24: Sein reconstruit et prothèses mammaires: Aspects normaux et complications

Chapitre 24 Sein reconstruit et prothèses mammaires


Aspects normaux et complications



Deux situations très différentes sont l’objet de ce chapitre : la chirurgie à visée esthétique, au premier rang de laquelle la chirurgie d’augmentation par implant ; la chirurgie réparatrice et de reconstruction essentiellement après cancer du sein.


On estime qu’environ 500 000 femmes sont porteuses d’implants en France, dont 15 à 20 % seulement dans le cadre d’une reconstruction après cancer.


Les prothèses en silicone ont fait l’objet de différentes polémiques. Elles ont été interdites en 1992 aux Etats-Unis et de 1995 à 2001 en France, période où seuls les implants remplis de sérum physiologique étaient autorisés. A la suite de plusieurs expertises, les implants en silicone ont été à nouveau autorisés en France en 2001. En 2011, un scandale sanitaire a éclaté, concernant les prothèses de marque PIP implantés chez 30 000 femmes françaises, amenant l’Afssaps à recommander l’explantation de celles-ci.


Ce sont l’apparition de l’IRM et de la mammographie numérique qui ont permis un véritable tournant dans la capacité d’exploration de ces différentes situations.



Techniques d’exploration


Trois techniques principales permettent l’exploration des seins reconstruits et des prothèses mammaires : la mammographie numérique, l’échographie et l’IRM.


La mammographie identifie l’implant, précise sa nature et sa situation.


Si la patiente vient spécifiquement pour l’étude des implants, il peut être utile de commencer par une incidence bilatérale dite de « profil costal » sans compression (fig. 24.1).



Cette incidence a un intérêt médico-légal évident : elle visualise d’emblée une éventuelle rupture et celle-ci ne pourra pas être mise sur le compte de la compression mammographique.


Si la rupture est d’emblée prouvée, la patiente est informée avant la réalisation des incidences classiques avec compression.


Pour les implants en silicone, les clichés obliques externes sont réalisés avec un haut kilovoltage associé à un post-traitement de l’image adapté aux implants. Cette technique permet de visualiser, de manière optimale et sur la même incidence, le contenu de l’implant et le tissu mammaire (fig. 24.2).



Les incidences craniocaudale et de profil seront réalisées selon la technique d’Eklund, celle-ci permettant de refouler en arrière l’implant afin de dégager le parenchyme mammaire (fig. 24.3).



L’échographie permet une bonne exploration de la glande, de la partie antérieure et latérale de l’implant. Elle est moins performante pour l’analyse de la partie profonde, postérieure de l’implant. Elle sera complétée systématiquement, pour les implants en silicone, par une exploration des creux axillaires.


L’IRM permet d’explorer sans compression l’ensemble du volume mammaire, d’une reconstruction et/ou des implants dans tous les plans de l’espace.


L’examen IRM comporte en règle des séquences pondérées en T1 (écho de gradient 3D), T2 (turbo spin echo – TSE), STIR (inversion récupération). La recherche d’une lésion mammaire nécessite une séquence dynamique après injection de produit de contraste.


Les séquences pondérées en T1 sont surtout utiles pour distinguer les épanchements liquidiens périprothétiques des fuites de silicone [1].


Pour la recherche des ruptures, les séquences pondérées en T2 (turbo spin echo) et les séquences en inversion récupération (STIR) avec suppression du signal graisseux et du signal hydrique sont les plus utiles [2, 3].


Sur la séquence en TSE T2, la graisse présente un hypersignal inférieur à celui de la silicone et de l’eau. En séquence STIR, le signal de la graisse est annulé et la séquence est plus spécifique de la silicone [4].


Les séquences supprimant le signal de la silicone (le contenu de l’implant apparaissant noir) sont de moindre intérêt en pratique [5].


La séquence dynamique en pondération T1, après injection de gadolinium, permet la recherche des lésions tissulaires mammaires. Elle peut révéler une tumeur difficile à détecter sur les explorations conventionnelles (mammographie et échographie) et/ou diriger ces dernières vers des régions d’intérêt hypervascularisées [6].


Des artéfacts peuvent être liés à l’implant : mauvaise visibilité de la paroi (coupes trop épaisses), plan d’exploration inadéquat pour bien visualiser les plis et détecter une rupture, confusion entre prothèse à double chambre et rupture intracapsulaire, etc.


Les artéfacts peuvent être liés à la patiente (mouvements, artéfacts de susceptibilité dégradant la suppression eau ou silicone, implant trop volumineux pour l’antenne sein).


Enfin, ils peuvent être liés au matériel (mauvaise suppression du signal de l’eau ou de la graisse) [7].


