Chapitre 26
Rééducation des lésions ligamentaires de la métacarpo-phalangienne du pouce
L’importance du pouce dans la fonction de la main n’est plus à souligner.
Le mot pouce « pollex » vient du verbe latin « pollere » être fort. Un homme sans pouce ne peut plus saisir une arme et ne peut plus se défendre. Il fuit le combat et devient un poltron, toujours du latin « pollex truncus ». Les Romains le savaient bien, eux qui amputaient le pouce des galériens pour les empêcher de se révolter. Toute altération à la stabilité et à l’indolence du pouce, notamment au niveau de la métacarpophalangienne (MCP), entraîne des répercussions invalidantes sur l’ensemble de la fonction de la main [1].
Rappel anatomique
L’articulation métacarpo-phalangienne du pouce est une condylienne. Elle possède deux degrés principaux de liberté : flexion-extension et inclinaison radiale et ulnaire. Du fait de sa complexité : asymétrie des condyles, axes articulaires diagonaux, il existe un troisième degré de liberté : la rotation axiale. La rotation axiale ou pronosupination est à la fois passive de par la forme et l’orientation des surfaces articulaires et des butées ligamentaires, et active de par l’action des tendons des muscles extrinsèques qui croisent l’articulation et intrinsèques rassemblés en deux groupes : sésamoïdiens internes et externes. La rotation axiale permet le placement de la première phalange en pronation ou en supination. Elle est cruciale pour l’opposition [2]. La rotation active est facilement évaluable par une prise manuelle en dérotation.
La stabilité latérale de la MCP du pouce est essentiellement passive. La seule stabilisation active contrôlant le valgus est assurée par les muscles sésamoïdiens internes au travers de leur insertion sur la base de P1 et sur la dossière de l’adducteur [3]. Lors des entorses graves, ces structures sont lésées et ne peuvent plus assurer leur rôle. Il est illusoire au niveau de la MCP du pouce de vouloir compenser le déficit de la stabilité passive par une amélioration de la stabilité active comme cela peut s’envisager – jusqu’à un certain point – au niveau d’articulations que croisent des tendons de muscles extrinsèques comme le genou ou la cheville.
Épidémiologie
Toutes les activités sportives, professionnelles ou de la vie courante peuvent entraîner une lésion de la MCP du pouce. Le ligament latéral ulnaire (LLU) est le plus souvent touché. Les atteintes du ligament latéral radial (LLR), moins fréquentes, doivent être traitées avec la même attention [4].
Diagnostic
La simple douleur sur le trajet ligamentaire sans aucune laxité correspond à l’entorse bénigne.
Une laxité modérée de quelques degrés indique une entorse de moyenne gravité.
La laxité est recherchée d’abord MCP demi-fléchie (lésion du ligament principal), ensuite MCP en extension (rupture des ligaments principaux et accessoires). L’instabilité rotatoire est aussi systématiquement recherchée ainsi que la subluxation antérieure de la phalange proximale signant une atteinte globale de l’appareil antérieur. Le test à l’élastique proposé par Van Wetter est utile [5] (figure 26.1).
Deux signes sont de grande valeur diagnostique :
• plus que l’amplitude de la laxité retrouvée, c’est la mollesse ressentie en fin de course qui oriente vers une lésion grave du ligament ;
• l’existence d’un hématome nummulaire à la face dorsale de l’interphalangienne du pouce signe la diffusion de l’hémarthrose le long du long extenseur du pouce résultant de la rupture capsulo-ligamentaire.
L’effet Stener
Le passage du fragment proximal du LLU arraché ou rompu, au-dessus de l’expansion de l’abducteur au long extenseur du pouce dans les entorses graves est classique [6]. L’existence de cette interposition rend compte de l’impossibilité qu’ont ces lésions à cicatriser d’elles-mêmes et justifie l’intervention systématique sur les ruptures complètes du LLU.
Traitement
Il est identique pour les entorses du compartiment radial (LLR) ou du compartiment ulnaire (LLU).
Entorse de moyenne gravité
En cas d’entorse de moyenne gravité sans arrachement osseux ou avec un fragment osseux strictement non déplacé : immobilisation pendant quatre semaines par orthèse en thermoplastique remodelée à la demande pour éviter, lors de la régression de l’œdème, une déviation de la MCP et une cicatrisation d’un ligament collatéral en position longue.
L’immobilisation par plâtre ou résine non surveillée et revue après un mois est à proscrire. Une cicatrisation en mauvaise position entraîne dès la reprise de la fonction une modification de la cinématique articulaire, le « uneven tracking » des auteurs anglo-saxons [7] et une arthrose au bout de quelques années.
Entorse grave
Technique opératoire
L’utilisation du barb-wire dans la reposition des fragments osseux n’est plus commune. Les ancrages intra-osseux par matériel de type Mitek® ou résorbables [8] n’apportent pas d’avantage dans cette technique particulièrement simple [9]. Ce qui vient d’être dit concerne les lésions fraîches, c’est-à-dire vues dans les dix à quinze premiers jours. Dans les cas d’entorses vieillies, négligées où il existe une laxité chronique douloureuse et gênante pour lesquelles il n’est plus possible d’envisager une réparation primitive, il peut être réalisée une ligamentoplasties classiques avec du matériel tendineux ou bien une ligamentoplastie synthétique passée dans les orifices transosseux [10]. La ligamentoplastie par greffon tendineux a tendance à se relâcher avec le temps laissant réapparaître laxité et manque de force de pince. Les matériaux synthétiques sont bien tolérés et réhabités donnent une stabilité et une force de serrage qui se conservent avec le temps [11].
Rééducation
Les entorses du LLR se rééduquent de la même façon que celles du LLU. Les atteintes isolées de la plaque palmaire d’indication non-chirurgicale sont rééduquées comme les lésions bénignes par mobilisation immédiate.
Rappel sur les effets annexes d’une entorse
Toute entorse, mise à part la lésion ligamentaire, risque d’entraîner [12,13] :