au niveau de la muqueuse bronchique. Son mécanisme d’action reste mal élucidé. Il est classiquement décrit comme un inhibiteur de la dégranulation des mastocytes et des basophiles, et un inhibiteur de la formation des médiateurs au cours de la réaction immunologique ou non immunologique (effort, froid, irritants, …), conduisant à une inhibition de la synthèse et de la libération des médiateurs bronchoconstricteurs, pro-inflammatoires et chimiotactiques observée au cours des réactions allergiques ou déclenchée par des agents non spécifiques. Il ne possède pas d’effet direct vis-à-vis de ces médiateurs au niveau de leurs récepteurs.
Médicaments agissant sur la bronchoconstriction
Bêta2-mimétiques (ou agonistes des récepteurs bêta2-adrénergiques)
L’activité pharmacologique des agonistes des récepteurs bêta2-adrénergiques repose sur la relaxation du muscle lisse bronchique (des grosses bronches aux bronchioles) par stimulation de l’AMP cyclique, conduisant à une cascade de phosphorylation de protéines impliquées dans la régulation du tonus musculaire lisse. L’activation des protéines kinases favorise trois types de réponses :
– diminution des concentrations en calcium cytosolique ;
– inhibition des interactions actine-myosine ;
– ouverture de canaux potassiques Ca2+-dépendants de conductance élevée (BKCa) conduisant à une hyperpolarisation et à une mise au repos de la cellule.
Les agonistes des récepteurs bêta2-adrénergiques sont capables d’exercer leur effet pharmacologique quel que soit le médiateur ayant provoqué la contraction (antagonisme fonctionnel). Les principaux effets broncho-pulmonaires des agonistes des récepteurs bêta2-adrénergiques sont présentés dans le tableau 26.11.
Tableau 26.11 Principaux effets broncho-pulmonaires des agonistes des récepteurs bêta2-adrénergiques.

Les agonistes bêta2-adrénergiques agissent également sur d’autres cibles extra-pulmonaires, notamment métaboliques (glycémie, kaliémie, .), du fait de la présence des récepteurs adrénergiques sur de nombreux types de cellules. Leur action est cependant limitée dans l’asthme par l’administration inhalée.
Xanthines
La théophylline, principal représentant de la classe des xanthines, a été le premier médicament utilisé dans l’asthme. Elle exerce aux doses thérapeutiques des effets antiinflammatoires, immunomodulateurs et bronchodilatateurs, mais ses indications sont actuellement limitées dans l’asthme. Son mécanisme d’action reste encore mal élucidé à ce jour. Elle provoque une action relaxante sur le muscle lisse, reposant sur l’inhibition des phosphodiestérases, et provoquant ainsi une accumulation d’AMP cyclique intracellulaire. D’autres effets bronchopulmonaires et respiratoires ont été identifiés : inhibition de la dégranulation mastocytaire, redistribution du calcium intracellulaire, épuration muco-ciliaire, augmentation de la sensibilité des centres bulbaires au CO2, et effet bêta2-mimétique.
Atropiniques anticholinergiques
L’ipratropium est un bronchodilatateur anticholinergique utilisé par voie inhalée. Son effet bronchodilatateur reste cependant moins puissant que celui exercé par les bêta2-mimétiques par voie inhalée. Il exerce une action compétitive non spécifique préférentiellement au niveau des récepteurs muscariniques du muscle lisse bronchique, entraînant, par effet parasympatholytique, une bronchodilatation, une inhibition de la bronchoconstriction des bronches proximales et une inhibition de la dégranulation des mastocytes et des basophiles.
Antagonistes des récepteurs aux leucotriènes
Le montelukast exerce son activité anti-inflammatoire et inhibitrice de la bronchoconstriction en se liant sélectivement aux récepteurs aux cystéinyl-leucotriènes de type I (médiateurs pro-inflammatoires produits par les mastocytes et les éosinophiles induisant un effet bronchoconstricteur, une augmentation de la sécrétion de mucus, de l’œdème de la paroi des voies respiratoires et de la perméabilité vasculaire, et un recrutement des éosinophiles) avec une grande affinité.