Les indications de l’IRM découlent le plus souvent des limites des explorations conventionnelles (mammographie et échographie). Ce sont notamment :




Prothèses remplies de silicone


Les prothèses de silicone à simple ou double chambre sont placées en situation rétroglandulaire ou rétromusculaire.


La mammographie numérique améliore la détection des anomalies mammaires et de l’implant. En particulier les clichés obliques externes en haut kilovoltage et le traitement numérique approprié permettent d’affirmer ou d’infirmer la visibilité des plis normaux et ainsi de poser immédiatement le diagnostic de rupture dans un grand nombre de cas.


L’aspect d’une prothèse en gel de silicone intacte est typique : les implants préremplis de silicone forment un volume opaque parcouru de plis fins « gris ou noirs » contrastant avec la densité du gel (fig. 24.4).



En mammographie, la prothèse remplie de gel de silicone est susceptible de masquer une partie plus ou moins importante de la glande.


Le dépistage des cancers de petite taille sur les incidences habituelles peut alors être compromis et retardé. La technique d’Eklund, complétant les incidences standard, permet de dégager quelques centimètres de tissu mammaire supplémentaires sans risque de rupture de l’implant [10]. Elle est parfois difficile à réaliser notamment en cas de rétraction de la capsule fibreuse.


L’échographie permet d’explorer l’ensemble du parenchyme mammaire autour de la prothèse. L’analyse des plans postérieurs est plus difficile en règle.


Elle permet également de visualiser la paroi de la prothèse et les modifications de son contenu.


L’implant normal présente un aspect essentiellement trans-sonique. Il existe dans sa partie antérieure des artéfacts échogènes de réverbération. L’étude en imagerie d’harmonique permet de les réduire voire de les faire disparaître, les différenciant ainsi d’une rupture.


Il peut contenir quelques éléments échogènes punctiformes uniformément repartis, ou quelques éléments linéaires courts, voire arciformes.


L’élastomère est facilement suivi sur le pourtour.


Parfois une fine lame liquidienne entoure l’implant et ne présente pas de caractère pathologique.


L’IRM permet de pallier les insuffisances de l’imagerie conventionnelle quand celle-ci est prise en défaut [11, 12].


La silicone apparaît en hyposignal en T1 et en hypersignal en T2 (hypo- et hypersignaux moins marqués que ceux du sérum physiologique dans les deux cas) et en hypersignal franc en séquence STIR, tandis que le sérum physiologique présente un hyposignal franc (fig. 24.5).



L’IRM précise le siège d’implantation rétroglandulaire ou rétromusculaire des implants [13].


L’apparence de l’implant et des plis normaux dépend du type d’implants, du degré de remplissage, de la position, de la taille et de la forme de l’implant, de l’épaisseur de la paroi, du degré de rétraction capsulaire.


Les plis sont souvent courts perpendiculaires à la paroi, parfois arciformes, plus rarement en triangle, ramifiées, voire peuvent traverser toute la lumière.



Complications des prothèses remplies de gel de silicone



Rétractions capsulaires fibreuses


Tous les implants sont entourés par une capsule fibreuse biologique qui se forme très rapidement. Elle peut se calcifier et/ou se rétracter. Ce risque est plus important pour les implants en situation rétroglandulaire.


La classification clinique de Baker distingue quatre stades selon le degré de rétraction : stade 1, capsule fibreuse normale ; stade 2, épaississement sans douleur ni déformation ; stade 3, rétraction avec déformation de l’implant ; stade 4, stade 3 avec douleurs [14].


En mammographie la prothèse apparaît sphérique, globuleuse et l’asymétrie peut être nette avec le côté opposé, si la coque est unilatérale.


Elle peut se traduire directement par une bande radio-opaque plus ou moins épaisse autour de la prothèse, dont les contours deviennent irréguliers, crénelés (fig. 24.6).



La prothèse peut se déformer et réaliser des diverticules voire de véritables hernies parfois palpables [15].


L’échographie est peu utile pour visualiser et analyser une rétraction fibreuse, mais permet de bien visualiser les zones de hernie.


L’IRM permet dans la plupart des cas de faire la différence entre hernie importante et rupture extracapsulaire.


La hernie à travers la capsule fibreuse peut être celle d’un implant intact ou au contraire rompu (paroi + gel). On appelle plutôt extrusion la migration du seul gel.


Cependant cette distinction entre protrusion de la capsule par hernie (avec ou sans rupture) et extrusion de gel est parfois difficile (fig. 24.7).






Ruptures


Les ruptures peuvent être inexpliquées, ou liées à un traumatisme direct voire secondaire à une capsuloclasie externe (squeezing pour traitement d’une rétraction capsulaire).


Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 24: Sein reconstruit et prothèses mammaires: Aspects normaux et complications

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