Chapitre 26 Item 96 – Méningites infectieuses et méningoencéphalites chez l’adulte
Objectifs pédagogiques
CEN
Connaissances requises
Décrire le syndrome méningé et le syndrome encéphalitique.
Connaître les contre-indications de la ponction lombaire.
Connaître les principaux agents infectieux causes de méningite et/ou méningoencéphalite ainsi que, pour chacun d’eux, les caractéristiques cliniques, de terrain (méningocoque, pneumocoque, Listeria, BK, bacille à gram négatif) et les données de la ponction lombaire.
Énoncer les signes de gravité devant un tableau de méningite ou de méningoencéphalite.
Décrire les arguments diagnostiques d’une méningite lymphocytaire aiguë bénigne.
Citer les principales complications à distance des méningites et encéphalites.
I Syndrome méningé
• Il est lié à une irritation pathologique des enveloppes méningées (arachnoïde et pie-mère) et du LCS (liquide cérébrospinal).
• Il s’accompagne constamment de modifications biologiques du LCS.
• Il peut être consécutif à une méningite (liquide clair ou trouble, LCS anormal), une hémorragie méningée (liquide hémorragique), un méningisme (LCS normal).
A Diagnostic positif
1 Céphalées
• Les céphalées sont le signe le plus évocateur, le plus constant et le plus précoce.
• Intenses, diffuses (prédominent parfois en région frontale), violentes, continues avec des paroxysmes, insomniantes, exagérées par le bruit (phonophobie), la lumière (photophobie), les mouvements et l’examen clinique, non calmées par les antalgiques habituels, elles s’accompagnent de rachialgies et d’une hyperesthésie cutanée diffuse.
3 Raideur de nuque
• La raideur de nuque est une contracture de défense des muscles paravertébraux en rapport avec la douleur secondaire à l’inflammation des méninges.
• Douloureuse et permanente, elle est parfois évidente : attitude particulière en « chien de fusil » (dos tourné à la lumière, tête en arrière, membres demi-fléchis).
• Toute tentative de la flexion progressive de la tête entraîne une résistance invincible et douloureuse (raideur de nuque).
• Les mouvements de rotation et de latéralité sont possibles, mais augmentent la céphalée.
• Différentes manœuvres confirment la raideur méningée ou la révèlent dans les formes frustes :
B Diagnostic étiologique
1 En faveur d’une méningite infectieuse
• La moindre brutalité du début, la présence d’une fièvre à 39–40 °C avec frissons, sueurs et myalgies, la notion d’une épidémie, d’autres signes infectieux : diarrhée, rhinopharyngite, rash cutané. Le caractère fébrile du syndrome méningé est souvent évident sauf en cas de prise d’antipyrétique qui masque l’élévation de la température. Parfois, une autre cause de fièvre est associée : pneumopathie, foyer ORL (sinusite, otite) qui constitue la porte d’entrée de la méningite, pré-delirium tremens.
• On distingue la forme aiguë, décrite précédemment, les méningites subaiguë ou chronique où les céphalées dominent le tableau et parfois le résument (céphalées chroniques continues avec des paroxysmes). Les autres signes fonctionnels et physiques sont inconstants. Le syndrome infectieux est souvent également plus discret (fièvre fluctuante). Les signes d’accompagnement (atteinte des nerfs crâniens, signe de focalisation, syndrome confusionnel) dominent parfois le tableau et sont également très variables selon le contexte.
II Syndrome encéphalitique
• Il est associé au syndrome méningé (méningoencéphalite) ou survient de façon isolée.
• Il résulte de l’inflammation de l’encéphale (signes de dysfonctionnement du système nerveux central) :
• L’association de troubles de conscience, de signes neurologiques de focalisation dans un contexte d’état fébrile n’est pas systématiquement la traduction d’une encéphalite et peut être liée à d’autres causes (état de mal fébrile, thrombophlébite cérébrale).
III Signes de gravité
Tout signe de gravité impose une hospitalisation en milieu de réanimation.
Signes de gravité
• Signes d’encéphalite au cours d’une méningite.
• Aggravation progressive du coma.
• Troubles respiratoires : Cheynes-Stokes, pauses respiratoires, encombrement bronchopulmonaire, insuffisance respiratoire.
• Troubles végétatifs : bradycardie et poussées hypertensives par hypertension intracrânienne ou hypercapnie, collapsus d’origine centrale ou respiratoire, hypothermie.
• Hypertension intracrânienne pouvant témoigner d’un blocage à l’écoulement du LCS avec hydrocéphalie liée au feutrage arachnoïdien.