Médicaments agissant sur les mécanismes allergiques (anticorps monoclonaux anti-IgE)
L’omalizumab est le seul anticorps monoclonal possédant une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de l’asthme. L’omalizumab est un anticorps monoclonal humanisé IgG1 dirigé sélectivement contre les IgE humaines. L’omalizumab agit sur les phases précoce et tardive de la réaction allergique en inhibant le relargage des médiateurs chimiques responsables de la phase aiguë, et des facteurs chimiotactiques des polynucléaires éosinophiles impliqués dans la phase tardive [9]. Son mécanisme d’action repose principalement sur la formation de complexes inertes IgE/anti-IgE conduisant à une diminution rapide et importante de la concentration sérique d’IgE circulantes (89 à 99 %) et du nombre de leurs récepteurs à la surface des mastocytes, des polynucléaires basophiles et des cellules dendritiques, inhibant ainsi leur dégranulation et la libération de nombreux médiateurs pro-inflammatoires (leucotriènes, prostaglandines, histamine, etc.) [10]. L’omalizumab réduit également la synthèse des IgE en inhibant la présentation de l’allergène.
Le mepolizumab est un anticorps monoclonal humanisé IgG1 dirigé sélectivement contre l’IL-5 humaine. Il agit en bloquant la liaison entre les IL-5 et leurs récepteurs situés à la surface des polynucléaires éosinophiles, inhibant ainsi la voie de signalisation de IL-5 notamment responsable de la différenciation, la maturation et la migration des cellules dans la circulation [11]. Actuellement en cours d’évaluation pour la prise en charge thérapeutique de l’asthme, son mécanisme d’action repose sur une inhibition sélective et effective de l’inflammation induite par les polynucléaires éosinophiles au cours de l’exacerbation asthmatique [12].
Le daclizumab est un anticorps monoclonal humanisé IgG dirigé sélectivement contre la sous-unité α (CD-25) du récepteur de l’IL-2 situé sur les lymphocytes T CD25+, actuellement utilisé comme immunosuppresseur dans le traitement prophylactique du rejet dans la transplantation rénale. L’inflammation des voies aériennes survenant dans l’asthme est associée à une augmentation des cellules T CD25+ activités, de l’IL-2 et des récepteurs solubles aux IL-2. Le daclizumab pourrait améliorer le contrôle de l’asthme chez les patients asthmatiques persistants insuffisamment contrôlés par les corticoïdes inhalés, en inhibant la synthèse de cytokines pro-inflammatoires par blocage des récepteurs aux IL-2 situés sur les lymphocytes T activés [13].
L’eculizumab, anticorps monoclonal humanisé IgG kappa dirigé contre la protéine C5 du complément, développé pour l’hémoglobinurie nocturne paroxystique, est actuellement en étude clinique de phase II pour le traitement de l’asthme allergique. Son mécanisme d’action repose sur l’inhibition de la formation des protéines C5a et C5b-9, impliquées dans la libération d’histamine par les mastocytes et de cytokines proinflammatoires, mais aussi dans la chimio-attraction des polynucléaires neutrophiles, éosinophiles et des macrophages [14].
CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
La prise en charge de l’asthme repose, en plus des mesures environnementales et hygiéno-diététiques, sur la prise régulière de médicaments (traitement de fond), même en l’absence de crise. L’éducation thérapeutique joue un rôle primordial dans la prise en charge de l’asthme pour assurer une observance optimale et une utilisation adaptée des dispositifs médicaux associés. L’approche thérapeutique de l’asthme a considérablement évolué au cours des quinze dernières années par la découverte de plusieurs innovations thérapeutiques (anticorps monoclonaux, etc.). Le traitement de l’asthme a fait l’objet de multiples recommandations nationales et internationales. L’objectif de la prise en charge thérapeutique de l’asthme est d’obtenir et de maintenir de contrôle de la maladie, c’est-à-dire de :
– prévenir voire supprimer la survenue de manifestations aiguës et limiter leur intensité ;
– maintenir une liberté bronchique totale et permanente entre les éventuelles crises ;
– maintenir un niveau d’activité normal, y compris à l’effort ;
La prise en charge thérapeutique de l’asthme reste actuellement un sujet d’actualité sur le plan international. L’utilisation et la place des bêta2-mimétiques de longue durée d’action dans l’asthme fait l’objet d’une controverse en raison du risque, suggéré par certaines études, d’exacerbation sévère ou de mortalité dans certaines sous-populations de patients asthmatiques [15, 16].
Traitement de l’adulte (et enfant ≥ 5 ans)
Traitement de fond de l’asthme
Mise en place du traitement de fond de l’asthme
L’objectif du traitement de fond de l’asthme est d’obtenir et de maintenir le contrôle de la maladie. Le recours et le choix du traitement de fond repose donc sur le niveau de contrôle de la maladie. Cinq paliers thérapeutiques d’intensité croissante ont été identifiés (figure 26.4). Quel que soit le palier, il est recommandé de réserver la prise d’un bêta2-mimétique inhalé de courte durée d’action en cas d’apparition de symptômes de crise ou d’exacerbation asthmatique. Le niveau de contrôle de l’asthme et le niveau de traitement sont les deux facteurs déterminants le choix thérapeutique à utiliser. L’approche thérapeutique de la prise en charge de l’asthme repose sur une approche par étapes (stepwise approach). La première étape de la prise en charge thérapeutique de l’asthme repose sur l’utilisation de bêta2-mimétiques de courte durée d’action à la demande. Lorsque l’asthme est non contrôlé et sans traitement de fond, il est cependant recommandé de débuter d’emblée la prise en charge thérapeutique par un palier 2 ou 3 en fonction de l’intensité des signes. Un asthme non contrôlé conduit à majorer le traitement en utilisant le niveau supérieur. La stepwise approach conduit à rechercher, chez un patient asthmatique contrôlé depuis au moins 3 mois, le plus bas niveau et les plus basses posologies de traitement permettant de maintenir le contrôle de la maladie, par étapes successives. De même, une majoration du niveau de traitement, par étapes successives, devrait être considérée en cas d’asthme partiellement contrôlé tout en tenant compte du ressenti du patient.
– Palier 1 : pas de traitement de fond. Les patients présentant des symptômes occasionnels (toux, sifflements, dyspnée ≤ 2 fois/semaine) et de courte durée (quelques heures maximum) ne nécessitent pas de traitement de fond si, entre chaque épisode, les patients sont asymptomatiques avec une fonction ventilatoire normale. Le traitement recommandé repose sur l’utilisation de bêta2-mimétiques inhalés de courte durée d’action à la demande. D’autres médicaments (anticholinergiques inhalés, bêta2-mimétiques de courte durée d’action par voie orale ou théophylline à courte durée d’action) peuvent être considérées, en dépit d’un délai d’action moins rapide et d’un risque majoré d’effet indésirable.
– Palier 2 : corticothérapie par voie inhalée à faible dose (≤ 250 μg/jour équivalent beclomethasone) ou antagonistes des récepteurs aux leucotriènes. Le non contrôle de l’asthme par le premier niveau de traitement conduit à introduire un traitement de fond régulier par glucocorticoïdes inhalés à faibles doses. Les antagonistes des récepteurs aux leucotriènes constituent une alternative thérapeutique aux glucocorticoïdes, particulièrement pour les patients dans l’incapacité ou le manque de volonté d’utiliser des corticoïdes par voie inhalée, ou ayant présenté des effets indésirables consécutifs à la corticothérapie.
– Palier 3 : corticothérapie par voie inhalée à faible dose + bêta2-mimétiques de longue durée d’action ou corticothérapie inhalée à moyenne ou forte dose (> 250 μg/jour équivalent beclomethasone) ou corticothérapie inhalée à faible dose + antagoniste des récepteurs aux leucotriènes ou corticothérapie à faibles doses + théophylline. La stratégie thérapeutique recommandée à ce niveau repose principalement sur l’association de faibles doses de glucocorticoïdes par voie inhalée avec un bêta2-mimétique de longue durée d’action, en combinaison fixe ou administrés séparément. Une augmentation posologique des glucocorticoïdes doit être envisagée en cas de contrôle insuffisant de l’asthme après 3 mois de traitement. L’utilisation de glucocorticoïdes inhalés seuls à dose moyenne constitue une alternative thérapeutique à l’association glucocorticoïdes à faible dose et bêta2-mimétique de longue durée d’action, particulièrement chez les enfants de moins de 4 ans, en raison d’une part du manque de données chez cette population, et d’autre part du fait d’une efficacité probablement inférieure par rapport à l’augmentation posologique des glucocorticoïdes par voie inhalée. Deux autres alternatives thérapeutiques aux bêta2-mimétiques de longue durée d’action sont possibles : antagonistes des récepteurs aux leucotriènes et théophylline.