• Choc septique ou pathologie sous-jacente susceptible de se décompenser.
IV Ponction lombaire
• La ponction lombaire confirme le diagnostic de méningite. Elle sera réalisée sans être précédée d’un scanner cérébral, sauf en cas de signes de focalisation ou d’hypertension intracrânienne, de troubles de la conscience (Glasgow ≤ 11), de convulsions focales, notamment chez l’enfant de moins de 5 ans, d’un œdème papillaire au fond d’œil (le fond d’œil n’est pas obligatoire avant la réalisation de la ponction lombaire, en effet l’absence de signe d’œdème papillaire n’exclut pas un tableau d’hypertension intracrânienne). Le risque d’engagement cérébral est quasi absent.
• Devant toute suspicion de méningite avant l’instauration d’une antibiothérapie, on demande systématiquement dans le LCS : cytologie, glycorachie (normale = 2/3 de la glycémie), protéinorachie, chlorurachie, examen bactériologique direct (coloration de Gram), mise en culture. On n’omettra pas de réaliser une hémoculture.
• Toujours prélever un ou plusieurs tubes supplémentaires pour d’autres analyses en fonction du contexte : recherche d’antigènes solubles pneumococciques dans le LCS, PCR dans le cadre d’une méningoencéphalite virale (herpesvirus) ou bactérienne (tuberculose, méningocoque, pneumocoque), PCR universelle pour une bactérie ne se cultivant pas, dosage des lactates.
A Technique
• Elle se réalise au niveau du cul-de-sac lombaire entre L4 et L5 ou L3-L4 ou L5-S1. L’espace L4-L5 se repère sous une ligne horizontale rejoignant les deux crêtes iliaques. Le malade est assis, courbé en avant (dos rond) ou couché. Les règles d’asepsie doivent être respectées (désinfection, port de gants). La ponction se fait dans un plan sagittal et médian selon une direction légèrement ascendante (30°) entre les apophyses épineuses. Après avoir franchi la résistance du ligament vertébral postérieur, l’aiguille à mandrin pénètre dans le cul-de-sac (sensation d’une seconde résistance). Le liquide est prélevé, puis l’aiguille est retirée d’un coup sec.
• La ponction lombaireest contre-indiquée : en cas de signes d’hypertension intracrânienne, en cas de traitement anticoagulant qui pourrait créer un hématome extradural rachidien et si le taux de plaquettes est anormalement bas, en cas d’instabilité hémodynamique.
B Incidents
• Impossibilité de réaliser la ponction en raison d’une scoliose, d’une agitation ou d’une calcification du ligament interépineux.
• Piqûre d’une racine nerveuse qui provoque une simple décharge électrique brève sans conséquence.
• Ponction blanche (le liquide ne coule pas) : déshydratation sévère ou compression de la moelle sus-jacente.
• Liquide hémorragique en cas de ponction traumatique.
V Orientation du diagnostic en fonction des résultats du LCS
Elle s’établit sur les éléments suivants :
• l’aspect du liquide : hémorragique, claire, trouble ou purulent ;
• sa composition cytologique : normale, pléiocytose (lymphocyte ou polynucléaire) ;
• l’analyse chimique : protéinorachie, glycorachie, chlorurachie.
A Liquide hémorragique
• Évoquer en première intention une hémorragie méningée. Liquide uniformément rouge et incoagulable dans les trois tubes, justifiant des investigations neuroradiologiques en urgence (le liquide devient ensuite xanthochromique, il comprend de nombreuses hématies et des pigments sanguins). En cas de ponction lombaire traumatique, la teinte se modifie dans les trois tubes avec un éclaircissement progressif du LCS.
• Le liquide peut être hémorragique dans certains cas de méningites bactériennes, tuberculeuses et dans la méningoencéphalite herpétique.
B Liquide clair
2 Pléiocytose
• La pléiocytose (plus de 3 à 5 éléments/mm3, souvent plusieurs centaines) est constituée à majorité de lymphocytes (supérieurs à 50 %).
• Une méningite lymphocytaire normoglycorachique avec élévation modérée de la protéinorachie inférieure à 1 g/l est, a priori, virale (méningite lymphocytaire aiguë bénigne). Il faut bien entendu éliminer toute manifestation neurologique centrale qui pourrait évoquer une méningoencéphalite herpétique.
• Une méningite lymphocytaire hypoglycorachique avec protéinorachie élevée habituellement supérieure à 1 g/l et hypochlorurachie oriente vers une méningite tuberculeuse ou une listériose.
• D’autres maladies infectieuses peuvent se manifester par une méningite à liquide clair :