– Palier 4 : corticothérapie par voie inhalée à moyennes ou fortes doses (> 250 μg/jour équivalent beclomethasone) + bêta2-mimétiques de longue durée d’action et/ou antagonistes des récepteurs aux leucotriènes et/ou théophylline. Le choix des traitements dépend de la stratégie thérapeutique mise en place aux deux précédents niveaux. L’approche la plus fréquente repose sur l’association de moyennes ou fortes doses de glucocorticoïdes par voie inhalée avec un bêta2-mimétique de longue durée d’action. L’utilisation de fortes doses de glucocorticoïdes est associée à une majoration du risque d’effets indésirables. Elle est seulement recommandée pendant une période de 3 à 6 mois au cours de laquelle le contrôle de l’asthme ne peut être atteint avec une dose moyenne de glucocorticoïdes inhalés associés à un bêta2-mimétique de longue durée d’action et/ou un antagoniste des récepteurs aux leucotriènes ou la théophylline. L’utilisation d’antagoniste des récepteurs aux leucotriènes avec des moyennes ou fortes doses de glucocorticoïdes par voie inhalée présente un bénéfice moins important qu’avec les bêta2-mimétiques de longue durée d’action.
– Palier 5 : corticothérapie par voie orale ± omalizumab (anticorps monoclonal réservé aux asthmes allergiques sévères réfractaires) en association aux traitements de palier 4. Le recours aux glucocorticoïdes par voie orale ne doit être envisagé que chez les patients présentant un asthme sévère non contrôlé par les traitements utilisés précédemment, présentant une limitation de l’activité ainsi que des exacerbations fréquentes, après avoir contrôler tous les autres facteurs susceptibles d’entraîner un défaut du contrôle de la maladie (exposition environnementale, observance thérapeutique, obésité, pathologies ORL, etc.). Cette stratégie thérapeutique est efficace mais elle est associée à l’apparition d’effets indésirables. La dose minimale efficace doit être recherchée. Le recours aux anticorps monoclonaux anti-IgE (seuls anticorps monoclonaux actuellement commercialisés en France) permet une amélioration significative du contrôle de l’asthme chez les patients présentant un asthme allergique non contrôlé par les autres alternatives thérapeutiques.
Adaptation du traitement de fond
La durée des paliers thérapeutiques recommandée est de 1 à 3 mois. Toute initiation ou modification de traitement doit faire l’objet d’une réévaluation à 3 mois, à l’exception de la corticothérapie par voie orale qui doit faire l’objet d’une consultation plus précoce à un mois. L’adaptation du traitement est fonction du niveau de contrôle de l’asthme et du traitement de fond en cours. Il est recommandé d’amorcer la décroissance de la corticothérapie inhalée lorsque l’asthme est stabilisé depuis au moins 3 mois. À l’inverse, un asthme insuffisamment contrôlé nécessite une augmentation de niveau de traitement et une réévaluation dans le mois suivant le contrôle. Avant tout ajustement de la thérapeutique, il convient de s’assurer qu’il n’existe pas d’autres causes expliquant ce mauvais contrôle de la maladie (mauvaise observance, utilisation incorrecte des dispositifs médicaux, exposition aux allergènes, pathologies ORL, .). La fréquence de surveillance est ensuite adaptée à la sévérité et au contrôle de la maladie.
Traitement de l’asthme aigu
L’asthme aigu doit être considéré comme une urgence médicale, dont la gravité doit être rapidement évaluée. L’évaluation tient compte du terrain (antécédents d’asthme, âge, fonction ventilatoire, comorbidités, .), des circonstances de survenue (interruption du traitement anti-inflammatoire, exposition à un allergène, surconsommation de médicaments bronchodilatateurs, …) et de la présentation clinique (figure 26.5). La mesure du débit expiratoire de pointe (DEP) permet de quantifier l’obstruction bronchique. Les formes sévères d’emblée nécessitent une hospitalisation rapide. Dans les autres cas, l’efficacité du traitement de première ligne doit être rapidement réévaluée avant de décider du maintien à domicile du malade. La survenue d’asthme aigu sévère et/ou fréquent doit conduire à une réévaluation du traitement de fond.
Traitement de la crise simple
Le traitement de la crise d’asthme repose sur l’administration de bêta2-mimétiques de courte durée d’action par voie inhalée (aérosol/spray ou inhalateur de poudre sèche). L’administration peut être renouvelée quelques minutes plus tard jusqu’à amélioration clinique. L’apparition de crises plus fréquentes ou la persistance des symptômes doivent conduire à une réévaluation médicale.

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